VOYAGE
#•
AUTOUR DU MONDE
FAIT
PAR ORDRE DU ROI.
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IHPRIME
PAR AUTORISATION DU ROI
A l’imprimerie royale.
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VOYAGE
AUTOUR DU MONDE,
IZntxtptt# pax <&xtfxt tru 3&ot,
SOUS LB MINISTERS BT CONFORMEMENT AUX INSTRUCTIONS DB S. EXC. M. LB VICOMTB DU BOUCHAGE ,
SECRETAIRE D’ETAT AU dEpARTEMENT DE LA MARINE ,
S&ecute Jwr corvette# c/e dXDtame e/ fix
icteutve
fi&ndan/ awneej sSsy, sSsy e/ sSzo/
Vutlit *ou* It* auopi tt*
DE S. E. M. LE COMTE CORBIERE , SECRETAIRE D’ETAT DE L’INTERIEUR ,
Qouo la po/tfcU *)i dtoxique el led Set eitced luthvtefflee f
BT DB 8. E. M. LE COMTB CHABROL DB CROUZOL, SECRETAIRE D’ETAT DE LA MARINE ET DBS COLONIES,
Qtouo la pouefci* SRooa ibique j
PAR M. LOUIS DE FREYCINET,
Capital ne de vaisseau, Chevalier de Saint-Louis et Officier de la Legion dTionneur, Membre de
I’Acade'mie rojale des sciences de 1’Institut de France , &c. ; Commandant de 1’ezpedition.
I^istori^ut. ^
TOME PREMIER. — DEUXlfeME P ARTIE.
PARIS,
C HEZ PILLET AiNE , IMPRIMEUR-LIBRAIRE , RUE DES GRANDS-AUGUSTINS, N.° 7.
1828 .
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Le Voyage autour du Monde par les Corvettes I’Uranie et la Physicienne ,
se compose des divisions suivantes :
1. ° Histoire du Voyage, 2 vol. in - 4 ." et Atlas de 112 Planches in - folio ;
2. ° Recherches sur les langues, 1 vol. in - 4 ." ;
3. " Zoo LOGIE , 1 vol. in - 4 .° et Atlas de 96 Planches in - folio ;
4 . ° BOTANIQUE, 1 vol. in - 4. 0 et Atlas de 120 Planches in - folio ;
5. ° Observations du Pendule, 1 demi-vol. in - 4 ." ;
6. ° Observations magnetiques, l demi-vol. in - 4 : ;
I ." Meteorologie, 1 vol. in - 4 .° ;
8.° Hydrographie, 1 vol. in - 4. 0 et Atlas de 22 Planches grand in - folio .
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LIVRE II.
DU BRESIL A TIMOR INCLUSIVEMENT.
CHAPITRE X.
Travers ee de Rio de Janeiro au Cap de Bonne-Esperance ;
sejour dans cette colonic.
La navigation de I’Uranie, du Brasil au Cap de Bonne-Esp^rance , ne ,818.
fut accompagn^e d’aucun evenement nautique digne de fixer fatten- Janvier,
tion. Apres nous etre elev^s par une latitude assez m^ridionale pour
trouver les vents ndcessaires a la route que nous avions a faire, jious
nous dirigeames de maniere a passer au Nord, quoique hors de vue des
ties de Tristan da Cunha , et venir reconnoitre la cote d’Afrique , dans
le voisinage du lieu de notre destination. Mais cette traversee, favorable
sous tant de rapports , devint funeste a fun de nos plus habiles officiers ,
et fut ainsi pour nous une source eternelle de regrets.
Dune constitution foible et delicate, M. Laborde avoit un z£Ie pour Fevrier.
le service qui s’allioit souvent fort mal avec I’etat de ses forces physiques.
£tant de quart, le 1 4 fevrier au soir, il for^a sa voix en commandant la
manoeuvre , et cracha aussitot un peu de sang. D’abord on nen con^ut
qu'une l£g£re inquietude : mais le lendemain , une h&norrhagie violente
s’etant d^claree, on s’aper^ut que cet officier s’^toit rompu un vaisseau
dans la poitrine. Les moyens d’usage, employes aussitot par nos m<*de-
cins , ne purent arr^ter la marche de la maladie; le soir, les crachemens
de sang se renouvel£rent , et ils eurent lieu d^s-lors constamment deux
fois par jour, a des epoques a-peu-pr^s regimes.
Dans la ntiit du z i , f oppression commen^a k se faire sentir , et le
Voyage de VUranie. — Historique. X X
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1 8 1 8.
Fevrier.
3 44 VOYAGE AUTOUR DU MONDE.
mal avoit fait des progr^s si effrayans , que ie iendemain matin , d£s les
dix heures, il n’y .avoit plus aucun espoir !
« Le malade lui-m£me , dit M. Quoy , conservant toutes ses facult&
intellectuelles , fut des premiers & juger de son ^tat , mais avec une force
d’ame et un courage d’autant plus grands , que cet infortun^ jeune homme
paroissoit beaucoup tenir k la vie. II prit la main du commandant , celle
de chacun de nous, et nous fit ses adieux, ainsi qu’aux principaux de
l’equipage; il mit ensuite ordre a ses affaires, demanda et re$ut M. i’abb^
de Quelen, qui lui administra les derniers sacremens.
» L’homme affoibli graduellement , sous le toit domestique , par une
maladie longue et douloureuse , s’tfteint familiarise pour ainsi dire avec
l’idee de sa destruction inevitable. Mais combien plus cruelle est l’approche
de ce moment fatal pour celui qui , isold sur le vaste Ocdan , se voit ino-
pindment frapp£ a la fleur de l’age dune atteinte mortelle , et succombe
sans £tre entourt: des tendres et consolantes sollicitudes des personnes
qu’il cfr&it le plus! Privation qui nest pas la moins p^nible de toutes
celles que le marin 6’impose ^obligation de subir ! « La perte de la vie n’a
» rien de redoutable pour moi, disoit M. Laborde, en nous tendant la
» main Mai$ laisser dans I’affliction mes bons parens , mes amis ; ne
» plus les revoir : c’esf le plus grand, c’est I’unique de mes regrets ! »
» Les souffrances de son agonie furent poignantes et prolong^es : il
men exprimoit la violence en me serrant la main de temps en temps.
Enfin, par une de ces faveurs de la Providence, qui semble vouloir
derober aux sens du ipourant l’horreur de sa position, sa t£te se perdit,
et il n’eut presque plus de connoissance jusqu’au Iendemain, 23 fdvrier
18 1 8, ou il cessa de vivre, vers les six heures du matin. »
Telle fut la fin pr6naturde de Clair-Leonard-Theodore Laborde (1).
L’amabilite de spn caract^re l’avoij: rendu cher a tous ses camarades;
spn instruction vari^e , son habitude des observations et du calcul, un
talent remarquable pour le dessin, en faisoient un sujet prdcieux dans
une expedition scientifique , ou tant d’occasions de les rendre profitable^
(1) Ne a Lorient, il passa fort jeune k Hle-de-France avec sa famille, entra d.e bonne heur*
dans la marine, ou il parvint au grade d*enseigne de vaisseau. II mourut a Page de vingt-huit
ans , apres en avoir passe quinze au service.
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LIVRE II. — Du Br£sil X Timor inclusivement. 345
devoient se presenter. Nous donnames universellement des larmes X sa
m&noire, et partageames paravanceles angoisses auxquelles sa famille,
qui i’attendoit a I’IIe-de-France , seroit livree lorsque nous lui appren-
drions une perte aussi inattendue et aussi dechirante. Mais , dit l’immortel
auteur de Paul et Virginie, les projets de plaisir, de repos, de de'ltces, d’ abort-
dance, de gloift', ne sont pas faits pour I’homme foible, voyageur etpassager.
Ce fut au milieu de ces tristes pensdes que nous aper<p times enfin les
hautes terres du Cap de Bonne-Esperance. Contraries par une brume
Ipaisse qui s’eleva bientot, nous ne pumes cependant arriver au mouil-
lage de la baie de la Table que le 7 mars dans i’apres-midi.
Peu s’en fallut que les ridicules difficultes qui nous avoient repousses de
T&i^riffe ne se renouvelassent ici : nous en fumes heureusement quittes
pour une quarantaine de trois jours, apres lesquels, ies ordres du gou-
verneur etant arrives , on nous laissa la faculte de descendre X terre.
L’accueil que nous fit le lord Charles Sommerset, gouverneur de la
colonie , fut des plus gracieux. II nous offrit toutes les faciiites possibles
pour I’ex&ution des travaux scientifiques dont nous etions charges, et
nous engagea m£me a nous avancer dans I’interieur de la colonie , ou
nos remarques , embrassant un plus vaste theatre , pourroient offrir aussi
plus d’inter£t. Malheureusement , la courte duree du sejour que nous
devions faire au Cap de Bonne-Esperance ne nous permit point d’accepter
cette derniere faveur.
Graces a I’obligeance de M. Delettre , negociant fran^ais , residant
depuis longues annees au Cap, ou je I’avois connu dans un precedent
voyage , nous pumes nous procurer tout de suite un local propre a I’eta-
blissement de notre observatoire ; nos instrumens y furent transportes
sans deiai, et nous nous livrames assidument a nos experiences habituelles
du pendule et des phenomenes de l’aiguille aimantee.
Le 1 3 mars , MM. Quoy et Gaimard , accompagnes de plusieurs per-
sonnes de notre etat- major, du docteur Mund, botaniste prussien, et
de quelques autres habitans du Cap , firent une course d’histoire natu-
relle. Partis de la ville a cinq heures du matin , ces messieurs arriverent
k dix heures au sommet de la montagne de la Table , apres s’^tre reposes
a diverses reprises. Cette promenade eut ^te pour eux tout-a-fait agr^able,
XX*
1818.
Fevrier.
Mars.
1
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1 8 1 8.
Mars.
3 VOYAGE AUTOUR DU MONDE,
sans une brume ^paisse et une pluie continuelle qui les emp£ch£rent d’etre
t^moins du beau spectacle dont on jouit ordinairement de ce point de
vue devd. Us furent consoles toutefois de ce contre-temps , par l’int<£r£t
des remarques et des collections qu’ils se trouverent a portae de faire.
Constance , ce coteau renommd dont on tire un des meilleurs vins du
monde, devoit, a plus dun titre, piquer la curiosity de nos observateurs;
il devint aussi I'objet dune excursion de la part de MM. Quoy, Berard et
Gaimard. « Nous montames a cheval a neufheures du matin, dit ce der-
nier, et, tout en nous avan^ant vers le terme de notre petit voyage, nous
nous amusions a faire la chasse aux oiseaux , soit sur la route , soit dans
les champs voisins. J’avois un cheval assez fougueux, qui se montroit
rdif et temoignoit son impatience a chaque coup de fusil qu’il entendoit.
Je venois de tuer une pie-gri£che , lorsque & environ une demi-Iieue de
Constance, et apres avoir depasse les premieres vignes que Ton rencontre,
je fiis attire dans un champ labourable par une multitude de soui-
mangas , de prom&ops , &c. A peine eus-je fait feu sur un des plus
beaux de ces oiseaux , que mon cheval , doublement effrayd par le bruit
de l’explosion et par la vue d’un large fosse qui se trouvoit a ma droite ,
partit comme un trait et me jeta & plusieurs pas de distance sur un terrain
sablonneux et heureusement peu dur. Je ne fus pas blesse de cette chute;
et enfourchant de nouveau mon ombrageuse monture , je rejoignis mes
compagnons de voyage. Bientot nous aper9umes la propriety de M. CIo£te,
nominee le Grand-Constance : elie est facilement reconnoissable a une
allde de tr^s-grands arbres , et k ces mots , Groot-Constancia , ecrits sur la
porte d’entrde. Nous ne tardames pas a arriver k la ferme de M. Colyn,
connue sous le nom de Petit-Constatice. De longues allies de chines y
conduisent.
» Notre premier soin, apres avoir salul M. Colyn, fut de visiter ses
vignobles. II voulut bien nous donner un de ses gens pour nous accom-
pagner. Les vignes que nous parcourumes sont entour^es dallies de
ehenes et de pins , et les ceps, plantes a quatre pieds de distance les uns
des autres sur des lignes droites, ne sont pas soutenus par des echalas.
Toutes les ann^es, on les taille, et Ton pioche le terrain d’alentour, qui
est de nature sablonneuse. Nous vimes 9a et la quantity de p£chers ,
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LIVRE II. — Du Brasil a Timor inclusivement. 347
d’abricotiers , de pommiers, de poiriers, de citronniers, &c. &c. , et de 1818.
petits carrds ou I’on cultivoit des plantes potageres. Mar *‘
» A notre retour , M. Colyn voulut absoiument nous faire gouter ies
diverses especes de vin qu’il rdcolte, consistant en vin de Constance
proprement dit , blanc et rouge , en vin de Pontac , de Pierre et de Fron-
tignac (1).
» Le vin des autres localite's , qui porte le nom particulier de vin
du Cap , est fait avec un raisin muscat de couleur paiiie fume'e , qui
m’a para preferable pour le gout au muscat de Provence.
» Nous venons de dire qu’il y a deux qualites de vin de Cons-
tance , le blanc et le rouge ; eiles proviennent I’une et i’autre de raisins
muscat de couleurs difftrentes. Le Pontac , dune teinte tres-fonc<?e , est
le produit d’un raisin noir fort sucrd, ressemblant assez a un de nos
raisins de Provence doux et fade. Le vin de Pierre est blanc; il se
rapproche , par le gout, du vin de Lunel , mais nous parut avoir un
bouquet preferable k ce dernier, dont nous avions apportd une bouteilie
k Constance , pour servir de terme de comparaison : il est vrai que le
notre etoit ^chauffe. M. Colyn , qui le gouta , le trouva bon cependant ,
mais infdrieur au sien. Le raisin qui donne le vin de Pierre est blanc
et doux ; c’est i'uni-blanc des Proven^aux.
» Generalement on pr^ftre, au Cap, le Frontignac k tous Ies autres
vins qui se r^coltent sur le coteau de Constance; on lui troiive un fumet
plus fin et plus suave ; aussi I’alfraame en est-elle payde plus cher : sa
couleur est blanche et un peu terne. Quant k moi , le vin de Constance ,
blanc ou rouge, indifferemment , est de tous celui que je prefere.
» Le cellier de M. Colyn est grand et commode ; nous le visitames
& I’instant ou Ton s’occupoit k fouler le raisin. Je demandai quelques
renseignemens sur la preparation du Constance ; voici ceux qui me
furent foumis.
(1) Le prix du vin de Constance, dit Barrow (second Voyage au Cap de Bonne-Espiranct ,
t. 2, p. 61 , trad, frantj.), est au Cap de 70 a 80 risdales [383 fr. 60 cent, k 438 fr. 48 cent. ]
le demi-tonneau , qui devroit contenir vingt gallons d’Angleterre [ quatre-vingts bouteilles de
France], mais qui n’en contient pas plus de dix-huit, souvent meme pas plus de seize. D'apres
le meme auteur (t. 2, p. 63 ), le prix moyen du demi-tonneau ou de i’alfraame etoit , pendant
Ies annees 1799 a 1 802, de 74 risdales 87/100 [ 410 fr. 29 cent. ].
/
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1 8 1 8.
Mars.
348 VOYAGE AUTOUR DU MONDE.
» D’abord on ^grappe les raisins en les frottant sur une espfcce de
claie a jour ; les grains tombent dans un baquet , et sont port^s ensuite
dans une cuve, ou quatre hommes les foulent aux pieds. Le mout, dune
saveur agreable et sucr^e , est mis dans un grand tonneau , ou il reste
une quinzaine de jours , pius ou moins ; on le verse alors dans des
barriques, ou il fermente pendant le meme espace de temps a-peu-
pr£s ; puis on le transvase trois ou quatre fois. Dans les meilleures
annees , on ne r^colte tout au plus , au grand et au petit Constance
• que 8 oo alfraames de vin (i).
» Apres nous avoir fait deguster les diff^rentes qualit^s de vins qui
omoient sa cave , M. Colyn nous conduisit 4 la maison qu il habite ,
dont les appartemens, decor^s avec gout, sont dans le genre hollan-
dais. Au diner qu’il nous fallut accepter , on nous servit du bouc
sauvage coup£ en tranches dessechees, de la largeur dune piece de
i o sous : je n’en goutai que pour m’en abstenir bien vite , et donnai
la preference k un excellent pouding, a des fraises au vin de Cons-
tance , et k des biscuits qui nous faisoient oublier le mauvais pain
hollandais.
» Quelque enchants que nous fussions de l’obligeante reception dont
nous etions l’objet , il fallut penser au retour et prendre conge de
notre hote. Il nous engagea & revenir le voir ; mais nous ne pumes
que foiblement lui exprimer notre gratitude pour toutes les politesses
dont il nous avoit combies.
» Nous nous arr£tames un instant sur la route pour jeter un coup-
d’oeil sur la ferme de M. Cloete. Cette agreable propriete a un
certain air de grandeur quelle doit probablement aux arbres de haute
futaie qui l’entourent. Il etoit nuit lorsque nous arrivames au Cap. »
Je ne suivrai pas nos infatigabies naturalistes dans les courses mul-
tipliees que I’amour de la science leur fit entreprendre ; encore moins
chercherai-je k entretenir le lecteur des occupations plus monotones ,
(i) On croit generaiement, dit Barrow ( loc. cit .), que ce dernier (levin de Constance)
se recueilie seulement dans ies deux fermes de ce nom ; on se trompe : ie raisin qui Ie donne ,
la muscaddle , est dans toutes les vignes 11 produit meme un vin egaI,sinon superieur au
Constance , dont ie seui avantage est de se vendre six fois plus cher , tant Ie nom a de pouvoir
en toutes choses !
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LIVRE II. — Du Brasil X Timor* inclusivement. $49
quoique non moins utiles , auxquelles nous nous livrions £ notre ob-
servatoire. II suffira de donner plus *bas le court rdsum£ des unes, et
de renvoyer pour les autres aux ouvrages sp^ciaux sur l’histoire natu-
relle qui accompagnent cette relation.
Nous devons de sinceres actions de graces au gouvemeur , non-seu-
lement pour les facilites de toute espece qu’il nous a accordees dans
nos recherches scientifiques , mais encore pour les provenances per-
sonneiles dont nous avons OtO I’objet. Plusieurs fois nous sommes allOs
le voir , tant a la ville qu’a sa campagne de Nieuw-Land , et constam-
ment nous avons trouve, prOs de lui et de sa famille, cette aisance
et ces agremens sociaux qui sont ordinairement I’apanage des personnes
bien nOes.
Je ne puis m’empecher de citer ici la connoissance que j’ai faite de
M. le colonel Ware, homme piein de mOrite et destruction. Cet
officier , qui parle parfaitement le fran^ais , passe a sa campagne de
Sans-souci tout le temps que son service de quartier - maitre gOnOral
lui laisse de libre. II s’y occupe de I’etude des lettres, partage avec sa
femme I’education de deux aimables enfans , et se delasse enfin de ses
Otudes en donnant q«elques momens k I’agriculture ( i ) et a 1’adminis-
(i) L’agriculture, dans la colonie du Cap, est reput £e etre assez mal entendue. Barrow en
fait connoitre la cause, dont I’importance me paroit meriter que je la signale ici.
Au Cap de Bonne-Esperance, dit-il (op. cit. tom. 2, pag. 188 ), les biens ne restent pas
long-temps dans la meme famille; il est rare que les enfans d’un colon soient etablis, parce
qu*ils ont tous un titre egal a Theritage de Ieur pere : les droits qu’en certains pays la primoge-
niture donne, sont ici entierement inconnus; telle est la loi de la cfclonie. Elle est equitable,
sans doute ; mais elle a de facheuses suites : elle rend le proprietaire indifferent sur fetat de ses
possessions; au lieu de les ameliorer, il prete son argent, achete des esclaves et des bestiaux;
il fera meme l’acquisition de quelques domaines , mais pour en retirer un profit immediat ,
et non pour les bonifier. Pourroit-il se conduire autrement \ il n’a ni Tambition de Iaisser un
nom apres lui , ni le desir , si naturel k Thomme, d’etre remplace par un autre soi-meme sur
les lieux qui le virent heureux , quand la nature lui ordonnera de les quitter. Le dernier pos-
sesseur des fermes de Constance, le vieux Cloete , fait seul exception a cette remarque. De
simple trompette, devenu gros proprietaire, il donna tous ses soins a la culture de ses biens,
et, sur le point de mourir, il en fit Ie partage entre ses enfans. Son Constance favori fut pour
le fils qui portoit son nom; de plus il voulut, par son testament, que ce domaine passat direc-
tement, dans la Iigne male , a celui qui auroit son nom de bapteme, ou coliateralement a celui
de ses plus proches parens qui au nom de Cloite joindroit ce meme prenom. II en resulte que
Constance est (en 1798 ) la terre la mieux entretenue qui soit dans la colonie.
Peut-etre y a-t-il peu de pays ou la propriete change de mains aussi fr£quemraent.-Non-
1818.
Mars.
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1 8 1 8.
Avril.
Remarques
surleCap
de
Bonne-
Esperance.
350 VOYAGE AUTOUR DU MONDE.
tration eclair^e dune jolie petite ferme qu’il a fait batir pr£s de son
habitation. •
•
Ayant achevd les diverses operations scientifiques qui etoient I’objet
de notre reiache au Cap de Bonne-Espdrance , nous nous occupames,
des le 1 . er avril , de nos dispositions d’appareillage. Mon intention etoit
de mettre sous voiles sur-Ie-champ ; mais le calme etant survenu , )e pro-
fitai de i’inaction forcee qui en fut la suite , pour aller rendre visite au
capitaine de la marine russe , M. Otto de Kotzebue , qui vint aussi
bientot Iui-m£me a bord de I’Uranie. Cet officier , commandant le brig
le Rurick, avoit mouilie le matin en rade du Cap , et achevoit un voyage
autour du monde , entrepris dans l’inter^t des sciences : sa relation ayant
ete mise au jour, il seroit superflu d’en entretenir plus longuement ie
iecteur.
Un vent force, et directement contraire k la route que nous devions
suivre , succeda au caime , en sorte que nous ne pumes mettre en mer
que le 5 avril a deux heures du soir : nous nous dirigeames aussitot vers
flle-de-France.
Peu de pays ont ete plus souvent visites que le Cap de Bonne-Esp£-
rance; peu aussi ont donne lieu k un plus grand*nombre de relations.
Quelques-unes , particulierement celle de M. Barrow , sont remplies de
details aussi exacts que curieux; et nous ne pouvions, dans la courte
duree de notre reiache , entombs comme nous l’etions sur-tout d’obliga-
tions fort assujettissantes , donner k nos recherches historiques assez de
precision pour ajouter beaucoup de faits reds a ceux qui sont dejA
seulement les biens sortent de la famille a la mort des parens , quand les h^ritiers trouvent a
les vendre pour en partager le produit entre eux, mais il semble y avoir une manie universelle
d’acheter, de vendre, de changer. Le gouvernement en a bien su tirer avantage, Iorsqu’il a
impose un droit de 4 P* °/° P our chaque mutation d’un immeuble. Au Cap,* les deux tiers
des biens sont vendus aux encheres, oil Thuissier les charge encore d’une taxe de 2 p. o/o,
dont 7/8 pour le gouvernement et 1/8 pour lui; de sorte que les droits payes, en transf£rant
une propriete , s’elevent a 6 p. 0/0 de sa valeur. Si Ton y ajoute les frais du timbre et des
contrats, on verra qu’en quinze ventes le gouvernement peut envahir tout le capital; et des
habitans assurent qu’ils ont vu le cas arriver. J’y achetai moi-meme un petit domaine qui,
depuis huit ans, a change six fois de maitre , et a paye trois fois 6 et trois fbis 4 p. 0/0; en
tout, 30 p. 0/0 de sa valeur. Cette fureur de vendre et d’acheter fait, des droits de transport
?t d’enchere, une des plus fertiles branches du revenu public.
✓
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LIVRE II. — Du Br£sil X Timor inclusivement. 3 5 1
connus ; le tenter , c’eut ete s exposer a empreindre nos travaux dun earac-
he de legerete impardonnable ; aussi avons-nous pr 6 f 6 r 6 de faire le
sacrifice des notes vagues qu’on peut si facilement recueillir pendant le
cours dune conversation , et ne nous attacher qu X ce qui paroissoit moins
indigne de fixer i’attention des lecteurs instruits.
Je donnerai done simplement ici le resume de nos experiences de
physique , et des remarques sommaires sur la temperature habituelle , la
constitution geologique des montagnes qui entourent la ville , les mala-
dies regnantes , le syst^me monetaire , enfin sur diverses perceptions
fiscales et commerciales.
Temperature. — Nos observations thermometriques accoutumees , faites
a bord de I’Urante depuis le 8 mars jusqu’au 4 avril , nous ont donne les
quantites suivantes : •
I T emp^rature moyenne -f- 1 8 d ,0 (centfgrades).
Maximum observe 30 ,8 Lc 27 mars, a 3** du soir.
Minimum idem 1 1 ,8 le 25 mars, k 5 h du matin.
Maximum moyen 21 ,5 Rlpondant k i h du soir.
Minimum idem 15 ,3 k 4 h du matin.
Temperature moyenne-t- 14 ,0 Condue de 28 jours d 1 'observations*
Maximum moyen. *4 *9 Correspondant a 2 h dusoir.
Minimum idem 1 3 ,2 a 2 h du matin.
Maximum observe 21 ,5.
Minimum idem 10 ,5.
Temperature de la merj
a sa surface.
£tant parvenu a me procurer quelques observations m£t£oroIogiques
faites au Cap de Bonne- Esp&ance pendant les ann^es 1810, 1811 et
1 8 1 2 , j ’ai^cherche , par des moyens dont je rendrai compte dans la
partie Mdt^orologique de ce Voyage , k en deduire les temperatures
moyennes des mois et celles des anndes : en voici le tableau , qui
montre generalement que janvier est le mois le plus chaud , juin le
plus froid de I’annee , et avril celui dont la temperature approche fe
plus de la temperature moyenne,
Voyage de VU ramie. — Historique.
Yy
1818.
Avril.
Meteorologie.
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35 *
VOYAGE AUTOUR DU MONDE.
Tableau des Temperatures moyennes (thermometre centigrade) conchies pour
differens mois des annees 1810 , 1811 et 1812 , au Cap de Bonne-Esp trance.
ANNEES
de*
observations.
JANVIER.
FEVRIER.
MARS.
AVRIL.
MAI.
JUIN.
JUILLET.
>
1
SEPTEMBRE*
OCTOBRE.
NOVEMBRE.
10
S'
m
2
w
ps
r 1
temperature
, moycnnc
de i’annec.
4 -
4 -
4 -
4 -
4 -
4 -
4 -
• 4 -
4 -
4 -
4 -
•4-
4 -
l 8 lO.
24-* ,48.
2l d ,66.
l6i >S 9 -
' 3 d . 98 -
i4< i ,28.
« S d -° 9 -
, 4 d > 97 -
1 6 d ,y6.
19^,89.
2 2 d , I 2*
i8 d ,64*
l 8 l I.
11 < 75 -
11 ,iy.
22 ,11.
19 ,29.
15 ,00.
'4 A 7 -
'4 > 9 6 -
1 6 ,02.
17 ,64.
18 ,17.
> 51 -
22 ,42.
18 ,88.
l8l2.
l6 ,11.
*3 * 93 -
21 ,66.
18 ,99.
15 ,6 1.
.4 ,41.
14 ,<57.
>6 ,24.
a
a
if
//
*9 >*3.
Moycnnc
generate.
*4 > 39 -
I
ij ,22.
21 ,81.
19 ,30.
<5 > 73 *
•
14 ,29.
l 4 , 64 -
>/ .78.
16 ,30.
17 ,46.
21 ,21.
22 ,27.
18 ,91.
Vents. — C’est line chose assez bizarre, que pourtant lusage a con-
sacrde, de ne pas indiquer dans les journaux meteorologiques ia direc-
tion vraie des vents, mais seulement {’azimuth apparent dans lequel ils
soufflent , rapporte au m<fridien magn^tique. Si i’erreur qui en r&uite
peut £tre insignifiante dans les lieux ou I’aiguille aimantee s’^carte peu
du meridien terrestre, on ne sauroit ia regarder comrae telle au Cap
de Bonne-Esp&ance , par exemple , ou 1 ’on va voir que sa dlclinaison
est de plus de 2 6 °.
Pendant toute {a dur^e de notre reiache , non-seulement les vents
du Sud ont regne le plus frequemment , mais aussi ils ont 6t6 ies plus
forts ; leur permanence quelquefois s’est proiong^e au-deia de deux jours
cons^cutifs. Apres ceux-ci, les vents de Sud-Est et de Sud-Sud-Ouest
ont souffle avec le plus d’intensit^ , et se sont fait sentir particuii£rement
la nuit; pendant le jour, au contraire, ies vents de Nord-Ouest domi-
noient, et g&ieraiement ils ^toient foibles. Ceux de i’Est, du Nord-Est
et du Sud-Ouest ont 6t6 Ies plus rares.
Magnetisme Magnetisme. — Nous avons trouv^ pour ia deciinaison de la boussole ,
et pendule. ^ notre observatoire , 2 6° 23’ 31" Nord-Ouest; et pour i’inciinaison ,
50° 47' 3“, la, pointe Nord de i’aiguiiie £tant la pointe <£iev^e.
Oscillations du pendule. — - Le pendule, qui , rdduk au niveau de la mer
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LIVRE II. — Du Brasil X Timor inclusivement. 353
et k - 4 - io d de temperature centigrade, faisoit k Paris 864°° oscilla- 1818.
tions en vingt-quatre heures moyennes , faisoit au Cap de Bonne-
Esp&ance, dans ies m£mes circonstances , 86 3 4 3°“, 5 47 * L a latitude
de I’observatoire etoit de 33 0 55' 15" Sud.
« Quelque nombreux que soient Ies Merits qu’on a publics sur ie Cap Geologie,
de Bonne-Esp&ance , il n’est peut-£tre aucun pays moins connu sous Ies
rapports g&dogiques. Malheureusement ce que nous avons a en dire ne
remplira pas cette lacune. Si le temps ne nous eut pas manque, nous nous
serions sur-tout propose de faire connoitre en detail Ies hautes eminences
qui couvrent la peninsule du Cap proprement dit ; mais , bien loin de la ,
nous devons nous borner a dccrire succinctement la montagnede laTable.
» Ce nom lui vient de sa configuration : en efFet. coupee presque per-
pendiculairement du cote de la ville , elle est en m£me temps aplatie au
sommet. On estime sa hauteur X 1 1 63 metres. Une petite portion de sa base
ayant mise a decouvert par un courant d’eau , laisse apercevoir qu’elle
est formee d’un granit grossier si peu homogene , qu’en certains endroits
il est presque enticement decompose. Cette roche est recouverte de
phyllade bleu fonce , presque noir , a grains fins et serres avec de larges
veines de quartz tr£s-blanc ; on voit parfois de petits filons de granit
traverser Ie phyllade.
» Toute la partie superieure de la montagne est composee de couches
horizontales et puissantes d’un grC blanc quartzeux trC-brillant.
» Les grandes masses du centre sont homogenes ; mais quelques-unes
de celles du sommet ont leurs parties constituantes si peu li^es , que Ie
moindre choc Ies fait tomber en poussiere. C’est sans doute k de brusques
chspigemens de temperature , a Taction des nuages et des eaux pluviales ,
que cette roche doit sa friability ; et ce principe dune dissolution assez
active est attest^ par Ie sable qui remplit Ie ravin par lequel on arrive au
sommet de la montagne , et par Ies gros grains de quartz dont elle est
couverte a sa surface.
» (^a et IX on rencontre des fragmens de gr£s ferrugineux. Les dales
de phyllade bleu, susceptibles d’un beau poli, et dont on se sert pour
paver Ie perron des maisons , proviennent de la petite montagne appetee
Croupe du Lion.
Yy*
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1 8 1 8.
Avril.
Maladies.
354 VOYAGE AUTOUR DU MONDE.
» La base de la Table est jonchee de grosses boules de gr£s , usees
et arrondies par ie temps , qui proviennent des eboulemens de la partie
supdrieure ; quelques-unes sont ferrugineuses. En nous rendant au
sommet de la montagne , nous avons trouve , a moitie chemin , deux
morceaux de gres isoies , contenant du fer hydrate terreux ; et tout-a-fait
au pied, a la sortie de la ville, des amas de fer hydrate terreux en petits
globules , reunis par quelques particules d’argile , a quelques pouces de
la superficie du sol.
» Des bois entiers de proteas couvrent les flancs de cette montagne ,
dont le sommet , presque toujours humide , est riche en gramindes et en
v^g&aux divers. » ( M. Quoy . )
« Selon le dortenr Hussey, m^decin en chef de la colonie, les mala-
dies ordinaires sont au Cap les fievres inflammatoires, les ophthalmies,
les flegmasies aigues du foie, des poumons et de la plevre , et la dysen-
teric. Ce me'decin n'a vu , depuis dix ann^es , qu’un seul exemple de
fi£vre intermittente. Le i . er fevrier 1812, la petite vdrole se manifesta au
Cap , et fut d’abord tres-meurtri£re : les moyens prophylactiques les plus
vigilans et les plus rationnels furent mis en usage avec succes. Cette
maladie , qui etoit devenue ^pidemique le 1 4 mars , disparut le p juillet
suivant.
» Le comite de vaccine , compose du medecin general , qui en est le
president , de chirurgiens vaccinateurs , et dun secretaire charge* de l’en-
registrement , existe depuis 1 8 1 1 . On vaccine deux fois par semaine dans
la ville du Cap , le mardi et le vendredi ; c’est dans une des salles de
r&ablissement consacre aux bureaux du gouvernement , que cette
operation a lieu. Lors de la naissance dun enfant, les parens sont obliges
d’en faire la declaration au fiscal , qui en donne connoissance au comite
de vaccine. La mere doit, autant qu’il est possible, accompagner son
enfant, et le soumettre huit jours apres a la visite des membres du
comite, afin qu'ils puissent examiner si la vaccine a bien reussi, et, dans
ce cas , se procurer la facilite de perpetuer le virus en le communiquant
de bras k bras.
» L’ancien hopital , exclusivement destine autrefois au traitement des
esclaves et des naturels du pays , n’est plus occupe maintenant que par
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LIVRE II. — Du Bresil a Timor inclusivement. 355
les bureaux de I’administration anglaise. Un hopital militaire, situ£ non
loin des lignes de fortification , sur le chemin de Constance , est assez
bien tenu. Ii n’existe pas d’hopital civil au Cap; un pareil asile pour les
malades et les malheureux infirmes seroit bien plus utile qu’une maison
d’orphelins , dans un pays oil ces derniers sont peu nombreux.
Monnoies. — » D’apres Sparmann , la risdale , en 1775 , valoit
un peu plus de 4 livres tournois. En 1810, l’escalin correspondoit a
12 sous de France; la risdale a 8 escalins ou 4 livres 16 sous; la piastre
d’Espagne a 1 2 ou 1 4 escalins ; notre pi£ce de 5 francs a 5 escalins ,
et celle de 6 francs a une piastre; le louis d’or de 24 livres , a 6 risdales;
le quadruple d’Espagne , a 25 , 26 et quelquefois 30 risdales. A l’epoque
de notre sejour au Cap, en mars 1818, I’escalin valoit 6 sous de France;
la risdale , 2 francs ; la piece de 5 francs , 1 4 escalins ; l’^cu de 6 francs ,
ainsi que la piastre, 20 escalins; et le louis d’or de 24 livres, 10 ris-
dales. On nous a assure que la banque du Cap tient en circulation de
tres-grandes valeurs en papier-monnoie.
Droits du fisc. — » Toutes les ventes se font ici a 1 ’enchere et au plus
offrant. Les Anglais paient au gouvernement un droit de 6 p. 0/0 ; mais
les etrangers ne sont pas traites d’une maniere aussi favorable: pour avoir
la faculte de vendre leurs marchandises , ces derniers sont obliges de
payer 15 p. 0/0 a la douane, et 5 1/2 p. 0/0 sur les frais de vente;
encore ne peuvent-ils recevoir le prix de leurs marchandises qu’au bout
de trois mois ; s’ils vouloient etre soldes de suite , il faudroit eprouver
une nouvelle perte de 3 p. 0/0. Le courtier par l’entremise duquel l’af-
faire a ete conclue , touche un droit de 5 p. 0/0 de commission. Ainsi ,
tout navire e'tranger qui arrive au Cap pour y vendre sa cargaison, doit
s’attendre a supporter les frais suivans ; savoir :
1 5 p. 0/0 a la douane ,
51/2. de frais de vente,
5. . . . de commission ,
3. . . . d’escompte,
2. . . . pour voiturage , emmagasinage , hommesde journee.
1818.
Avril.
Monnoies.
Droits du fisc.
c’est-a-dire , 30 1/2 p. 0/0 en tout. » ( M. Gaimard.)
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1 8 1 8.
Mai.
35 6 VOYAGE AUTOUR DU MONDE.
CHAPITRE XI.
T raver see du Cap de Bonne - Esperance a l’ lie -de- France ;
Sejour dans cctte colonie.
Nous ar rivames en vue de I’IIe-de-France un mois exactement apres
avoir quitte I’extremitO australe de I'Afrique , et parvinmes , ie soir du
m£me jour, au mouillage devant Ie Port-Louis.
Quelques instans avant de jeter I’ancre, Ie pilote Otoit montO a bord,
et nous avoit prOvenus de ne pas communiquer avec la terre sans avoir
prealablement re£u la visite du commissaire de sante, que nous ne devions
point, au reste, attendre avant Ie lendemain. Poursuivi dOja plusieurs fois
par cette fatale formalitd de quarantaine, allois-je dprouver encore ici
quelque retard du m£me genre! Cette pensde me contrarioit d'autant plus ,
que j’Otois tres -impatient d’embrasser un frOre dont j’Otois sOpard depuis
vingt ans, et qui, venoit on de m’apprendre, dtoit k la veillede se rendre
au Bengale, ou I’appeloient des affaires d’intdret. Ce devoit etre, hdlas!
pour ne plus Ie revoir!
Cependant Ie 6, de tres-grand matin, Ie canot de la santd arriva. Mon
frdre accompagnoit Ie vieux mddecin, M. Lavergne. Je leur sus grd &
I’un et a I’autre de leur empressement, quoique je ne pusse pas me md-
prendre sur celui des deux qui en avoit tout Ie mdrite. La communication
avec la terre m’ayant dtd accordde sur ma declaration, j’envoyai sur-le-
champ un officier saluer Ie gouvcrneur, I’inatruirc dc la nature de ma
mission , et traiter du salut.
Je priois mon frere de me faciliter les moyens de trouver, sans ddlai,
un local convenable a I’dtablissement de mon observatoire , lorsqu’il m’ap-
prit que mes desirs a cet dgard avoient dtd prevenus ; que Ie grand-juge
commissaire de justice, M. George Smith, informd deja de la relache de
I’Uranie, me faisoit offrir sa maison, qu’il n’habitoit point maintenant,
parce qu’il vivoit a la campagne. Quelque touchd que je fusse dune
provenance aussi aimable , due en entier d’ailleurs au bienveillant intdrdt
que M. Smith accordoit a mon frere, je ne voulus ndanmoins pas accepter
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LIVRE II. — Du Brasil X Timor inclusivement. 357
avant de m’£tre assurd par moi-m£me si I’emplacement convenoit aux
diverses observations que nous avions k executer. Le reste de cette
journee-la fut consume en formalitds d’etiquefte.
A onze heures et demie, nous saluames le pavilion anglais de dix-
neuf coups de canon, qui nous furent exactement rendus; apres quoi
l’dtat-major de I’Uratiie et moi nous allames faire visite a M. le general
Hall , gouverneur par interim de la colonie ; nous en resumes les poli-
tesses d’usage , et nous revinmes a bord.
Le 7 , je descendis a terre pour voir M. Smith. Ce magistrat aimable
m’attendoit chez lui: son accueilfutgracieux, et plein de cette politesse
exquise qui denote a ia-fois un caur affectueux et un parfait usage du
monde.
Aprds m’avoir fait parcourir celles des parties de sa maison qu’il jugeoit
pouvoir £tre utiles , soit a l’etablissement de nos instrumens , soit a mon
logement et k celui des officiers qui devoient prendre part aux travaux
de i’observatoire , il me renouvela i'assurance que je ne le g^nerois point,
meme dans la supposition ou j’occuperois sa maison toute entire , parce
qu il lui suffiroit d’y conserver un simple pied i terre pour se reposer
lorsqu’il voudroit passer quelques instans k la ville.
Convalncu que je ne commettois aucune indiscretion, et voyant
d’aiileurs que tout etoit a souhait pour l’objet principal que nous avions
en.vue, j’acceptai l’oflre de M. Smith, et donnai aussitot l’ordre d’ap-
porter du bord les instrumens ndeessaires k nos travaux scientifiques.
Mais lorsque je voulus y faire venir aussi mon cuisinier et mes domes-
tiques, M. Smith s’y opposa. « Vous avez accept^ ma maison, dit-il,
» et en homme d’honneur vous ne pouvez rdtracter votre parole. Dans
» ce marchd tout favantage est de mon c6td. Cependant si vous croyez
» qu’il m’est du quelque reconnobsance, je vous priede me la tdmoigner
» en permettant que je sois votre premier maitre d’hptel. J’ai un cuisi-
» nier passable et tin assez nombreux dpmestique. Vous serez tou jours,
» m reste, le mafare d’appeler pfus tard votre cuisinier, si Vous ne
» trouvez pas le; mien 4 vptre grd. »
lei s’engagea une lutte de gdne'rosite et de delkatesse ; je resistai long-
temps,: mais mon frdre m’ayant assurd que je desobligerois beaucoup le
1K18.
Mai.
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358 VOYAGE AUTOUR DU MONDE.
1818. grand -juge si je n’acceptois pas i-Ia-fois chez iui la table et ie logement,
je jugeai convenable de c^der.
M. Smith neanmoins ne se tint pas enticement satisfait; il exigea
encore que mon secretaire , et ies deux officiers de service k 1’observa-
toire , prissent place chaque jour k sa table.
.Combie de tant de marques de bienveiliance et de bontd, je me tran-
quiliisois par la persuasion de n’£tre pas long-temps a la charge de notre
digne et respectable hote : vain espoir! l’indispensable ndcessite nous
contraignit, comme on va Ie voir, de prolonger notre sdjour au-debk du
terme pre'vu. Jen tdmoignai tout mon regret a M. Smith, en Je conju-
rant de .me d^gager de ma promesse ; mais il repoussa cette demande
avec une aimable vehemence ; et loin de s’attrister avec moi du contre-
temps dont je lui parfois , il fit Clater de la maniere la plus expressive
toute la joie qu’il en ressentoit. Il seroit difficile de dire jusqu’A quel
point je fus touche dune conduite aussi delicate et aussi noble; mon
coeur en fut p£n£tr£ ; et c’est aujourd’hui pour moi un devoir sacrd d’en
exprimer hautement toute ma gratitude. Hlias! celui qui me I’inspira
ne pourra recevoir ici bas mon horn mage ! La mort, en privant la ma-
gistrature d un homme qui I'honoroit par ses talens et par son carac-
tCe, m’a enlev£ un ami qui m’Coit infiniment cher !
De touchans souvenirs et des regrets bien legitimes m'ont entraml
malgr^ moi dans une excursion que son motif fera facilement excuser;
je me hdte de reprendre le fil de ma narration.
Pendant qu’& iobservatoire nous nous occupions de nos travaux ac-
coutumds, on vlsitoit h bord toutes les parties du vaisseau, pour Ie
mettre promptement en dtat de reprendre la mer. On ne tarda pas k
s’apercevoir que quelques feuilles de cuivre du doublage Coient enlev^es
de I’avant, pres de la flottaison. D’abord on crut qu’il seroit possible de
les replacer en rade; mais des piongeurs charges de reconnoitre plus
exactement Ie mal, nous donnCent enfin la douioureuse certitude qu’il
se prolongeoit jusqua la quille, et que non-seulement un grand nombre
de feuilles de doublage manquoient absolument, mais que beaucoup
d’autres encore dtoient perciiiles comme de la dentelle. Une avarie aussi
grave, presque au difbutd’un long voyage et dans des mers ou 'les
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LIVRE II. — Du Brasil k Timor inclusivement. 359
tarets (1) sont tres- multiplies, m’imposok lafacheuse obligation de faille 1818.
abattre le navire en car£ne pour le Sparer, et de prolonger par conse-
quent mon sejour a I’lle-d e-France bien au-deladu temps qui m’avoit 6t6 fixe.
Les chan tiers de M. Piston nous ayant offert tous les avantages desi-
rables, tant pour I’economie des depenses que pour la perfection et la
ceierite du travail , les marches necessaires furent passes , et Ton hala
sans deiai la corvette dans le Trou-Fanfaron, ou, apr£s l’avoir dechargee,
on proceda aux reparations necessaires.
Ceux qui ne suivent pas les progr^s des sciences physiques , se de-
manderont peut-£tre d’ou a pu provenir la deterioration dune aussi
grande quantite de feuilles de cuivre. Nous l’attribuames d’abord nous-
m ernes k la qualite inferieure de celles qui nous avoient 6t 6 fournies ;
mais on a su depuis, par les belles experiences que sir Humpry-Davy
publia en 1824 ( 2 .), qu’il ne failoit pas la chercher ailleurs que dans la
corrosion du cuivre par l’eau de mer, corrosion developpee pr&isdment
par la puretd m£me du metal; car le cuivre allie, ou seulement mis en
contact intime avec une petite portion detain , de zinc, &c., n’est pas
expose a cet inconvenient.
Une consequence immediate des experiences dont nous venons de
parler, a 6t6 la pensee de doubler les vaisseaux, non pas en cuivre
pur, mais avec des feuilles de bronze dont I’alliage contiendroit quatre-
vingts parties de cuivre swr vingt parties detain. M. d’Arcet, de l’aca-
demie des sciences, a qui Ton doit cette idee, a propose de substituer
aussi aux clous de cuivre rouge , employes pour le bordage des batimens ,
des clous fondus avec l’alliage precite. Ceux-ci seroient beaucoup plus
durables que les premiers; et l’on sait en effet que les clous antiques
de bronze retrouves dans la Mediterranee , dtoient encore en fort bon
etat apres des siecles , tandis que le cuivre pur est promptement detruit
par la seule action de l’eau de mer.
( 1 ) Sorte de vers marins qui piquent les bois immerges. En quelques mois , ces vers peuvent
penetrer dans la membrure d’un vaisseau qui n’est pas double en cuivre; et meme, malgre
le doublage , ils parviendroient a la quille et de la aux varangues, si le cuivre ne recouvroit pas
la quille en entier.
(2) Voyez les Annales de chimie et de physique, par MM. Gay-Lussac et Xrago; mai 1824*
tom* 26, pag. 84.
Voyage de I’Uranie. — Historique. 22
1 8 1 8.
Mat.
360 VOYAGE AUTOUR DU MONDE.
* Non - seulement ces clous resisteroient mieux k i’action corrosive de
la mer que ceux en cuivre forgd (i), mais ils couteroient moins cher,
seroient plus vite fabriques , et resisteroient davantage sous I’efFort
du marteau. Quant a leur pointe, il seroit facile de la rendre flexible
en lui faisant subir l’operation de la trempe (2) , et Ton conserveroit a
la tdte et it la tige du clou toute la duretd que presente l’aliiage dont
il s’agit.
Si Ion vouloit fabriquer les feuilles de doublage et les grands clous
des vaisseaux avec du bronze , il conviendroit d’employer a cet usage les
vieux canons hors de service , et de rdserver les mdtaux neufs et purs
pour la fonte des pieces d’artillerie ; on auroit ainsi de bons clous et de
bons canons. Les vieilles monnoies en mdtal de cloche pourroient- dtre
encore employees au mdme usage.
Tandis qu’on travailloit aux reparations de I’Uranie, M. Smith voulut
que nous allassions visiter sa campagne de Bagatelle, situee dans un des
quartiers les plus agreables de file, celui de Moka. Perspective ravis-
sante, riche vegetation , cascade, rien n’y manque pour en former un
sejour deiicieux , sur-tout lorquun proprietaire affable et bien nd en fait
les honneurs.
Nous prolongeames notre promenade en nous rendant aux plaines de
Willems, k la belle habitation de M. Saulnier, qui nous avoit invitds
k y passer quelques jours , et qui nous accueillit avec tout ce que la
prdvenance la plus ingdnieuse peut imaginer de gracieux.
On a souvent cdldbrd le caractdre hospitalier des habitans de I’He-de-
France. Dans aucun pays , peut-dtre , cette noble vertu n’est poussee k
un plus haut degrd : i’etranger, celui sur-tout qui a connu le froid dgoi'sme
d’un si grand nombre de nos villes europdennes , sdtonne de se voir re$u
(1) Les grands clous en cuivre forge, tels qu’ils sont employes au bordage des vaisseaux,
coutoient, en 1813, 6 fr. 23 cent. Ie kilogramme; ceux en bronze coule ne couteroient au
plus que 2 fr. pour un poids egal.
(2) La trempe du bronze , ainsi que M. d'Arcet nous Ta demon tre, produit un effet contraire
k celie de Tacier.
Des experiences sur des clous en bronze de neuf pouces , ainsi prepares , ont ete faites a
Cherbourg , par M. Cachin , ingenieur en chef des travaux maritimes , et ont donne les resultats
les plus satisfaisans.
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LIVRE II. — Du Brasil k Timor inclusivement. 361
avec tant d’amdnit^ etyomme une anciqpne connoissance ; ii cherche a 1818 .
s’expiiquer les causes de cette effusion bienveillante dont ii est tout-4- Mai ’
coup devenu I’objet : bientot il peut se croire au milieu de sa famijle
ch^rie ; et son coeur, ouvert aux plus aimabies impressions, aux senti-
mens de.Ia plus tendre reconnoissance , ne sauroit oubiier jamais ces
momens de bien-^tre et de joie qu’il se retrace toujours avec delices !
J’eus le bonheur de revoir , 4 Hie- de-France, plusieurs de mes anciens
amis , et de me lier avec queiques personnes que je n’avois point encore
connues. Que tk puis-je leur payer nominativement ici le tribut de
ma profonde gratitude pour le touchant int^r£t qu’ils m’ont si cons-
tammeirt t^moignd ! Plusieurs d’entre eux ont facility mes recherches sur
le beau pays qu’ils habitent; et j’aurai, par la suite, plus dune occasion
de citer les noms de MM. Delisse, savant pharmacien et mon ancien
compagnon de voyage dans l’expddition du capitaine Baudin ; Maure ,
agent de change tr£s-distingud ; Thorny Pitot, que la mort a trop tot
enlev£ aux lettres , qu’il cultivoit avec tant de succes ; et Mallac , juge 4
la cour d’appel , non moins recommandable par les precieuses qualit^s
de son cceur, que par les ressources d’un esprit vif et cultit£.
Inddpendamment des reunions particuli£res chez nos amis , ou tous Jul-
ies agr^mens et les plaisirs dune soci<£t£ choisie nous ^toient offerts ,
nous assistames aussi au bal du gouverneur et au repas de corps des
officiers du 22 . e regiment, donnds 4 l’occasion de la ftte de Sa Majestd
Britannique.
Plus tard eurent lieu les courses de chevaux. D’apres le gout bien Juillet.
connu des Anglais pour ce genre d’amusement, ils en ont amen£ la mode
4 nie-de-France. Ces exercices annueis durent ordinairement trois jours ,
et ont lieu sur un vaste terrain appel£ le Champ de Mars, 4 l’une des
extr£mit& de la ville. Comme moyen de reunion , c’est une grande affaire
pour les dames , le bon ton etant d’y venir chaque jour avec une toilette
differente et d’y briller autant qu’on le peut. Les families les plus aisles
font construire des tribunes ou loges couvertes et un peu devdes, 4
I’effet de mieux jouir du spectacle. M. Smith avoit eu le soin d’en faire
preparer une 4 notre intention ; nous vimes tout de 14 tres - commo-
d&nent : mais j’avoue que l’assemblee occupa mes yeux autant que les
zz*
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Go< >[e
1 8 1 8.
Juiiiet.
3 6i VOYAGE AUTOUR DU MONDE.
courses (i), quoique l’int£r£t dq celles-ci futencgre augment^ par i’im-
portance exorbitante des paris.
Je n’avois pas encore aper$u ailleurs autant de mulatresses : le luxe
. qu’elles affichent passe toute mesure ; il efface m^me souvent celui des
blanches. Ces mulatresses , en general jolies , admirablement bien faites ,
sont la plupart entretenues par des blancs jeunes ou vieux, etm£me,
a la honte des moeurs , par des hommes mari^s , qui portent chez ces
creatures une aisance dont parfois leur famiile legitime est priv^e : les
exemples de ce d&ordre sont malheureusement trop* multiplies. Les
blanches d^testent les femmes de couleur; aussi la iigne qui les sdpare
dans toutes les ceremonies est-elle extern ement tranchde : aux courses ,
on appeloit la galerie brune, le cote ou se tenoient ces dernieres ; a I’eglise,
elles ont aussi des places distinctes ; et les registres de l’e'tat civil ne sont
pas les m£mes pour les blancs et pour ceux qui ne le sont pas. Ainsi , la
blancheur de la peau est ici une veritable noblesse , qui separe plus que
ne le fait la noblesse d’extraction en Europe.
Par suite de l'enchainement naturel des plaisirs , les courses furent
l’occasion dun bal auquel toutes les dames de Port -Louis se porterent
avec empressement ; et, malgre {’extreme chaleur, les salons se trouv&rent
de bonne heure encombres de monde. Une quantity de fort belles
personnes, parees avec autant d’el^gance que de gout, rendirent cette
reunion tres-briliante.
Je ne parlerai dune seance de la Socie'te d’ emulation, k laquelle j’as-
sistai, qu’afin de rendre hommage au zMe des habitans pour le progr^s
des connoissances utiles , et de manifester tout i’int£r£t que cette reunion
d’hommes aimables et instruits m’a inspire. On lui doit dej& d’importans
travaux; ceux qui ont pour objet le perfectionnement de {’agriculture
coloniale, ont merits l’attention du gouvernement.
Vers les derniers temps de notre s^j our dans cette He, nous adres-
%
(i) M. Pellion , en rendant compte, dans son journal, de se s propres impressions dans cette
circonstance, s’exprime ainsi : « Les courses auxquelles nous assistames, sont bien, selon moi,
la chose du monde la plus insipide et la plus mesquine. Trois ou quatre chevaux montes par
des hommes habilles comme polichineile, sont ies champions qui concourent au prix. J’ignore
quel est ce prix ; mais j'ai juge qu’il devoit etre de peu de valeur, parce que les cavaliers ne
se pressoient gpere de le remporter. »
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LIVRE II. — Du Br£sil X Timor inclusivement. 363
sdmes, sous le couvert du ministte de la marine, a MM. les professeurs j 8 1 8.
du Museum d’histoire naturelle a Paris, plusieurs caisses contenant ies
Ichantiilons d’objets des trois r£gnes que l’expedition avoit recueillis
jusqu’aiors.
J’ai resserrd le plus qu’il m’a 6 t 6 possible le r£cit de particularites
dont le charme principal se rattache peut-£tre uniquement a nos ^nsa-
tions personnelles ; mais pouvois-je me defendre de payer aux estimables
habitans de Tile - de - France ce leger tribut de la reconnoissance de mes
compagnons de voyage et de la mienne !
Enfin les reparations de tUranie venoient d’etre achevees, le vaisseau
se rendoit 'en rade , et nous avions pris conge de nos amis , quand M. le
capitaine Purvis , commandant la frigate angiaise .la Magicienne , nous
offrit un dejeuner a son bord, le 1 5 juillet, la veille m£me du jour ou
nous devions appareiller : nous facceptames, avec le regret de n’avoir
plus le temps de lui rendre la pareiile. Ce pr^tendu dejeuner fut un
ambigu tres-bien servi a trois heures apres midi. Les officiers de I’Urattie
etoient les seuls Fran^ais invites ; le reste des convives se composoit de
families anglaises de la ville. Le repas fut gai , quoiqu’il y eut bien quatre-
vingts personnes ; M me Purvis , qui voyageoit avec son mari , en fit les
hoiineurs. La soiree se termina par un bal qui eut lieu sur le pont.
Je ne pourrois que difficiiement peindre l’amertume de mes regrets ,
lorsque le lendemain il me failut quitter mon respectable ami , M. Smith :
il resta a bord jusqu’a ce que nous fussions sous voiles , et ce ne fut pas
sans verser des larmes que nous nous • s^parames. C’est une dmicour
inappreciable que de rencontrer, dans un voyage tel que le notre,*des
personnes de m^rite ; mais il faut s'en separer : c’est le revers de la
m^daille !
J’avois 6 t 6 prevenu par M. le chef d’administration de file Bourbon ,
que j’y trouverois dans les magasins du Gouvernement les vivres de cam,-
pagne n^cessaires au ravitaillement de I'Uranie, sans qu’il fut ndcessaire
de les acheter k grands frais k l’IIe-de-France ; nous dirigeames en conse-
quence la route pour nous rendre dans cette colonie fran9aise.
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3 6 4
VOYAGE AUTOUR DU MONDE.
Temperature.
CHAPITRE XII.
Remarques sur V Ile-de-France.
La quantity des renseignemens que mes compagnons de voyage et moi
nousfvons recueillis pendant notre s^jour k 1 ’IIe-de-France , est si con-
siderable, qu'il m’eut 6t6 facile de donner un fort volume sur cet int^ressant
pays , objet de )4 des travaux de tant de savans voyageurs. J’ai era devoir
suivre un plan moins vaste, et, mesurant des yeux l’espace qui mereste
encore k parcourir , abandonner des details d’une importance secondaire ,
pour ne mettre sous les yeux du lecteur qu’un choix de ce que nos jour-
naux renfermoient de plus neuf et de plus curieux. Je ne dirai done rien
de l’histoire' de la colonie (i) , qui prdsente k son origine des details de
moeurs si attachans ; ni de sa geographic , de ses productions naturelles ,
des variations de son £tat politique et civil , des progr£s de son agricul-
ture et de son industrie manufacturiere , sujets qui pr£teroient a des
developpemens nombreux. Six paragraphes seulement seront consacres
aux materiaux que j’ai jugd convenable de mettre en ordre : le premier
contiendra le resume des observations de met^orologie et de physique;
le second , celles de geologie ; le troisteme traitera de la constitution
physique des habitans et de leurs maladies; le quatrieme, de la popu-
lation, des moeurs et des usages; le cinqui£me, des relations mercan-
tiles ; le sixieme enfin , de I’administration coloniale.
Observations de meteorologie et de physique.
Nos observations thermometriques , faites a terre 4 fair libre et a
1 ’ ombre , ont dur<£ depuis le 1 3 juin jusqu’au 9 juillet 1 8 1 8. La plus forte
( 1 ) Qu’il mesoit cependant permis de relever une erreur bien sou vent repetee , meme dans
les meilleurs ouvrages. « L’lIe-de-France, y est-il dit , fut nominee primitivement par les Por-
» tugais, fie da Cerno , ou Dacemo , e’est-a-dire Me des Cygnes. » II suffit d’ouvrir le premier
dictionnaire portugais venu,pour se convaincre de la meprise; da Cerno ni Dacemo n’ont aucun
sens en portugais : ce seroit ilha dos Cirnes , ou , selon une orthographe plus moderne , dos
Cisnes , qui signiiieroit Me des Cygnes dans cette Iangue. Au fait ,do Cirne fut le nomqu'on imposa.
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LIVRE II. — Du Bresil a Timor inclusivement. 365
temperature a ete de 3 i d , 5 , le 13 juin a midi; la plus foible , de ip d ,o , Meteorologie
le 2 juillet a deux heures du matin. Le maximum moyen , egal a 2 4 d ,<?4 » et pll)SI<Jue ’
r^pond a midi, et le minimum moyen, de 21^,47, ® quatre heures du
matin; enfin la moyenne des temperatures observees est22 d ,78.
A bord , au mouillage et erf rade, quelques jours d’observations, faites
du 6 au 1 4 mai, ont donne pour maximum moyen de la temperature
de fair, 28 d ,2 , a une et deux heures du soir ; et pour minimum moyen ,
24 d .6, a cinq heures du matin.
Aux memes ^poques, la temperature de la mer A sa surface donnoit
pour maximum moyen, a midi , 25^7 ; et pour minimum moyen (a
six heures du matin, huit heures du soir et minuit), 24 d ,3-
J’ai tire des registres qua bien voulu me communiquer avec une
extreme bonte M. Lislet-Geoffroy , correspondant de i’academie royale
des sciences , les elemens qui m’ont servi a conclure , par une methode
qui sera expliquee ailleurs , les temperatures moyennes dont le tableau
suivant renferme les r^sultats.
Tableau des Temperatures moyennes ( thermometre centigrade ) conclues pour
differens mois des annees iy8y , iy88 , iy8p, iypo , iypi , 1/32 , 1803 €t I $o4 ,
au Port-Louis de L’l Le-de-F ranee. .
temperature
moyenne
de I’anntc.
>4 d »7*-
2 ; , 02 .
24 ,82.
24 ,62.
2 | ,1 6 .
2; ,28.
24 ,56.
*4 »^3*
24
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Meteorologie
et physique.
Barometre.
$66 VOYAGE AUTOUR DU MONDE.
La seule inspection de ce tableau fait voir que ia temperature
moyenne de I’IIe-de-France, deduite de huit ann^es d’observations , est
de 24^,85; les plus grands ecarts de cette moyenne g^n^rale avec ies
temperatures moyennes particuli^res de chaque annee , sont :
Dans un sens. . . H- o d ,43. *
Et dans I’autre. . — o ,29.
Ainsi ia somme de ces variations ne depasse gu£re de degre du
thermometre centigrade.
Nous remarquerons encore que janvier est en general ie mois le plus
chaud de i’annee , aout Ie moins chaud , et mai ceiui dont ia dispo-
sition atmospherique approche ie plus de ia temperature moyenne de
fapnee.
Ce qui precede se rapporte k la viiie de Port-Louis ; mais , dans les
quartiers plus eieves de i’iie , ia temperature se trouve sensiblement
differente : ainsi a Moka, par exempie, 4 221 toises d’eievation, on a
vu queiquefois en juiiiet , c’est- 4 -dire , en hiver, ie thermometre descendre
k -+- 2 d Reaumur [-f- 2 d ,$ centigrade]. En janvier 1792, ia tempera-
ture moyenne du mois , que j’ai conciue des observations faites dans ie
m£me quartier par M. de la Bioiiere, a ete de -+- 25^,28 centigrade:
or nous avons vu plus haut qu’eiie etoit aiors au Port-Louis de i8 d ,$6 ;
ia difference a done ete de 3 d ,o8.
Vingt jours d’observations completes , faites avec deux barometres ,
fun k niveau constant de Fortin , I’autre a siphon de Gay-Lussac , nous
ont donne les resuitats suivans, qui sont les moyennes de ces deux
series , obtenues du 1 5 juin au 1 o juiiiet 1818, savoir : ,,
S Pour le maximum, io h matin et io h soir;
Pour le minimum, 5 h matin et 4 h soir;
tr J J I* *11 J
Valeur moyenne de 1 oscillation du matin =
Valeur moyenne de Toscillation du soir.. = o ,91.
La hauteur moyenne* moyenne conciue de toutes nos observations s’est
trouvee de r j64 mm t 4 1 '» on a eu des vaieurs presque egaies k ceiie-ci ,
k trois heures du matin et a huit heures du soir.
Toutes ces observations ont ete corrigees , comme ii convient , des
erreurs de temperature , de capiliarite et du zero de l’instrument , et
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LIVRE II. — Du Brasil X Timor inclusivement. 367
ont eu lieu k une hauteur de 4 P 8 po 5 1 [ 1 5 m , 4 p 5 ] au-dessus du niveau Meteorologie
moyen des eaux de la mer. et physique ‘
Nou$ devons encore k M. Lisiet-Geoffroy les ^I^rnens qui nous ont Humidit*.
servi k ’dresser le tableau suivant, r£sum^ d’une sfrie nombreuse d’ob>
servations hygrom&riques qu’ila faites, pendant six ans , trois fois par
jour et aux monies hexires, avec un hygrometre eu baleine, de Goubert. '
Les moyennes des observations de chaque mois font voir que ia plus
grande humidity a lieu ordinairement eri septembre ; elle d^croit ensuite
assez unifbrmdment jusqu'en avrii ,.<£poque ou fhumidinf de fair paroit
£tre k son minimum , pour aller en croissant ensuite jusqu’en septembre.
Une seuie anomalie se fait remarquer ; elle arrive au mois de mars : car ,
pour que ia progression d’humiditl fftt r^guliere, il faudroit que pendant
ce mois elle fut- exprim^e par une quantity moindre qup 13^,52 , tandis
qu’eile est au contraire beaucoup plus forte.
Les moyennes g^n^raies, qu’on a prises pour chaque colonne, ont pour
but de faire ressortir la relation d’hiumidit<£ qui existe entre les differens
mois. On a tenu compte , par un calcui particular , des vaieurs cor-
respondantes aux £poques ou les observations ont 6t6 interrompues.
Tap LEA u des Hauteurs moyennes de C hygrometre , observies au Port- Louis de l’ Ile-
de-France , far M. Lislet-Geoffrcy , pendant les annees 1787 , 1788 , 1789 ,
*72° > 7 ZP 7 et *79*' -
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NOVEMBRE.
DECEMBRE. *
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de l’ann£e.
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i 1
Voyage de VUranie . — Historicjuc. A Eel
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Meteorologie
et physique.
Vents;
ouragans.
368 VOYAGE AUTOUR DU MONDE.
Le climat de Tile- de-France est en general sec ; mais dans ie quar-
tier militaire , et celui de Moka qui Favoiaine, Fhuraidit^ est asaez
remarquable ; ce qui doit £tre attribu^ a la plus grande &£vation de ces
points, qui est d’ environ 200 toises. au-dessus du niveau de ia mer,
quoique ieur distance de Port-Louis soit seuiement de 4 milles a voi
d’oiseau. Ii ne paroit pas que ie voisinage des bois, d’aiiieurs peu nom-
breux dans ces quartiers, en soit ia veritable cause.
La ros<£e est trhs-rare pr£s des bords de ia mer; ii n’en est pas de m^me
dans Ies parties hautes de Hie , ou eiie est souvent abondante.
M. Lisiet-Geofiroy a tenu note, pendant piusieurs annles, du nombre
de jours ou ii a piu k i’He-de-France , comrae aussi de ia quantity de
iignes d’eau tomb^e chaque mois. II a 6 t 6 facile de conciure de ces re-
marques, qu’on peut compter annueilement au Port-Louis :
1. ° Sur soixante-dix-nenf a cent vingt-neuf jours de piuie;
2. * Sur ia chute de 351 k 905 iignes d’eau;
3. 0 Que ffvrier sera Ie mois ou ii pieuvra ie plus souvent , et sep-
tembre celui oh ii pieuvra ie moins ;
4. 0 Qu’ii tombera aussi plus d’eau en fevrier et moins d’eau en sep-
tembre que pendant ies autres mois de Fannie ;
5 . ° Que Ies mois ou ii pieut Ie plus seront decembre, janvier, fdvrier, mars
et avrii, et ceux ou ii pieutie moins, juin, juillet, aout, septembre et octobre ;
6 . ° Que la quantity moyenne d’eau qui tombe en un jour , est ia plus
grande en decembre, janvier et ffvrier , et la plus petite pendant ies
mpis de juin k octobre.
L’He-de-France est situ^e sur la bande des vents alizes du Sud-Est ; et
quoique ces vents n’y soufflent pas toute Fannie sans interruption et sur-
tout sans varier d’intensite , ce sont ceux-Ih n^an moins qui dominent en
g^n^rai. Seize ann^es d’observations de M. Lislet-Geoffroy , que j’ai sou-
mises k I’anaiyse, m’ont appris que la direction des vents dominans sur
ce point doit £tre r^partie ainsi qu’i:
I suit :
Fn Janvipr. . . .
( Sud-Est. .
En Marr: . .
j Sud-Est.
‘ ’ { variables.
* | Nord-Ouest.
— Fevrier. . . .
{ Sud-Est.
— Avrii . . .
( Sud-Est.
“( Est.
‘"*j Est-Sud-Est.
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LIVRE II. — Du Bresil a Timor inclusivement. 3 69
En Mai j En Septembre . . . j ^ Est '
— Juin | Sud-Est. — Octobre \ ^ ar | a ^ es *
1 ( Sud-Est.
- Juiilet I S “ d - Est ' _ Novembre ... ^-Esb
( Est. ( Nord-Ouest.
A ( Sud-Est. , f Sud-Est.
l Est. ( Nord-Est.
Les vents aliz^s sont le plus completement etablis a I’lIe-de-France dans
ies mois de mai, juin, juiilet, aout et septembre; mais cest en octobre,
puis en janvier, que l’on doit en general s’attendre k trouver des vents
variables. L’influence des brises de terre et de mer se fait ordinairement
sentir pres de terre; quelquefois neanmoins le vent aiizd prend le dessus,
et nous l’avons vu nous-m£mes souffler une fois forte brise pendant
soixante-douze heures de suite. Nos remarques particulieres nous ont
^galement appris que les vents de la bande de 1’Ouest sont rares a 1’Ile-
de-France, quoiqu’ils le soient moins cependant que ceux du Nord.
Pendant les fortes chaleurs, c’est-a-dire, depuis decembre jusqu’en mars,
des ouragans impetueux d&oient presque annueliement ces contrtfes , et
deviennent pour la colonie de v^ritables fl^aux. Les plus violens dont
on ait conserve la memoire, sont ceux de 1760, 1761, 17 66, 1772,
1 773 , 1786, 1789, 1818 et 1 824. L’ouragan de cette avant-derniere
epoque fut un des plus desastreux : les signes pr^curseurs accoutum^s
n’eurent point lieu cette fois ; aussi ies marins du port et les habitans
des campagnes negligerent-ils de prendre les precautions que la pru-
dence conseille lorsqu’on est menace d’un coup de vent. Peu de navires
renforcerent leurs amares ; aucun habitant ne songea a couper ies
tiges de manioc pour en sauver Ies racines ; et lorsque a la fin du jour
(le 28 mars), 1’ouragan commen^a ses ravages, tout le monde etoit dans
la plus complete securite. La force du vent, toujours croissante, et la
descente rapide du mercure dans le barom£tre , ne laisserent bientot plus
de doute sur i’imminence du fleau dont on alloit dprouver les terribles
effets. Cette scene de destruction et d’horreur eut lieu pendant la nuit :
quarante navires a l’ancre , au nombre desquels se trouvoit une frigate
anglaise , echouerent et se creverent sur la cote , ou eprouverent d’autres
Aaa*
Meteorologie
et physique.
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, 37 <> VOYAGE AUTOUR DU MONDE.
Meteorologie graves avaries; fun de ces batimens, qui sombra au mouillage, eut son
et physique. ca pi ta { ne et presque tout son Equipage noy^s. Heureusement les plus fortes
rafales ne souffl^rent point pendant que les vents dtoient dans la direction
m£me de fen tree du port ; sans cela tous les navires qui y Itoient et leurs
equipages eussent infailliblement p£ri !
» Dans l’interieur de file , quantite de personnes , tant propridtaires
qu’esclaves, furent ^cras^es sous les debris des maisons qu’elles habi- ,
toient. Les champs furent ravages , les rlcoltes detruites , et quantity de
families ruinees. Les effets , deja si ddplorables, des ouragans de 1761
et 1 7S6 , ne peuvent itre compares aux d&astres de celui de 1818; les
faits sulvans donneront une id^e de son etonnante ^nergie. La salle de
spectacle du Port-Louis est un fort grand Edifice : sa forme est pelle
dun T, dont la tete se compose d’un avant-corps considerable, puisque
la partie posterieure formant la queue du T , a seule cinquante - trois
pieds de largeur sur quatre-vingt-deux de longueur. Si cet Edifice eut 6t6
bris^ par la tempete , on auroit pu attribuer cet evenement a la manure
dont il etoit construit; mais, ce qui est a peine croyable, cet immense
arri£re-corps de> trente-quatre pieds de hauteur , surmontd d’un comble
en charpente , ef lie en outre, avec f avant-corps qui forme la facade ,
glissa de pres cinq pieds sur son soubassement !
» Dans une batterie voisine de la grande riviere, deux pieces de canon
de gros calibre, montpes sur des affuts de marine , furent tournees , par
le vent, en sens contraire de la direction qu’elles avoient la veille.
>» Une maisori, batie en pierres depuis long-temps, assise sur une
base considerable et n’ayant qu’un rez-de-chaussde , sembloit devoir £tre
i’asile le plus sur qu’on put choisir pour se mettre k I’abri de tout mal-
heur ; elle avoit resiste , sans ^prouver le plus petit dommage , k tous
les. ouragans depuis 1786, epoque de sa construction. Celui-cl la ren-
versa.: une famille intfressante fut comme enfouie sous les debris de
eettp vaste maison , au moment ou , effrayee , elle cherchoit k en sortir ;
le pfcre et la mere , cruellement blesses , eurent la douleur de voir un de
leurs fils ecrase a leurs yeux! Telles sont les scenes d’eflroi dont le sou-
venir .attestera Jong-, temps , dans la colonie , la violence de la tempSte qui
les a produites !
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' LIVRE II. — Du Brasil X Timor inclusivement. 371
» On observa, le lendemain de ce coup de vent, que les eaux avoient Meteorologie
par-tout un gout saumatre ; la pluie eile-m6me , pendant sa durde, avoit et physique,
aussi une saveur sal£e. » ( M. Quoy. )
Je termnjerai ia relation succinte d’un aussi triste ^v&iement , par le
tableau des variations qu’^prouv^rent les instrumens m^teorologiques et
les vents , pendant sa dur^e.
TABLEAU des Observations metiorologiques faites au Port- Louis de
1 ‘ Ile-de-France , lors de I’ouragan de 1818.
DATES.
HEURES.
ETAT DES INSTRUMENS
M£r4oROLOGIQUBS.
VENTS, ETAT DU CJEL
thermom£trk
centigrade.
BAROM&TRR
metrique ( 1 ).
HYGROM&TRE
de Saussurc.
IT REMABQU1S.
1818.
28 Fivrier.
7 1 * 0' matin.
759 nim >° 6 -
Le matin, lea vents variable* de i*E*r au Sud-
6. 0 . soir. . .
*9 »*•
7; 4 AS-
f
Est; tempt couvcrt dans cctte partie.
Dana I'apret-midi, vent* par rafales, del
couvcrt ; orage dans le Sud-Oucstra quatre
heurcs et demie, pluie; le vent fraichit ensuitc.
Orage et pluie.
Minuit
f
74; .5*.
i. CT Mats.
i h o' matin.
2 7 A-
748 ,68.
f
L’intcnsiU du vent augmenic ; forte pluie.
2. 0 .
a
73 8 . 76 .
9<5 ,0.
3. 10.......
i
733 .34-
f
Vents violent du Sud au Sud-Sud-Ess.
3- 33
f
730 ,8(5.
1
L’ouragan croit encore cn force ; les vents se
4* 9
f
7 * 6 A 7-
1
vapprodtent de l'Esu
S • °
5- 20
s
ft
1
»7
718 ,<58.
1
7'S * 2 7-
f
96 ,0.
lit soufflent avec fureur de l*Est a l’Eat-Nord-Est.
Passent ensuitc au Nord-Est , puis au Nord ;
7 . >;
i
710 ,ij.
le btromitre tend alors a remonter.
Les venu passent au Nord-Ouest, et diminuent
I I. 20
m
744 M-
f
de force ; pluie par grains.
Vents au Nord-Ouest, joli frais.
6. 0. loir. . .
>
75» »*9-
f
Le beau temps est revenu.
7-3° • •
f
73 4 AS'
f
(1) Les hauteurs barom£triqucs consignees ici , et qui sont dues comme le reste de ces observations
k M. Lislet-Geoffroy , ont £te rapportles, par des comparaisons sofgn&es, aux indications d’un excellent
barom£tre k siphon , de Gay-Lussac , que nous avions a bord de V Uranic.
Les trombes sont rares k FIle-de-France , mals ne sont pas sans exemple : Trombe*.
on en vit une lors de I’ouragan dont nous venons de rendre iompte. Ce
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Meteofologie
et physique*
Grele.
Pendule.
Magn&isme.
37a VOYAGE AUTOUR DU MONDE.
md6ore fut aper^u d’abord au quartier de Flacq; il avoit la forme d’un
diorme cylindre opaque , semblabie a une colonne de fumle ; il sembloit
qu’en dedans il y eut des flammes. Cette colonne avoit un mouvement
rapide de rotation sur son axe, etun autre non moins vif d^translation ;
elle enlevoit tout ce qui se trouvoit sur son passage, plantes, arbres,
maisons ; et souvent on pouvoit apercevoir des fragmens de ces difR-
rens objets tenus en suspension dans son intdieur m£me. Au rapport des
habitans , cette trombe comment se$ effets destructeurs a la pointe aux
Pimens ; puis , apr£s avoir parcouru un des grands diametres. de file ,
elle s'dhappa en mer, du cotd de Flacq , laissant par-tout sur sa route des
traces de sa fatale puissance.
On ne citoit, en 1817, quun seul cas de gr£Ie tomb6e k f Ile-de-
France ; il avoit 6 t 6 observe le 1 o novembre 1 7pp , aux piaines de
Wilhems etau quartier de Moka; on en eut un nouvel exemple, en 1 824,
pendant un coup de vent tres-remarquable.
Le pendule, qui , dans le vide, ramenl au bord de la mer, et i H- zo A
de temperature centigrade, donnoit A Paris 86 400 oscillations en vingt-
quatre heures solaires moyennes , donnoit , dans les m£mes circons-
tances et le m&ne temps ,8631 o°“,o86 au Port-Louis de flle-de-France,
par 2o # p' 5p" de latitude mlridionale.
Nous avons eu pour dlclinaison de l’aiguiiie aimantde 12 0 46' 2 5", 7
Nord-Ouest, etpour son inclinaison, 55 0 6 ' 4 $" > fa pointe devle de
l’aiguille dant la pointe Nord.
M. Lislet-Geoffroy avoit trouve que la ddiinaison de laboussole doit,
En 1783 , de. . 12° 4 $'
En1785.de... . . 12,40.
En 1786, de 12. 36.
Et en 1787.de 12. 38.
Bernier, dans le voyage deBaudin aux Terres-Australes en 1801 ,
observa 13® 1 5' Nord-Ouest ;
Flinders, en 1805, trouva,&un milleNord-Estde la ville, ii* 4 a* 30"
Nord-Ouest;
EtKing.en 1821, 12 0 o' Nord-Ouest.
Ces deux derniers rduitats sent, a ce quil semble, un peu foibles;
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LIVRE II. — Du Brasil a Timor inclusivement. 373
mais il paroit certain que ces navigateurs , non plus que MM. Lislet et
Bernier eux-m£mes , n r auront pas corrige , par le retournement, la
deviation de Faxe magn&ique de leur boussoie.
Une assez longue s£rie d*exp6riences faites par nous k I’entr^e du
Trou-Fanfaron , fixe / e'tablissement des marees sur ce point & i h 13'. Le
plus grand marriage de la mer, ou la plus grande difference de niveau
entre une haute-mer et la basse-mer cons^cutives , a efe de o m , j 6 S , et
le plus petit mamage de o m ,057.
Je dois 4 Fobligeance de M. Delisse les d^ils qui vont suivre , sur un
genre inferessant de recherches qui ont fait I’objet particulier de ses
Itudes. Cependant cet habile chimiste ayant perdu , lors de I’incendie
du Port-Louis , les notes qui contenoient Fanalyse des eaux de plusieurs
rivieres de I’iie qui nous occupe, il n’a pu meremettre qu’un simple aper^u
de son travail : je le transcris textueliement ici.
« Les eaux des rivferes de FIIe-de-France different en gdndral tfes-peu
des eaux potables des autres pays ; presque toutes coulent dans des ravins
plus ou moins profonds, sur un sol rocailleux, ou entre dMnormes ro-
chers de basaite, formant de frdquentes cascades. Tous ces courans d’eau
ont leur origine dans les for£ts qui couvrent les montagnes, et sont
battus dans leur course en tombant de cascade en cascade. En g^ndral ,
ces eaux sont agr^abfes au gout : un caracfere particulier qui les distingue,
c’est le carbonate de magndsie, qu’on y trouve en plus ou moins grande
quantrfe. Toutes les rivferes de file sont peu considerables ; il y en a
peu qui puissent donner plus de trois mille pouces d’eau ; il en est beau-
coup qui n’en donnent pas cinq cents.
» L’eau qui descend de la montagne du Pouce est celle qui contient le
plus de carbonate de magndsie : on le retrouve plus ou moins aussi dans
les autres; ici, n&nmoins, il est plus colord , a cause de la presence du
carbonate de fer. Cette eau contient aussi un peu de muriate de soude ;
dvaporde a siccitd, elle laisse un rdsicfu deux fois plus considerable que ne
le fait feau de la Grande-Riviere.
» Celle-ci , f une des plus abondantes de file , est conduite en grande
partie & la ville par un aqueduc : elle est le produit de deux rivieres qui
viennent du quartier de Moka , et d’un troisfeme courant qui a sa source
Meteorologfe
et physique.
Marees.
Analyse
des eaux.
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374 VOYAGE AUTOUR DU MONDE.
Metforologie dans les piaines de Wilhems. La somme des hauteurs des cascades que
et physique. p arcour t j a Grande-Riviere avant d’arriver k la prise d’eau de l’aqueduc, est
d'environ deux cents toises. Une livre de cette eau, ^vaporde k siccitd, ne
iaisse que six grains de r^sidu compost de carbonate de magndsie, de muriate
de soude et d’alumine carbonate ; les r&Lctifs n’ont pu y faire reconnoitre
ia presence duYer : c’est la meilleure eau qu’on boive.dans la colonie.
» Celle de la riviere du Tombeau tient le second rang , pour la puret£,
parmi celies qui avoisinentje Port-Louis; son r&idu est de dix grains,
par livre , de substances dj^Srant tr^s-peu , par leur nature , de ceiies de
la Grande-Riviere.
» J’ai analyst , sans y trouver rien de caractdristique partlculier, i'eau
de la riviere des Pamplemousses , qu’un habitant riverain me pria d’exa-
miner, en me disant que plusieurs de ses esclaves qui en faisoient usage
etoient attaqu<£s de coliques n^phr&iques : il m’apporta m£me plusieurs
pierres trouv^es dans la vessie des pores qui avoient 6t6 6le\6s au bord
de cette m£me riviere ; une d’elles £toit presque entierement formde d’oxa-
iate de chaux et d’ammoniaque, joints a du phosphate de chaux dispose
par couches distinctes ; ie phosphate de chaux formoit le noyau ; j’y trouvai
tr£s»peu d’uree. Rien dans cette eau ne me parut d’ailleurs avoir 6t6 la
cause directe de la maladie. La riviere des Pamplemousses , dans le voi-
sinage de 1’habitation dont il s’agit, coule sur un lit rempli de joncs et
de conferves ; elle a tr^s-peu de vitesse , et se jette ensuite dans la riviere
des Calebasses , dont la reunion porte un peu en dessnus le nom de
riviere du Tombeau : son cours devient alors plus rapide.
» L’eau de la riviere des Lataniers , dont le lit passe au pied des retran-
chemens situes au Nord de la ville de Port-Louis , n’est pas potable.
Deux livres de cette eau, evaporde a siccitd, ont Iaisse plus de deux cents
grains de residu compose de muriate de soude , de muriate de chaux, de
sulfate de soude , de carbonate d’alumine et de carbonate de fer. Dans les
grandes s&heresses, cette riviere tarit presque entierement. Les colons qui
habitent sur la montagne des Pr&tres, ou ejle prend naissance, assurent
que I’eau en est bonne & sa source ; ce qui doit s’entendre des petits ruis-
seaux dont la reunion constitue plus bas 1a riyiire elJe-m£me , et qu’elle
ne devient mauvaise qu’en passant sur un sol marecageux situe dans
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LIVRE II. — Du BRisiL a Timor inclusivement. 375
ie trajet: je n’ai pas eu occasion de verifier le fait ; mais il est constant Meteorologie
que, parmi les militaires qui travaillerent jadis aux fortifications, piusieurs, et P^ yli< I ue *
au m^pris des conseils des mldecins, s’ltant obstinC k faire usage de
cette eau pendant la dur£e de leur travail, eurent de violentes dysen-
teries , et d’autres , plus tard , des obstructions dans ies visc&res. Ii reste
encore un ouvrage intCessant k ex^cuter; c’est I’analyse des eaux qui
coulent k I’lle-de-France dans Ies cavernes.
>» Les puits sbht ici g^neralement de deux esp£ces : vers la partie
inftrieure de Port-Louis , on trouvera leurs eaux chargees de muriate de
soude ; plus pres des montagnes qui avoisinent la ville , elles filtrent k
travers un sol argiieux , et contiennent du sulfate de chaux et du sulfate
d’alumine ; enfin, Ies puits qui sont creusC dans Ies bancs de pierre
compacte, donnent des eaux assez pures : ceux de la maison Ravili
et de la maison Lagravelle , par exemple , situC pres de la Plaine-
Verte, sont abondans et fournissent de tr£s-bonne eau.
S. II.
Geologic.
« L’lIe-de-France , si bien connue sous beaucoup de rapports, dit M. Ie
docteur Quoy , lest fort peu sous celui de la geologie; et si I’on excepte
M. Bory de Saint- Vincent, tous Ies voyageurs qui ont parie de cette lie,
ont passe sur ce sujet , ou n’ont fait que I’efHeurer.
» Cette contrbe , et Ie petit nombre d’ilots qui I’avoisinent , sont
enticement leproduit des volcans. J’en ai fait Ie tour; et nulle part, m&me
dans Ies plus grandes profondeurs ou coulent Ies rivieres , je n’ai trouv^
de substance minerale qui n’ait 6t6 fondue. A ce premier fait, il faut en
ajouter un autre; c’est celui de I’abaissement du niveau de l’Oc<fan ( 1 ),
qui, apr£s avoir couvert certaines parties de file, a Iaiss£ a sec, en se
retirant , des bancs de madrepores assez Cendus.
» L’He-de-France , dont Ie contour peut 6tre lvalue k trente-deux lieues
(1) La presence de divers corps marins au milieu des terres, et k des hauteurs oil TOcean
aujourd’hui ne sauroit atteindre, prouve bien sans contredit que Ies eaux ont recouvert cette
partie du sol; mais Ie retraic des eaux, ou, comme disent parfois Ies geologues , l’abaissement
Voyage dc V Uranic. — Historique. B b b
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37 6 VOYAGE AUTOUR DU MONDE.
Geologie. marines, est couverte de montagnes dont les plus elanc^es ont de 4 1
a 4 2 4 toIses de hauteur. Quelle prodigieuse puissance n’a - 1 - il pas
fallu aux feux souterrains pour produire et faire sortir du sein des eaux
toute une vaste contr^e ! Aujourd’hui des debris de mati&res volcaniques,
dissemines de toute part , y attestent seuls ces terribles convulsions de
la nature , et Ton aper^oit a peine quelques traces des crat^res qui
vomirent ces montagnes de lave , dont la surface , d<fcompos£e par suc-
cession de temps , est recouverte de for£ts jusque dans leurs parties les
plus devees ! Ce seroit a tort qu’on voudroit supposer au centre de
file un foyer unique, qui se seroit abime sur lui-m£me, apres avoir
donn£ naissance aux terrains d’alentour. Pour Stayer une pareille hypo-
these , on a dit que les montagnes sont abruptes vers fintdrieur et en
pentes inclines du cotd de la mer. Mais cette observation est loin d’etre
g&nfrale : d’ailleurs, plusieurs grandes coulees ne partent pas du centre
de file ; bien plus , il y en a , comme fa fort bien fait remarquer M. Bory
de Saint-Vincent pour filot du Coin-de-Mire , qui prennent leur direc-
tion oblique vers file principale ; et celles-Ia font n^cessairement conjec-
turer que le gouffre ignivome qui les rejeta de son sein, est maintenant
cache dans les profondeurs de la mer ( i ).
» 11 faut done renoncer k fid£e que ces diverses montagnes , dont
quelques-unes sont tout-a-fait isolles, ont re^u d’un centre unique leur
existence, et croire qu’elles sont dues a plusieurs foyers s^pares , dont,
avec quelque attention, nous apercevrons des traces sur divers points.
» On verra les premieres et les plus puissantes de ces traces a
du niveau de la mer est-il mis par-la £galement hors de doute! On peut le supposer; mais il
est permis de supposer aussi que, par I’effet tres-connu des tremblemens de terre, des portions
de terrains, habituellement submergees autrefois, auront ete soulevees au-dessus du niveau
actuel de I’Ocean.
(i) De tous ces rochers epars, le Coin-de-Mire est le phis digne de fixer l’attention
du geologue : vu du cote de I’Est, il a la forme d’un monticule ordinaire; mais lorsqu’on
le double et qu’on i’aperijoit par le Nord ou par le Sud, il pr&ente un bien autre aspect.
Coupe a pic du cote occidental , on distingue dans sa cassure qu’il est forme de laves super-
posees et qui ont coule les unes sur les autres successivement : ces couches sont tres-inclinees
de TOuest a I’Est ; de sorte qu'on ne peut attribuer la formation du Coin-de-Mire qu’aux ejec-
tions d’un cratere qui existoit autrefois, au lieu meme oil nos vaisseaux fendent les vagues.
( Bory de Saint-Vincent , Voyage aux lies d’Afrique, tome i , page 1 53. )
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LIVRE II. — Du BiiisiL a Timor inclusivement. 377
la ville de Port-Louis m^me, batie au fond du plus large crat£re qui ait
probablement exists. La moitit: seule de ses parois subsiste aujour-
d’hui , et forme un vaste cirque limits par les hauteurs du Pouce et de
Piter-lot, deux montagnes elev^es de plus de 4oo toises, et, sur quelques
points, couples a pic comrae des murs. C'est en rade qu’il faut chercher
la continuation des rebords de ce crat^re , qui , en s’affaissant sur eux-
memes, ont disparu sous les eaux en m£me temps que I’Ocean a fait
irruption dans son enceinte. Que de temps a du s’^couler depuis cette
^poque, puisque deja des polypes du genre astr^e , entrem£les de magiles,
ont pu Clever sur la lave un vaste banc recouvert par d’autres laves !
» Si I’on vouloit developper davantage l’examen de ces grandes forma-
tions ign^es et de ces changemens prodigieux dont on n’a plus aujourd’hui
d’exemple, il faudroit necessairement y comprendre file Bourbon, qui
n’est distante de la premiere que de trente lieues : un volcan y est encore
en activity , et les masses entassees par les Eruptions souterraines y sont
bien autrement dlevees qu a flle-de-France. Quoique ces lies n’aient plus
entre elles aucune terre , il est probable qu*aux (fpoques reculees dont
il s’agit , toutes les deux formoient un m£me ensemble.
» La seconde trace de ces grands soupiraux ignivomes s’est offerte a moi
au lieu connu sous le nom du Grand-Bassin , situ^ au point culminant dune
petite chaine de montagnes d’ environ 3 00 toises de hauteur : c’^toit tr£s-
certainement un crat^re a contours irr^guliers , qui , lorsque le volcan s’est
eteint, pouvoit avoir 2000 toises de circonference. Sur la gauche du point
par ou fon y arrive , il existe des portions de ses parois , tres-elevees et
couvertes d’arbres. Son enceinte forme un lac dune profondeur que fon
dit considerable ; au milieu est un petit ilot representant un de ces cones
que fon remarque assez souvent dans finterieur des volcans a large bouche.
» Sans doute on decouvriroit encore a f Ile-de-France des traces de era-
ses secondaires, dont faction a du contribuer k f exhaussement de quelques
portions du sol. Je n’en connois qu’un de ce genre , situ^ dans la propriety
de M. Frappier, sur les bords de la Grande-Riviere du Port-Bourbon ,
dans un petit bois, et a quelques centaines de toises du rivage : la
mer, pendant les marges un peu fortes , y communique , assure-t-on , par
des conduits souterrains. La forme de ce bassin ( connu sous le nom de
Bbb*
Geologie.
\
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378 VOYAGE AUTOUR DU MONDE.
- Geologie. Mare-aux-Loubines ) est ronde : il est parfaitement conserve, et autour
rkgne un parapet assez eleve de laves noires , pesantes , quoique poreuses.
II est plein d’eau douce et sert de vivier : on dit que sa profondeur , prise
au milieu, est d’environ cinquante pieds.
» L'observation paroit d^montrer que ia mer, apres avoir empi£t£
d’abord sur le sol de rile , s’en est retiree ensuite (i). Ce qui vient a I’appui
de cette opinion, c’est que, sur divers points, on rencontre des bancs de
madrepores tres-press^s , eiev^s k la hauteur de dix k douze pieds , dont les
analogues se voient a quelques toises plus loin dans la mer (2). L’hopital
militaire, dans le voisinage du Trou-Fanfaron, est assis sur une semblable
couche , supports elle-m£me par ces gros blocs arrondis de lave basal-
tique , dont il sera bientot fait mention.
-» Un phenomene propre aux pays bruits se montre assez commun^-
ment & I’IIe-de-France ; ce sont les cavernes. Une des plus spacieuses ,
celle de la Petite-Riviere , est dans une plaine , au milieu d’un bois ; elle
s’ouvre en entonnoir. Sans doute Bernardin de Saint-Pierre a eu raison de
dire que cette ouverture semble £tre un aflaissement de la voute ; ce
qui indique que I’excavation se prolonge encore beaucoup dans le sens
oppose k son entree. Cette caverne est peu enfonc^e sous terre ; sa
direction, en aliant du cotd de la mer, est Nord-Ouest : la voute en
est tr£s-belle , et arrondie dans un espace de quelques toises ; la lave qui
la forme est noire, homogene, compacte, et toute dune coulee. Dans
quelques endroits, on remarque des fissures et de petites stalactites qui
ressemblent parfaitement aux batons de nitrate d’argent fondu des phar-
macies : ces stalactites sont de m£me nature que la voute ou elles se
forment et a laquelle elles pendent. En avan^ant , le cintre se surbaisse
au point qu’on est oblige de se courber pour passer ; ailleurs , on est arr&e
par des ^boulemens.
» Sur chacun de ses cot^s , au m£me niveau , deux moulures de
nature- volcanique , parfaitement r^gulieres , se prolongent assez loin.
(1) Voyez Ia note de Ia page 375.
(2) Du cote de Ia Savanne, on voit une large bande de ces memes madrepores, qui
s’etend assez loin et est eloignee de plus de cent toises du bord de Ia mer. Le meme pheno-
mene se fait observer aussi, dit-on, dans Ia plaine des Pamplemousses.
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LIVRE II. — Du Bresil X Timor inclusivement. 379
M. Baiily (1) les croit formees par un courant de lave qui auroit passe par Geologie.
cet endroit : je suis dune opinion contraire ; elies sont , selon moi , dues
X faction des eaux qui ont long-temps traverse cette caveme, et qui s’y
introduisent- pncore dans la saison des pluies ; c’est ce qu’indique la quan-
tity de caiiioux routes qu’on y trouve , et famas d’argile ferrugineuse qui
en obstrue le fond. Quoique la pdte de ces substances dyvoile leur ori-
gine volcanique , cela ne d^truit point mon assertion ; car dans un pays
tout volcanise , les depots que forment les eaux ne peuvent £tre que
dune nature analogue : j’en ai pour preuve les stalactites ntemes de ces
endroits , qui sont semblabies aux laves d’ou elies suintent. J’ai remarque
qu’on pouvoit detacher des portions de ces moulures , qui sont settlement
adlterentes aux parois de la voute sans faire corps avec elies. Une seule
chose embarrasseroit peut-etre , c’est que la matiere en est poreuse , et
qu’il est rare que les pierres qui se forment par d^pot le soient. De la
lave en fusion auroit rempli tout fespace vide , sans dessiner deux reliefs
aussi rdguliers que ceux dont il s’agit , et qui paroissent ^videmment ne
devoir leur origine qu’au frottement. II est probable qu’autrefois ce sou-
terrain avoit une issue ala mer (2).
(1) Voy. Piron, Voyage aux Terres australes , tome I.
(2) « Je ne connobsois pas les details tres-minutieux des dimensions de cette caveme rapportes
par Bemardin de Saint-Pierre, iorsque je m’occupai de les mesurer, aide de M. Pellion. Quoiqu’il
y ait quelques differences entre nos calculs, nous adoptons, comme etant probablement plus exact,
celui qui a deja ete mb au jour et d’apres lequei cette caveme auroit 2 050 pieds de longueur.
» Un bon thermometre centigrade nous indiqua les variations de sa temperature interieure,
qui est beaucoup plus elevee que celle de [’atmosphere : cet effet tient vraisemblablement au peu
d’epaisseur de la voute, k la couleur noire des pierres qui la forment, et sur-tout a la difliculte
du renouvellement de fair; car, au fond de cette excavation, la chaleur est insupportable.
Nous n’y demeurames pas assez long-temps pour que nos flambeaux pussent en augmenter
sensiblement la temperature. Voici le tableau de nos observations :
HEURES
DU MATIN.
DISTANCES
mesurAes en pieds.
TEMPERATURE.
(Therm, centlgr.)
REMARQUES.
8 h
*
ao .
Au fond de la Ca-
veme.
J.
A 7* 30' du matin , le thermometre marquoit ai«*,j a 1’entrec de
la caveme et a l’ombre.
8.
*8.
A 270I’ dufond.
29 ,0.
8.
40.
A J 4 °
A 810
28 ,0.
8.
47 *
28 f O.
8.
; 4 -
A 1080
2 6 , 0 .
9 -
7 -
A 1350
*3 >;•
9 -
12.
A 1620
22
9 -
20.
A 1890
22 ,0.
'
9 -
3**
A 2058
a 3 > 5 -
Nona ctiona a lore de nouveau a l’ouverture de ia caveme , e« a-
peu-pres a 1’endroit ou a jh 30 1 le thermometre marquoit ax
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Geologie.
380 VOYAGE AUTOUR DU MONDE.
” La direction des montagnes , leur escarpement et leur position pres
de la mer, annoncent, avant que 1’ experience le confirme, que le cours
des rivieres , qui sont ici en grand nombre , est aussi irr^gulier que borne :
ce sont plutot de grands torrens tombant en cascades (1) , eUrouiant ieurs
eaux , profondement encaissees , au travers des laves. La Grande-Riviere
est remarquable sur-tout par la profonde valiee volcanique ou elle coule,
dont les cotes sont coupes perpendiculairement, et par la chute en
cascade dune portion de ses eaux, chute qu’on Be peut evaluer k gu£re
moins de trois cents pieds de hauteur.
» En general , presque toutes les productions volcaniques de l’Ile-de-
France se pr&ententen grandes masses basaltiques, homogenes et pesantes.
Par-tout on trouve a la surface du sol, ou enfouis dans une argilerou-
geatre , des blocs considerables arrondis ou rhomboi'daux de doierite de
coufeur grisatre parsemee de grains d’olivine. Dans de certaines coupes
de terrains, ces blocs sont en si grande quantite , qu’on ne peut se refuser
d’admettre qu’ils n’aient ete ainsi entasses par des eruptions.
» Dans les difl&rentes coulees basaltiques, les formes prismatiques sont
beaucoup moins communes qua file Bourbon. Je n’ai vu de basaltes k cet
etat qu’entre Mahebourg et le Port-Bourbon , au bas d’une montagne voi-
sine , d’ou ils sembloient avoir rouie jusqu’au bord de la mer. Les prismes ,
d’assez petites dimensions , paroissoient avoir appartenu a un filon basal-
tique : leur hauteur n’etoit que de sept a dix pieds sur une circonference
de douze ou quinze ; joints entre eux et articuies , ils avoient subi un
commencement de decomposition. On en rencontre d’un diametre plus
grand qu’on emploie au pavage du chemin ; mais je n’ai point eu occasion
d’examiner la locality ou ils se trouvent, qui est, dit-on, voisine de la
montagne du Bambou : celle du Pouce a des basaltes en table mince et
d’autres en prismes triangulaires tr£s-petits. En general , ces sortes de pro-
ductions volcaniques sorit rares a I’IIe-de-France.
« Dans diverses plaines de file, on voit des roches arrondies, ayant
depuis un jusqu’a six pieds de diametre : quelques-unes sont a moiti^
enfouies dans le sol; d’autres le sont entierement. Ces roches, qui ont
(1) Celles du Tamarin, du Reduit, de Chimere ou de la Grande-Riviere, sont les plus
considerables. La cascade du Reduit, "moins elevee que cette derniere^ est plus volumineuse.
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LIVRE II. — Du Bresil a Timor inclusivement. 381
evidemment subi faction du feu , pourroient porter le nom de laves
basalti/jnes , A cause de {eurpate, qui semble itre homog£ne , et de leur
grain fin et serrd ; la cassure en est briliante comme celle de certains
granits ; elles sont de couleur grisatre et parsem^es de petits cristaux d oli-
vine. Lorsqu’on brise ces roches , on ies trouve poreuses dans quelques-
unes de leurs parties; quelquefois c’est au milieu, d’autres fois a la
circonference ; leur surface offre presque toujours des traces de decom-
position. Ce sont Ies meilleures pierres pour batir ; mais , k cause de leur
duretd, on ne peut Ies exploiter qu’en s’aidant de la mine. On leur donne
dans le pays le nom de pierres froides.
» Les tufias volcaniques sont rares. Le plus remarquable se trouve
au Port-Louis, ala gauche du Trou-Fanfaron : il est argileux, poreux,
tr&s-friable , de couleur grise vein^e de noir ou de rouge* selon le degr^
d’oxidation du fer qu’il contient; il est rempli d’une sorte de boules basal-
tiques , dont la decomposition rapide k la surface pr&ente des feuillets
concentriques ; le milieu seul est compacte.
« Les laves de f Ile-de-France different de celles de Bourbon, en
ce qu’on y remarque infiniment moins de cristaux de peridot. Je ne
sache pas non plus quon en ait trouve dont Ies alveoles interieurs
fussent tapisses de soufre pur , comme on le voit quelquefois k Bourbon ;
mais aussi elles contiennent beaucoup de chabasie en tres-petits cristaux :
c’est notamment en creusant au champ de Lort, limitrophe de la ville
de Port-Louis, qu’on en rencontre le plus.
» A flle-de-France, Ies coulees de matures volcaniques semblent s’^tre
lentement accumuiees en couches successives , tandis qu’i Bourbon , elles
ont eu , dans certains iieux , une puissance enorme. La montagne qui est
k l’Ouest de la rade de Saint-Denis en fournit entre autres un exemple.
» Dans la premiere de ces lies, on a vu quelquefois des portions de
squelettes de crocodiles engagees entre Ies laves et alt£r£es par le feu, ce
qui indiqueroit que quelques-uns de ces animaux se sont iaiss£ surprendre
par des coulees de matiere en fusion. Maintenant, il n’en existe plus tie
vivans , ni a Bourbon , ni k f Ile-de-France. »
A ces observations de M. Quoy, je ferai succ^der un petit nombre de
remarques qui m’ont £te communiquees. Il y a quelques ann^es que, lors
(Jeologie.
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382 VOYAGE AUTOUR DU MONDE.
Geologie. de la construction du Reduit, M. Dayot, architecte, eh expioitant, au
pied de la montagne du Corps-de-Garde , et sur l’habitation de M. Hugues,
une terre calcaire pour en faire de la chaux, trouva des oeufs et des os
fossiies de tortues de terre : fint^rieur des ceufs, enfonces da-peu-pr^s
deux pieds dans le tuf, £toit solide. D’autres ceufs de la m£me esp£ce
furent vus aussi a l’ltat calcaire sur {’habitation Courbon ; ceux-Id ^toient
vides, ou du moins n’&oient remplis que de poussi^re.
La montagne Blanche, dans le canton de Flacq, n’est , dit-on, qu’un
assemblage de tuf calcaire.
Pres de ceile du Bambou, aux Trois-Iiots, deux mornes dlevls
chacun d’une centaine de toises , ont une forme conique , et ne sont
de m&ne composes que d’un tuf calcaire qui , dant frais , se coupe k
la hache , et durcit ensuite a fair.
M. Delisse m’a assurd qu’on avoit vu , dans queiques pierres de
file , des ecorces d’arbre figures ; mais il n’a pu m’indiquer sur quelle
locality.
Dans une fouiiie qu’on fit au Port-Louis , iors de la construction du
tombeau du g£ndal Malartic, on retira du sulfate de chaux cristaiiisl,
qui reposoit sur une surface de glaise , a huit pieds environ de profon-
deur,
Lorsqu on creuse le sol dans des endroits trd-humides, ies laves qu’on en
extrait contiennent souvent , dans ieurs pores , des cristaux de carbonate
de chaux. M. Delisse en a observe iui-meme au quartier des Pampie-
mousses , aupr£s du ruisseau Pyrame , dans une fouiiie faite pour i’eta-
biissement d’une sucrerie. Des cristaux de phosphate de fer , en groupes
de ia grosseur d’un oeuf , se rencontrent frequemment aux Trois-Iiots.
Le quartier du Mapou est entierement priv^ de rivieres; un habitant
vouiant se procurer de I’eau de puits , fit creuser le soi jusqvfA quatre-
vingts pieds de profondeur sans en trouver de trace. Parvenus a quarante
pieds , Ies ouvriers ape^urent deux canaux natureis, d’un pied de dia-
metre , places I’un k cot 6 de I’autre , et dont ia direction alioit de l'Est a
i’Quest : iis ofiroient en petit le m£me aspect que Ies caverries de plus
grandes dimensions r^pandues sur tant de points de I ’lie ; i’eau paroissoit
y avoir pass£ a une ^poque fort ancienne.
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LIVRE II., — Du Brasil a Timor inclusivement. 383
S. HI.
Vie physique ; maladies.
II seroit superflu de parler ici de la constitution corporelle de la popu-
lation blanche des deux sexes ; ce sont en general les formes europeennes ,
d^velopp^es par tout ce que le climat et I’education peuvent oflrir de
plus favorable.
Dune stature commun^ment plus petite que celle des blancs , le creole
noir, assez bien pris dans sa taiile, est leste, adroit et vigoureux; il a les
traits agr^ables , I’oeil vif, exprimant f intelligence et la douceur; pas-
sionnd pour les femmes , il ne se livre pas autant que les autres noirs
au vice de I’ivrognerie.
Les Yolofs , tant hommes que femmes , sont dune taiiie haute et svelte :
ils ont I’oeil grand et le regard doux, la figure agreabie, fair ouvert, la
peau fine et d’un noir d’^bene , de belles dents , la bouche grande , les
jambes un peu minces et le pied tr&s-fort. Avec plus de noblesse dans
le maintien et dans ia demarche que les autres noirs ( un petit nombre de
Malgaches except^s ) , ils dansent aussi le chega avec plus de grace et de-
pression ; les femmes sur-tout aiment cet exercice k la foiie.
Quoique moins grands que ies Yolofs , les Malgaches, ou indigenes de
Madagascar, sont cependant mieux faits qu’eux : leur peau est dune nuance
moins foncee , leurs traits agr^ables , leur regard affable et spirituel ; ils
sont adroifs et fort agiles. On en connoit plusieurs castes , chez lesquelles
la couleur, la taiile, ies formes, ies cheveux et le caract£re varient sin-
guiierement. Les femmes maigaches sont pour ia piupart d’un physique
gracieux y d’un caractere bon et timide; eiles < 5 nt ia taiiie bien prise, ia
gorge bien faite, quoique peu deveioppee, les yeux beaux, ia main deli-
cate , mais ie pied grand et plat. Dans ia tribu des Ovas sur-tout eiles
sont tres-joiies.
Les Caflres ou Mozambiques ont une taiile moyenne et souvent
ramassde. Forts, sans manquer d’agiiite, ils ne sont ni aussi inteiii-
gens, ni aussi adroits que ies Malgaches; mais ils supportent mieux
Voyage de VUranie . — Historique. C C C
Qualites
physiques.
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384 VOYAGE AUTOUR DU MONDE,
qu’eux ies travaux p^nibles , et jouissent dune sanfe plus vigoureuse. Les
Mozambiques, bien nourris et trails d’une manfere Equitable, donnent
rarement a leurs maitres des sujets de nfecontentement ; ils sont prdfefes
a tous ies autres noirs pourjes travaux de la terre. Leurs femmes, courtes,
grosses et mal faites , ont Ies hanches tr£s- fortes , les reins larges , la gorge
volumineuse; quoique {’expression de leur physionomie n’ait rien de dur,
il en est tres-peu qui soient douees d’une figure avenante. Elies rivaiisent
pour ia force avec leurs maris , et ne sont pas moins propres qu’eux aux
ouvrages de fatigue.
Mais rien n'est comparable 4 la dliicatesse et 4 l’agrdment des formes
des noirs indiens; parmi ceux du Bengale sur-tout , on en remarque
qui eussent pu servir de modules aux chefs-d’oeuvre de la sculpture
antique; chez ceux-Ia I’dldgance et la finesse des traits du visage ne le
cedent en rien 4 la fegularife des proportions du corps. Aussi les plus
belles mulatresses sont-elies sans contredit Ies nfetisses-bengali. La sanfe
de ces noirs est en general peu robuste, et leurs forces physiques sont
en raison inverse des avantages que nous venons de signaler ; c’est pour-
quoi Ies esclaves indiens sont de preference employes au service des
maisons, dans I’interieur desquelles ils conviennent fort bien par la dou-
ceur de leur caracfere et leur aptitude aux arts : mais en general ils sont
d’une paresse excessive.
Le creole mulatre ( 1 ) est ordinairement d’une taiile dgale 4 ceile des
blancs ; mais il est moins fort. Du reste , comme Ies creoles de race euro-
pdenne, il estleste, souple, et supporte aisement les privations et les fatigues.
La tournure des mulatresses creoles ressemble beaucoup 4 celle des
blanches : presque toutes sont bien faites , ont Ies yeux beaux et pleins
d’expression , le pied regulier, quoique grand, ce qui tient 4 i’usage
qu’elles ont de ne point porter de chaussures pendant les douze.ou treize
premieres annees de leur vie; la jambe un peu gr£Ie, petite, mais bien
placee; la gorge nfediocrement saiilante, les bras plutot maigres que
poteles, et Ies cheveux longs et fegerement boucfes. Dans le nombre,
(1) On appelle ainsi a Tlle-d e-France toutes Ies personnes de sangmele, quel que puisse etre
le degre dece melange. Leur telnte parfois ne differe nullement de Ia couleur des blancs; dans
ce caS) Ia seule tradition peut faire connoitre Ia classe a laquelle ils appartiennent.
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LIVRE II. — Du Brasil X Timor inclusivement. 385
quelques-unes sont tris-blanches , et mime il y en a de blondes. On
• con9oit que le caract&re particulier de leur figure doit singuli£rement
dlpendre de celui de la m&re qui leur donna le jour.
Ainsi que cela arrive dans tous les pays chauds , les enfans sont ici
pub^res de fort bonne heure ; on compte en g£n£ral que les filles arrivent
a cette pdriode de la vie de onze X treize ans , et les gar^ons de quatorze
a seize ; mais cette r£gle comporte des exceptions parfois fort ^tonnantes.
Chez les femmes malgaches , le flux pdriodique ne se manifeste souvent
qu’& une ^poque tr^s-reculde ; dans ce cas , elles deviennent mfcres sans
avoir donnl aucun signe de nubilitd.
II n’est pas rare de voir a l’lle-de-France des hommes et des femmes de
la population blanche arriver a l'age de soixante-dix et jusqu’d quatre-
vingts ans ; on en a vu mime plusieurs aller au-dela. Dans l’ordre commun
cependant , on peut etablir que c’est entre cinquante et soixante ans que
se termine en cette ile la vie de ceux que n’entevent pas , dans le cours
de leur carrtere, des accidens ou des maladies aigues, maladies devenues
depuis quelques annles beaucoup plus frequentes et plus graves qu’elles
ne l’&oient pr^cddemment.
Les noirs, sauf ceux de quelques castes de i’Inde et de Guinde, n’at-
teignent point a cet age aussi souvent que les blancs ; ce qu’on doit attribuer
a leur excessif libertinage , qu’il ne leur est loisible de satisfaire , X raison
de leurs travaux journaliers , que pendant les momens qu’iis devroient
consacrer au repos. L’abus des liqueurs fortes , et particulierement de
l’arack , que presque tous les noirs aiment a la fureur , est encore une
des causes de leur prompte caducity. Les Malgaches et les noirs de
Guinde sont au reste ceux dont I’existence se prolonge le plus.
Les memes vices qui abr£gent la vie de la plupart des noirs , exercent
une influence non moins funeste sur celle des mulatres.
La fecondite des femmes est plus grande qu’on ne devroit le presumer,
eu dgard a la chaleur du climat. II n’est pas rare de voir des blanches
avoir deux enfans it-Ia-fois ; les n^gresses en ont quelquefois trois : on
cite mime un exemple ou fune d’elles en eut cinq ; X la vdrit^ ils ne
vecurent que quelques semaines. Mais ce qui est digne d’attention , c’est
ccc*
Vie physique;
maladies.
Age de puberte.
Duree dela vie.
Fecondite.
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Vie physique;
maladies.
Nature
des maladies.
386 VOYAGE AUTOUR DU MONDE.
qu’en de certaines ann^es , les accouchemens de plusieurs enfans A-Ia-
fois ont paru £tre plus communs que dans d’autres.
On compte peu dexemples de stCiiit^ ; mais les avortemens , chez les
n^gresses , sont frdquens , par une suite ndcessaire du libertinage excessif
auquel elles se iivrent, et qui provient en grande partie iui-m£me du
petit nombrede femmes qui existent dans la colonie , compart a celui des
hommes.
« L’lle-de-France , dont la population blanche est presque enticement
composC de Fran^ais, et qui k diverses epoques a 6 x 6 visitC par des
hommes instruits et de savans observateurs , est loin d’ofirir, sous le rap-
port medical , le m£me interC que quelques-unes de nos autres reiaches.
» Si nous jetons un coup-d’oeil rapide sur ies differentes maladies
que notre s^jour dans cette colonie nous a mis k portae d’observer,
nous retrouverons tou jours celies qui affligent les habitans des pays
chauds.
» En gdnCai les femmes y sont mai r^giees : les Europe'ennes m£mes,
apr£s un certain sejour dans ie pays , dprouvent la m£me perturbation ;
et i’on peut dire que dix-neuf sur vingt sont dans ce cas ; il en rCuIte de
nombreuses et parfois de graves incommodites.
» Les fiCres intermittentes, adynamiques et ataxiques, sont peu fre-
quent es ; ies fiCres biiieuses ie sont davantage. La vaccine , introduite
dans cette lie depuis 1 802 , a fait cesser ies ravages de la variole (1) , qui
ne se manifeste que de loin k loin, et k des Epoques plus recuses en-
core depuis i’aboiition de la traite des noirs. La gaie, les dartres, ies
catarrhes , ie croup , ia dysenterie , ia pleurCie , ia pCipneumonie ,
i’h^patite, ia nephrite, f h^maturie , Ie t&anos, Ies convulsions, la syphilis,
l’cedeme des membres infCieurs, ia I£pre , ies sarcocCes et ies affections
vermineuses : teiles sont Ies maladies qui exercent communement ieurs
ravages ; naguere Ie choiera-morbus est venu y ajouter ies siens.
Affections cutanees. — » Les lesions de i’organe cutane , lesions dont la
jnaiproprete est souvent ia cause , attaquent plus parti cuiierement ies noirs.
Quelques habitans empioient la ddcoction de tabac , de graine de iin unle
(1) Les annees oil Ia petite verole a fait le plus de ravages a TIIe-de-France, sont celies de
I754> l 77 l et l 79 2 -
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LIVRE II. — Du Brasil a Timor inclusivement. 387
au soufre , pour la guErison des dartres ,' dont les esclaves sont frEquem-
ment atteints.
Flegmasies. — » Les flegmasies des membranes muqueiises et sEreuses,
et celles qui affectent les viscEres abdominaux , doivent sans doute fixer
I’attention des mEdecins appelEs & exercer leur art dans les regions inter-
tropicales. « On doit, dans ces differentes affections, me disoit le doc-
» teur SauvE, Eviter soigneusement I’emploi des excitans, des amers ,
» des toniques; se borner au traitement antiphlogistique , et recourir
» plus souvent qu’on ne le fait & la saignEe, qui est , en quelque sorte ,
» frappEe de proscription dans la colonie. Cette Evacuation a EtE cons -
» tamment suivie du plus heureux succes dans ma pratique particuliEre. >»
Ophthalmie. — » Les maux d’yeux, que I’on dit Etre causEs par le
sphinx k tEte de mort ( sph. atropos, L. ), ont EtE observes plusieurs fois
k flle-de-France : des personnes recommandables et instruites m’ont
assurE avoir EprouvE elles-mEmes une ophthalmie aigue, occasionnEe par
la poussiere qui avoit EtE lancEe dans leurs yeux par ce sphinx , vulgaire-
ment noramE papilloa di ou f di.
Croup. — » Le croup, inconnu autrefois, regneactuellement dans file :
dEja beaucoup d’enfans ontsuccombE k cette cruelle maladie, et i’on compte
mEme aes adultes au nombre de ses victimes. La frequence des affections
catarrhaies , des flegmasies cutanEes , et sur-tout le passage subit dune
tempErature chaude a une tempErature froide et humide , me paroissent
les principaies causes des EpidEmies croupales , dont I’apparition trop
rEpEtEe glace d’effroi tous les habitans. La syphilis hErEditaire pourroit-
elle influer sur la terminaison fimeste du croup ?
Dysenterie. — » Aucune maladie n’est peut-Etre ici plus constante;
parfois elle devient EpidEmique. L’action de la chaleur sur I’organe
cutanE , .et I’Etroite sympathie qui existe entre cet organe et la membrane
muqueuse du tube digestif, font suffisamment connoitre k quelle cause
on doit attribuer les diarrhEes et les dysenteries des contrEes Equinoxiales.
Dans une dysenterie EpidEmique observEe a I’lle-de-France , M. le doc-
teur anglais Burke n’a vu pErir que quarante individus sur huit cents
malades , ou un sur vingt : les moyens qu’il mit en usage pour com-
battre ce flEau , furent ia saignEe , les purgatifs , les antimoniaux et
Vie physique;
maladies.
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388 VOYAGE AUTOUR DU MONDE.
fopium. M. Sauvt s’est fort bien trouvt de J’empioi de i’iptcacuanha
administrt k des doses peu considerables et souvent rtpettes. En pareii
cas, les soins hygitniques doivent ntcessairement occuper ie premier
rang.
Hepatite. — » L’inflammation de i’organe biiiaire est frtquente.
M. Burke, dans le traitement de cette maladie , a coutume de dtbuter
par ia saignte ; il present ensuite ies purgatifs et administre au besoin
Ie muriate mercuriei 4 ia dose de cinq grains et cinq fois par jour :
ces moyens lui rtussissent pour i’ordinaire, a ce qu’il assure. Les abets
dans ia substance du foie sont toujours tres-graves , et ne doivent ttre
ouverts qu’en temps opportun , iorsqu’iis sont toutefois accessibies a nos
instrumens.
Maladies des votes arinaires. — » Les maladies de cette ciasse paroissent
dtpendre ici de la quality des eaux (i). Ii seroit des-iors bien avantageux
pour la science et pour les habitans qu’un habile chimiste fit I’analyse
exacte et compare de ceile des rivitre$ et des ruisseaux de cette colonie ;
malheureusement nous n’avons pu donner plus haut qu’un simple aper^u
sur cette matitre.
Maladies convulsives. — » Le tetanos est souvent mortel : il provient de
l’impression d’un air froid sur ia peau tendre et delicate des enfans nou-
veau-nts , sur les blessures des individus de tout age et de tout sexe; ii
est egalement dttermint par toutes sortes de piqures.
>» Les convulsions et les diverses affections spasmodiques des enfans ,
presque toujours attributes & la presence des vers, n’auroient-elles pas
mainte fois pour cause la force d’impulsion du ventricule aotti-
que ? . . . . Le sang portt avec trop de violence a 1 ’organe enetphalique
occasionne les spasmes et les accidens les plus aiarmans, que 1’on fait
disparoitre bientot au moyen d’abondantes saigntes. C’est k un pareii
(i) <c Deux maladies qui paroissent eire particulieres a Hle-de-France, appellent toute
Inattention du medecin. Ce sont d’abord les affections des voies urinaires, qu’on se contente
de traiter avec plus ou moins de succes, sans en rechercher les causes occasionnelles, qu’on
soup^onne cependant exister dans l’eau qui sert de boisson; mais on n’a pas encore fait d’expe-
riences suivies a cet egard.
»La seconde maladie, tres-cruelle , est une paralysie des membres inferieurs, qui, dans
plusicurs cas, prive le malade, en tout ou en part>e, de leur usage. » ( VW. Quoy. )
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LIVRE II. — Du Brasil a Timor inclusivement. 389
traitement que le docteur Sauvd croit 6tre redevable de la conservarion Vie physique;
1 rt maladies.
de son tils.
»> L’dcorce verte des rameaux du mourongue sert k faire des pilules
antispasmodiques : on la pile dans un mortier, et on i’administre A la dose
de trois gros. Les ntedecins mala bares font usage ici, contre les spasmes,
du sue de la racme du mourongue, m£te avec quelques grains de poivre
en poudre. Le ra&ne sue , auquel on ajoute quantity £gale de celui du gin-
gembre frais, apaise, disent-ils , les douleurs de goutte; ii faut pour cela
en prendre k jeun trois ou quatre cuiller^es k bouche. Ces ntedecins ntelent
ensemble le sue de Itecorce et celui de la racine du mourongue avec du
sue d’ail , et donnent ce remade aux personnes attaqu&s du junir : e’est
une espice de tetanos qui crispe les membres et resserre les machoires.
On sait que , dans les pays chauds , les enfans sont sujets k ce mal pen-
dant les premiers jours de leur naissance, qu’il en fait pdrir un grand
nombre , et qu’on n’a pas encore trouve de specifique k lui opposer. Quel
inconvenient y auroit-il a tenter celui que je viens de ctecrire , et doiit
on doit la publication a M. de Cossigny.
Affections vermineuses. — » Ce sont principalement les noirs qui sont
atteints de ces maladies. On a plusieurs exemples de tenias , contre les-
quels on s’est servi avec succ£s des purgatifs drastiques. II seroit sans
doute essentiel d’essayer comparativement le sue frais et le sue concret du
papayer. Lorsque les ntedecins de 1’IIe-de- France et ceux de Bourbon
prescrivent ce remade , ils ordonnent de prendre de l’huile de ricin imnte-
diatement aptes.
» M. de Cossigny vante les proprtetes anthelminthiques du sue des
feuiiles de I’arbrede ben : « M. Legou de Flaix, dit-il, assure que son
» beau-ftere, attaqud du ver solitaire, prit ceremede ntete aveci’eaude
■ coco, et qu’il rendit ce ver route en boule, sans ^prouver de malaise. On
*» peut employer aussiune forte decoction du bois ntemede cet arbre. »
Hydrophobie. — » Cette maladie £toit inconnue k 1’Ile-de-France avant
I arritee des Anglais ; elle se manifesta en 1 8 1 1 pour la premiere fois.
Li comme en Europe , on n’a aucun exemple bien confirm^ de guerison
de la rage. C’est en vain qu’on a recours k la saignee jusqu’A d^fail-
lance, conseillee par le chirurgien d’un regiment anglais, M. James
/
Vie physique;
maladies.
3po VOYAGE AUTOUR DU MONDE.
Gibson, qui assure avoir gu^ri un hydrophobe par ce moyen, dans ies
environs de Madras.
» La cauterisation doit £tre considdree comme le preservatif ie plus
certain et ie plus propre & neutraliser Ie virus rabide; c’est le seul dont
Fexpdrience ait constat^ Fefficacit<£ (i). On peut joindre avec avantage,
a ia cauterisation , Fadministration intdrieure de Faicali volatii, et sur-tout
un large emplatre ydsicatoire sur la plaie , qu’il faut eiargir si elle est
profonde.
» Les mercuriaux , Fopium , Ie muse , la belladone , Fimmersion
brusque dans Feau froide, la decoction du laurier-cerise injectee dans les
veines, &c. &c. sont autant de moyens infideles qu’on doit rejeter.
» Des observations plus detailiees sur la topographie mddicale de 1 ’IIe-
de- France sont rendues inutiles par l’ouvrage qua publie M. le docteur
Chapotin (2). L’hopital militairede Port-Louis estpeu important; situe entre
le quai et Ie Trou- Fanfaron, il est expose a des emanations infectes que
Fon devroit toujours eloigner des etablissemens de ce genre. II y a au-
pres de la Grande -Riviere un autre hopitai exclusivement destine aux
noirs. » ( M. Gaimard . )
s. IV.
Population; mceurs ; usages particulars; frc.
Plus de quatre-vingt mille ames resident a FIle-de-France, et offrent
une reunion d’hommes de presque toutes les contrees du monde. On peut
en diviser la masse en trois classes bien distinctes : la population blanche,
d’environ sept mille individus, y compris les troupes (3), et composee
(1) II est probable que Temploi des ventouses appliqu£es sur-Ie-champ ,parviendroit a neu-
traliser ou plutot aprevenir Tabsorption du virus rabide dans Teconomie animale; ce moy^p,
employe contre les poisons les plus actifs introduits dans des plaies faites a dessein, a eu le
plus grand succes.
(2) Sous Ie titrejde Topographie medicale de V Ile-de-France,
(3) D’apres M.Gabert, Ia garnison de TIIe-de-France, disseminee dans les differentes parties
de Ia colonie, s’elevoit , en 1 8 1 8 , a dix-neuf cents hommes ; elle se composoit de mille hommes
du i2. e regiment de ligne, de huit cents du 25.% eft de cent hommes d’artillerie.
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LJVRE II. — Du Brasil a Timor inclusivement. 39 1
principalement de Fransais , de quelques Anglais , depuis la prise de file; Population
d’Europtens de toutes les nations , de plusieurs Anglo-Amtricains et de
creoles.
2. 0 La seconde classe renferme les gens de couleur libres, c’est-d-dire ,
les noirs et les mulatres nts libres ou affranchis depuis plus ou moins
long-temps, des Indiens et un petit nombre de Chinois.
3. 0 Enfm la population esclave, qui s’titve k un peu plus de soixante-
trois milie ames : celle-ci est un melange de noirs d’Afrique , de Mada-
gascar, de Tlnde, et de crtoles de ces diverses races. Les Africains sont,
sinon les plus intelligens, du moins les meilleurs comme les plus nom-
breux.
Le tableau suivant donnera une idee plus exacte de cette population ,
et de la maniere dont elle ttoit distribute peu avant I’tpoque ou nous
arrivames dans la colonie : on doit compter sur l’exactitude de ce
document.
Voyage del* Uranic. — Historique.
Ddd
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VOYAGE AUTOUR DU MONDE
Tableau de la Population de I’lle-de-France en 1816.
NOMS
des
QUARTIERS.
BLANCS.
NOMS
des
piuncipaux cantons I Adultes. I Enfans,
de chaque quartier.
3 s * 9
I h 1 j
P P s
Port-Louis .... I Port-Louis, Grande-Riviere. 1 1 145. 665 . 1 479. 637.
NOMBRE DES 1NDIVIDUS
DE COULEUR
ESC LAVES.
Adultes. I Enians.
Adultes. I Enfans.
SIMS
X 21 O
o 2
3 3.5
3 I g
2 2 2
9 11, 1 5^3-1 980. 1 079.I 4- 553-1 7°aJ-| 3017.
Pamplemousses.
Rivi£re du Rem-J
part 1
Montagnc-Longuc , Peter-
Both, Riviere- dcs-Calc-
basscs, Piton , Bois-rougc,
Mapou, Tombeau
366. 24a.! 118. 143.I 869.I 183. 233.1 187. 163.I 786.I 5 207. 2 247.
Bois-rouge, Mapou, Poudre-}
dor, Piainc Saint-Cloud, f 227 8a. 10a# a70# 369. 214. 227. j 080. 4 686. 1963.
Riviere du Rempart ,f
Plainc-des- Roches 1
Port - Bourbon,
ou Grand-Port/
Flacq, Marc aux-Lubines, .
Qua t re — Cocos , Trou- J
d’eau - douce , Riviere- [ . .
Seche, Marc-aux-Fou-> ”*• 1)5 ” 9 ' S’ 6 '- 3 9 6 - * J ' »« 7 - 3 + 7 - ■ *8i. +581. 2016.
gercs, T rois-I lots, Cam p- 1
de- Masque 1
Mare - d'Albcrt , Plcin - »
Bois , Marc- au - Tabac , I
Ccnt-Gaulcttcs, Riviere- V 229. 133. 103. 108. 573. 232. 283. 214. an. 940. 2867. 1169.
Lachaux , Riviere- des- I
Creoles, Trois-Ilots. ...»
Grande - Savannc , Pctitc-
Savanne
Riviere— Noire . )
Plaines - Wil -
hems
Petite - Riviere , Plaines- j
Saint-Pierre, Tamarin,!
Rivierc-Noirc, Coteau- / ^ 2 ‘ ^ a * 73 * 8a.
Rafin , Gorges- du-Cap. j
89. 41. 26. 23. 179. 56. 60. 38. 49. 203.
92. 72. 73. 8a. 3x9. 60. 84. 86. 73. 30;.
Bas-du-Quarticr , Terre- j
Rouge, Quatrc-Borncs ,\ 189. 94. 117. l0 j.
le Bassin , le Vacois. . . . I
Les Pailies , Moka , Terre- )
Rouge, Quartier- Mill - 1 134. 48. 71. 76.
4807.
1 708.
I 916.
803.
Totaux [2 822. 1 609.I1 298. 1 302.
12 237. 19716.
9 269. 10924.
8 028. 9 678.
8 336. 10478.
4926. 6439.
3 9*9- 4 35»-
3479- 6103.
7701. 8932.
3 349* 3 979*
f Blancs
• 7* 3 1 -
J Gens de couleur. . . .
j libres
t^s
0
0
'
( esclaves
. < 5 ? * 94 .
Total general...
. 80 600 .
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LIVRE II. — Du Brasil a Timor inclusivement. 393
On a remarque que la population des hommes de couleur libres ,
deja fort multipliee k i’lie-de-France , suit une progression toujours crois-
sante; et il est facile de pr^voir que cette classe d’individus , qui d£s k
present domine par sa force numerique la population blanche , finira tot
ou tard par la maitriser tout-tl-fait. C’est k 1’homme d’etat a calculer et a
pr^venir les consequences funestes pour celle-ci qu’un pareil ordre de
choses tend k amener.
A ^augmentation de la population fibre, par les naissances, il faut
ajouter le produit des affranchissemens , qui , d’apr£s un releve de douze
annles, a 6 t£ dun sur 4 32 esclaves ; ce qui donne i4o affranchis par an
depuis 1804 jusqu’4 1816.
Chez les esclaves , au contraire , la population diminue , par la raison
que les femmes de cette classe ne sont pas en nombre proportionn&nent
suffisant ; disparite' qui devient la source dun excessif libertinage , au
detriment indubitable de la reproduction. Le tableau qui precede montre
en effet que, sur 36000 noirs adultes, il n’y a que 15000 femmes
environ, tandis que, parmi les libres (1), 2 000 hommes correspondent
A 3 000 femmes. Mais il n’est pas moins digne d’attention que , pour
2 800 blancs, on compte seulemeut 1 600 femmes; il est vrai que la
plupart de ceux-ci trouvent aupr£s des femmes de couleur de nombreuses
et complaisantes auxiliaires. On voit qu’il nait g<hi6ralement , dans la
colonie , plus de filles que de gar£ons ; mais la proportion en est plus
forte chez les esclaves , puis chez les blancs , que parmi les libres.
Une consequence a deduire naturellement de I’expose qui precede,
c’est que , depuis l’aboiition de la traite des noirs , la plupart des habita-
tions et des usines a sucre manquent de bras et sont souvent mal exploitees.
Ce deficit ne pourra ailer qu’en augmentant, quand m£me quelques
introductions frauduleuses de noirs echapperoient a 1’attention du gou-
vernement anglais.
Les blancs creoles sont en general tr^s-portes a l’orgueil; la maniere
dont on les ei£ve est peu propre k leur faire perdre ce ton de supe-
riorite qu’Hs contractent d£s l’enfance ; accoutumes k se voir obeis par
(1) On donne assez souvent la simple denomination de libres aux personnes de couleur
qui ne sont pas esclaves,-
Ddd*
Population ,
Moeurs, &c.
Caractere
des habitans.
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39 4 VOYAGE AUTOUR DU MONDE,
un grand nombre d’esclaves , avant m6me qu’ils puissent balbutier des
paroles de commandement , its conservent en avan^ant en age un carac-
tere entier et hautain , impatient de la plus t^gere contradiction : la
moindre resistance tes irrite , ta moindre offense excite en eux un ressen-
timent implacable. Au reste, ces vices, qui sont ceux de Education et
de leur position sociate , n’excluent point tes qualitls du coeur : its sont
bons , hospitaliers , g^nereux jusqu’A ta prodigalite. On tes dit un peu
trop enclins k t'amour physique et aux infidelit^s conjugates. La danse ,
la musique , Equitation sont tes arts pour tesquels its montrent le plus
d’inclination. Its ont de t’inteltigence , de t’adresse, de I’esprit, et de la
facilite a s’instruire, mais peu d’aptitude aux travaiix p£nibies et a ceux
qui exigent de ta Constance ou une tongue tension d’esprit. On fera d’un
creole un bon mar in , mais rarement un bon charpentier; souvent m£me
letat quit embrasseroit par gout lui r^pugne , s’it y entrevoit quetque
obligation g£nante.
Les femmes creoles sont douces , bonnes , aimantes , et nutte part on
ne trouveroit de m£res plus tendres , plus affectionn^es , plus devours a
leurs enfans. Aux graces du corps , eltes joignent l’amabitite et la finesse
propres a leur sexe. Comme tes hommes, eltes cuttivent avec predilec-
tion tes arts d’agrdment , et it en est ptusieurs qui y excellent. Mais ici ,
comme par-tout peut-£tre , tes soinS de la toilette tiennent & leurs yeux
le premier rang. Peu de dames se mettent avec plus de gout, aucune
avec plus de proprete , que les creoles. Ettes adoptent avec empresse-
ment les modes nouveites ; mais ettes ont le bon esprit de ne les point
suivre servilement et de tes accommoder a teur figure. It est vrai que
cet amour de ta mode et de la parure va peut-£tre trop loin chez quelques
jeunes personnes : tes fortunes ne sont pas egates a rile-de-France , et
cependant on le croiroit a l’uniformite qui y r£gne dans l’emploi de son
bien. Un p£re ne veut pas que sa filte soit moins £t£gamment habiltee
que cetle d’un voisin dix fois plus riche que tui; it se sacrifie pour sou-
tenir ce luxe , et t’accoutume de la sorte 4 ne rien avoir a desirer : aussi
murmure-t-elle ensuite , lorsqu’un dpoux ^conome refuse de tol^rer a son
tour une d^pense peu proportionn^e a ses revenus.
Les mulatres et tes mulatresses tiennent un peu, pour le caract£re ,
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LIVRE II. — Du Bresil a Timor inclusivement. 395
des blancs creoles. Leur education est fort negligee ; par suite , on compte Population,
dans cette ciasse fort peu de bons maris : aussi les blancs qui ont eu des Ma>urs »
enfans avec des femmes libres , repugnent en general p. marier leurs
filles avec de pareils £tres. Fiers , paresseux , adonnes au jeu et aux
boissons spiritueuses , ils ont bientot dis^ipe le peu d’argent que ieurs
femmes apportent en dot. De tels manages sont rarement heureux, et
ceux qui font exception sont en petit nombre. Le bianc europ^en ou
crdole est soutenu dans ses travaux par l’idee de retourner un jour dans
son pays originaire ou natal : le mulatre, qui n’a point la m£me perspec-
tive, cherche peu a amasser; ii a des maitresses , rend sa femme malheu-
reuse, et ne s’inquiete guere de i’avenir.
Bon, laborieux, propre aux travaux penibles, quand il est bien nourri ,
le Mozambique temoigne de i’attachement a sa femme et a ses enfans,
pour lesquels il se priveroit de tout. Le Malgache, au contraire , s imagine
que sa femme est obligee de travailier pour lui. Les femmes de la pre-
miere caste sont portees aux plaisirs de l’amour, mais beaucoup moins
que celles des Malgaches , qui s’y livrent avec une inconcevabie fureur.
Les noirs, et m£me les mulatres libres, contractent facilement le vice
de fivrognerie ; ceux qui boivent habituellement de I’arack (1), s’iis ne
sen privent pas de bonne heure , ne vivent gu£re au-dela de trente ans.
Les Indiens de la cote de Coromandel sont les seuls hommes de
couleur qui aient et^ introduits libres & l’lle-de-France. Choisis en g£n£rai
parmi les gens de metier , tels que masons , tailleurs , & c. , ce sont
eux qui ont peupie la division de Port-Louis connue abusivement sous
le nom de Camp Malabar. La plupart ont pris les moeurs creoles ;
quelque families seulement continuent de vivre et de s’habiller a I’in-
dienne. Peu de femmes dans ce quartier vivent en concubinage avec
des blancs ou avec des mulatres ; elles se marient i-peu-pr^s toutes :
aussi cette population augmente-t-elle beaucoup.
Nulie part peut-^tre la vanite de la mise n'exerce plus d’empire que
(1) Cette boisson, faite avec Ie ju$de la canne a sucre distille, est d’un gout qui repugpe dans
les commencemens : si Ton a Ie malheur de s’y habituer, on est perdu ; car il est ensuite tres-
difficile d’y renoncer. On a vu des person nes mourir m6me, pour avoir voulu se sevrer de
cette boisson perfide. cw
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Population ,
Moeurs, &c.
Filles publiques,
concubines.
Preference
donnee
aux femmes
de couleur.
396 VOYAGE AUTOUR DU MONDE,
parmi les gens de couieur ; iis Ini sacrifient tout ; ies esdaves m£mes ne
sont pas exempts de cette manie. Les noirs Yolofls, libres et chretiens,
affectent anssi heaucoup de iuxe dans leur parure : rien nest si bizarre
que de voir des femmes noires comme de i’^b^ne, vetoes et coiffees k
i’instar des Europdennes les plus Elegantes. C’est au bai sur-tout qu’eiles
^talent toute la somptuosite de leurs ajustemens.
Il n’existe dans file aucune fille publique proprement dite : sans
doute un etranger peut iouer une ndgresse esciave; mais on ne connoit
aucune maison ou le premier venu puisse aller frappftr avec ia certitude
d’etre admis en payant. Les femmes de couleur iibres sont , il est vrai ,
fort adonnles a la galanterie ; n&nmoins eiles y mettent une sorte de
retenue : les engagemens de coeur qu’elles contractent , n’ont lieu qu’avec
des hommes qui leur sont connus , et une espece de stipulation pr^alable
assigne une certaine duree a ces unions illicites.
Dans nos con trees , cet etat de concubinage est consider comme
ignominieux : au contraire, il n’a rien que de naturel aux yeux des
mulatresses. L’opinion qui met une si grande distance entre ies blancs
et Ies gens de sang , ia loi qui defend le mariage entre eux , tout Ies
porte k embrasser sans scrupuie un genre de vie etabli par I’usage : c’est
done par un pur sentiment de preference qu’elies cadent aux poursuites
d’un blanc , a qui eiles s’attachent, avec lequel eiles desirent avoir des
enfans; car c’est la que tendent tous leurs voeux. Certes, l’inter£t entre
bien pour quelque. chose dans les liaisons de cette nature ; mais pouvoir
dire, Mes enfans sont blancs, est la prerogative qui Ies flatte le plus.
Cependant toutes Ies lilies mulatresses ne vivent p^s ainsi en concu-
binage : quelques-unes, sur-tout ceiles qui, comme nous l’avons dit,
descendent de parens indiens, se marient avec ies creoles muldtres; peu
sont portees au iibertinage. Malheureusement celles-ci ne forment pas
le plus grand nombre,
«Les Europeens, dit M. Thorny Pitot (i), se trompent, s’ils pensent
que la Venus noire a moins d’adorateurs dans les colonies que sa belle
rivale.. II faut convenir , A notre honte , que trop souvent on lui donne
la pomme. Soit qu’eflrayes des soins longs et assidus qu’il faut rendre
(i) Dans Ies notes qu’il a bien voulu rldiger a ma demande.
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LIVRE II. — Du BRisiL X Timor inclusivement. 397
aux creoles blanches, des obstacles qu’il faut surmonter, des risques Population,
qu’il faut courir, avant d’obtenir un regard moms hautain que celui dont Mceurs > &c -
les Strangers se piaignent presque tous , les creoles et les Europdens eux-
m£mes vont s’adresser de preference ices beaufes , venales irla-fois et vo-
iuptueuses, qui ne donnent la fatigue de soupirer long-temps, ni k
I’ Adonis qui n’a que des desirs k faire valoir , ni au Midas qui fait briller
for k leurs yeux. Faut-il I’avouer encore , et ne rendrai-je pas bien s£v£re
ie jugement que la morale et la d^cence porteront contre les colons , si
j’ajoute que trop souvent les liaisons passag£res formees avec des mula-
tresses libres , deviennent de v&itables mariages (aux engagemens fegal
et reilgieux pfes ) , et que i’imprudent qui croit ne former qu’un lien
fragile et de peu de jours finit par y restef enlace le reste de sa vie !
» Piusieurs causes contribuent a cet effet, trop funeste pour la morale
publique, pour I’avantage g&i&ral de lasocfefe, et nfeme peut-£tre pour
l’existence future de la colonie : la premiere est l'attrait irresistible que
tous ceux qui ont habife les colonies reconnoissent i cette esp£ce de
femmes , dont lip. premiere pensee fut pour la volupfe, dont {’education
n’eut en yue que ia volupfe , et qui, par inclination, par besoin et par
etat, devouees au culte du dieu des jardins, en font l’unique etude, le
seul bonheur et la premiere gloire de leur vie. Ajoutez k une morale sem-
blable un physique plein d’efegance et de graces, des formes dont le
statuaire grec eut embelli les oeuvres de son genie , une demarche pleine
de mollesse, un costume sedubant, une proprete exquise, des talens
agfeables, des soins pleins de tendresse, enfin toutes les quaiifes du coeur
que permet encore {’absence de la pudeur , et le rigoriste le plus severe
concevra du moins , s’il ne 1’excuse pas, l’empire que ces femmes exercent
et conservent si long-temps sur leurs adorateurs.
» Ce n’est gu£re qu’a defaut de liaisons avec les blancs que les multi-
tresses libres consentent k s’unir aux hommes de leur classe : elles s’ho-
norent bien plus d’etre les maitresses des jeunes colons ou des Europ^ens
que les Spouses legitimes des libres, dont la conduite, g^n^ralement defe-
gfee , ne leur promet guere de bonheur dans leurs manages.
» On a vu des mulatresses donner des bals ou le luxe etoit poussd Bals.
beaucoup plus loin que dans ceux qui ont lieu chez les premiers n^gocians
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Population ,
Moeurs, &c.
Reflexions
sur
les mulatresses.
3^8 VOYAGE AUTOUR DU MONDE,
de ia viile. Les robes les plus elegantes, ies plus beaux cachemires, y
paroissent en grand nombre ; et souvent une muiatresse a achetl sans
h&iter une parure dont ies dames blanches avoient trouve ie prix trop elev£..
» Dans ies bais des mulatresses iibres , ies blancs seuis sont admis
comme danseurs et comme spectateurs, tandis que ieurs freres, ieurs
epoux et ieurs parens de toutes ies classes n’y peuvent assister. Piusieurs
de ces Ninons parient ia iangue fran^aise et l’^crivent m£me avec puret£
Quelques - unes , depuis ia conqu£te de file, ont appris fangiais, et
s’enoncent faciiement dans cette iangue. La guitare est ieur instrument
favori , et l’on compte bien peu de pianos ou de harpes dans Ieur camp.
Elies chantent generaiement assez bien ; mais ia danse est fart ou eiles
excellent , et ion en a vu qui , formdes par des maitres plus habiies ,
eussent paru sans desavantage aupr£s des premieres danseuses de i’Op^ra.
Les noirs iibres , de ieur cot6 , reussissent generaiement bien a jouer du
vioion. II en est peu qui ne jouent par routine ; mais.ils reriennent avec
une facilite merveilleuse tous les airs qu’iis entendent, et Ies executent
avec une exactitude et une precision remarquabies. IIs composent eux-
memes des contredanses et des valses charmantes , ou varient celies des
compositeurs fran^ais avec beaucoup de gout. Leurs plus mauvais racieurs
manquent rarement a la mesure , et l’on compte dans I’ile piusieurs md-
netriers qui, a Paris m£me, redouteroient peu la concurrence.
» On nomme indifferemment mulatresses , a 1’Ile-de-France, toutes ies
femmes de sang m£ie ; queiques-unes c ^pendant sont d’une teinte qu’ii
seroit (difficile & un etranger de distinguer de ceile des femmes blanches,
dont eiles imitent avec ie plus grand soin la mise, ia demarche et le ton.
Dans pen d’ann^es , ii est k croire que ie camp qui ieur est rdservtf contien-
dra une quantite considerable de ces femmes, que le pr^jug£ colonial em-
p£chera seui de confondre avec les dames creoles.
» II est impossible de pr^dire ce qui rlsuitera d^finitivement de ia dis-
parition totale de la nuance qui s^pare encore ces deux classes. Les dames
blanches, dej& moms irrit^es des hommages qu’on rend k Ieurs rivaies,
fmiront-eiies par permettre un rapprochement qui ieur est encore odieux
aujourd’hui, mais que Ies blancs de ia coionie , et sur-tout ies Europlens ,
considerent comme ineyitabia, d’ici A quelques annees ? Le gouyernement
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LIVRE II. — Du Bresil a Timor jnclusivement. 399
se m£Iera-t-il de cette grande querelie, et autorisera-t-il ies mariages entre Population ,
les femmes libres et Ies colons blancs \ II a dtjk ferme les yeux sur Mceur5 ’ Scc -
plusieurs unions de ce genre , formees , il est vrai , par des Europ^ens
dune classe et dune condition obscures , et j’imagine que , par la
force des choses, ce qui est consider^ aujourd’hui comme une faveur ou
une negligence de la part des autorites , finira par triompher et de la
repugnance des blancs et de la volonte premiere du legislateur. Le torrent
est encore contenu; mais la digue, ruinee par le temps, laisse echapper
deja quelques filets d’eau et finira par secrouler enticement.
» Je ne pense pas, apr£s tout, que le malheur soit bien grand ; et peut-
etre vaut-il mieux qu’d mesure que la couleur originelie s’efiace, Ies
blancs laissent penetrer dans leurs rangs la portion de la classe muia-
tresse qui, par son education et sa conduite, se montrera digne de cette
faveur. La disproportion entre Ies populations blanche et noire diminuera;
et peut-£tre la catastrophe dont le syst^me pretendu philanthropique des
Anglais menace Ies colonies, sera-t-elle evitee ou du moins eioignee,
parce que le nombre des personnes interessees a la prevenir s’accroitra
sensiblement tous ies jours. II y a lieu de croire encore que, pour parve-
nir a cette distinction , objet des voeux et de la jalousie de la classe des
sangs-meles, I’&Iucation donn^e par Ies meres a leurs enfans prendra une
meilleure direction, et que Ies mceurs s’^pureront graduellement. D£ji
encore plusieurs dames creoles sans enfans se sont attachees k de jeunes
mulatresses et leur ont fait donner les meilleurs principes et la plus bril-
lante Education. II y a vingt ans que ces enfans n’eussent pu suivre dans
la sociC£ leurs mCes adoptives ; mais le prejuge a deja perdu beaucoup
de sa force, et nos dames elles-m^mes ne temoignent plus contre cette
introduction une repugnance aussi vive qu’autrefois.
» Une de ces jeunes personnes , aussi aimabie et vertueuse que
jolie, venoit, peu de temps avant I’arrivee de I’Uranie , de se marier
avec un homme tres - recommandable sous tous Ies rapports ; quoi-
qu’il ait cru devoir quitter la colonie , ou il craignoit que I’opinion ne
lui fut defavorable, il n’a pas encore regrette, au milieu de tout le
bonheur dont ii jouit dans son menage, le sacrifice qu’ii a fait k son
interessante compagne. »
Voyage de TUranit, — Historicjue. ECC
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4 oo VOYAGE AUTOUR DU MONDE.
D’apr£s ce que nous avons dit de I’afiection des dames creoles pour
ieurs enfans, on a du pressentir que les soins ies plus minutieux ieur sont
journeilement prodigu^s d£s ieur plus tendre enfance: on s’occupe en effet,
1A plus qu’ailieurs , de ces int^ressans rejetons. Aucune esp£ce d’entraves
n’emp£che ieur constitution physique de se d^velopper avec une entire
iiberte , sous ia surveiiiance immediate d’une n^gresse chargee d’dioigner
d’eux tout danger. Pendant iong-temps I’education dun creole ne consista
gu£re qua favoriser par i’exercice ie d^pioiement de cette souplesse et de
cette agilite qui sont pour ia piupart comme un don de la nature : des
qu’ii savoit tirer un coup de fusil , dorr.pter un chevai , ii se croyoit assez
instruit. Ceux-ii seulement que ion envoyoit en France pouvoient perdre
dans ies soci^tes de ia m^tropoie ieurs manieres un peu agrestes, et
revenir dans ieur patrie avec queiques connoissances et des taiens. Mais
depuis piusieurs ann^es , les moyens d’lducation se sont fort multiplies
dans la coionie, et d<£ja ion en dprouve de saiutaires effets.
Piusieurs colleges particuliers y avoient 6 t 6 Itabiis avec plus ou moins
de succes (i), iorsque i’assembi^e coloniaie , sentant ie besoin (Tune
institution permanente, fonda, ie 13 mai 1 799 , un ^tabiissement des-
truction publique sous ia denomination d’jfccole centrale; M. ie general
Decaen , gouverneur de i’iie , ia rlorganisa plus tard sous ie nom de
Lyce'e ; enfin cette institution , modif^e de nouveau par M. ie gouverneur
Farquhar, Ie 30 avrii 18 1 1, re9ut definitivement ceiui de College colonial,
et resta sous la protection du Gouvemement. Seize professeurs y sont
entretenus, tant pour i’enseignement des sciences que pour ceiui des
beiies-iettres et des arts libdraux : chaque professeur re9oit 30 piastres
[ i 6 i f ,po c ] parmois,etie proviseur 150 [8i4 f »5o c ].
L’ensembie des batimens de ce college est entour^ d’une murailie
eiev^e : dans i’enceinte, on distingue d’abord ie batiment principal, ou se
font ies classes et ou couchent Ies d£ves ; a coty se trouvent diss^mines
9a et la piusieurs batimens secondaires , destines Ies uns au iogement
du proviseur et des professeurs , ies autres aux cuisines , k ia lingerie ,
au rdfectoire, &c. &c. De cette multiplicity de batimens , rdsuite sur-tout
(1) Je dois Ia substance de ces details k Tobligeance de M. Ie proviseur J. Coudray; Ies
reflexions m’appartiennent.
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LIVRE II. — Du BRisiL a Timor inclusivement. 4 qi
ia difficulte d’une surveillance efficace sur les eleves. Au surplus , I’espace Population,
entre ces constructions etant fort grand , et f emplacement dans une posi- ' Moeurs,<Scc -
tion favorable, fair y arrive de tout c6te et y circuit iibrement.
En juin 1 8 1 8 , il y avoit deux cent cinquante eteves a ce college ,
savoir , cent pensionnaires ou demi - pensionnaires , et cent cinquante
externes : vingt-cinq des premiers etoient Sieves aux frais du Gouver- s
nement.
Le prix pour les pensionnaires est de 20 piastres [ io8 f ,6o c ] par
mois; pouries demi-pensionnaires , de 13 piastres [yo f ,5p c ] ; et pour les
externes, de 5 [ 2 7 f > 1 5 c ] : ces derniers ne prennent aucun repas au
college ; les pensionnaires en font quatre , et les demi - pensionnaires
deux seulement. La recette moyenne annuelie est de 3 2 000 piastres
[i 73 7 6 o f ].
Sur deux cent cinquante sieves , on compte d’ordinaire que cent tra-
vaillent bien ; un nombre egal , m^diocrement ; tandis que cinquante se
montrent fainlans ou inappliquls.
Les enfans creoles sont pour la piupart fort doux , faciles k conduire ,
mais enclins a la paresse : quoiqu'ils aient beaucoup de vanite, l’aiguilion
de 1’amour-propre s’emousse promptement en eux ; leur esprit ne sauroit
se plier qu’avec peine a cette perseverance qui annonce et qui developpe
les qualites superieures. Combien on regrette aussi de les voir presque
toujours depourvus de cette innocence qui a tant de charmes dans le
jeune age ! Eh ! comment conserveroient-ils de la pudeur , ceux qui sont
sans cesse en contact des le berceau avec des esciaves corrompus l
Les parens secondent en general fort mal les maltres : souvent ils
viennent soustraire leurs enfans a de justes punitions , ou bien soliicitent
de frequens conges qui interrompent le cours de leurs etudes ; et il en
est plus dun qui , dans 1a dissipation de ces vacances longues et reiterees ,
oublient tout- 4 -fait ce quits ont appris.
Une chose tres-contraire au maintien de Tordre, t des bonnes etudes
et des bonnes moeurs, cest de laisser les enfans externes et les pen- 7
sionnaires en conge, se rendre au college sans itre accompagnes par
personne qui puisse veiller sur eux : le moindre inconvenient qui en
resulte , cest de les voir arriver au milieu et quelquefois k la fin des le9ons.
Eee*
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402 VOYAGE AUTOUR DU MONDE.
D’apres la remarque qu’on a faite que les moustiques ne s’£l£vent
jamais a soixante pieds au-dessus du sol , on fait au college coucher les
pensionnaires au troisieme <£tage ; par -la on s’affranchit de i’obligation
d’avoir des moustiquieres a chaque lit.
Le dortoir a pour surveillans, la nuit, deux noirs esclaves : je ne sais
si les parens trouvent la une garantie morale suffisante.
Le service de la maison est fait par douze noirs, cuisiniers compris,
huit n^gresses ling^res ou blanchisseuses , et par une femme blanche, qui
dirige a-Ia-fois la lingerie et 1’infirmerie.
Une des choses les plus utiles que j’aie vues dans le materiel de
l’&ablissement , c’est un grand bassin de soixante-cinq pieds de long sur
vingt de large, qui sert a baigner les sieves; on les divise en deux troupes,
les petits et les grands , qui y entrent i’une apres l’autre.
Les <fl£ves sont obliges de changer de linge tous les deux jours, et
plus souvent encore si les parens le desirent.
Apres qu’on a sold£ toutes les d^penses de la maison , les salaires des
employes et des professeurs , les fonds restans sont aflectes aux repara-
tions, au developpement , ainsi qua I’embellissement du college.
Par ordonnance du 26 aout 181 i, le gouverneur a decide qu’il n’y
auroit a Port-Louis que trois maisons pour I’education des demoiselles
blanches. On y enseigne a lire, a ^crire, les principes des langues fran-
9aise et anglaise, 1’arithmetique, les elemens d’histoire, de geographic
et de mythologie, le d'essin, la musique, la danse et les ouvrages
a l’aiguille. Les jeudis sont consacrds a l’instruction religieuse ; les
dimanches , aux offices divins. Le prix pour la pension est de 2 5 piastres
[ I 35 f * 75 c ] P ar m °i s l p°ur la demi-pension , de 15 piastres [8 i f , 4 5 C ] J
et pour i’externat , de 6 piastres [ 3 2^58°]. Les inconv6niens qui viennent
d’etre signals a 1’^gard du college, sous les rapports de l’ordre et des
Etudes, sont les m£mes, ou a-peu-pres, dans les pensions de demoiselles.
Diverses maisons d’e'ducation se sont ^tablies plus r^cemment, tant
pour les gar9ons que pour les filles de couleur : ce sont des blancs et
des blanches qui les dirigent. On dit qu’il en sort des personnel bien
^levees ; mais je n’ai obtenu aucun renseignemient precis sur le. regime
int^rieur de ces etablissemens.
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Population ,
Mceurs, &c.
LIVRE II. — Du Bresil a Tim 6 r inclusivement. 4°3
Une personne respectable m’a assure que l’education religieuse est
extr£mement negligee a l’lle-de-France; on va meme jusqu’a dire qu’il
est des families qui elevent leurs enfans dans des habitudes morales in-
dependantes de tout dogme religieux.
Quant aux noirs esclaves, l’incurie la plus coupable regne sur ce point
a leur egard : on s’occupe de leur sante corporelle ; mais peu de maitres
songent a leur inculquer les notions les plus simples de morale et la
crainte d’un Dieu vengeur et remunerateur. Ce n’est pas que naturelle-
ment les noirs ne soient tres-portes aux idees religieuses ; mais I’instruction
leur manque ; aussi la plupart vivent et meurent entoures des pratiques
de la plus abjecte superstition.
J’ai deja dit un mot des plaisirs auxquels se livrent les habitans blancs; Amusemen?.
pretendreen donnerun tableau plus etendu, ce seroit s’exposera decrire nos
mceurs europeennes. Ceux des gens de couleur nous fourniront des par-
ticularity moins connues , et des-Iors plus capables de piquer la curiosity.
Les noirs aiment beaucoup la musique : ils retiennent facilement nos
airs , et les chantent ou les sifflent avec plus de gout et meme de sen-
timent qu’on ne devroit leur en supposer. Ils composent aussi de petits
themes, presque toujours pleins dune expression mdlancolique , et dont
la mdodie plait a 1’oreille europe'enne la plus exercee : on designe gen^-
ralement ces airs sous le nom de chega, ou plutot tchega; quelques-uns ne
seroient pas d&avoues par nos bons compositeurs. Parfois ils y adaptent
des paroles cadencees, dune facture irreguliere sans doute, mais ou Ton
entrevoit une intention suivie, et souvent meme des id^es spirituelles.
Voici quelques-unes de ces compositions musicales :
CHEGA DE MAGASIN-BON-GOVT ; AIR MOZAMBIQUE.
Allegretto : Metronome, J n.° 1 26 .
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4o4 VOYAGE AUTOUR DU MONDE.
CHEGA DE MAM AN JEANNE ; AIR MOZAMBIQUE.
Allegretto : Metronome, J n.° 132.
La seconde reprise du Ch£ga de Maman Jeanne se chante aussi de la maniere suivante :
QUATRlfeME CHEGA MOZAMBIQUE.
Allegretto : Metronome, J n.° 132.
CARI LALO ; AIR MALGACHE*
\
Allegretto : Metronome, J n.° 138.
r
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LIVRE II. — Du Bresjl X Timor inclu^ivement. ' 4° 5
Le nom de chega se donne aussi k une danse mozambique, qui pour- Population,
roit 6tre compart au fandango des Espagnols : on eprouveroit non moins Mceurs> &c ‘
de piaisir k la voir, si eile etoit executee par d’autres acteurs , et si ies pos-
tures voluptueuses qu’ils y afFectent ne d^gdieroient vers la fin en une in-
ddcence rdvoltante. « On peut, dit M. Pitot , comparer ie chega k un petit
drame, renfermant tous ies progr£s , toutes ies nuances d’une passion
amoureuse , depuis la declaration premiere jusqu’au triomphe de l’amant
inclusivement. Au miiieu dun cercie nombreux et au son du tamtam,
s’dancent un noir et une negresse. Leurs premiers pas sont ients , ieur i -
figure inanimee, ieurs gestes sans expression ; iis marchent i’un vers i’autre,
iis s’observent , tournent successivement sur eux-m£mes , s’doignent et
se rapprochent a diverses reprises. Bientot Ieurs regards s’animent, Ieurs
mouvemens sont a-Ia-fois plus rapides et plus tendres , et tous deux , par
degres , finissent par arriver a un etat d’ivresse amoureuse dont ies spec-
^ateurs biancs Ies moins chastes ne peuvent manquer d’etre blesses. II n’en
est pas de m£me des noirs qui les entourent : Ie feu de Ieurs regards , Ieurs
grimaces expressives , Ieurs trdpignemens , Ieurs cris , tout annonce com-
bien iis prennent part a la scene qui se passe devant eux , et 1’impatience
avec laquelle iis attendent Ie moment d’y figurer k Ieur tour. Souvent ,
invite par Ies regards lascifs de la danseuse, que toutes Ies agaceries de son
danseur ne peuvent decider a en venir au denouement de cette pantomime
erotique, un nouvel athlete se pr^sente dans far^ne, et s’empare de la
place vainement occup^e par un rival malencontreux. Le premier danseur
se retire sans humeur, sans depit, et, range k son tour parmi Ies specta-
teurs , excite comme eux du geste et de la voix son heureux successeur.
» Ces danses, auxquelies Ies noirs de toutes Ies habitations se livre-
roient volontiers chaque nuit , ne sont permises par Ies maltres que Id
samedi soir, parce que, Ie dimanche etant consacre au repos, iis peuvent
se deiasser dans Ie jour et la nuit suivante des fatigues de la veiliee.
» Mais Ies mulatresses esclaves et celles des n^gresses a qui un phy-
sique avantageux permet de vendre Ieurs faveurs & un assez haut prix pour
se procurer un costume degant, d^daignent en gdidral Ies danses na-
tionales , et n’assistent gu£re qu’i des bais ou la contredanse , la russe et
la valse regnent sans partage. Ces reunions ont lieu sur-tout au jour de
t
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Population,
Mceurs, &c.
Langage.
4o 6 VOYAGE AUTOUR DU MONDE,
i’an , k f ouverture des travaux dune coupe de Cannes , a i’^poque ou
cessent ces m£mes travaux, et iors des noces ou du bapteme de quelqu’un
des membres de la famille de leur maltre. Ceiui-ci ne manque jamais
de contribuer aux frais de la f£te en fournissant ies rafraichissemens et
les vivres ndcessaires.
» Des noirs libres des environs, ies commandeurs de I’habitation, .
ies ouvriers et ies domestiques de case, figurent seuis dans ces reunions,
dont sont repousses avec dedain Ies noirs de pioche; la toilette de ces
pauvres diabies formerait un contraste choquant avec ceiie, tou jours tr£s-
soignde , des danseuses. II n’est pas rare de voir ces negresses, v£tues de
satin et de belies mousselines , Staler avec orgueii aux yeux de I’assem-
biee ie tulle , ia gaze , les rubans , ies anneaux d’or , quelquefois m£me
ia denteiie et Ie schaii de cachemire, dont I’achat a souvent absorbe
I'entier produit des travaux ou du libertinage de i’ann^e.
» Les amateurs du beau sexe noir vont souvent , dans ces sortes de
reunions , faire Ie choix dune maitresse , et , nouveaux sultans , jeter un
mouchoir qui n’est presque jamais refuse. »
Independamment du fran^ais , qui forme la base du langage a I’lie-
de-France, une sorte de patois a 6te invente par Ies noirs, qui, ne pou-
vant se piier a notre syntaxe , prononcer nos mots difficiies , et saisir ia
vaieur propre de queiques - unes de nos expressions, ies ont travestis
k leur maniere. Peu a peu I’usage a fait loi; et peut-£tre ne seroit-ii
pas sans int£r£t aujourd’hui d’examiner les* regies de cette iangue creole ,
qui n’est pas denuee de charmes.
Dans I’espoir de me iivrer un jour a cette £tude, j’avois r^uni une
quantite assez considerable de mat^riaux que je destinois a £tre mis en
oeuvre dans la partie de ce Voyage qui a Ies iangues pour objet; mais
cette partie, qui n’a pas ete la moins p&iibie de notre travail, se trou-
vant deja abondamment rempiie , j’ai 6tc force d’abandonner mon pre-
mier dessein. Je n’ai pas cru toutefois devoir priver ie iecteur d’un petit
nombre au moins d’^chantiilons de ce curieux et singulier idiome , dont
il existe plusieurs variet^s.
On con^oit en effet que chacune des races de noirs qui existent dans
la coionie a du aiterer Ie fran^ais d’une fa£on particuliere , et que ce
»
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F* ~
LIVRE II. — Du Bresil a Timor inclusivement. 4°7
nouveau langage a du se regulariser ou conserver sa rudesse origineile , Population,
selon les ideas et le degre de culture d’esprit de ceux qui le parlent. On Moeurs * &c -
distingue done le creole mozambique de celui des noirs indiens, malais
et malgaches , et plus encore du creole usit^, par gout et par habi-
tude, parmi les mulatres et les personnes riches de Tile. Je donnerai un
exemple de ceux de ces dialectes qui different le plus entre eux : tels sont
le creole malgache et le creole des Europ^ens, si jepuis m’exprimer ainsi. *
Le premier morceau ma et£ communique par M. Benoni Michel :
j’ai cherche a le rendre intelligible au lecteur par une traduction tres-
litterale, a laquelle j’ai joint quelques notes explicatives ; je regrette de
n’avoir pu en faire disparoitre certaines expressions choquantes; mais
elles tiennent absolument au genre.
LE CHASSEUR,
CONTE EN LANGAGE CREOLE DE l’ILE-DE-FRANCE.
Acoute taut' (i ) mo parti! Enne jour fa Ecoutez, vous autres, moi va parler !
nous te (2) la sasse cerf Grand- Riviere. U11 jour,comme cela, nous soinmes aII6s
L’her sole tive , mo pour alle prend mon k la chasse du cerf k la Grande- Riviere.
poste au pave ; mo passe drete cote fa A 1 ’heure du soleil levant, moi alle pour
grand pie di-bois piant Aughiste conne la ; prendre mon poste au pave- ( au chemin) ;
a v'la mo sivre la riviere pour saute moi passe juste k cote de ce grand pied
Vaut ' cote : mo ramasse enne tondre , mo de hois puant ( sorte d’arbre) quMuguste
guette li; li encor fme. Ah ah! qui connait Ik; el voilk moi suivre la riviere
dou-monde qui te pass 9 la! N’a pas nous pour passer de I’autre cote; moi ramasse
jjnee-fa, £ aut ' fait que tive. un tondre (3) ; moi regarde lui; lui encore
fumer. Ah ah! quelle personne a passe Ik!
Ce ne sont pas de nos gens cela, eux
autres ne font que de se lever.
Aster ( 4 ) mobaisse en bas pie ($) fram - Alors moi baisse sous un frainboisier;
bouese;comin fa motrouve la tarace. Comment de cette maniere moi trouve la trace (em-
dou-monde entre dans di-bois (6) en montant preinte des pieds). Comment quelqu'un
( 1 ) Zaut” , pour vous autres , ou les autres. Zaut * signifie aussi parfois cup.
(2) Te , pour ete , ou plutot avons ete.
( 3 ) Tondre , morceau de bois creuse, rempli de coton charbonne, qui sert d’amadou aux noirs.
( 4 ) Aster, a cette heure, alors, maintenant.
(5 ) En bas pie, en bas du pied , dessous, sous.
(6) Di-bois pour du bois. Ordinairement les noirs joignent notre article au substantif, et
• 4o8 . VOYAGE AUTOUR DU MONDE.
Population, piti la-ravine la! Mo dir non! marron (i) seroit entre dans le bois en montant par
Mceurs, &c. m g T ne fa , fanigasse! Parie noir madam Lis- cette petite ravine Ik! Moi dire non ice
sir, fa qui te couri (2) na pas Ion- terns la. doit £tre un noir marron cela , enfant de
Mo sivre la tarace , mo sivre ,mo sivre , sivre , g. . .! Je parie que c’est le noir de ma-
mon fifi en has mon le-bras ; mo marce com - dame Lessur , celui qui s’est sauve il n’y a
mentici comment fa ; gros pie di-bois di fer pas long-temps. Moi suivre cette trace,
, tombe la; mo senti la fine , mo dire : non, je la sui s, je la suis, je la suis, mon fusil
laud na pas loin ! Mo faire de pas , mo sous mon bras; moi marcher par-ci et par-
baisse en bas comme fa, mo trouve son Ik : un gros pied de bois de fer est Ik par
la-caie, couvri ensembre (3) bacoua marron. terre ; moi sentir la fumee, moi dire : non,
Mo dire: non! na pas comm } fa , asper ( 4 ) les autres ne sont pas loin! Moi faire deux
va! Mo va alle drete son la-porte meme. pas, moi baisse en dessous comme 9a,
j’aper^ois Ieur case, recouverte avec du
vacouas (5) sauvage. Je dis : Non! il n’en
sera pas ainsi, attends, va ! Je vais aller
droit k Ieur porte m£me.
Momarce, mo commence arrive ( 6 ) proce li Je marche , je suis prds de les atteindre;
meme, a v’la mon li-pie marce la haut[y) enne mais voilk que mon pied marche sur une
brance sec , li faire (%). cararaca; hid-i-i-i-i, branche seche qui fait cararaca; hi-i-i-i-i-i
papa ! comment (<p)' cerf, mo dir ' vous ; ( signe d’un prompt depart), papa! (10)
0ar-r-r-r-r-r dans di-bois pa-pa-pa-pa-pa. comme un cerf, vous dis-je; our-r-r-r-r-r
Mo crie : '«■ Arrete la, ianf . . ./ » Li dire (signe d’une course rapide ) dans le bois
cr Non va ! na pas toi la lourdi. » Mo parti pa-pa-pa-pa-pa (bruit des pas precipites) ;
moi . Comment / to n * a pas sivre iaut’ ! — je crie : « Arr£te-Ik , j...-f... ! >5 Eux dirent :
Bon! topense qui mo betel Bon morceau^x \ ) . « Non, va ! ce ne sera pas toi aujour-
n’en font ainsi quun seul mot; on en voit de frequens exemples dans ce morceau : comme
la-ravine, pour ravine ; le-bras, pour bras ; la-case, pour case, maison ; li-pied , pour pied, &c.
(1) Marron signifie proprement sauvage. On donne ici ce nom aux negres esclaves qui se
sauvent de chez Ieur maitre pour aller vivre dans les bois.
(2) Couri, courir, partir, se sauver.
(3) Ensembre , ensemble, avec.
(4) Asper, espere , attends.
(5) Feuille d’une sorte de palmier.
(6) Commence arrive, signifie j’arriverai bientot, a Tinstant.
(7 ) La haut, sur, dessus.
(8) Li faire, elle fait. -
(9) Comment, comme.
( 10) Papa. Nous n’avons pas en fran^ais Tequivalent de ce mot creole, qui signifie monsieur,
d’une classe inferieure; en pareil cas nous dirions mon garfon. Ce nom donne par un noir a un
autre est toujours un signe de respect; il en est de meme du mot maman pour les femmes.
(11) Bon morceau, un grand nombre, une grande quantite.
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LIVRE II. — Du Bresil a Timor inclusivement. 4 °9
dou-monde comm' fa, mo tou sel, mo all’ d’hui. » Je m’en vais moi. « Comment Population,
taque ytut’ : he he! laisse \aut’ court pi to ! « ( dit un des auditeurs ) , tu ne les as pals Mceurs , &c.
poursoivis! — Bon ! pensesrtu que je sois
une b£te ! Tant de personnes commecela,
moi tout seul, moi aller les attaquer. H6
he ! Iaisse-les se sauver plutot ! »
Mo alle dans son boucan, mo trouve bon J’entre dans leur boucan (i) ; je trouve
morceau la plime tanks (2), ensembre la quantitd de poils de tenrec, avecdes pelures
peau batate , mo dir’ vous ! La plime paye- de patates , je vous I’assure ! des plumes
tn-tfui, la paye may e en milon. Lon-tems de pailles-en-cul, de la paille da mais en
iaut’ ti Ih! Mo quitte la, mo shre la ri- meule. II faut que les autres (ces gens ) ,
viere , toujour pour mo alle dans mon poste, a ' ent ete Ik long-temps ! Je m’eloigne de Ik,
mo tende comment dou-monde marce , tsiaka , j« suis la riviere , tou jours pouf me rendfe
tsiaka, tsiaka, tsiaka. Aster mo arrete: mo * mon poste; j’entends comme, quelqn’.un
trouve Marefanne ,mtssie (3) Desfsntaines q ui niarche, tsiaka, tsiaka, tsiaka, tsiaka
la. Li vini, manarni ( 4 ) , farau (5), en- (imitation du bruit que fait une personne
sembre ftpe guingan Karikal , pariaka mi q ui marche sur des feuilles sSches). A
dans l e-rein; li arrive proce moi, mo dir' li: cette heure je m’arr^te : je trouve Marie-
« Ou to alle, pit. . .!» Li n’a pas conne (6) Jeanne, de ce M. Desfontaines. EHe
qui li vafairencor; li fini sly (7) / Aster vient > mon ami, requinqu 4 e, avec une
li dir’ moi ; « Ah ! mon Die, papa , mo di- 7 u P e en guingan de Karikal, un paliacat
mandevous grace; mo va donne vous fa qui autour des reins; elle arrive pres de moi, et
vous voule ; laisse moi couri. — ’ Vouti (8) l e Iui dis : «Oit vas-tu, p....t » Eile ne skit
. moi I’camp! Qui mo fair toi moi ! » P as encore ce q u ’ eIIe doit faire; elle reste
Aster mo laisse li alle, mo dir’ li Couri . « stupefaite ! Maintenant elle me dit : « Ah !
mon Dieu , papa , je vous demande grSce;
je vais vous donner ce que vous voudrez ;
laissez-moi partir. — Veux-tu ine f . . . le
- camp! Queferois-je de toi, moi! » Alors
je ia laisse aller, et je Iui dis : « Va-t-eil. »
Mo sivre toujour sentie pour gagne dans Moi suivre toujours le setitier pour
( 1 ) Lieu oil Ton fait la cuisine.
(2) La plime tanke , mot a mot la plume tanrec . Les noirs appelient indistinctement/Vwm^^ les
poils, les cheveux et les plumes proprement dites.
(3) Missie, monsieur. * _
( 4 ) Manarni, mon ami. ; - ,
( 5) Farau, elegant; mais plutot, requinque. \ ])
(6) Li n’a pas conrie, elle ne connoit pas , elle ne sait pas,
(7) Li fini sezi ; litteralement : elle est finie saisie, elle est saisie, stupefaite, intercjite.
(8) Vouti, veux-tu.
F ff *
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VOYAGE AUTOUR DU MONDE.
4 io
mon poste. A v’la mo arrive bord la riviere
la ; mo trouve fa vie noir Afoudiawa (i) ,
missii Carrere la (2) ; li assize bien la haul
roce (3) , la pesse (4) madam-cere ( j) , fiou
jiou fiou, jiou fiou fiou; mo dir* li : « To
fini pri ( 6 ) , papa! — Eh bien ! qui li va
dire encore! » Afo dir ' li : «• Amene (7)
to pagni ici. » Afo guette (8) la dans ; mo
trouve bon % angui (9), camaron bon mor-
ceau, mo dir vous! Sife va (1 1), ^ourdi la,
mo va faire cari moi; mo prend tout, mo
mette dans mon boursac: mo laisse li ninque
di (13) piti madam -tire memo; apre li
couru
Afo arrive dans mon poste ; mo reste
^ ousqua midi, mo na pas tende (i4) na
rien ; apre mo tende le voix li-cien donne (15).
Enne piti mament mo tende cote (16) Battle
la bas , di-i-i-i-i ! He! mo dir , la dans
sa (17), va! Aster, enne piti mament encore,
gagner mon poste. Voilk quef arrive au bord
de cette riviere Ik ; je trouve ce vieux noir,
Moudiawa, de M. Carrere que vous con-
noissez; il est assis k son aise sur une pierre,
k la p£che des madame-cere ; fiou fiou fiou,
fiou fiou fiou (imitation du bruit que fait la
ligne quand on la jette dans Teau). Je lui
dis : cc Te voilk pris,papa! — Eh bien ! que
va-t-il dire encore l » Je lui dis : cc Approcbe
ton panier ici.» Je regarded edans ; je trouve
de bonnes anguilles , une grande quandte
de camarons (10), je vous {’assure ! Oui ,
par ma foi, aujourtThui m&me, je vais faire
un cari (12), moi; je prends tout, je le
raets dans mon bissac : je ne lui laisse
rien que deux petits madame-cer£; aprts
quoi il s’enfuit.
J’arrive k mon poste; j’y reste jusqu’k
midi sans rien entendre; aprds fentends la
voix des chiens donner. Un petit moment
apres j entends du cote de Bazile Ik-ba s ,
di-i-i-i-i (imitation de I’explosion (Tune
arme k feu) ! He ! dis-je, celui-ik est <faus le
( 1 ) Moudiawa , nom d’une caste particuliere de noirs Mozambiques.
(2) La, celui que vous connoissez. Plus haut on a : bord la rivilre la, ce qui signifie, la riviere
que vous connaissez , la riviere dont on a parle deja.
(3) Bien, a son aise. La haut roce, sur une roche, une pierre.
( 4 ) La pesse, a la peche.
(5) Madam-cere, madame-c£re , sorte de poisson ainsi nomme.
(6) To fini pri, tu es pris, te voila pris ; ou litteralement toi fini pris.
(7) Amhe, apporte.
(8) Guette, regarder, jeter les yeux.
(9) Zangui, anguille. 1
(10) Camaron, sorte de crustace.
( 1 1) Sife va, pour si fait va; oui, par ma foi,
(12) Cari, sorte de ragout de l’lnde fortement epice.
(13) Ninque de, rien que deux.
(14) Tende, entendu. Na rien , il n’y a rien, rien.
(15) Le voix li-cien donne, la voix des chiens donner (terme de chasse).
(16) Cote, du cote.
(17) La dans sa, celui-la est dans le sac.
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LIVRE II. — Du Brasil A Timor inclusivement. 4 > i
Grand-Louis appelle moi; mo prtnd mon sac, va! Alors, un petit moment encore Population,
cimin ( i ) , mo vin't. apr£s , Grand-Louis m’appeile ; je me Mdeurs, <Scc.
remets en route, et je reviens.
Ce petit conte fait parfaitement connoitre la nature des idees , la
rudesse de langage , et la maniere de raconter des noirs de pioche rao-
zambiques. Le morceau suivant, dune facture plus poiie, dun style
aussi plus relev^, est tout bonnement limitation libre dune des fables de
la Fontaine. L’auteur, M. Frangois Chretien, s’ est essayd avec le meme
succgs sur plusieurs autres morceaux du m£me genre , ou , tout en con-
servant la nai'vetd de l’original , il a su 1’exprimer sous une forme aussi
agreable que nouvelle.
LE LIlsVRE ET LA TORTUE (2),
FABLE TRADUITE EN CREOLE.
Ein' (3) torti avec Ii&vre 6t6 vouI 4 ( 4 ) pane
Ein zour qui va mi£ galoppe (j)
Pour arrive drette (6) ein li-pie banane :
« Tout d’bon, maman (7) torti, vous y en a trop I’arzent (8),
» Vou I’esprit Ii marron dans miii6 la savanne (9).
» Avec moi Ik vous lit6 (10) k present! »
Dir’ Iidvre avec (1 1) torti qui coute Ii tranquille (12).
« N’a pas p£r , mon zami (13); »
Torti r£pond’ Ii,
» Vous, 9a qui blancs appell’ di-monde azile (i 4 ) >
(1) Cimin, chemin, route.
(2) Je n’ai pas cru devoir donner ici le tezte meme de la fable qu’on a imitee et qui est
universellement connue en France.
(3) Ein 1 , pour eine, signifie une ; on doit prononcer ei-ne.
( 4 ) & voule , voulurent.
(5) Mie galoppe, mieux galopper, marcher avec plus de vitesse.
(6) Drette , juste, en droite Iigne.
(7) Maman signifie madame , d'un rang infer itur, ( Voyezla note 10, de la page 408. )
(8) Vous avez trop d’argent.
(9) Votre esprit est alle marron vers Ie milieu de la savanne, est decampe au milieu des champs.
( 10) Vous lite , vous voulez luter.
( 1 1 ) Avec , a la.
(12) Qui l’ecoute tranquillement.
(13) Je n’ai pas peur, mon ami.
( 14) Vous, ceux qui sont blancs, vous appellent gens ( di-monde ) agiles.
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412
Population ,
Moeurs, &c.
VOYAGE AUTOUR DU MONDE.
» Moi porte mon la-case, et li red’ mon li-pie (i) ;
» Mais c’est egal , moi va parie ,
» Moi connois comment moi va faire :
» Mesure vous cimin; chaqu’ein son I’esprit (2). »
Quand fini mesure, k v’lk Ii te (3) parti.
P’tit papa lievr’ crie Ii : « Mon commere ,
35 Em men’ ( 4 ) la gazett’, prend gard’ vous ennuye !
» Quand vous trouve galant, n’a pas besoin cause;
» Quand m£m’ couroupas ( j) , vous p’tit frere ( 6 ) ,
» Passe vous a cote ,
» Ou bien moi va gagne.
Et p’tit papa Iievre amise (7) ,
Casse bouquet (8) pross’ (9) la riviere,
Dans 1 ’herbe frais (10) ft)ule, saute,
Et torti Ik touzour inarce.
Li^vre k la fin guette (1 1)
Li voir torti dans bitte (12).
Li voule galoppe (1 3) bien vite,
Mais son nation Ii trop tourdi ( 1 4 ) ,
Et Ii te perde (15) son pari.
Apres un tel essai , il est permis de concevoir la possibilite de repro-
duce en creole un grand nombre de morceaux de notre littcrature. Je
/si
in 3
( 1 ) Moi porte ma maison , et lui roide mon pied.
(2) Chacun a son esprit , ou, chacun voit les choses a sa maniere.
(3) Li te, elle ete. Li , signifie indistinctement lui ou elle.
(4) Emmen* , emportez.
(5) Couroupas, lima^on.
(6) Vous p J tit frere, votre petit frere. II y a en effet quelque ressemblance grossiere
entre une tortue et un iima^on , charges I’un et I’autre de ce qu’on nomme vulgairenient
Ieur maison.
(7) A?nise, s’amusoit.
(8) Casse bouquet, cueilloit des fleurs.
(9) Pross’ , proche de, au bord de.
(10) Frais, fraiche.
( 1 1 ) Guette , regard er.
(12) Dans bitte , au but.
(13) Galoppe, courir.
(14) Li trop tourdi , est trop etourdie, trop legere.
(15) Li te perde, lui ete perdu, ii a perdu.
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LIVRE II. — Du Bresil a Timor inclusivement. 4*3
pourrois en citer plusieurs autres du meme auteur , et c’est k regret que
je me vois forc<f de les supprimer ici.
Population ,
Mceurs, &c.
s. v.
Industrie conuntrciale .
Je dois a M. Maure la plus grande partie des notes qui m’ont servi
a rediger ce paragraphe ; et cet habile negociant merite d’autant plus ma
reconnois^ance , que, n’ayant point eu le ioisir de les reunir pendant
mon sejour dans la colonie, il a eu I’extreme bonte de me ies expedier ♦
plus tard en France. On peut compter sur leur exactitude.
Substances mine'rales. — La mine de fer est abondante dans File;
mais le haut prix de la main-d’oeuvre emp£chera toujours d’y avoir des
fonderies : quelques essais dispendieux faits autrefois ont et£ abandonncs.
Substances ve'ge'tales. — Plusieurs veg^taux fournissent ici cfavantageux
produits au commerce : le froment y vient tres-bien , et il est de bonne
quality, ainsi que le mai's et l’avoine; mais les habitans aiment peu la
culture des cerlales. Un arpent de Cannes peut donner de deux a six
miliiers de sucre, qui, vendus k 7 piastres, font au moins 14 piastres,
tandis que deux miliiers de bit: , revenu probable du m£me terrain , n’en
rapporteroient que 1 o : encore ne pouvant gu£re exporter ce grain , on
le verroit bient6t tomber a vil prix, s’il £toit cultive en grand.
Le cacao est dun petit produit; le tabac r^ussit, mais il est d’une
quality infifrieure k celui de Virginie; le coton (1), le caftf, le girofle,
iamuscade, le tamarin m£me, offrent des avantages plus considerables
et plus certains; la culture du safran a peut-etre ^te negligee a tort.
Parmi les bois d’t:b£ne qui sont port^s en Chine , le plus recherche
est celui qui provient de i’He-de-France : il vaut en place d’une piastre
a une piastre et demie le quintal; mais il ne paie gu&re, a ce taux, les
frais de transport.
« On trouve naturellement dans les bois, assure M. Delisse, l’arbre
( 1 ) Le coton des Seychelles est beaucoup plus estime que celui de TIIe-de-France; on en
retire annuellement sept k huit cents balles d’environ trois cents Iivres pesant chacune.
t
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4 1 4 VO AGE AUTOUR DU MONDE.
Population , qui donne ia gomme gutte ; mais peu de gens la recherchent. Le taca-
Mtcurs, &c. y est a ussi tr£s-multipli<f ; la r^sine qui en d^coule est connue
. en pharmacie sous le nom de resine e'le'mi.
» Le papayer fournit un sue iaiteux qui decoule des incisions faites
- sur l’epiderme des fruits avant leur maturite ; et ce sue est un puissant
vermifuge, pris a la dose dune cuilleree a bouche pour un enfant de
deux ans. Pour le preparer, on le re^oit dans une tasse ou d<*ja I’on a
mis une cuilleree de miel; on mele le tout, puis on verse dessus quatre
ou cinq onces d’eau bouillante et l’on passe a travers un linge serre. Deux
heures apres 1’avoir administre, on donne au malade deux # cuillerees
, d’huile de palma-christi ; cette huile se prepare dans le pays par 1 ebul-
lition des graines pilees de la plante de ce nom.
>> Les for£ts nourrissent aussi une esp£ce d’ascl^pias que les habitans de-
signent a tort sous le nom d’ ipecacuanha. Ils s’en serventcomme devomitif:
' 1’infusion de quatre feuilles fraiches suffit pour un adulte. Les feuilles , les
tiges et les racines de cette plante, desseche'es et pulv^risees, ensemble
ou separement, ne conservent que tr£s-peu de temps leur propria em^-
tique; six mois environ apres leur preparation, elles ne font plus vomir,
elies sont Ieg£rement purgatives ; mais , au bout d’un an , on peut les admi-
nister a des doses assez fortes sans qu’elles produisent aucun eflet
sensible. On recueille encore le cissampelos pareira , d6nt la racine passe
pour fliuretique.
» Une plante originaire de Batavia, et nommee par les botanistes cassia
alata, a ete introduce depuis quelque temps dans la coionie, ou elle est
cultivee non-seulement comme depurative, mais comme tres-propre a
Tornement des jardins ; elle porte une magnifique panicule, dont les pe-
tales, veloutees, sont dedeux nuances de jaunc :elle est bisannuelle. Long-
temps on a pens^ a I’IIe-de-France que cette plante ne pouvoit pas foumir
de graines; mais M. Delisse est parvenu a lui en faire rapporter, en posant
sur le pistil des fleurs nouvellement epanouies, la poussiere retiree de l’an-
, tWre dune autre fleur qui commence a se faner sur la m^me plante. II avolt
remarque que les antheres ne prennent pas assez de developpement pour
que la quantite de poussiere seminale fasse ouvrir les capsules , et quil faut
les ouvrir artificiellement a l’epoque ou la fleur est sur son dedin. Les
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LIVRE II. — Du Brasil a Timor inclusivement. 4 1 5
antlferes sont pourvues de tres-peu de semence , qui n’arrive a maturity
que lorsque le pistil est d^ja obiifefe; leurs capsules sont coriaces, et
retiennent la poussfere captive. Pour faire cette operation , il faut couper
transversalemerit I’anth^re en deux parties ; on couvre le pistil avec une
de ces parties comme avec un <fteignoir; une simple juxtaposition suffit
pour la fecondation d’un pistil, et la m£me anthere peut en feconder
cinq ou six. »
Substances animales. — II y a deux tanneries k l’lie-de-France, ou Ion
prepare ies peaux de boeuf de Madagascar, et ceiles qui proviennent des
boucheries de la colonie : on se sert , a cet efFet , de lecorce du bois de
nate, qu’il est facile de se procurer.
La tortue a presque totalement abandonne l’archipel ; a mesure
que la population du pays augmente , Ies tortues s’eloignent : le caret ,
qui ^toit autrefois si abondant aux Seychelles , n’y paroit presque plus ;
la tortue franche y vient encore , mais en petit nombre. Au reste , le
produit qui en fesulte est de peu de chose. Les tortues franches ne se
vendent pas cher : quant a I’ecaille , elle ne donne pas annuellement plus
de i ooo a i 200 piastres, achefee a 1 ’IIe-de-France , ou 5 a 6 piastres
la livre, en papier, suivant la quality.
Substances manufacturees. — Mais c’est la canne & sucre sur-tout qui
forme la partie essentielle des richesses de la colonie; peut-etre nfeme
devroit-on dire qu’elle en est aujourd’hui la seule; car depuis les derniers
ouragans, les autres branches de culture , telles entr.e autres que Ies girofles
et les cafes, ont extraordinairement souffert. L’indigo est dune qualife
tres-inferieure ; et la culture du pavot , qui a fourni quelques pains d’un
excellent opium, ne peut encore etre consideree que comme un essai.
Quant au sucre , la quantife qu’on en fait doit d^passer en ce moment
ou depassera bientot quinze millions de livres pesant : tout le monde se
tourne vers cette industrie; les bras seuls manquent.
Sous ce dernier rapport, flle-de-France s’est trouve'e dans des conjonc-
tures extr^mement d^favorables. Toutes les autres colonies, prevenues
d’avance de la suppression de la traite des noirs , se sont approvisiomfees
en consequence; elle seule a subi a fimproviste Ies consequences de
cette mesure. Vingt-cinq ann^es de guerre avoient emp^clfe I’introduction
Voyage de V Uranic. — Historique.
Industrie
commercial©.
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Industrie
commerciale*
416 VOYAGE AUTOUR DU MONDE,
des noirs ; et les lois prohibitives , mises en vigueur par les Angiais en
prenant possession de la colonie , achev^rent d’amener la decadence de
cette base essentielle de ses revenus agricoies.
Ind^pendamment du sucre , on retire encore de ia canne une quantity
assez considerable d’arack et de rum : ia premiere de ces liqueurs spiri-
tueuses est consommee presque en totality par les noirs dans la colonie ;
ie reste s’exporte dans 1 ’Inde. La ferine de la vente des aracks a 6 t 6 ad-
jug£e pour 30 000 piastres; ce qui suppose une consommation de plus
de 100 000 veltes : nous verrons bientot, en effet , quelle nest pas au-
dessous de 4*9 000, sans compter ce qui va a I’ext&ieur. Le rum , en
general peu soigne , ne se vend gu£re qu’au prix de l’arack.
II est assez remarquable que , pendant la derntere guerre maritime ,
et lorsqu’on s’occupoit en France des moyens de faire du sucre avec
du raisin, on faisoit ici des tentatives pour faire du vin avec du sucre.
M. Delisse parvint en effet, en decembre 1809, k imiter ie vin
muscat de Lunel, de manure a tromper les gourmets les plus exerc^s.
Les substances qu’il employa, independamment de l’eau et du sucre,
furent les fruits de jamrosas , les ananas et les mangues ; ia fermen-
tation de ces diverses substances dura pendant dix jours. Le prix dune
barrique de cette boisson revint a 6 piastres [ 3 2 f , 5 8 C ] , tout compris ,
tandis que ie vin de Bordeaux vaioit aiors dans ia colonie 180 piastres
[p77 f ,4° c ] la barrique.
Par des procddds analogues, Ie m£me chimiste obtint, 1 'ann^e suivante ,
une liqueur alcoolique. II mit dans une cuve cent livres de sucre,
cinquante livres d’ananas pil& , sur environ une barrique d’eau , et
iaissa fermenter le tout jusqu’a ce que l’areom^tre d’essai de Cartier
indiquat i d Le vin qui r&ulta de cette operation n’etoit pas aussi bon
que celui de I’exp^rience pr^cedente ; mais Ie but de M. Delisse n’^toit
pas celui - IA : il fit distiller cette liqueur , et en retira sept veltes
d’un alcooi a 2o d , dune saveur tr^s-agr^able , qui lui revinrent, tous
frais compt^s , k 4 piastres, c’est-a-dire, environ 3 francs la velte :
la m£me mesure d’eau de-vie de Cognac se vendoit aiors de 20 k
25 francs.
L’huile de coco que fournissent quelques-unes des lies qui dependent
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LIVRE II. — Du Bresil a Timor inclusivement. 4*7
de f Ile-de-France (Diego-Garcia, Agalega, les Trois-Freres , les lies
Salomon, Peros-Bahos et les Six-lies) est de bonne quality, et commence
a 6tre un objet d’exportation. Londres, en 1819 (1) , en a deja tir£
30000 veltes; et Ton a ecrit d’en envoyer tant qu’elle ne sera pas au-
dessus dune piastre ou une piastre un quart. Toutes ces lies reunies
pouvoient fournir en 1 8ao , savoir :
Diego-Garcia, de 30000 k 4 ° 000 veltes.
Agalega, de aj 000 k 30000.
Les Trois-Frdres , de 5000 k 6000.
Pero-Bahos et les Six-lies , de, . 10000 k 12000.
Les lies Salomon , &c. de 15 000 k 20 000.
En tout, de 8j 000 k 108000 veltes,
dont le prix moyen , depuis les demandes , est de 10 a 15 liv.
[ 5^ & 7^,50*] la velte.
En 1817, I’IIe-de-France fabriquoit d^ja une petite quantity d’huile
de coco : M. la Pothere, qui se livroit a ce genre d’industrie, avoit
douze pilons ou moulins, dont chacun pouvoit produire annuellement
environ mille veltes d’huile. J’en ai fait graver un dessm (pi. 9 ); le
mecanisme, qui est facile a comprendre, sera plus particulierement
developpe dans I’explication des planches qui doit accompagner I’atlas
historique de ce Voyage.
Aux vues generales qui prudent, le lecteur sera sans doute bien
aise de joindre des donnees numeriques plus prdcises ; il les trouvera
dans les tableaux suivans.
(1) De 1812a 1 8 1 6 , la fabrication de i’huiie de coco etoit trop peu considerable pour etre
consideree comme une branche du revenu agricole du pays; aussi n’en est-il pas fait mention
dans les tableaux ci-apres relatifs a cette p^riode de temps.
egg*
Industrie
commerciale.
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Suite du Tableau des productions annuelies agricoles de f Ile-de-France , de 1812 a i8i<>.
420 VOYAGE AUTOUR DU MONDE.
Recapitulation des produits annuels agricoles de l’ Ile-de-France, de 1812 a 1816,
de leur valeur moyeme , et des quantites consommees ou exportees.
« A
nature
NOMBRE
QUANTITES
ESTIMATION.
VALEUR EN PIASTRES H
DE LA QUAHTITA DE DEMrAeS U
DCS CULTURES.
d’arpehs
en culture.
Dt DEKRAeS.
PRIX COMM UNS
et mecurej.
VALEUR gAnArALE
en piastre*.
consommees
dsns llle.
exportees.
Cannes a sucre
I I 2|0*,0.
8 229 ooo ,b
5 piastres le quintal
(poids de marc).
oT 5 o c la velte.
41 1 4jo p ,oo c
(0 in 45<> p *oo c
300 ooo p ,oo.
454 000 V
227 OOO ,00.
(*) 214 500 ,00.
1 2 500 ,00.
Coton T . . . .
f 6)1 ,0.
2 *6 9oo lb
0 ,33. la livre.
73 <33 . 33 -
tf 33 * 33 -
75 OOO , 00 .
Cafe
1 448
ji) 400.
10 ,00. le quintal.
6
0^
0
rt
I 2 340 ,00.
Indigo
S ' 8 .0.
1 1 700.
1 ,00. la livre.
1 1 700 ,00.
I I 700 ,OOm
Girofle
60; ,0.
6 1 750.
0 ,60. di to.
37050 ,00.
4jo >00.
3 6 600 ,00.
Cereales
*4849,0.
18636750.
1 ,33. le quintal.
248 490 ,00.
248 49° >°°'
Manioc
10 44; ,0.
40 890 000.
0 ,40. dito.
163 560 ,00.
163 560 ,00.
0 ,00*
Bois
} f 4 , !■',
68 409 ,0. -
•3 44 } >°-
LAgumes, bois,
> volaillcs, bes-
thux , dec.
Savannes
estimAs
365 200 ,00.
(3) 65 100 ,00.
Cultures di verses
300 000 ,00.
En piastres.
1 17 * 4*3 > 33 -
1 4*3 » 33 -
Cl 1 OOO .OOi
Totaux,...
278 1 f d ,0.
En francs
j • • www } vs
8j38 2 j 8 f , 48 c
) 709 2i8 f ,68 c
2 829 030 f ,00®
I
1
(1 ) On consomme done dans la colonie 2219 000 livres de sucre.
(2) Ce qui porte la consommation , dans Tile , k 4 2 9 000 ▼cites.
(3) La valeur du bqis d’Abcne exportA est estimAe a 30 000 piastres.
Tableau des importations qui ont eu lieu a ! Ile-de-France en 1818.
DESIGNATION
DCS denrAes.
UNITES.
QUANTITES
importAes.
VALEUR
MOYER NE
en piastres.
VALEUR
DES DENrAeS
consommees.
VALEUR
des quahtitAs
exportees.
Blc
Livre (poids de marc).
2 OOO OOO.
70 OOO p
70 OOOP
Riz
Idem .
6 000 000.
150 OOO.
115 OOO.
25 ooo p
Saiaisons
Quart.
10 OOO.
200 OOO.
200 OOO.
Poissons salAs
Livre (poids de marc).
1 20 OOO.
15 OOO.
15 OOO.
A reporter . .
43 J °p°*
410 OOO.
15 000.
/
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LIVRE II. — Du Bresil a Timor inclusivement. 4 21
DESIGNATION
DES DENRAES.
UNITES.
(
QUANTITES
IMPORTERS.
VALEUR
movenne
cn piastres.
VALEUR
DES denr£es
consommces.
VALEUR
DES QUANTITES
exporters.
Report
433 ooo p
410 ooo p
23 ooo p
Bcurre et saindoux
Livrc ( Poidsdc marc).
170 OOO.
5 1 000.
31 000.
Fromage
Idem.
24 OOO.
9 doo.
9 doo.
Divers comestibles
Idem.
u
40 OOO.
3d 000.
4 OOO.
Vin
| Barrique.
6 000 .
300 OOO.
300 000.
| Bouteille.
90 OOO.
do 000.
45 000.
1 3 000.
Biere
Barrique.
1 100.
49 500.
49 300.
Huiie d’olive
Bouteille.
1 2 OOO.
8 OOO.
8 OOO.
Huile de coco
Velte.
60 OOO.
do 000.
do 000.
Autres liquides
Idem.
II
7 000.
7 000.
*
Vin , eau-de-vie , rum
Idem .
30 OOO.
73 000.
30 OOO.
-5 833.
Draps
Aune.
20 OOO.
200 OOO.
200 OOO.
Toilerie de I’lnde
Piece.
250 OOO.
1 *30 OOO.
325 OOO.
/ .1
d23 OOO.
Nankin
Idem.
73 000.
77 J°o-
31 667.
25833.
Bas divers
Paire.
13 000.
22 300.
22 500.
Bottes et souiiers
Idem.
1 0 000 .
23 OOO.
23 OOO.
Chapeaux
Piece.
7 000.
33 000.
33 000.
•
Savon
Livrc ( poidsde marc).
425 OOO.
83 OOO.
83 OOO.
Bougie
Idem .
1
73 000.
43 000.
45 000.
Tabac
Idem.
130 OOO.
73 200.
73 200.
Papier
Idem.
3 *°°-
17 500.
17 300.
Fer
Idem .
500 OOO.
30 OOO.
20 OOO.
10 OOO.
Piomb et cuivre
Idem.
5 n non
2 ono
Cious
Idem.
130 OOO •
73 000.
\ y vvv#
1 1 230.
1 1 230.
1 3 000.
Toiie a voile. +
Piece.
3 5 °°-
42 OOO.
42 OOO.
Cordages
Livre ( Poids de marc).
389 OOO.
4d d8o.
31 120.
15560.
Brai et goudron
Barrique.
2 096.
20 9do.
*3 9 8 4-
d 9 76.
Mercerie, quincaillerie
u
u
29 040.
2! 130.
7 890.
Bijouterie , argenterie , &c . . .
n
M
420 000.
300 OOO.
I 2 0 OOO.
Boeufs et g^nisses
Individ us. .
3 000.
do OOO.
do 000.
' i
Autres animaux
Idem .
n
25 OOO.
23 000.
\
en piastres
i 6 S ' 7J°-
2 758 47'.
893 259.
Totaux <
I
en francs
19 828 893^90°
14978 497 f >5 3 C
4 850 39 6 f ,37 c
/
\
Digitized by
Industrie
commerciale.
422 VOYAGE AUTOUR DU MONDE.
Prix comparatif des denrees achetees a l’ Ile-de-France pour la
subsistance de 1‘ equipage de la corvette l’Uranie.
DESIGNATION
DES DENREES.
PRIX
MESURES.
EN 1789.
EN 1804.
EN 1807.
EN 1818.
Pam frais
4 ° f
• 8o f
100 f
4;f,oo c
Les 100 kilogrammes.
Viande fraiche de boeuf.
IOO.
250.
3 JO.
170 ,00.
Idem.
Riz creole
i| f i ao.
ao f a 25.
6 j f a 70.
50 ,00.
Idem.
Vinde Bordeaux
12 j.k 150.
150. a 100.
37;. 4 400.
360 ,00.
La barrique.
Aloses salves
a
#
#
90 ,00.
Lebaril,pcsant65 kilogrammes.
Charbon de terre
*
§
f
12 ,50.
Les 100 kilogrammes.
Charbon de bois
*
0
n
8 ,33.
Idem.
II seroit tr£s-difficile d’^tablir un taux fixe pour la valeur des denrees
du march£ de file -de- France ; ainsi nos appreciations ne doivent £tre
considers comme constantes que pour les ^poques specifies. Les varia-
tions sont si grandes , si rapides , la hausse ou la baisse si prompte , qu’on
tenteroit vainement de parvenir a une estimation tant soit peu rigoureuse ,
sur-tout pour une foule d’objets qui entrent dans la consommation jour-
nalise. L’arrivage ou le retard des vaisseaux fait augmenter ou diminuer
les prix; et Ton a vu, quoique rarement if est'vrai, des operations de
commerce faites au-dehors influer dune maniSe sensible sur le cours
venal des productions du sol et de findustrie.
Depuis la prise de file par les Anglais , les vins de Bordeaux se sont
vendus de 4° a 80 piastres [ 2 1 7 f ,20 c a 434 f »4° c ] barrique (1) ; ceux
de Provence, de 30 k 60 piastres [ i^2 f ,po c a 325^80°]. En 1818 et
partie de 1819, ces derniers vins se sont soutenus au prix de 40 a
50 piastres [217* 20 c a 2jo { 5 o c ] ; quant a ceux de Bordeaux, a fex-
ception de quelques barriques de quality choisie , vendues 80 piastres
[434 f ,4° c ], il ne s’en faisoit alors aucun d^bit.
Les sucres creoles, avant .1.8.16, coutoient de 5 a 8 piastres [27^1
( 1 ) On voit que je continue de prendre ici la piastre a sa valeur moyenne de J f ,43 e *
Digitized by
Google
LIVRE II. — Du Bresil a Timor inclusivement. 4 2 3
a 43 f ,44 c ] le quintal; et ie cours, depuis cette annee jusqu’a 1819, a
6 te de 6 piastres 1/2 a 8 piastres [ 3 5^29* a43 f .44 c ]*
Les cafes avoient varie de 12 a 20 piastres 6 C a io8 f ,6o c ] jus-
qu a la fin de 1 8 1 8 , oil tout dun coup ils monterent jusqu a 4 3 piastres
[ 244 f ,3 5 C ] la bade de cent livres ; mais ils redescendirent , en juin et
juillet 1 8 19, a 23 et 25 piastres [ 1 24^89° a 1 3 5^75°] , et l’on prevoyoit
alors qu’ils devoient tomber encore. La hausse avoit ete une consequence
de celle qui avoit eu lieu en France, et des demandes extraordinaires
adressees a la colonie, soit par la place de Londres, soit des differens
ports de France.
Les cotons , apres i’occupation des Anglais , s’ltoient tenus entre 4 5 sous
du pays [ i f , 1 2 C ] la livre et 4 liv. 1 5 sous [ 2 f »3 7 C ] ; depuis 1816 jusqu’a
i8i9,ilsfurentcotesde 3 liv. 1 5 sous a 4 liv. 10 sous [i f ,87 c a2 f ,25 c ]: les
cotons du Bengale se vendoient de 15 a 22 piastres [8 i f , 45 c a 1 ip { , 46 c ]
le quintal; ceux de Bombay ou de Surate, de 18 a 24 piastres [97^,74°
a 1 3 o^ ,3 2 C ] ; ces derniers, au commencement de 1819, tomb£rent a 1 6 et
18 piastres [86 f ,88 c a97 f ,74 c ].
Autrefois, sous I’administration fran9aise, les transports par terre se
faisoient a dos de negres. II en est autrement aujourd’hui : les routes se
multiplient ; plusieurs d’entre elles sont assez belles ; aussi les habitans
des quartiers de la Poudre d'Or, de la Riviere du Rempart, des Pam-
plemousses, du Piton, de Moka, des Plaines Wilhems, de la Petite
Rivi&re, et meme de la Riviere Noire, font transporter toutes leurs
denrees a la ville sur des charrettes. . - .
On s’occupoit, en 1819, a percer une grande route de Pcrrt-Louis k
Mahebourg : tous les fo^ats indiens envoyes a l’lle-de-France etoient
employes a ce travail , qui etoit deja fort avanct*.
La difficult^ d’avoir de belles routes, nait, a I’lle-de-France, des
grandes pluies qui , auJc ^poques des ouragans , entrainent les digues , les
chaussees , et en general tous les travaux qui ont pour but de consolider
ces importans moyens de communication ; il en resuite des frais d’entre-
tien immenses. Les habitans s’aper9oivent n^anmoins de 1 ’avantage de
pouvoir parcourir plus commodement le pays en voiture. On pourroit,
en temps de guerre, transporter au besoin jusqu’a Port-Louis, n’importe
Voyage de V Uranic. — Hbtori(juc. Hhh
Industrie
commerciale.
Transport
des
marchandises.
Digitized by LjOOQLe
424 VOYAGE AUTOUR DU MONDE.
Industrie de quel quartier de File , une cargaison entiere , et recharger le navire,
commercials. sans ntfcessaire de le faire venir a ce port , facilite qui n’existoit
pas iors de la prise de File. Jusque-la , en effet, des vaisseaux mouiiles au
Port-Bourbon etoient obliges d’attendre la levee d’une croisiere , ou d’ex-
poser dans des peniches leur cargaison par parties , ce qui occasionnoit
des frais dnormes.
De petites embarcations , de i 5 a 80 tonneaux, font les transports par
mer le long de la c6te : beaucoup d’habitans riverains ont des bateaux a
eux ; les autres paient un fret. II n’y a guere que les cantons de la Savanne,
du Port-Bourbon , de la Riviere Noire, de Flacq et de la Grande Baie, qui
fassent leurs transports par eavi ; car je ne dis rien du service d’exportation
au loin. Quant a la navigation interieure, la riviere du Grand-Port est
praticable pour les batimens de 15 a 20 tonneaux , qui peuvent la re-
monter jusqu’au bel etablissement de M. Frappier. Pour les voyages de
la Riviere Noire, de la Grande Baie, de la Grande Riviere, &c., ou se
trouvent des moulins , on emploie de larges bateaux non pontds ; its
apportent du bois, de la chaux et les farines de l’arsenal. Les pirogues
ne servent que pour la p£che ou pour des transports peu importans, a de
petites distances , le long des rivages de la mer.
Monnoies. Toute espece de monnoie est re9ue a FIle-de-France ; mais la seuie
piastre d’Espagne y a un cours regulier , qui varie suivant les besoihs. Les
monnoies les plus communes sont les piastres d’Espagne, les ecus de
Fempire , les pieces de 5 francs de France , les piastres anglo-ameri-
caines., la roupie sica, la roupie de Pondichery, la roupie^ d’Arcate , les
fanons , les caches et les petites monnoies appelees marques , qui valent
3 sous du pays ou 1 sou 1/2 de France , les goldmohurs du Bengale , ceux
de Bombay et de Batavia, les pagodes a letoile , celles de Porto-Novo , &c.
• Argent Argent
de la colonic. dc France.
La piastre ( i ) represente • i o ,ir o* . . . $ f ,oo»
L^cu de I’empire , les pieces de j f de France, et les
piastres angIo-am£ricaines 10. o. . . . j ,oo.
La roupie sica j. o.... 2 ,jo.
La roupie de Pondichery et la roupie cFArcate 4* 1 o. . . . 2 ,2 j .
(1) La valeur moyenne de la piastre est cependant de J f ,43 e 5 ma ^ s I’usage veut qu’on ne la
considere ici que pour j francs.
Digitized by LjOOQLe
LIVRE II. — Du Brasil a Timor inclusjvement. \x 5
Argent
Argent
Les fanons
1
. . . <
[ o liy
I 2 5 . ,
>• ° f > 3 ° c
%
1
1 «.
4...
, . 0 ,60.
Ancienne piece appelee marque
• • •
• • •
0.
3...
• 0 .07 .
Cache nouvelle
• • •
• • •
0.
2. . .
vs
O
La valeur du goldmohur du Bengale est fixee k
p Piatt re*.
Le goldmohur-Bombay, k
7 .
1 / 2 .
La quadruple , k
1 6 .
La portugaise , k
8.
La guinee d’Angleterre , k
4 -
1/2.
( 24 francs, k
4 -
1/2.
Le louis de / 20 francs, k
4 -
( 4o francs , k
8.
La pagode k 1 ’etoile
• • •
• • •
i 6.
O. . .
. 8 ,00.
La pagode de Porto-Novo
• • •
• 49
l 3 -
5 - . .
. 6,12.
Le ducat et le sequin
2.
1 / 4 .
li s’agit de savoir maintenant quelles sont les variations qu’eprouvent
ces monnoies dans ieur circulation journaliere. Tant que le gouverneur
Farquhar a administre la colonie , il y a eu peu de difference entre les
esp£ces monnoyees et le papier de banque; mais depuis son depart, les
choses ont bien change : son successeur n’a vu que le benefice du ifio-
ment, et a fait monter les traites du gouvernement, soit sur l’lnde, soit
sur l’Europe, a une telle prime, que, pour faire les remises necessaires,
il a fallu exporter l’argent de la colonie, oil la rarete sen est fait bientot
sentir. Les valeurs metalliques ont aussitot monte , les piastres d’Espagne
de 8 "a 33 p. 0/0, et les autres monnoies de 4 a 5, jusqu’a 22 p 0/0.
Voila ou l’on en ^toit en 1 8 1 <?.
Les especes ne sont nullement demand^es pour les besoins de la
place; elles ne servent qua I’achat des traites, a la solde des troupes,
qui sont toujours payees en argent. A-t-on besoin de faire une remise sur
France, sur Londres ou sur l’lnde, on se procure du numeraire, avec
lequel on achete une lettre de change sur Londres ou sur l’lnde, a la
prime de 1 a 4 p. 0/0 ; d’ou il resuite que vous depensez 24 p. 0/0
environ : 20 a 22 p. 0/0 pour achat d’especes, 1 a 3 et 4 de prime ;
c’est bien au moins de 24 a 25 p. 0/0 que l’on perd en papier.
M. Farquhar, en maintenant 1 'argent a bon march^, en donnant des
Hhh*
Industrie
commerciale.
Digitized by
Iudustrie
commerciale.
Commer^ans
et commerce.
416 VOYAGE AUTOUR DU MONDE,
traites a un taux raisonnable , faisoit a-la-fois et le bien du gouver-
nement , et celui des particuliers. Ceux qui iui ont succed<£ ont alt£r£ le
credit public en depreciant eux-m£mes le papier en circulation , et ils
n’ont pas semble s’apercevoir que tot ou tard ils seroient eux-m6mes
fort embarrasses pour le paiement des troupes : en effet , ils vont au jour
le jour; et ce n’est qu’avec peine qu a lepoque des paiemens ils peuvent
realiser en especes les sommes n^cessaires. M. Farquhar vouloit qu’il y
eut en reserve permanente au moins 100000 piastres en pieces mon-
noyees dans le tresor ; cette disposition entretenoit la confiance , et le
papier se maintenoit &-peu-pres au pair de l’argent. Le gouvernement
sera necessairement oblige de faire venir des monnoies de I’lnde.
II existe approximativement dans 1’ile 1 000 000 et quelquefois
1 200 000 liv. ( (valeur de la colonie) en circulation , soit en papier de
banque , soit en papier du gouvernement. On ne montre les especes mon-
noyees, soit piastres, soit pieces d’or ou d’argent, que pour les vendre.
Les marchandises et les immeubles n’ont pas augmente en proportion
du numeraire ; le plus ou le moins de demandes et de consommation ,
le plus ou le moins de tranquillite interieure, sont les seules causes des
variations qu’ils eprouvent.
II y a a I’IIe-de-France une assez grande quantity de negocians , parmi
lesquels sont six courtiers-jures, qui re^oivent 1/2 p. 0/0 du vendeur et
autant de 1’acheteur, et cinq agens de change, qui ont droit a 1/3 ou
a 1/4 p. 0/0 sur toutes les n^gociations d’effets et de lettres de change.
Le commerce de commission ^toit tres-Iucratif autrefois, et le de-
viendroit encore si I’IIe-de-France avoit un port franc. On prend depuis
2 1/2 jusqua 5 p. 0/0 de commission sur la vente et autant sur I’emploi;
mais de r&gle, 2 1/2 sur les achats, 1 p. 0/0 sur les ventes d’esp£ces , ainsi
que pour l’entrepot des differentes marchandises.
Les operations en gros se font par I’intermediaire des courtiers , qui
saventou sont les denrees du pays, les offrentaux consignataires etvendent
sur montre. II en est de meme des marchandises d'Europe : on annonce
la cargaison , les acquereurs arrivent avec leurs courtiers ; on la met
en vente partie par partie ; chacun fait des offres en fournissant les
suretes necessaires , et tout se debite ainsi successitfement en annon9ant
Digitized by
Google
LIVRE II. — Du Bresil a Timor inclusivement. 4 2 7
chaque article 4 haute voix : c’est une sorte d’encan. Avant l’incendie
de Port-Louis , il y avoit dans la colonie dix negocians qui achetoient en
gros et divisoient ensuite la cargaison par lots anx de'taillans : on est oblige
aujourd’hui de suivre une autre marche ; car ii ne reste que bien peu de
maisons a qui un consignataire voudroit ceder une cargaison entire.
Monopoles. — Le gouvernement afFerme la vente des aracks , et le
batelage pour le chargement et le de'chargement des navires, fes four-
nitures de lest , &c. , pour le Port-Louis seulement ; ces deux objets
produisent annuellement de 50000 a 60000 piastres. II n’existe pas
d’autre monopole.
Interet de I’argent. — L’intcret ne varie que de 9 a 1 2 p. 0/0. Les ban-
quiers prennent a 9 p. 0/0 a huit jours de vue. L’int^r£t de la place est
communement a 1 2 p. 0/0.
Credit. — Avant l’incendie de Port-Louis, la place jouissoit d’un
grand credit , et le m^ritoit : depuis lors , quelques maisons ont soutenu le
leur; mais la majeure partie l’ont perdu. La banque en a un tr£s-bon et
justement ctabli ; elle est bien administree. A la suite du fleau que je
viens de citer, elle chancela un instant; mais le gouverneur Farquhar la
soutint en annon9ant que son papier passeroit dans tous les bureaux
de l’administration , et en lui faisant l’offre de tenir 100000 piastres a sa
disposition en cas de besoin.
Compagnies d’assurance. — On trouve a Port-Louis trois compagnies
d’assurance : une, particuliere a 1’Ile-de-France , ou se font les rembour-
semens ; les deux autres qui servent de succursales aux chambres d’assu-
rance du Bengale : elles remboursent en traites sur Calcutta-; ce qui pre-
sente un avantage k I’assure, qui peut, en cas de sinistre, gagner 20 et
22 p. 0/0 , en negociant les traites sur I’lnde. Les conditions, pour le Ben-
gale, aller et retour, sont 7 1/2 a 8 p. 0/0; pour France, 4 p. 0/0, et
7 pour le retour ; pour i’Am^rique , de m£me 4 et 7 ; pour la cote de
Coromandel et celle de Malabar, 2 1/2 et 4 » aller et retour; pour les
Seychelles, 2 et 3 ; pour Londres, 4 et 7.
Banque. — Cette banque a ete crede sous le gouvernement de M. Far-
quhar. Ses dividendes, malgr£ I’incendie, ont et£, ann^e commune,
depuis son existence jusqu’eij 1819 et . toutes pertes compens^es, de
Industrie
commerciale.
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Industrie
commerciale.
\
428 VOYAGE AUTOUR DU MONDE.
1 7 p. 0/0. Cet etablissement est aujourd’hui d’une ndcessit^ absolue; son
existence est liee k celie de la colonie , et ses operations ne pourroient
£tre suspendues sans mettre file entire et son gouvernement lui-m£me
dans le plus grand embarras.
Balance commerciale. — Jusqu’& present la balance commerciale del’lnde
. avec 1 ’IIe-de-France ne s’est effectuee qu’avec les esp^ces de cette derniere
colonie, ou avec les traites du gouvernement. La position commerciale
de cette ile sera toujours d^favorable , tant quelle tirera de l’Inde ce qui
lui est n&essaire ; les toiies bleues, le riz et le bl 4 absorberont plus
que le montant de ses traites : il faudra done balancer avec des especes ,
qui , enlevees a mesure , ne iaissent aucun signe repr&entatif a son
papier-monnoie. C’est 1 & le cot£ le plus foible de la place.
L’ile produit k-peu-prds i j millions pesant de sucre ( 1 ) , qui , k 7 piastres le
quintal , font un total de 1 050 000 piastres.
Le gouvernement militaire de la colonie d£pense en
traites sur Londres ou sur I’Inde , et cela depuis les r6-
formes , environ 300 000 .
Les cotons et autres articles figurent pour 1 jo 000 .
Total 1 500 000 piastres.
A ces 1 500 000 piastres, montant du revenu de I’He-
de-France, il faut en ajouter 100 000 .
pour les iles k coco , k coton , &c. , et Ton aura un total
general de seize cent mille piastres , ci 1 600 000 .
En calculant le revenu de la place k cette somme , je ne
crois pas m’6loigner beaucoup de la v£rit£. L’incendie lui
a enleve un capital r6el de 7 millions de piastres (a) : cette
somme rapportoit annuellement 4*o°oo piastres, qui
auroient pu 6tre ajout6es aux 1 600 000 de son produit
territorial ; mais on ne peut aujourd’hui la mettre en ligne
de compte. Si 1 ’on estime le revenu industriel actuel des
capitaux de Port-Louis , k 4 oo 000 .
f — — 1 — u
on aura pour le total de ses revenus 2 000 000 piastres.
(1) Ceci se rapporte i Tannee 1819.
(2) Quelques-uns ont voulu faire monter cette perte a 8 millions de piastres ; mais d’apres
Pavis de personnes bien informees, c’est evidemment beaucoup trop.
L’incendie dont il vient d’etre plusieurs foil question , eut lieu dans la nuit du 2; au 26
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LIVRE II. — Du Bresil a Timor jnclusivement. 4*9
C’est avec cela que doivent £tre payees ses depenses ,
qu’on peut enum^rer de ia maniere suivante , savoir :
Huit mille barriques de vin k 4 ° piastres ( ou Pequiva-
lant tant en caisses qu’en barriques ) 320 000 piastres.
Un million pesant de ble, k 5 piastres le quintal 500 000.
Trente mille sacs de riz , k 5 piastres le sac 150 000 .
Impots pay£s par les habitans et consommes sur la place. 4 oo 000 .
Vingt mille ptec^ de toile bleue, k j piastres 1 00 000 .
Draps , chapeaux , toiles tFAngleterre et de PInde 200 000 .
Huiles, savons et menus objets analogues 100 000 .
Objets de luxe 100 000 .
2
Total des depenses annuelles 1 870 000 piastres.
Industrie
commerciale.
• *
II convient de remarquer que les quatre ou cinq cent mille piastres
d’impots , quoique payees par les habitans , rentrent dans le revenu ,
puisqu’elles se ddpensent : neanmoins il ne faut pas les porter en compte ;
mais il est certain que cette somme n’est pas perdue , et qu’une partie
au moins profite au pays. Maigre tout , la colonie n’est pas riche.
Elle a etonne un moment par ses ressources , durant la derniere guerre ;
il y avoit alors beaucoup d’argent , que les etrangers y apportoient
pour acheter les prises nomhreuses que nos croiseurs avoient faites ; et
payant ses depenses avec les produits de ces prises , il est tout simple
que la colonie prosperat : mais du moment ou I’Angleterre deqda le
blocus de ses ports , ii ne fallut pas six mois pour s’apercevoir que cette
richesse n’^toit qu’apparente , et que, du moment ou les prises n’arri-
veroient plus ' I’aisance disparoitroit. En effet , lorsque Tile fut a la veille
de subir le joug, il ne restoit pas un sou dans la caisse publique, et les
habitans se seroient vus sous peu dans 1’obligation de payer eux-memes
les troupes et de faire face aux depenses du gouvernement , puisque la
metropole n’envoyoit rien. Lagricuiture etoit nulle : on ne faisoit pas au-
dela de 5 millions de sucre ; encore ne le vendoit-on que de 4 a 5 piastres
le quintal ; ajoutez un peu de coton- et d ’indigo , et voila tout.
septembre 1 8 1 6 . En quelques heures , trois cent cinquante-un emplacemens , comprenant
quinze cent dix-sept maisons du plus beau et du plus riche quartier de la ville, devintent Ia
prsie des flammes. Le g^nie de la devastation parut presider k cette affreuse catastrophe
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Industrie
commerciale.
Attributions
du gouvemeur.
4 3 o VOYAGE AUTOUR DU MONDE.
Peu de temps avant 1’incendie, le commerce prosperoit, l’agriculture
avoit double, triple ses revenus; Tile etoit reellement redevenue floris-
santei Aujourd’hui encore les campagnes sont en assez bon etat : mais
un fleau d’une autre espece , que nous avons deja signale , atteint fagri-
culture ; les bras manquent, et le temps n’est peut-etre pas loin ou une
partie de File restera forcement inculte. Admettons que les grands pro-
prietaires soient capables de maintenir a grands fra« dans leurs domaines
un nombre suffisant de noirs ; la meme ressource manquant aux petites
cultures , la ruine de celles-ci deviendra inevitable. On en voit deja —
plusieurs, exploitees chacune par vingt ou trente esclaves, £tre aban-
donnees ou vendues comme onereuses , et les noirs cultivateurs passer
sur de plus vastes etablissemens. Encore quelques annees , et e’en est fait
de la colonie, si Ton ne trouve moyen d’y combler, par des voies legi-
times , les pertes successives caus^es par l’interdiction de la traite. Des
Malgaches ou des Malais, engages et pay^s comme ils le sont a Java, ne
seroient- ils pas propres a remplir cet objet !
Plus de facilite donn^e au commerce ext^rieur rendroit la vie a l’in-
dustrie mercantile, mais feroit peu pour l’agriculture. Louverture de
routes nouvelles et la restauration des anciennes , l’introduction des b£tes
de trait , ont deja produit un bien notable ; cependant cela ne suffit pas.
Esp^rons que le sort d’un si beau pays ne sera pas laiss£ a 1’abandon ;
qu’on trouvera des remedes au malaise qui le travaille, et quun gou-
vernement paternel et ^claire saura pr^venir sa ruine entire.
§. VI. '
Gouvemement de la colonie.
Depuis que la colonie appartient aux Anglais , le gouvemeur en a 6t6
le chef unique. II a sous ses ordres le secretaire du gouvernement , qui
est charge de la partie administrative, et un commissaire de justice ou
grand juge , qui a la direction des affaires judiciaires. Mais le gouver-„
neur peut trancher sur tout , s’if lui plait d’en prendre la responsabilite.
Quoique tous les ordres emanent de lui , le secretaire du gouvernemeat
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LIVRE II. — Du Bresil a Timor inclusivement. ' 4 3 i
et le grand juge sont ordinairement consults dans les affaires qui les Gouvemement
concernent. Le gouverneur peut nommer a toutes les places par interim,
destituer de m6me, augmenter les appointemens , les diminuer, lever
des impots ou les r^duire ; en un mot , il est maitre absolu , et il n’y
a dans la colonie aucune autorite legale a laquelle on puisse s’adresser
contre les actes abusifs quit peut commettre. A la verite, libre a qui-
conque se croit lese de faire parvenir ses griefs a Londres ; mais
les frais enormes qu’il faudroit faire pour arriver seulement a obtenir
lexampn de sa reclamation , la crainte de succomber une seconde fois ,
ces considerations de prudence qui conseillent de ne point lutter ouver-
tement contre les depositaires du pouvoir , tout concourt pour etouffer
les plaintes et faire supporter avec resignation le prejudice qu’on est con-
vaincu d’avoir souffert.
L’administration civile et I’administration militaire sont independantes Administration,
l’une de 1’autre. La solde des militaires est payee par la metropole , sauf
ia gratification coloniale, qui se paie ici. L’artillerie a aussi ses depenses
particulieres , et tire ses traites a part pour y subvenir. Mais la marine
sur-tout est la puissance la plus independante : elle n’a de compte a
rendre ni au gouverneur, ni au commandant militaire; elle ne reconnoit
que son amiraute , fait ce quelle veut , va , vient , arrive et part sans que
personne ait droit d’inspecter ses actes. Les commandans des batimens
de guerre sont m£me dispenses du concours des autorit^s coloniales pour
ce qui regarde leur ravitaillement ; ils tirent les traites qui leur sont
necessaires , font leurs achats , leurs operations et remplacemens , paient
leurs Equipages , et sont soumis , pour la comptabilite de ces divers
details, au controle seul de I’amiraute', qui les a commissionnes.
En outre du secretaire du gouvemement et du grand juge , il existe
encore d'autres officiers publics, tels qu’un auditeur, un tresorier general ,
un chef des douanes et un receveur general des impositions. Tous les
revenus vont au tresor; le montant des traites. que tire le gouvemement
civil y est verse, et c’est de la que les fonds se repandent dans les diffe-
rentes branches de I’administration : chacune , a cet effet , a sa feuille
# particuliere. A I’epoque des paiemens , chaque chef de service porte cette
feuille a Tauditeur; celui-ci examine si les commis sont ponctuellement
Voyage del* Uranic. — Historiquc. jjj
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Gouvernement
de la colonie.
432 VOYAGE AUTOUR DU MONDE,
port^s pour leurs appointemens respectifs , enfin si ia depense est conforme
aux rdglemens ; et quand tout est dans l’ordre , ii signe. Les diverses
feuilies ainsi v&ifi^es sont transmises au secretaire adjoint du gouveme-
ment, qui ies soumet au gouverneur, pour quii ait a signer le bon 4
payer. Ces formalites rempiies , le tr&orier compte les fonds , non pas
a chaque individu , mais a chaque chef de service , qui en fait ensuite
ia repartition : il en r&ulte une grande simplification dans les Ventures.
Les militaires ont aussi leur caisse , leur auditeur , leur trdsorier et leur
secretaire, independans du gouvernement civil. Tout ce qui concerne
celui-ci est paye par son propre tresor, ettout ce qui est militaire, par la
caisse militaire. La marine est exceptee , ainsi que nous l’avons dit.
Police. — II y a un bureau de police qui veille a la surety de la ville
et au maintien de l’ordre; dans la campagne, des commandans de quar-
ters sont preposes au m£me soin : ils ont sous leurs ordres quelques
hommes d’un corps de gendarmerie cree par M. Farquhar, et commande
en chef par un officier superieur.
Appointemens des principaux employe's. — On les evalue ainsi pour
1’annee :
Le gouverneur , k-peu-prds 4 ° 000 piastres 2 1 7 000 francs.
Le grand juge
1 8 000.
97 780.
Le receveur general, traitement fixe. .
6 000.
6
CO
tA
M
Le secretaire du gouvernement
9 600.
52 128.
Le tresorier
6 000.
.32 j8o.
L’auditeur
7 200.
39096.
Les chefs de la douane
6 000.
32 580.
Les premiers commis , selonl de ... .
720.
3909.
leur rang j k
2 4oo.
13032.
Chaque juge
2 4oo.
13032.
Un president de tribunal
3 600.
1 9 * 48 .
Le procureur general
3 6 00.
19 $48.
Mais les divers employes ayant la faculte de rempiir plusieurs places
a - la - fois , on doit compter qu’ils ont I'un dans l’autre de 9 600 a
1 o 200 piastres [52 128 A 55386^ francs ] par an. Le chef de la douane
a tant pour cent, en sus, sur le prix des marchandises ; le receveur general,
de m£me. En definitive , on voit souvent les appointemens fixes doubles
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LIVRE II. — Du Brasil a Timor inclusivement. 4 3 3
par ces bonifications ^ventueiles ou par le cumui de fonctions r^tribu^es
a part.
Les taxes sont tres- fortes 4 I’lie-de-France : nous avons parle de ceiles
qui se prevent sur le batelage et les aracks , qui sont mises en ferme.
Les impots directs donnent 4 °° 000 piastres; k quoi ii faut ajouter le
timbre, fenregistrement , ies douanes, &c. A cet dgard , tout est
dans la coionie a l’instar de l'Europe, et Ion peut dire qu’il n’y a pas
une source de revenu public qui ne soit mise a contribution. *
Les immeubles , la capitation des noirs , voila sur quoi portent ies
taxes inferieures. Les terres ne paient pas ; mais ii y a des corv^es dont
le produit est applique a i’entretien des chemins publics.
Selon que les marchandises imposes le sont sous pavilion anglais ou
sous pavilion etranger, elles supportent des droits d’entr^e differens.
Dans le premier cas , le subr^cargue affirme sous serment la v£rit£ de
la facture qu’il exhibe ; et sur i’estimation quelle relate , on pr^leve un
droit de 6 p. 0/0. Dans 1 ’autre cas, ies formalins a remplir sont ies
m£mes ; mais le droit per^u est de 8 p. 0/0 au lieu de 6.
L’arack etranger paie un droit d’entr^e dune piastre par velte.
On trouvera dans le tableau ci-apr£s le tarif des droits imposes en
1816, ^poque de notre reldche a l’l le-de- France , k l’exportation de
certaines denrdes.
Gouvemement
de ia coionie.
Impots;
douanes.
NATURE
DU DEMSiu.
DROIT PERCJU PAR QUINTAL,
SOUS PAVILLON
anglais.
SOUS PAVILLON
Stranger.
Piastres. Centimes.
Piastres. Centimes.
Sucre
O ,2J.
0 .J5-
Cafe
1 ,oo.
i ,6 0.
Coton
• > 7 S •
' . 9 !’
Indigo
4 ,oo.
5
Girofle
*
6
0
tbene
0 ,a;.
0 ,60.
Ecaiiie
1 ,J0.
3
i. ■
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1 8 1 8.
Juillet.
4 3 4 VOYAGE AUTOUR DU MONDE.
CHAPITRE XIII.
Tr aver see de l’ lle-de-France a File Bourbon ; sejour dans cette
derniere colonie.
. La distance qui s^pare i'He-de-France de Bourbon, est, comme on
sait, tr£s-courte; ies vents contraires nous obligerent cependant a mettre
pres de trois jours pour ia franchir; nous ne pumes mouilier a Saint-
Denis que le ip juillet, vers six heures du soir. Apres £tre restes huit
jours sur cette rade, et cinq a celie de Saint-Paul, ou ii fallut aller com-
pleter l’embarquement de nos vivres, £tant enfin le 2 aout en mesure de
continuer notre voyage , on remit sous voiles a huit heures et demie du
soir, et nous fimes route pour la baie des Chiens-Marins , a la Nouvelle-
Hollande, ou nous appeloit la suite de nos operations.
Je passerai rapidement sur les circonstances , d’ailleurs peu notables,
de notre relache; k peine avons-nous eu le loisir de jeter sur le pays un
coup d’oeil superficiel. Mais qu’il me soit permis de payer d’abord le
juste tribut de notre reconnoissance aux admin istrateurs de la colonie,
ainsi qu’a ceux des habitans qui ont daign£ nous accueillir et favoriser
nos recherches. M. le chevalier de la Fitte du Courteil, gouverneur,
nous donna des terqoignages d’interet ; mais nous eumes sur-tout a nous
louer de 1’urbanite' de M. le baron de Richemont, intendant de la co-
lonie, qui voulut bien me recevoir chez lui. La bri^vete de notre sejour
a Saint-Denis, ou cet administrateur avoit sa residence, ne nous laissa
jouir que peu de temps des attentions prevenantes de M. me de Riche-
mont, qui, par ses graces spirituelles, savoit donner du prix m£me aux
moindres choses.
A Saint-Paul , M. me Desbassayns , mere de 1’intendant de l’ile, et
M. de Villele son beau-frere, ne se montrerent pas moins empresses a
nous faire politesse, et a nous faciliter les moyens d’investigation qui
leur parurent devoir nous £tre utiles.
Quelque precieuse que puisse etre une topographie generale de 1’ile Bour-
bon , on con^oit que mes pretentions sont loin de vouloir l’entreprendre :
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LIVRE II. — Du BrjiSil a Timor jnclusivement. if 3 5
toutefois , parmi les faits que nous avons recueillis, un petit nombre 1818
n’Cant pas denues d’intCC, nous les consignerons dans ie paragraphe Juilie!
qui va suivre.
S. I. er
Remarques sur I’ile Bourbon:
Vents. — La rade de Saint-Denis, situee au Nord de i’ile, est
ouverte presque enticement aux vents aiises , qui y soufflent parfois
d’une maniCe peu commode et y rendent le debarquement trop souvent
impossible. Les m£mes inconveniens n’ont pas lieu dans ia baie de Saint-
Paui , qui en est voisine : ies brises de terre et de mer y sont en general
bien r^gl^es ; dans ie jour , on a la brise du large, et, ia nuit, celie de la
direction oppos^e. Lepoque ou eiies s’etablissent n’est pas parfaitement
fixe ; on peut compter cependant que ieurs pCiodes arrivent peu d’heures
apres le lever du soleil, et peu d’heures apres son coucher.
Pendant ies mois de juillet et d’aout, on y ^prouve par intervaile des brises
de Sud-Est asses fortes; on les a vuesdurer trois jours de suite , sur-tout
a l’^poque de la Saint-Louis. Rarement eprouve-t-on de ces brises plus de
deux ou trois fois dans le cours de i’hiver : l’une d’elles se fit sentir pen-
dant notre s^jour , mais la mer ne cessa point d’etre belle ; a Saint-Denis,
en pareil cas, il m’eut fallu derader.
Les coups de vent, dans la baie de Saint-Paul, ne commencent jamais
& souffier du large; iis d^butent., soit du Nord-Est, soit du Sud-Est; et
lorsque ensuite iis toument du cote du large, la force du vent est tou-
jours diminuee : c’est ce qu’on rfcmarque sur-toiit dans les ouragans.
II resuite de cette disposition, quiun navire qui seroit a i’ancre et qui
ne voudroit pas attendre le coup de vent au mouillage , pourroit loujours
appareiller d’assez bonne heure-pour gagner le large, manoeuvre qui
doit Cre a plus forte raison preferee , qiiand on est menace d’une de ces
grandes conyulsions atmospheriques. On a vu cependant un navire rester
a 1’ahcre ; sans eprouver d’avarie, lors de i’ouragan de 1818 , qui fut
si furieste a l’lle - de - France ; it est vrai qu’ii -ne se fit pas ressentir avec
Observations
de physique.
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Remarques
sur
1’ile Bourbon.
4]6 VOYAGE AUTOUR DU MONDE.
une £gale violence A Bourbon. Mais il s’agit ici dun cas rare qui ne doit
pas servir de regie.
Ras-de-maree. — Quelquefois on dprouve des ras-de-mard a Saint-
Paul ; ordinairement il y en a deux pendant chacun des mois d’avrii ,
mai, juin, juillet et aout; en juin sur-tout, il est rare qu’ils manquent
d’arriver : mais, dans les aufres mois de i’annd, on en a eu peu d’exemples,
a moins que quelque coup de vent du large n’ait fait refouler les eaux
dans la baie. II importe de remarquer que , dans tous les cas, les navires
sont en parfaite surety sur cette rade; seulement la houte est tres-rude
pres du rivage, ce qui aureste n’empdhe pas de communiquer avec la
terre , pourvu qu’on choisisse une embellie : mais on ne pourroit pas dd
charger les navires. Ajoutons que ces ras-de-mard, qui ne durent pas
au-dela de trois jours , sont plus forts le second jour que le premier et le
troisieme , et l’on a observd aussi que la barre pres du rivage est plus mau-
vaise au lever et au coucher du soleii qu’en tout autre instant de la journd.
Jamais le vent n’est fort pendant les ras-de-mard; on a tou jours
plutot du calme, accompagn^ d’un del vaporeux : quand la brise s'deve,
les vapeurs se dissipent et le ras-de-mard cesse.
On dprouve aussi des ras-de-mard a Saint-Denis; ils y sont beaucoup
plus frequens qu a Saint-Paul , et sur-tout beaucoup plus incommodes.
Magnetisme. De quelques observations faites dans le jardin de l’in-
tendance k Saint-Denis , nous avons conclu que l’inciinaison de i aiguille
aimantd doit sur ce point de 5 4 ° 4 %"* au tuois de juillet 1817,
son extremity Nord dant la pointe dlevd.
Maladies. — « Parmi les maladies qui dominent A file Bourbon , on
remarque les fievres adynamiques , rarement les fievres irrfcermittentes et
assez souvent les fievres bilieuses. Les fi&vres catarrhaies, occasionnds
par les changemens brusques. de tempdature, sont quelquefois epidd
miques : les catarrhes de la poitrine sont assez communs en hiver.
» Dans le traitement de la gale et des dartres , les fumigations sulfu-
reuses de Gales out de suivies de bons rdultats.
» La dysenterie regne ordinairement dans la saison des piuies, cest-
a - dire , de ddembre a mai. Le croup est presque inconnu; mais les
maux de gorge gangrlneux sont frequens et funestes. On ne cite rien de
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LIVRE II. — r Du Bbesil X Timor inclusivement. 437
particulier dans les maladies des voies urinaires. L’hydrophobie , dit-on, Remarques
ne s’est jamais montr4e dans la colonie ; la Upre y est rare , la syphilis |>j| e Bourbon
Test moins; on cite des exemples assez nombreux d’hydrocele, mais peu
de sarcoc£Ie.
» L’h6pital militaire de Saint-Denis est compose de phisieurs pavil- Hopitaux.
Ions en bois , s^par^s les uns des autres , et affect^s aux officiers , soldats ,
mateiots , ainsi qu’aux noirs du gouvernement. Lorsque , par une faveur
particuliere , les noirs appartenant aux habitans y sont admis , on exige
de leurs maitres une retribution de trente sous [ 1 franc 50 centimes]
par jour.
» Depuis la restauration , cet hopital est desservi par des soeurs de la
charite de Saint-Vincent de Paul ; elles sont au nombre de six. On ne
sauroit trop louer une institution aussi bienfaisante : tout le monde , en
effet , connoit le zMe , I’activite , la proprete , la patience et les soins tou-
chans que prodiguent aux malades ces dames respectables ; tous les jours
nos mateiots en re^oivent de nouvelles preuves dans les hopitaux de la
marine. A i’dpoque, entre autres, ou de nombreuses levdes appeloient tant
de consents dans les ports ou a bord des vaisseaux, combien de nostal-
giques n’ont du I’existence qu’aux douces consolations des sceurs hospi-
talieres !... Celles de la congregation des soeurs de la Sagesse rendent
aussi X la marine des services tr£s-importans , qui ne sont peut-£tre pas
suffisamment appr^cies. La voix persuasive d'une femme est si puissante
sur I’esprit de l’homme malade ! » ( M. Gaimard. )
On sait que file Bourbon, lors de sa decouverte, n’etoit point habitue: Population,
on y envoya d’abord , pour se r^tablir , quelques malades fievreux pro-
venant du Fort-Dauphin de Madagascar ; mais ce ne fut guere qu’apres
le massacre des Fran^ais dans ce malheureux etablissement , que Bour-
bon re^ut une population permanente. Saint-Paul fut le premier point
habitl.
II n’entre pas dans mon plan de tracer ici l’histoire int&essante des pro-
gr£s de cette colonie, ni de parler des vicissitudes auxquelles elle fut sou-
mise; je ne dirai rien non plus de la manure singuli^re dont sa population
s’est r^pandue dans certains quartiers , ni des families qui en ont tt 6 la
souche, &c. : ces details et beaucoup d’autres occuperont la plume d’un
Remarques
sur
Tile Bourbon.
Portrait
des habitans.
438 VOYAGE AUTOUR DU MONDE,
voyageur qui aura ete plac^ dans des conjonctures plus favorables.
Quelques notions sur ia population actuelle et sur son prodigieux accrois-
sement depuis un siecle , termineront cet article : je les dois a M. Thomas,
commissaire de marine d'un merite distingue.
Le Gentil de la Barbinais rapporte que, lors du voyage qu’il fit a
Bourbon , en * 1 7 1 7 , on n’y comptoit encore que neuf cents personnel
fibres, parmi lesqueltes six families blanches seulement, et onze cents
esclaves; les derniers recensemens, faits en 1817, apres le laps d’un
siecle, donnent les resultats ci-apres :
Blancs 14 790 ames.
Libres(i) 4 34 2 - N
Esclaves 4 p 755>*
Total ■ 68 891.
Cet accroissement considerable peut etre attribue a la salubrite du
pays , mais sur-tout a la liberte du commerce , dont cette tie a joui pen-
dant un temps considerable.
Un auteur original dont le manuscrit inedit (2) m’a 6 t 6 communique
a I’lle-de-France , trace ainsi le portrait des habitans de file Bourbon :
« Grands , vifs, bien faits, dune complexion robuste, adroits tireurs,
habiles cavaliers : tel les sont les qualites physiques du creole bourbon-
nais. Fier et orgueilleux, d’un caractere altier, il est tres- dispose a
traiter tout le monde en egal ; gdnereux , aimant le luxe et la ddpense ,
(1) Nous avons cht qu’il faut entendre par ce mot les noirs et les mulatres qui ne sont
pas esclaves.
(2) Ce manuscrit est un poeme en sept chants sur Tile Bourbon, ecrit d’un bout a 1 ’autre du
stjde le plus ridicule, mais contenant neanmoins une foule de notes qui ne sont denuees ni
d’importance , ni d’interet. Le poete, apres avoir fait a sa fa^on I’apologie de son style, entre
en matiere; et parlant d’abord de Ia decouverte de file par D. Mascarenhas , il continue ainsi :
Et fixant de ces superbes monts
En groupes ramass^s les rapidcs troncons,
« Sol ignore, dit-il , il faut que je te pcigne,
» Mon nom sera le tien , He de Mascareigne. >•
Il opere aussitot; aid6 de son crayon ,
De cette ilc il tra^a la situation , &c. ^
Cet ecrit bizarre paroit remonter a 1 ’annee 1779. disant que I’auteur etoit creole, je me
hate d’ajouter que Bourbon donna aussi le jour a Parny.
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LIYRE II. — - Du Brasil a Timor inceusjvement. 4 )9
il ne coiKuite pas tou jours les raoyens qu’it a d’y satis&ire ; ardent en Remarque*
amour, peut-Atre a-tif aussi queiques dispositions i la jalousie. Dun rue Bou*bon.
caract^re naturellement guerrier et courageux , les Bourbonnais ant
plus d’une Ibis signale leur bravoure, soit dans nos arnoees, soit sur
nos vaisseaux. » Je ne verrois pas quel changement on pour rah faire
aujourd’hui a ce tableau.
Les commandeurs d’habitation exercent par mi ies noirs des fractions Queiques
analogues 4 cel les de chef d’atelier. Ce sont des noirs esclaves oomme les uw 8 es -
autres ; mais on leur accorde certames prerogatives qui , en flattant leur
amour-propre et leur mterh , les rendent plus attaches a leurs naaitres.
Dans les anciennes habitations, le thre de commandeur est presque tou-
jours hdreditaire ; dans ies nouvelles, au contraire, on ies choisit par mi
ies noirs les plus intelligens et les plus fideles. Beaucoup de maitres
leur font apprendre a lire et a ecrire : iis viennent alors au seoo tars' de
i’indolent cultivateur. On leur fait tenir ies comptes de depense, les
registres des noirs , &c. Mais trop souvent i’exces d’autorite qui r^suite
d’une telle confiance , pousse piutot les noirs a secouer ie joug qu’il ne
ies maintient dans la soumission ; aussi a - 1 - on toujours vu , dans les
revoltes , ces commandeurs se mettre a la the des nratins , ies exciter
contre leurs maitres , et tirer ainsi de leur influence le plus funeste parti.
A Bourbon , comme a l’He-de-France , et probablement dans toutes
les colonies ou i’on emploie des esclaves a la culture des terres , il y a
des gens qui font metier de leur vendre de 1’arack , liqueur , avons-
nous dit, pour laquelle iis sont passionnes. Vaincu par cet appat se-
ducteur , le noir qui n’a ni le courage de resister 4 la tentation , ni
i’argent necessaire pour y c6der , vole son maitre , et trouve commune-
ment dans ie cantinier lui - m£me un rec&eur complaisant. Ces larcins
multiplies sont notoires : mais Ies agens subaiternes de la police , soit
incurie, soit peut-hre connivence, secondent trop moliement les pro-
prietaires pour qu’ils puissent sen garantir. Ceux-ci atteindroient vrai-
semblabiement ce but, s’iis accordoient, a titre de recompense, une
ration d’arack a leurs noirs. J’en ai connu qui le font avec succes : leurs
noirs sont plus sedentaires et iis ont beaucoup moins de propension il
derober.
Voyage de V U rank. — Historicpe. Kkk .
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Remarques
sur
’He Bourbon.
T errasses.
44o VOYAGE AUTOUR DLL MONDE.
Quoi qu’il en soit , void un fait dont on . m’a garanti la certitude.
Un habitant de Tile alia diner k la campagne chez un de ses amis; ie
repas fi.it copieux et bien ordonn£. Le convive, a son tour, engagea le
maitre du logis k venir ie voir le lendemain , et mit tout en oeuvre pour
rbpondre dignement a la politesse qu’il en avoit re9ue. Mais quelle ne
hit pas sa surprise, iorsque au second service il vit paroitre pr&is&nent
le m£me pate froid qui avoit 6 t 6 servi la veille sur la table de son ami!
On s’informe, on fait du bruit, et l’on.apprend enfin que ce pate ambu-
lant, reste intact la veille, vole ensuite par les noirs et vendu par eux
a un receleur , avoit 6 te re vendu par celui-ci au cuisinier de i’hote
qui traitoit. Pour dre extraordinaire, cet enchainement de circons-
tances ne se rattache pas moins k des faits dont on a tous les jours des
exemples.
J’ai vu, k Saint-Paul, quelques maisons surmontdes de terrasses , ou ,
comme on dit ici , dargamasses. Cette disposition est preferable a ceiie
des toitures ordinaires , a cause des ouragans , qui detruisent celles-ci ou
les d<fgradent d’une fa9on plus ou moins ruineuse. Le ciment employe
pour ces argamasses les rend parfaitement impermeables. Void comment
if se compose : prenez parties egales de sable de rivide (1) tarnish trd-
fin et de chaux vive; humectez Ie tout avec un melange d’eau et de
sirop de sucre, dans la proportion de sept litres d’eau et un verre de
sirop; pdrissez et pilez ensuite, en I’humectant, cette pate pour la lier
et la reduire k consistance d’une cr^me un peu ^paisse.
Pour mettre ce ciment en oeuvre, appliquez d’abord un glacis, com-
post de chaux, gros sable, eau et sirop dans les rapports indiquls plus
haut ; frottez ce glacis avec des rabots de bois , jusqu’a ce qu’il soit
sec (2), afin d’en bien lier toutes les parties et d’^viter les genres. Ayez
soin , tout en frottant ainsi , d’humecter legdement le glacis avec votre eau
sirupeuse ; puis , quand il paroitra bien sec , vous placerez par-dessus
votre ciment fin, de I’bpaisseur d’une ligne ou deux, en l’unissant k la
truelle , et vous Ie laisserez s^cher , apr^s I’avoir abrit£ de la pluie et
m^me des fortes rosds.
(1) Au lieu de sable, on peut employer aussi la brique pilee, tamisee avec soin.
(2) Trois jours suffisent ordinairement i Bourbon, a cause de la forte temperature.
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LI VRE II# ' • “■ Du Brasil a Ximor inclusivement# 44 1
On corinolt ie rang distingue que tient le cafe Bourbon dans les Remarques
marches europ^ens ; cependant la culture de cette grain e precieuse ru e Bourbon,
diminue graduellement depuis quelques ann^es. M. Thomas assure que
les bois noirs plants pour servir d’abri aux cafiers sont sujets k une
maladie qui en fait perir beaucoup; ils ia communiquent aux cafiers,
qui succombent a leur tour ; et I’on se determine avec peine k remplacer
un arbuste qu’il faut soigner pendant huit a dix ans avant d’en retirer
aucun produit.
La culture des Cannes k sucre est bien plus lucrative. Voici, & cet
egard , le raisonnement qu’un habitant du quartier de Sainte-Marie ,
M. Routier, faisoit a M. Gaimard :
« Un champ de dix mille gaulettes de superficie (i), pareil k celui
» qui s^pare mon habitation des bords de 1a mer, ^tant r^guli Bremen t
» plants en cafiers, donneroit un revenu annuel de 300 balles de cafe.
» Le prix de la balle £tant de 10 piastres, ou auroit 3 ooo*piastres de
’> revenu. II faut observer que, dans ce quartier, une caftterie ne par*
» vient pas avant douze ans au point de perfection.
» La m£me superficie, plant^e en Cannes, est susceptible de donner
» k la premiere coupe 300 milliers de sucre, les -Cannes £tant bien
» venues; 250 milliers A la seconde coupe, et 200 seulement k ia
» troisteme; ce qui fait, terme moyen, 256 milliers de sucre, a
» 90 piastres le millier : en r^duisant ce terme moyen a 200 milliers , on
»» a toujours un revenu de 18 000 piastres [97 740 francs]. On re-
» marquera que la premiere coupe ne peut avoir lieu qu’au bout de
» dix-huit mois. Le m£me champ , plants en mai's et en pois , n’a donn£
»» depuis douze ans qu’un revenu de 700 k 800 piastres [3 801 francs a
» 4 3 44 francs], annee commune. »
« Dans ces calculs , le sucre ne seroit-ii pas port£ a un taux trop
dlev£! Je dois m’abstenir de toute reflexion, poursuit M. Gaimard,
puisque je tiens ces details dun habitant respectable , qui doit n^cessai-
rement bien connoitre le prix des denies qu’il cultive. >»
Une amelioration notable dans ia fabrication du sucre , resulte de
i’emploi des machines a vapeur. On doit l’exemple de leilir introduction
(1) La gaulette est une surface de 1 5 pieds carres.
Kkk*
Cultures
coloniales.
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Remarqoes
sur
Tile Bourbon.
442 VOYAGE AUTOUR DU MONDE,
a MM. Charles et Joseph Desbassayns, colons instruits et agriculteurs
distinguds , qui en ont fait venir d’Europe a grands frais , mais qui ont
cte ies premiers aussi A recueillir les avantages d’une industrie jusqu’alors
inconnue dans la coionie.
M. Gaimard a examind avec beaucoup d’attention la manidre de faire
ie sucre , et sur-tout les divers procddds economiques mis en usage dans
une des sucreries de M. Charles Desbassayns. Voici Ie compte qu’il en
rend lui-mdme:
« Au lieu des chaudieres nominees rafraichissoirs , on fait usage d’une
grande table k rebords de 3 a 4 pouces , sur laquelle Ie sucre, se refroi-
dissant plus promptement, se cristallise aussi plus vite; ce qui procure,
assure-t-on, un bdndfice de 1 5 a 20 p. 0/0 sur le procddd ancien,
qui consiste a laisser Ie sucre se cristailiser complement dans ies rafrai-
chissoirs ordinaires.
» La fabrication du sucre, avec emploi de moulins a vapenr et a
cylindres horizon taux , offie piusieurs avantages dont on sentira facile-
ment I’importance : Ies cylindres horizontaux , dtant plus longs que ceux
a direction verticale, broient un plus grand nombre de Cannes a-Ia-
fois. Une table large sdpare les noirs des rouleaux meurtriers errtre
lesquels on introduit Ies Cannes; par-14 on dvite les accidens funestes
dont ces malheureux ne sont que trop souvent victimes. le mdme pro-
cddd rend inutile la ndgresse qui , dans ies sucreries ordinaires , est
chargee de la reintroduction des Cannes sous ie cylindre , apres qu’elies
ont subi une premiere pression. Une toile sans fin , placee horizontale-
ment a la suite des cylindres , jette ies bagasses par la fenetre , sans le
secours d’aucun noir, d’ou resulte une nouvelle dconomie; ce que Ion
doit tou jours considdrer com me important dans les usines qui exigent
un si grand nombre d’esclaves , et a une dpoque sur-tout ou , la traite des
noirs etant ddfendue , il est parfois si difficile de se procurer les bras
dont on a un Indispensable besoin.
» Mais doit-on prdfdrer ies chaudidres en cuivre a cel Ies en fonte
de fer l . . . Adhue sub judice lis est. Les premieres , plus favorable* , dit-on ,
a la cuissqn du sucre, peuvent bien certainement devenir dangereuses
en piusieurs circonstances. »
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LIVRE II. — Du Bresil a Timor inclusivement. 443
Le quartier de Saint-Paul est regard^ comme un des principaux
marches de la colonie , notamment pour tout ce qui est comestible.
C’est de Saint-Paul qu’on envoie a Saint-Denis les vivres frais de-
mand^ pour Tapprovisionnement des navires ; souvent m£me les bati-
mens qui ont mouill^ a Saint-Denis, jugent, ainsi que nous I’avons
fait, plus expeditif de venir eux-memes se ravitailler a Saint-Paul;
on y trouve a-la-fois economic dans les transports, et facilite pour l’em-
barquement.
Comme par-tout , le prix des denies est ici variable en raison du
nombre et de I’importance des demandes ; en general , la cupidite des
vendeurs sait fort bien se prevaloir des circonstances , et ils ne manquent
point de doubler , tripier ou quadrupler les prix , lorsqu’ils voient qu’on
est oblige' ou tres-presse d’acheter.
Voici les prix des denrees tels que nous les avons paye's en juillet
i 8 i 8 :
Remarques
sur
I ile Bourbon.
Abondance
des denrees
a Saint-Paul.
DESIGNATION DES DENREES.
PRIX
EN FnANCS.
UNITES.
REMARQUES.
Moutons. •
,oo c
La piece.
En general Ic* cabris sont prefcrcs aux mou-
Cabris
20 ,00.
Idem.
tons pour la bontedc la chair et Ic has prix.
Chevres iaitieres
o
o
o
Idem.
Dtndons
1 5 ,oo. j
Idem .
2 ,70.
Idem.
/' . • *t +•' i •? J . *
Poules
2 ,00.
Idem.
** ’ • ■ j|
Legumes secs
iS ,00.
Le quintal mdtriq.
C ctaient des haricots du Cap , d’une excei-
Mais
15 ,00.
Idem .
Icntc quality.
Riz creole
4S ,00.
Idem .
Cafe
O
O
Idem.
Lc prix dc ccttc denrcc est trcs>variable , en
Sucre ( cassonade grise )
90 ,00.
Idem.
raison dc la qualiti du cafe et de I’epoque
de la ventc.
Pommes de ter re
ij ,00.
Idem .
f • * % * 0
Prix cgalement tres- variable. A la fin dc
Son
12 ,00.
Idem .
notre sejour a Saint-Paul , on n’eflt pas
trouve a acheter des pommes dc terre pour
Fora
7 »o°*
Idem .
une somme trois fois plus forte.
Ognons
2; ,00.
Idem .
• 1 1
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444
VOYAGE AUTOUR DU MONDE.
Remarques
sur
i’fle Bourbon.
Commerce.
DESIGNATION DES DENREES.
PRIX
EM FRANCS.
unitEs.
G£uf$
10^,00.
Le cent.
Choux palmlstes
O
O
La piece.
Choux ordinaires
0 > 35 -
IiUm.
Saindoux. .
1 , 00 .
Le litre.
, Achars de palmiste
15 ,00.
Le barillet.
Boisa bruler
*9 » a 5 -
Les 750 kilogram.
Charbon de bois
10 ,00.
Le quintal raltriq.
REMARQUES.
Ordinal rement cc genre dc Ilgume cat beau*
coup moins cher; male depuia long-temp*
% lea choux ac trouvcnt attaquls ici par un
inaectc qui lea fait mourir, avant qu’ila
aient pu attcindre toute leur croiacance ;
cet inaecte eat , dit-on , unc eapecc dc
cochenille.
La France envoie a Bourbon (i) ses vins, ses eaux-de-vie, ses salai-
sons, ses matures grasses et r&ineuses , ies produits de ses mines et de
son industrie manufacturiere. L’lfe resoit aussi de 1’Inde des savons ,
du riz , des toiles a voile et du sel ; les nankins , ies this , Ies soies
brutes , Ies porcelaines , y sont imports de la Chine ; on tire du
Golfe Persique et de l’Arabie Ies b£tes de trait et de somme dont on
a besoin.
Le cabotage avec 1’IIe-de-France , Rodrigue, Ies Seychelles, Mada->
gascar et la cote d’Afrique, emploie un nombre considerable de navires.
Le commerce, tr£s-dtendu autrefois, a eprouvd, dans Ies derriieres
annees qui ont pr^cddd la paix , des changemens ddsastreux. L'occupation
de Tile par Ies Anglais , depuis r 8 1 o jusqu en avril 1815 , a sur-tout 6t£
funeste au commerce ext^rieur , exclusivement exerce par ia compagnie
des Indes de la Grande-Bretagne.
Cependant , depuis que Bourbon a 6t6 rendu k ia France , le
commerce a repris son ancienne activity ; et nous ne pouvons mieux
faire que de presenter ici le tableau des importations et des exportations
qui .ont eu lieu depuis cette bpoque jusqu a celle a-peu-pres ou 1‘Uranie
vir.t y aborder.
(1) Je dois les details suivans, sur le commerce de Bourbon, a I’obligeance de M. Thomas.
/
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LIVRE II. — Du Bresjl a Timor inclusivement. 445
TABLEAU des importations qui ont eu lieu a Tile Bourbon, depuis le 8 avril 181J
jusqu’a la jin de 18 ij.
UNITES.
QUANT1TE D’OBJETS IMPORTES,
nature des objets importes.
du 6 avril
au 31 dccembrc
1815.
cn 1816.
en 1817.
Barrique.
700.
2 058.
I 140.
Vinaigrc , biere, ddre, cn barrique
Idem,
! 9 .
203.
74 -
Caisse.
2 I28.
16 37 -
412.
Eau-de-vie , rum , liqueurs et autres spiritueux
Velte.
jo8j.
I 600.
630.
Boeuf , lard et poisson sal&
Kilogramme.
,74 000.
O
O
OO
I 3 OOO.
Huile a manger, a brulcr, a pcinture
Velte.
6 180.
6 000.
6 200.
Savons de l’lnde et de France
Kilogramme.
JO 200.
38 000^
30 000.
Idem,
100.
1 950.
1 600 .
Riz de Madagascar et de I’lnde, legumes secs
Idem.
900 000.
300 263.
600 000.
Farine et biscuit de mer
Idem,
2 000.
M
300.
Fromage. . . .
Idem,
900.
6 328.
6 000.
Beurre , graisse et saindoux
Idem.
800.
7 757 -
1 500.
Cordages d’Europe et de l’lnde , fil a voile
Idem.
2 6 500.
13 IOO.
3 000.
Toile a voile d'Europe et de 1 ’Inde
Metre.
3 900.
800.
2 coo.
Goudron , brai sec et gras , r&ineux
Kilogramme.
I )* 200.
24 3OO.
1 6 000.
Fer en barres , clous, plomb , acier, cuivre
Idem.
93 220.
89 3OO.
-63 000.
Quincaillerie , ouvrages en fer et autres metaux
Colis.
50.
IOO.
120.
Mercerie , draperie , soieries
Caisse.
140.
1 1 3 *
300.
Toileries de l’lnde et d’Europe . .
Piece.
41 182.
70 000.
80 000.
Sucre candi de Batavia, de 1 ’Inde et de rile-de-F ranee. . .
Kilogramme.
104 000.
O
O
2 300.
Tortues de terre et de mer
Nombre.
2 500.
3 000.
2 000.
Sel grb et blanc
Kilogramme.
1 14 000.
1 37 2 75 *
1 1 0 ooo.
Boeufs , g^nisses , cabris. .• *
Nombre.
150.
1 20.
200.
Usines a sucre , a guildiverie , moulins h vapeur
Kilogramme.
10 000.
33 000.
IOO ooo.
Objets divers d'argenterie, d’orfevrerie , horlogerie , bi-
jouterie , passementerie, ferblanterie , chaudronnerie ,
chapellerie , cordonnerie , cuirs et peaux , porcelaine,
faience, poterie, ganterie , parfumerie, rubannerie,
modes , neurs artificielles , instrumens de marine ,
armurerie , papeterie , librairic , objets de bureau ,
verroterie, verrerie, cristaux, chaux, ciment , pierres
a aiguiser , &c
Colis.
13 000.
37700.
1 0 ooo.
. VALEUR estimative de ces objets
2 9 28o f ,68 c
2 962 91^,30°
1 160 ooo f ,oo c
Remarques
sur
Pile Bourbon.
446 VOYAGE AUTOUR DU MONDE.
Tableau des exportations qui ont iti faites de File Bourbon, depuis
le 6 writ i Sip jusquh la fin de iSip.
NATURE DES ORJETS EXPORt£s.
UNITES.
QUANTITE D’OBJETS EXPORTES,
du 6 avril
au 3 1 decembre
1815.
en 1816.
cn 1817.
Cacao
Kilogramme.
18 490.
1 9 OOO.
12 170.
Cafe
Idem.
888 791.
3 160 003.
3 y 3 o y 67.
Girofle . . . .
Idem.
100 189.
81 647.
81 49°.
Griffes de girofle . . •
Idem .
f
to 093.
12 50 6.
Muscade
Idem.
\J\.
1 5 -
Macis de muscade
Idem. 1
ij*. <
3 ° 4 -
S-
Safran
Idem .
7 *•
139 .
$o.
Sucre.
Idem.
20 99 6.
453460.
364 228.
Tamarin*
Idem .
K
y < 53 °.
10 200.
Piment
Idem.
n
20.
1 5 -
Gingembre
Idem.
f
18.
10.
Bl£ et grains
Idem.
163 152.
474470.
905 900.
Riz
Idem.
500.
392 .
1 00.
Legumes secs et frais
Idem.
1
122 376.
S 0 s 00.
Ravendsara ( sorte d’^pice)
Idem .
u
76.
20.
Poivre indigene et coton
Idem.
10 096.
48 140.
22 980.
Indigo
Idem.
3 88j.
1 " 3 -
*38.
Rum , aracl et autres liqueurs
Litre.
68<S.
5 339 *
5 °*
Micl et confitures
Kilogramme.
JOO.
454 -
2JO.
Chocolat
Idem.
20.
3S0.
3 500.
Huile de girofle
Idem.
3 °.
10.
Beurre dc cacao
Idem .
10.
16.
6.
Amandes de peche
Idem.
500.
450.
200.
Planches et bois de construction .....
Piece.
I 000.
500.
foo.
Achars
Bariilet.
;o.
S°-
3 °*
Biscuit de mer et de terre
Caisse.
3 °.
36.
26.
Valeur estimative de ces objets.
* i 9 » 744 f ,ooi c
4<4' 388' ,44*
4 000 1 s o f ,oo c
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LIVRE II. — Du Br£sil a Timor inclusivement. 447
RESUME ET BALANCE COMMERCIALS.
En 1815.
1816.
1817.
8j.
90.
Par consequent in navires, jaugeant 9 433 tonneaux , ont importe pour 8 175 195 ,98
1816.
1817.
62 .
66 .
Par consequent 161 navires, jaugeant 9 34 6 tonneaux , ont exporte pour. 10 834 282 ,44.
2952
0
00
,68‘
2 962
9*5
.jo.
2 260
000
,00.
OO
v,
1 95
,98.
, 2 I92
744 f
,00*
. 4 <541
388
.44-
4 °°°
l S°
,00.
10 834
282
>44*
Remarques
sur
Tile Bourbon.
BALANCE.
Importations du 6 avrii 1815 a la fin de 1817 8 17$ * 95 f *98°
EXPORTATIONS pendant la meme periode 10834282 ,44.
Difference en faveur du commerce de Ilie Bourbon. 2 659 086 ,4 6.
Une partie de cette somme seulement a pu toumer a faccroissement
de prosp^rit^ du pays; car les habitans ayant contract^ des dettes pen-
dant la derniere guerre , tant a I’IIe-de-France qu’envers des maisons de
ia m&ropole , ils ont du commencer par se lib&er.
Voyage de l’ Uranic. — Historique.
lII
*
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448
VOYAGE AUTOUR DU MONDE.
1818. <
Aout.
Septembre.
1
CHAPITRE XIV.
Traversee de Bourbon a la N ouvelle-Hollande ; sejour a In
bate des Ghiens- Marins.
*
LUranie , avons-nous dit, quitta le 2 aout ia rade de Saint-Paul.
Aprds avoir contournd Tile Bourbon , elle savanna jusqu’a ia hauteur des
vents variables, et fit route pour se rapprocher de la baie des Chiens-
Marins, k l’entrde de iaquelle eile jeta i’ancre le 12 septembre au soir.
La , M. Gaudichaud prit note d’un fait vraiment digne d’attirer l’at-
tention. Diverses troupes de jeunes baleines , jouant a la surface de l’eau,
s’elan^oient a 7 ou 8 pieds en fair , et retom boient avec fracas ; ces
bondissemens vigoureux et rditerds faisoient dcumer la mer a des dis-
tances considerables.
. Les reparations faites a la corvette pendant son sejour a I’lle-de-
France, nous ayant obliges k la demolition du foumeau de notre alambic ,
on s'occupa de le reconstruire pendant la traversde. Privds des ouvriers
necessaires a la bonne execution de ce travail , nous ne parvinmes
qu’avec beaucoup de peine k en installer de nouveau toutes les parties.
Le travail toutefois se trouvoit termine iorsque nous arrivames au mouil-
lage; mais la distillation n’avoit point encore dtd commencde, en sorte
que, par une singularity bien remarquable et peut-dtre unique dans les
fastes de la marine, nous venions aborder sur une terre aride et dd-
pourvue d’eau douce, au moment ou notre provision de cet indispensable
liquide dtoit entidrement dpuisee. La sdcuritd cependant fut si grande
parmi i’equipage , que personne ne tdmoigna la moindre inquietude ;
on ne doutoit point que l’alambic ne put abondamment suffire k notre
consommation , et cet espoir ne fut pas trompd : i’appareil , en effet ,
allumd le soir mdme de notre mouillage, donna, pendant ia nuit seule-
ment, au-deli de ce qui dtoit necessaire aux besoins de la journde.
Mon dessein etoit d’aller statlonner 4 la rade de Dampier, au Nord
de la presqu’ile Peron ; mais avant de partir pour ce second mouillage ,.
je crus devoir envoyer une embarcation sur Dirck-Hatichs , et j’en donnai
4
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LIVRE II. — Du Brasil X Timor inclusivement. 44p
le commandemant a M. Fabre. Get officier, etM. Ferrand, qui le secon-
doit , eurent pour mission de fixer la position geographique du cap Levii-
lain , et d’observer son gisement relativement a Tile de Doore. Us furent
charges , en outre , de chercher et de rapporter a bord la plaque en etain
gravee que les Hoilandais avoient laiss^e sur Dirck-Hatichs, k une
- epoque recuse : j’avois vu cette esp£ce de medailie, en 1801 , lorsque
j’abordai sur cette ile avec ia corvette le Naturaliste.
Entente dans le sable, elle y fut, sans un hasard singuiier , rest^e
eterneliement enseveiie : nous I’avions fait redouer aiors sur un poteau
neuf en bois de ch£ne; car notre commandant, M. Hamelin, auroit era
commettre un sacrilege en ia recevant a son bord pour ia rapporter en
Europe (i). Je n’eus pas le m6me scrapuie. Pensant qu’une plaque aussi
curieuse pouvoit £tre de nouveau engioutie dans ies sables , ou bien
courir le risque d’etre eniev^e et ddtruite par queique mateiot insou-
ciant, je jugeai que sa place naturelle etoit marquee dans un de ces
grands depots scientifiques qui offrent k Hiistorien de si riches et de si
pr^cieux documens. Je la destinai en consequence au cabinet de i’ Aca-
demic royaie des inscriptions et beiies-iettres de I’lnstitut de France, et
j’ai eu I’honneur d’en faire ia remise, ainsi que ie constate ie proc£s-
verbai de cette iiiustre societe , du 2 3 mars 1821. /
M. le docteur Quoy fit aussi partie de cette expedition sur Dirck-
Hatichs, dans le but d’expiorer Ie pays sous ie rapport de i’histoire
naturelle. Je fixai a deux jours Ie terme de I’absence de ces messieurs ,
et, ie 13, ils partirent dans la matinee. Peu de temps apr£s , nous mimes
a ia voile nous-m£mes pour nous rendre au mouillage que j’avois designe
pour ie lieu de notre rendez-vous.
L’alambic du bord pouvoit, sans contredit, suffire et au-deia & tous
nos besoins; mais, ainsi que deja j’en ai fait ia remarque, ii ne nous
restoit plus une seuie goutte d’eau dans la caie, et ii me parut prudent
d’en distiller d’avance pour ia traversee prochaine: a cet effet, j’engageai
notre pharmacien , M. Gaudichaud , a vouioir bien disposer a terre
un second aiambic qui put ajouter aux produits de celui du bord. La
, chaioupe , armdfe en consequence , re9Ut tout ce qui etoit necessaire &
(1) Voyez Peron, Voyage aux Terres australes, partie historique, 1. 1 , chap. 10 (2/ edition).
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1818.
Septembr^.
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Septembre.
450 VOYAGE AUTOUR DU MONDE.
I’ltablissement de l’appareif , ainsi que les tentes destinies aux personnes
prlposles a ce service, comme a ceiui de I’observatoire , que nous avions
Igalement tant de hate de voir etabli.
M. Labiche , auquel ie commandement de cette embarcation fut
dlvolu, Iprouva de grandes difficultls pour descendre a terre, par suite
du peu de profondeur de la mer : il faiiut se mettre k I’eau ; en sorte que
lui et ceux qui i’accompagnoient eurent beaucoup k souffrir du froid
trls-vif qui se fit sentir aprls le coucher du soieil. Onze heures et demie
du soir Itoient sonnies , quand la chaloupe put accoster Ie rivage et y
diposer les divers objets dont elle Itoit chargle.
Le 1 5 , dls la pointe du jour, les ouvriers aillrent a la recherche des
matlriaux nlcessaires a I’ltablissement projetl , tandis que M. Labiche
parcouroit les environs pour dlcouvrir I’emplacement qui lui seroit Ie
plus favorable. Ce devoir accompli , il revint a bord , laissant la direc-
tion du camp a M. 'Pellion. Mais , au milieu du jour , lorsque ce dernier ,
retirl dans sa tente , cherchoit k prendre quelque repos , il fut tout-a-
coup rlveilll par la sentinelle, qui vint Ie prlvenir qu’une troupe de
sauvages se montroit sur la crete de la falaise adossle a notre camp. « Je
me rappelai en ce moment , raconte M. Pellion , ce que de modernes
voyageurs ont lerit sur les habitans de cette terre inhospitalilre , et j’ltois
loin de penser que j’aurois affaire a des Itres timides , n’exer^ant leurs
armes que sur les foibles animaux dont ils font leur nourriture. Je me
figurois des hommes audacieux et cruels , dans des attitudes fieres ,
accompagnles de gestes mena9ans.
» Plein de ces idles , je sortis de la tente avec M. Gaudichaud ; et
nous prlparames nos armes pour nous dlfendre vigoureusement , dans Ie
cas ou nous y serions forcls, apres etre convenus toutefois de ne faire
feu qua la dernilre extrlmitl : j'intimai mes ordres en conslquence aux
hommes de notre escorte. Ces dispositions prises, nous considlrames atten-
tivement les gens auxquels nous avions k faire face : ils Itoient au nombre
de neuf, absolument nus, armls de sagaids et de casse-tltes: ils crioient
tous a-Ia-fois dans un langage que nous ne pouvions comprendre; et
en nous montrant la corvette , leurs gestes assez expressifs et les mots
iou... cana.... cana.... anana assez uniformlment articulls par eux ,
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LIVRE II. — Du Brasil X Timor inclusivement. 4$ 1
nous intimoient evidemment I’ordre de nous y retirer. Aux signes d’amiti^
que nous leur faisions , les cris recommen^oient de plus belle. Ne sachant
comment les calmer, nous imaginames de danser en rond; ce t&noi-
gnage de gaiete , non Equivoque chez tous les peuples, nous r^ussit k
merveille ; car nos sauvages se prirent aussit6t a rire et deux d’entre
eux a danser comme nous.
» Nous jugeames d^s-lors qu’ils n’avoient pas d’intentions hostiles , et
leur oflrimes une bouteille pleine d’eau et de vin , a laquelle nous
joignlmes du lard et un morceau de fer-blanc. Le tout fut depose , sui-
vant leur indication , au milieu de 1’espace qui nous separoit ; ils nous
engag^rent ensuite a nous retirer , pendant qu’un des leurs iroit prendre
nos pr&ens ; ce que nous fimes , mais pas a une aussi grande distance
qu’ils paroissoient le desirer : en cela , je ne crus pas devoir les satis-
' faire , et persistai a me tenir assez pres du camp pour que je pusse , en
cas de surprise, y arriver plut6t qu’eux. Vainement, afin de mieux d€~
truire leurs craintes , affectames - nous de quitter nos armes , de nous
coucher par terre , rien ne put les engager a se rapprocher davantage.
Nous fimes Hotter aussi des mouchoirs blancs en signe de paix , ce qui
les fit rire. Enfin , las de ces tentatives infructueuses , chacun de nous
reprit ses occupations , sans n^gliger n&nmoins de surveiller nos mefiaris
spectateurs : peu k peu ils cess£rent leurs cris et s’assirent presque tous
en silence, mais en tenant toujours leurs regards fix^s de notre cot6.
» Pendant ce temps de repos , I’un d’eux frappoit sur une de ses sagaies
avec un baton : les coups ^toient cadences, comme le seroient ceux dune
de nos marches de tambour; un autre siffloit bien distinctement un air
analogue a ceux de nos palfreniers ; d’ou nous avons conclu que ce peuple
a naturellement 1’oreille musicienne.
» Ce ne sont pas les seules remarques avantageuses que j’aie faites
sur ces mis^rables habitans. Leurs gestes sont tres-expressifs et accom-
pagnent parfaitement le son de leur voix. La bonne intelligence m’a paru
rdgner parmi eux ; et lorsque leur nombre se fut augment^ dune femme
avec son nourrisson , je crus m’apercevoir que ces deux £tres plus foibles
Itoient traites aussi avec plus d’^gards. La m^re portoit son enfant derfi^re
le dos ; il nous sembla m£me qu’il ^toit caress^ par les hommes.
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Septembre.
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45a VOYAGE AUTOUR DU MONDE.
» Tandis que nous nous' observions ainsi les uns ies autres, le
nombre des sauvages s’accrut jusqu’a quinze. Cependant , je briilois
dVtablir eritre eux et nous des rapports plus intimes , qui me permissent
d’obtenir des renseignemens sur leur mani&re de vivre , sur leurs moeurs ,
leurs usages, et peut-£tre aussi sur I’etat physique du continent qu’ils
habitent. J’avois queiques colliers de verre et d’autres menus objets
de peu d’importance , que je fis briller a leurs yeux ; j’ajoutai ces pr£-
sens a ceux que je leur avois d<?ja faits : mais il me fut encore impos-
sible de les engager a s’approcher de nous pour Ies prendre ; il fallut se
decider a les porter beaucoup plus pres d’eux. Le fer-blanc fut ce qu’ils
parurent priser davantage ; long-temps ils s’amuserent k le faire briller
au soleil. Celui qui s’empara de la bouteille la tint d’abord inclln^e ;
mais voyant la liqueur se repandre , il la redressa bien vite en la regardant
tout autour. Quant au lard , nous leur fimes signe qu’il falloit le faire
cuire pour le manger apr£s ; mais il^ nous donn£rent k entendre par le
m£me proc&l<f demonstratif, qu’ils sen frotteroient les bras et Ies jambes.
•> Plusieurs fois ils nous jet£rent leurs sagaies, en nous invitant par
gestes & y attacher nos presens et a les renvoyer ensuite; en m 6 me temps
ils nous montroient comment il falloit s’y prendre. Nous executames sans
doute gauchement ce qu’ils desiroient, car ils parurent se moquer de
nous. Je leur donnai un fichu a plusieurs couleurs vives, et leur indiquai,
en le mettant autour de ma tete , qu’il pouvoit leur servir d’ornement :
ce cadeau parut leur plaire ; aussi obtins-je en retour une sagaie et une
autre de leurs armes.
» Sur ces entrefaites , les hommes que j’avois envoyes en detachement
le matin vinrent nous rejoindre. Ils n’etoient encore qua la pointe Sud
de l’anse ou nous nous trouvions , lorsque un coup de fusil partit de ce
cdtd. Le premier mouvement de la plupart des naturels fut de prendre
la fuite ; Ies autres se regardoient avec surprise , conferoient entre eux
d’un air inquiet , et paroissoient nous demander la cause de ce bruit
inconnu. Nos gens s etant montres au m£me instant , je profitai de cette
circonstance pour faire comprendre a ces Indiens que Ies personnes qui
venoient ^toient des notres, et que l’explosion qui avoitcausd leur effroi
partoit d’une arme semblable k celle que je tenois dans mes mains. Je
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LIVRE II. — Du Bresil a Timor inclusivement. 453
fus bien aise de leur inspirer ainsi un certain respect pour nos moyens 1818. •
de defense , sans leur en faire toutefois eprouver les terribles effets. IIs ^eptembre.
se rassurerent; ceux qui avoient fui se rapprocherent de nouveau, et
les cris cesserent.
» Lorsque tout notre monde fut rentr^ au camp, quelques echanges
eurent lieu encore : mais les sauvages parurent mettre alors plus de
defiance dans leur manure d’agir; s’ils avan9oient de notre cote, ce
n’etoit pas sans avoir prealablement sonde le sol devant eux avec leurs
sagaies ; ils ne touchoient ensuite qu’avec precaution aux objets que nous
leur donnions.
» Un d’entre eux neanmoins se hasarda a descendre sur la plage ,
mais se tenant toujours a une grande distance. J’allai a sa rencontre ,
et lui pnesentai un miroir : il m’invita a le deposer par terre , et ne se
dlcida a venir 1’y prendre qu’apres que j’eus consenti a men tenir suffi-
6am men t dearth. II se montra si content de voir son image , que je crus
pouvoir I’engager a me donner en ^change une de ses armes ; mais ii
s’y refusa. Ayant alors fait deux pas en avant , il en fit autant en arrtere ;
je reculai, il avan^a; enfin il se sauva ver8 les siens. M. Adam, un de nos
timoniers, leur donna un cale^on de toile blanche, qu’ils partagerent de
suite en plusieurs morceaux; j’en vis un mettre le sien sur sa tite, sans
doute pour singer I’effet du mouchoir dont je m’^tois coiffi.
» Plus tard , huit ou dix de ces indigenes descendirent sur la plage ; .
mais comme ils s’approchoient du camp, je marchai de leurcot^, suivi de
nos hommes , et bientot ils prirent la fuite. M. Arago arriva sur ces entre-
faites , et ne fut pas peu £tonn^ de nous trouver en relation , sinon intime ,
au moins pacifique, avec les habitans de ces contrees. II s’approcha d’eux
en faisant entendre ses castagnettes ; et. aussitot un des sauvages l’accohi-
pagna en frappant en cadence sur une sagaie, tandis qu’un des plus vieux
de la troupe se mit & danser. La planche n.° 12 de notre atlas repr£-
sente cet Episode historique, rendu avec autant d’esprit que d’int£r£t.
»> Ces hommes, plus dignes de piti^ que de tout autre sentiment,
nous quitt£rent au coucher du soieil , en nous faisant entendre qu’ils
reviendroieht lorsque cet astre reparoitroit de I’autre cot 6 de la pres-
qu ’lie.
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Septembre.
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4 5 4 VOYAGE AUTOUR DU MONDE.
Quoique le littoral de ia baie des Chiens-Marins eut 6t6 explore avec
assez de detail lors de l’expedition du capitaine Baudin aux Terres
australes, il restoit encore une iacune importante k rempiir dans ia
partie orientale du havre Hamelin. Je chargeai M. Duperrey de com-
pleter ce travail hydrographique , autant du moms que pourroit Ie iui
permettre ie petit nombre de jours que je iui accordois. II partit le
i 5 septembre de bonne heure dans ia matinee, avec le grand canot de
ia corvette : M. Dubaut iui fut adjoint.
Instruit par M. Labiche des difficult^ qu’il avoit eues k trouver une
situation parfaitement convenabie k i’instaiiation de nos instrumens de
physique , je descendis a terre pour visiter moi-m£me ies iieux , et fixer
d’une manure definitive I’assiette de notre observatoire. Une anse un
peu a I'ouest de celie ou ion avoit abordd d’abord m’ayant para prefe-
rable , j’y fis transporter aussitot tout le materiel de notre etabiissement.
Le m£me jour, quelques sauvages continu^rent k se montrer du
sommet des dunes; mais, plus craintifs encore quils ne favoient 6t6 la
veille, ils refus£rent obstinement, maigre nos demonstrations amicales,
de se rapprocher de nous. Enfin , le lendemain , le bruit des armes 4
feu que nos chasseurs leur firent entendre les ayant tout-a-fait efiarou-
ches , ils finirent par disparoitre , et nous ne les aper^umes plus pendant
ie reste de la relache.
Cependant Ie canot expedie sur Dirck-Hatichs ne revenoit point; sa
mission, qui n’avoit du £tre que de deux jours, duroit deja depuis quatre:
ce retard me donna de finqufetude, et me fit prendre la resolution
d’envoyer k sa recherche ; la chaloupe fut arnfee en consequence , Ie 1 6
de tr£s-bonne heure , et mon second , M. Lamarche , se disposa a aller
lui-m^me porter du secours 4 nos amis. Une indisposition soudaine
fen ayant emp£che, M. Peilion, dont le z£Ie m’dtoit connu, le rem-
pla<ja, et s’eloigna bientot de nous en formant de voiles. Heureusement
nous ne tardames pas a le voir reparoitre naviguant de conserve avec
fautre embarcation , quii avoit rencontre'e en route. Mais je iaisse 4
M. Quoy le soin de rendre compte lui-nfeme de cette petite expedition.
« Pendant notre trajet depuis Ie bord jusqu’4 Dirck-Hatichs, dit-ii,
notre attention fut attir^e par un spectacle aussi nouveau pour nous
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LIVRE II. — Du Brasil X Timor inclusivement. 45 5
qu’il etoit remarquable. A la distance dun mille de notre embarcation ,
une baleine 6iorme, flottant k la surface de la mer, devoit tres-haut la
partie postdrieure de son corps, et frappoit I’eau de sa queue a coups
redoubles : la violence du choc produisoit chaque fois un bruit semblable
a celui dune pi£ce de canon de petit calibre tiree dans le lointain. L’ef-
froyable agitation convulsive de ce c£tac£ dura environ une demi-heure,
sans qu’ii nous fut possible d’en decouvrir la cause : aucun de ses ennemis
naturels ne se laissoit apercevoir autour d’elle ; et cependant on sait que
l’espadon, qui est le plus terrible, d^cele sa presence par les bonds qu’ii
fait en assaillant son colossal adversaire. Vraisemblablement notre ba-
leine avoit a se garantir des atteintes d’un ennemi quelconque qui 1’atta-
quoit en dessous.
» Arrives k terre, k midi, nous y fumes bientot installs. MM. Fabr^
et Ferrand monterent sur le cap Leviilain pour y faire des observations
astronomiques, tandis que nos matelots s’occupoient du diner. Impatient,
je me hatai de parcourir les dunes de sable, en contemplant un pays si
nouveau pour moi ; plus tard je me reunis k mes compagnons de voyage
pour faire avec eux une course vers l’int^rieur de Tile. A une chaleur
tr£s-forte se joignoit l’incommodite de traverser des broussailies souvent
fort dpaisses. Nous cherchames a prendre des kanguroos, mais ce fut
en vain ; malgre les trous , les sentiers et les empreintes nombreuses
laissees sur le sable par ces singuliers animaux , je fus le seul qui en
entrevis deux ; encore se glisserent-ils si rapidement sous des arbrisseaux
que je ne pus tirer dessus. •
» Apr£s quelques instans de repos , nous profitames d’un superbe clair
de lune pour parcourir la cote au bord m£me de la mer. Marchant en
silence dans l’intention de surprendre les tortues qui auroient pu se
trouver sur la greve , nous n’en vimes cependant qu’une seule qui , sur
le point de sortir de l’eau , fut epouvantee de notre approche. Les sque-
iettes de plusieurs autres et le cadavre de I’une d’elles nouvellement
morte, nous indiqu^rent que cette plage leu r &oit tres-famili^re.
» Nous fimes ainsi X-peu-pr^s une lieueetdemie sur un sable mouvant,
quoique humide, obstrue quelquefois par des couches de plantes marines
qui, decomposees pour la plupart, iaissoient echapper un? odeur d’am-
Voyage de VUranic. — Historique. M 111 111
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4 5 6 VOYAGE AUTOUR DU MONDE,
moniaque fort peu agreable. Ce fut de ces amas de plantes que sor-
tirent trois quadruped es, gros conune de petits chiens, mais tres-bas
sur leurs jambes , ayant des formes ramassdes , mais point de queue
apparente : ils nous parurent fort agiles. L’obscuritd m’empCha de les
observer assez pour pouvoir les rapporter , avec exactitude, a queique
esp£ce connue.
» Des courlis noirs et blancs, des huitriers noirs, k bee et a pattes
roses , p£choient sur les rochers que la mer laissoit k d<£couvert : nous
tuames un de ces derniers , et nos matelots prirent beaucoup de crabes
jaunes. A I’^poque ou ils viennent de changer d’enveloppe, ces crus-
tac& sont fragiles et maladifs, et en cet Cat il est aisd de sen emparer;
leur nombre Coit considerable au point que nous les foulions aux pieds.
En plusieurs endroits, nous vimes des ossemens de baleines a moitie
ensevelis dans le sable; je rapportai aussi une machoire de morse.
» Le lendemain 1 4 , nous nous dirigeames vers le cap de i’Inscription.
Le pays que nou? parcourumes dans un assez grand espace, prdsentoit
sur tous les points le m£me aspect, e’est-i-dire , des sables et des ar-
brisseaux. La cote, qui d’abord dtoit fort basse, nous montra ensuite un
pan de rocher assez Cevd , et sdpar^ du reste des terres par la mer qui
1’entoure enticement dans les grandes marges. Nous vimes au sommet
une esp£ce de tourelle ronde , haute de six pieds ; c’etoit le nid dun
autour a ventre blanc et a dos gris, construit assez r^gulierement avec
des branches mortes de mimosa ( voyei pi. 13): I’aire en Coit peu ^
profonde , en sorte que 1’oiseau pouvoit 4 acilement voir au - dessus des
bords; nous y trouvdmes un seul oeuf ovalaire, de couleur fauve, avec
des 'plaques brunes, etde la grosseur de celui dune poule. Au bas du
rocher , le sol Coit couvert d’ossemens de quadruples et de dlbris de
poissons, de reptiles, de crustacC , &c. &c. Le genre d’existence de ces
oiseaux voraces les force en queique sorte k vivre solitaires : ils con-
somment en effet une si grande quantity d’alimens , que plusieurs de leurs
families, r^unies sur le m£me lieu, auroient beaucoup # de peine a s'y
procurer une nourritUre suffisante.
» A partir de ce point, la cote est taillee A pic et sYlive verticale-
ment de 150 k 100 pieds. Les lits de gres qui lui servent de noyau
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LIVRE II. — Du BRisiL X Timor inclusivement. 457
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ne se montrent X nu qu’au sommet; plus bas elies sont recouvertes par
de i^g^res couches de sable provenant des eboulemens.
» Afin d’apercevoir plutot ie poteau auquel etoit fix^e la plaque detain
que nous devions rapporter a bord , plusieurs d’entre nous cotoyoient la
faiaise , tandis que diautres marchoient plus avant dans les terres, d’ou
Ton pouvoit embrasser un plus vaste horizon : j etois de ces derniers , ce
qui me procura 1’avantage de tuer une tres -petite espete de gobe-mouche ,
rev£tue des couleurs les plus riches et les plus agreables. Bientot apre's ,
les cris de mes compagnons m’avertirent qu’on venoit de .trouver l’ins-
cription objet de nos recherches : je me hatai d’arriver pour contempler
ce monument informe par lui-meme , liiais pr^cieux par les dates et les
noms qu’il rappelle. Le poteau ou avoit 6t6 clouee cette m^daille gigan-
tesque etoit d^truit , et on ne la trouva elle-m&ne sur Ie sable qu’en
s’aidant de la description fiddle qui avoit &e donn^e de son gi-
sement.
» Apr£s quelques instans de repos, on se remit en route pour rejoindre
l’embarcation : la chaleur <£toit forte ; cependant nous hatames notre
marche, parce que nous etions 4 jeun et que nous n’avions avec nous
aucun moyen de nous desalt^rer.
» Nous arrivames assez X temps pour que MM. Fabre' et Ferrand
pussent aller renouveler a midi leurs observations de la veille sur Ie
cap Levillain. Nous dinames ensuite ; apres quoi , tous nos effets &ant
rem barques , nous nous mimes en route a six heures du soir pourrallier
la corvette. La mer etoit belle, ce qui nous permit d’abord i’emploi des
av irons pour nous Clever au vent. On mit ensuite k la voile, et nous
Itions heureusement parvenus jusqu’a moitid X-peu-pres de la distance
qui nous s^paroit de la baie de Dampier, lorsque, sur les dix heures,
nous fumes tout-a-coup assaillis par une brise tres-forte et contraire , qui
fit grossir la mer de raaniere a nous donner des inquietudes. M. Fabre
n’hesita pas X faire vent arrive , dans I’espoir de rejoindre le point de
la cote que nous venions de quitter ; mais la nuit ne nous permettant
pas de bien juger notre position, il s’en fallut beaucoup que nous pus -
sions trouver un lieu de debarquement aussi commode que ie premier.
Engages parmi les hauts-fonds, et ayant echoue plusieurs fois, nous
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458 VOYAGE AUTOUR DU MONDE.
ne trouvames qu’avec la plus grande peine un point moins difficile ou
nous pussions enfin d^barquer.
» II etoit alors plus de minuit : notre premier soin fut d’allumer un
grand feu pour nous s<£cher et pour nous degourdir; car la fraicheur exces-
sive des nuits, qui succede ici a la chaleur du jour, se faisoit vivement
sentir. Nous nous couchames sous des touffes de mimosas.
» Le 1 5 , la brise se trouva trop forte encore pour nous permettre
d’appareiller de bonne heure, comme nous en avions i’intention. Obliges
d’attendre , et sachant que nous ne pouvions nulle part tronver d’aiguade
sur la cote , nous avisames a diffifi-ens moyens d’augmenter notre petite
provision d’eau : un trou creusd dans ie sol nous parut le plus conve-
nable. L’opdration se fit au bas d’une dune et dans un enfoncement ou
la vegetation £toit plus active et la terre moins s£che; cependant nous
n’obtinmes aucun r^sultat satisfaisant : ce ne fixt par-tout qu’une aridity
desesp&ante ; force nous fut d’abandonner ce travail , et de faire, vers
onze heures du matin , une nouveile tentative d’appareillage.
» Parvenus a une lieue de la c 6 te, nous donnimes dans un banc de
poissons du genre des spares-dorades ( 1 ), dont nous primes une dou-
zaine. Cette peche heureuse, tout en nous amusant, assura notre nour-
riture , et nous fit rejeter le chien de mer que nous avions pas, et qui
etoit alors notre unique ressource alimentaire.
» Nous continuames de naviguer heureusement , comme la veille, jus -
qu’au milieu a-peu-pr^s du trajet que nous avions 4 parcourir; mais 14
encore i’agitation de la mer et la force du vent nous obligirent 4 retro-
grades II fallut done revenir 4 terre , ou nous essuyames, pour y aborder,
des difficult^s encore plus grandes que celles de la veille. L’aridite du sol
etoit aussi plus hideuse ; nous n eumes pas meme ici ia ressource des
arbrisseaux qui, la nuit prece'dente, nous avoient offert un abri : avec les
voiles du canot , on fit une tente ou nous nous retirames , bien decides
4 ne plus faire de tentative d’appareillage , 4 moins que le temps ne
s’embeilit tout- 4 -fait; nous etions dans la persuasion qu’on nous enverroit
bientot du bord les secours dont nous avions besoin.
(1) C’est Te meme qui, dans lexpedition du capitaine Baudin aux Terres australes,
avoit ete nomme rouge-bossu.
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LIVRE II. — Du Bresil a Timor inclusivement. 4 5 P
» Je m’occupois a empailler quelques oiseaux , iorsqu’il me vint en
memoire que S. Basile, apres un naufrage, parvint k se procurer de
l’eau douce par I’ebullition de I’eau de mer dont il recueiiioit ia vapeur
avec des eponges. Cette idee nous parut un trait de iumiere , et le moyen
fut adopte et mis en oeuvre aussitot que propose. Une casserole pleine
d’eau de mer, plac^e sur Ie feu, voila l’alambic; ie refrigerant se com-
posa dun baril defonc<£ par une de ses extremes, pose presque sur la
casserole , et suspendu au moyen de piquets ; a ia partie superieure de
ce barii etoient fixees des Sponges qu’on venoit de ramasser sur la greve,
ou elles se trouvent en abondance. La machine installee, une demi-heure
s’ecouia avant qu’on en verifiat les produits , qui furent quatre gouttes d’eau
aussi sal^e que celle qu’on auroit puisne A la mer. Nous ne perdimes
pas courage ; cette salure fut attribute a I’eau de mer elle-meme dont
les eponges etoient d^ja impregnees ,' quelques soins que nous eussions
pris pour I’en extraire. L’experience fut renouvelee avec la precaution
de descendre ces eponges jusqu’a l’embouchure du J^ril , afin qu’elles
re^ussent plus directement ia vapeur; rien ne r^ussit^ et deux heures
employees a ce travail ne nous laisserent que des regrets. Je suis loin
d’en conclure cependant que la methode soit essentiellement mauvaise ;
mais ii» nous eut fallu des eponges parfaitement dbssaiees , ef proba-
blement aussi une union plus intime du barii avec le vase en cuivre
qui portoit directement sur le feu; vase d’ailieurs trop petit iui-m£me,
en raison de la capacite du barii ou se repandoit la vapeur.
» Le 16, la mer nous parut si belle, qu’on ne pouvoit douter que le
calme ne r^gnat dgalement au large : l’appareiilage eut done lieu en toute
hate; et quelque temps apres notre depart, nous aper^umes a l’horizon
les voiles de i’embarcation qui venoit k notre recherche. Dans la persua-
sion ou nous fumes qu’elle apportoit ce dont nous avions besoin, nous
ne pumes r&ister au desir d’epuiser ce qui nous restoit de iiquides :
notre espoir ne fiit pas tromp^ ; tout avoit ete pr£vu , et nos amis avoient
pousse la complaisance jusqu’a nous envoyer ie linge de corps et les
habits dont ils jugeoient que nous pouvions avoir besoin. M. Peliion
en particulier , par ses prevenances et ses soins affectueux , contribua
beaucoup k nous dedommager des privations dont nous avions eu a
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460 VOYAGE AUTOUR DU MONDE.
souffrir, et nous n’y pensions d<fja plus une demi-heure apr£s notre retoui
4 bord. »
J’ai dit que, depuis le 16 septembre, ies sauvages ne s’dtoient plus
montres a nous?, ce qui s’accordoit bien mal avec i’envie que nous
avions tous d’^tudier leurs moeurs et ieurs usages. L’ardeur de M. Gai-
mard ne put s’accommoder plus long-temps de cette absence, et il resoiut
d’aller chercher iui-m^me Ies indigenes en s’avan^ant vers I’intdrieur de
la presqu’iie. Son but principal ^toit d’examiner avec attention leurs
divers moyens de subsistance , et de constater sur-tout si , comme nous le
pr&umions, feau de mer £toit leurboisson habitueile. En consequence,
il descendit k terre le 1 8 , arme d’un fusil de chasse , d’un sabre et de
deux pistolets de poche. MM. Gabert , Raiiliard , et Bonnet , maitre
d equipage, tous dgalement bien armls, se joignirent k lui; et au milieu
du jour , ces messieurs s’eioign£rent de nous : ayant projetd d’effectuer
leur retour le lendemain matin de bonne heure , iis crurent ne devoir
emporter avec qgg qu’une tr£s-petite quantity "de vivres.
Le 1 9 , MM. Raiiliard et Bonnet revinrent seuls de leur course aven-
tureuse , et nous apprirent que leurs compagnons s’^tant s^pards d’eux
au milieu des dunes, iis nepouvoient fixer precisdment i’instant de leur
retour. Nous Ies attendimes vainement pendant la journ^e entire; mais
le 20, de grand matin, ne Ies voyant point paroitre encore, et conce-
vant sur leur compte Ies plus justes inquietudes, je fis partir quelques
personnes pour aller k leur recherche. M, Ferrand fut le chef de ce petit
detachement, auquel voulut bien aussi se joindre notre dessinateur,
M. Arago , et maitre Bonnet eut ordre de Ies diriger sur Ies traces qu’a-
voient suivies d’abord nos voyageurs ^gares. Deux matelots , charges d’une
ample provision de vivres , emporterent aussi Ies v£temens et tous Ies
autres objets qu’on presuma devoir £tre de quelque utilite.
Le jour se.passa dans une perplexity extreme; et 4 la nuit, aucune
nouvelle ne nous etant encore parvenue , nous nous attendions aux plus
affreuses revelations , quatid tout -&-coup 1’explosion d’une arme 4 feu,
partie du sommet de la dune, attira de ce cotd no6 regards. Nous aper-
$umes alors nos malheureux amis ayant presque fair de spectres, tant Ies
besoins et la fatigue avoient altere leurs traits. Chacun s’empressa
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LIVRE II. — Du Brasil X Timor inclusivement. ^ 6 \
autour d’eux; et apres leur avoir prodigu<f les soins sugg^res par i’af-
fection la plus cordiale , on voulut connoitre ie detail de leurs aventures.
Its n’avoient point apergu ie detachement qui <£toit ally ie matin a ieur
recherche , ce qui avoit maiheureusement prolong^ , pour eux , un etat
de perplexity et de souffiances. £coutons M. Gaimard.
« A notre depart, Ie ciei ytoit couvert, dit-ii, et nous promettoit une
course exempte des vives chaieurs que I’on eprouve si frequemment sur
cette terre sabionneuse. Parvenus au sommet dune dune qui se proionge
paraiiyiement a fa cote , nous apergumes au loin un des e tangs Mont-
bazin , et nous dirigeames nos pas de ce cote. D’epaisses broussaiiies
rendirent ia trajet difficile et nous obIig£rent a faire de nombreux
detours. Piusieurs d tangs de formes et de dimensions variees , dont
queiques-uns dtoient X sec et avoient du sei sur leurs bords , se pre-
sentment a nos regards : k x heures, nous nous arr£tames pres dune
de ces iagunes pour prendre queique nourriture ; puis nous nous remimes
en marche. Chemin faisant , nous apergumes piusieurs cabanes , et les
empreintes r^centes des pieds de leurs sauvages habitans : ces empreintes
avoient de p pouces 1 ligne k 1 o pouces 1 ligne de longueur , sur une
largeur 4 -peu-pres constante de 4 pouces. Un kanguroo grisatre, de la
tailfp dun gros lievre , que nous reconnumes facilement A finegality de
ses jambes et k son mode de progression; de petits gobe-mouches , quel-
ques oiseaux de mer, les traces d’un quadruple que nous jugeames £tre
un chien; tels furent les seuls indices d’animaux qui frapp£rentnos
regards.
» A 5 heures, le besoin de nourriture nous forga k nous arr£ter un
instant : un morceau de biscuit et un demi-verre d’eau et de vin com-
poserent tout notre repas.
» Je proposai ensuite k mes compagnons de nous diriger vers i’isthme
Leschenauit, et j’insistai, peut-£tre imprudemment , sur les avantages
que nous pourrions retirer de cette course, en la prolongeant Ie plus
qu’il seroit possible dans i’interieur du pays. Le vif desir que j’avois de
rencontrer les naturels , me fit perdre de vue que nos foibles provisions
de bouche t?toient d^jX presque enticement ^puisCs. Je me rendis
n&nmoins k I’avis plus prudent de nous borner k completer Ie tour de
1818.
Septembre.
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1 8 1 8.
Septembre.
462 VOYAGE AUTOUR DU MONDE.
I’etang pres duquel nous etions , pour revenir ensuite au point de depart.
Nous marchames d’un pas rapide et reconnumes bientot que ies appa-
rences avoient 6 te trompeuses : en effet , cet amas d’eau qui nous avoit
paru £tre dune ^tendue peu considerable , se prolongeoit indefiniment
devant nous en conservant I’aspect ie plus monotone. A 8 heures du
soir, fatigues et craignant de nous dgarer , nous montames sur une dune
dont Ie revers nous o droit un abri salutaire contre un vent froid fort
incommode. La, nous allumames un grand feu; et apres avoir ^puis<£
Ies dernieres provisions qui nous restoient, nous nous livrames au repos:
fun de nous tbutefois veilloit a tour de r6Ie pour <£viter Ies surprises et
entretenir notre feu.
» Le 1 9 , k 5 heures du matin , tous , dun commun accord , nous nous
disposames a rejoindre la corvette. MM. Raiiliard et Bonnet gravirent
sur une des dunes voisines , et apr£s avoir je t£ un coup d’oeil autour
deux, ils jug^rent que nous Etions beaucoup plus loin de notre camp
que nous ne I’avions cru d’abord , et deciderent que nous devions faire
route au Nord - Est pour y arriver par Ie plus court chemin ; ils se diri-
gerent en consequence de ce cote, en nous engageant k Ies suivre. C’etoit
bien mon intention ; mais je voulois m’assurer , avant de quitter ce lieu,
s’il ne seroit pas possible d’apercevoir Ies limites de I’etang dont gous
avions fort long-temps prolonge Ies rives. Parvenu au sommet Ie plus
eieve de la dune, je crus reconnoitre I’endroit de notre premiere halte.
MM. Raiiliard et Bonnet etoient deja a quelque distance de nous : je
leur fis part a haute voix de mon opinion; mais je n’entendis pas leur
reponse. Je m’approchai alors des bonis de I etang , et me confirmai de
plus en plus dans ma premiere idee. Voici I’endroit ou nous dtions hier,
dis-je a M. Gabert, qui Ie crut comme moi : et des-Iors il nous parut
essentiel de constater la r^alite du fait; car si nos conjectures eussent
etc fondees, deux heures nous auroient suffi pour rejoindre Ie camp.
Nous n’avions plus rien a boire , et a peine nous restoit-il encore Ie tiers
dun biscuit et une demi-once de sucre , pour notre nourriture com-
mune. Nous regardames encore quelque temps autour de nous, tout
en cheminant dans la direction qui nous paroissoit £tre la meilleure ;
mais, comme si tout devoit completer notre illusion , un £tang dessechd ,
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LIVRE II. — Du Bresil a Timor inclusivement. £6 3
de forme cireulaire, et parfaitement semblable a i’un de ceux que nous
avions traverses, vint s’offrir a nos regards. Persuades des-iors que nous
dtions dans ia voie, et que nos compagnons de voyage s’^garoient , nous
tirames un coup de fusil , signal convenu pour le cas de separation. J’ai
su depuis que MM. Raiiliard et Bonnet entendirent l’explosion , et qu’ils
y rdpondirent; mais aucun son ne frappa nos oreilles. Le meme signal
fut rdpetd par nous k diverses reprises , et toujours inutiiement. Ce fut
en vain aussi que nous suivimes une route oblique , dans l’espoir de re-
joindre piut6t nos compagnons : helas ! apres une heure dune marche
prdcipitee et p&iible , nous vimes qu’il falloit renoncer tout-a-fait a l’es-
poir de nous rdunir a eux. Obliges , par l’epaisseur des broussailles , de
faire un grand circuit, nous fumes bientot incertains sur la direction qu’il
falloit suivre. Quanta moi, j’ignorois entierement le gisement, par rap-
port 4 nous, de la baie de Dampier, ou notre corvette se trouvoit au
mouiliage; M. Gabert n’avoit non plus , a cet £gard , aucune donn^e posi-
tive. Avant notre separation, M. Raiiliard nous avoit indique le Nord-
Est comme dtant le cotd vers lequel nous devions tendre; la difficult^
fut de nous conformer a ce conseil. Les obstacles insurmontables qui
se succddoient a chaque instant , nous obligeoient a faire mille detours
et a revenir sans cesse sur nos pas. Enfin, apres avoir marche jusqua
deux heures et demie du soir, nous aper^umes une vaste etendue d’eau
que nous primes d’abord pour la mer : c’etoit une erreur qui ne fut pas
de longue durde , car nous eumes bientot la douleur de reconnoitre le
m£me dtang que nous avions deja vu et longd en partie.
» La chaleur dtoit forte, et lasoif nous tourmentoit beaucoup : j’avois
eu la precaution de me munir de quelques morceaux d’acide citrique ; cet
acide, mis dans la bouche, nous rafraichit un instant, et determina
I’afflux de la salive ; mais bientot il occasionna sur notre langue une im-
pression brulantefort penible. Vers les quatre heures, je tuai une mauve
blanche, que j’ouvris aussitot: son sang parut tromper un instant notre
soif ; mais nous n’eumes pas le bonheur qu’avoit eu M. Riche , naturaliste
du voyage de d’Entrecasteaux , qui, egar 6 a la terre de Nuyts, en 1J92.,
sur le m£me continent , rencontra une source d’eau douce , sans laquelle
il efit probablement succomb£.
Voyage de l'U remit. — Historiquc. N 11 11
1818.
Septerabre.
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1 8 1 8.
Septembre.
464 VOYAGE AUTOUR DU MONDE.
» Voyant que nous etions complement egares, nous primes la resolu-
tion de contourner 1’dtang, eut-il vingt iieues de circuit , et de retrouver
de cette maniere le lieu de notre premiere halte. Nous executions ce projet
avec ardeur, lorsque, a cinq heures du soir, nous vimes tout-a-coup , aprcs
avoir franc hi une dune , que ce faux etang communiquoit avec la mer, et
qu’il formoit , par consequent , un havre qui se projetoit fort avant dans
ies terres. La vue de la Gorgone n’eut pas produit un efiet plus rapide...
Obstupui , steteruntque com* , et vox faucibus hxsit.
VlKG. /Erttid.
» Notre position devenoit de plus en plus difficile et inquidtante. Nous
n’avions ni bu ni mange de la journee ; pas une goutte d’eau n’avoit ra-
fraichi notre bouche brulante, et constamment nous avions marche a l’ar-
deur du soleil , parmi des broussailles ou sur le sable ; nos jambes dtoient
ensanglant^es , nos forces affaiblies ; une terre aride, inhospjtaliere , objet
du courroux celeste , ne nous laissoit envisager de toute part que Ies hor-
reurs de la soif !... M. Gabert, eclair^ par une de ces illuminations soudaines
dont parle Bossuet , se souvient qu’il a vu le soleil se coucher sur file
Dirck-Hatichs; il a note cette circohstance sur le journal m&eorolo-
gique.... II fut des-Iors r^solu que nous nous dirigerions vers I’Ouest, et
que, pour arriver plus promptement a la rade de Dampier, nous traver-
serions le havre que nous venions de ddcouvrir , et qui n’est que le pro-
longement des &angs Montbazin.
» Mais nous Etions trop rapproch^s maintenant du point ou ce havre
communique avec la mer; sa largeur n’eut pu permettre k nos forces
epuis^es d’entreprendre un pareil trajet ; il falioit done commencer par
chercher un lieu plus convenable k nos desseins. La nuit vint bientot
nous surprendre ; nous nous reposames alors sous quelques arbrisseaux
qui pouvoient, au besoin, nous garantir de la pluie. Un froid assez vif
se faisoit sentir. M. Gabert etoit pourvu d’une bonne capote et d’un fort
v£tement de drap : quant & moi , mon pantalon , mis en pieces par Ies
broussailles , m’avoit abandonnt: dans le jour ; j’etois en cale^on et en veste
d’£te. A dix heures du soir, le froid dtoit insupportable, ce qui nou«
obligea a nous remettreen route. Nous dirigeamesnos pas vers lesommet
d’une dune de sable qui dominoit toutes Ies autres ; 14, nous allumames
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LIVRE II. — Du Brasil X Timor inclusivement. 46 5
un grand feu, dans le double but de r^chauffer nos membres engourdifc 1818.
et d’avoir un signal propre a faire reconnoitre ie point ou nous nous Septembre,
trouvions , si l’on venoit a notre recherche. Nous fimes cuire i’oiseau que
j’avois tu£; mais il nous fut impossible d’en manger un morceau, tant nous
Itions accabi^s par ia soif et par la fatigue. Jefis aussi , sans en ^prouver
du soulagement , bouiilir de i’eau de mer dans une cafetiere pour en
recevoir la vapeur, et diminuer la sdcheresse de notre palais. Voyant
enfin que notre feu alloit s’^teindre , et que nous nous trouvions fort exposes
au vent sur le sommet de la dune, nous en descendimes et cherchames
un abri, en attendant le jour, sous quelques arbrisseaux touffus.
» Le 20, a 5 heures et demiedu matin, M. Gabert, plus matinal que
moi, m’^veilla, et nous nous disposames aussitot k traverser a gue le
havre Montbazin , qui , en face du point ou nous nous trouvions , n’avoit
gu£re qu’une demi-iieue de largeur. Parvenus a-peu-pres au milieu de cet
espace , nous fumes contraints , par la grande profondeur de l’eau , de
revenir sur nos pas.; deux fois, sur d’autres parties, nous essayames le
passage , et deux fois nos tentatives furent vaines. Charges du poids de
nos armes et de nos habits , vu notre dtat de foiblesse , nous n’eussions
pu entreprendre de faire a ia nage un aussi long trajet.
» J’avois eu la precaution de mettre ma poire a poudre dans mon
chapeau, et j’eus lieu de m’en ftliciter; car M. Gabert , qui avoit ne-
glige d’en faire autant , eut la sienne tellement mouillee , qu’il fut oblige
de la jeter. Cependant , le bain prolong^ que nous primes dans cette cir-
constance nous rafraichit et nous d^saitera sensiblement ; nous fimes
s^cher un instant nos habits , et je mis X profit cet intervalle pour
prendre un bain nouveau, qui me rendit preSque toute ma vigueur.
» II ne nous restoit plus d’autre parti a prendre que de suivre les bords
du havre Montbazin jusqu’a son extremity septentrionaie , et de nous* .
diriger ensuite a l’Ouest pour atteindre la baie de Dampier et notre camp
avant la fin du jour : tel fut le plan que nous adoptames. Nous eumes
soin de marcher souvent dans i’eau pour calmer la soif ardente qui nous
d^voroit.
» Lorsque i’espoir de revoir notre vaisseau s’affoiblissoit de plus en
plus , M. Gabert s’ecrioit de temps a autre : « Pourquoi vous ai-je suivi ! ....
Nnn*
1 8 f 8.
Septembre.
46$ VOYAGE AUTOUR DU MONDE.
» Quelle malheureuse idee ai-je eue de vous suivre ! .. Ah ! si ie commandant
» m’avoit refuse la permission de veniravec vous !...» S’il avoit eu I’extrime
bont£, lui dis-je en riant, d’accompagner son refus d’un grand coup de
pied!... « Oui certainement, jeIevoudroisbien;plutaDieuqu’iII’eutfait!...»
me repondit-il serieusement. Cette singuli&re imitation , dans les ddserts
de la Nouvelle-HoIIande , du que diable alloit-il faire dans cette galere! me
paroissoit plus piquante que la scene de Moli£re ; elle appartenoit a un
drame qui nous intdressoit a juste titre , et dont M. Gabert sur-tout en-
visageoit le denouement avec une amertume bien autrement excusable.
Qu’il eut voulu alors ,
au toit de ses aieux ,
Pres des objets cheris presens k sa m6moire ,
Coulant des jours obscurs , sans peril et sans gioire ,
N’avoir jamais Iaiss£ son pays ni ses dieux !
De Lamartine, Nouv elks Meditations poetiques,
» Cependant une idde me tracassoit ; Ie fusil dont j’dtois armd ne
m’appartenoit pas , il m’avoit et 6 pr^td par un de nos amis , qui est i’obli-
geance meme : « Ce brave Pellion, disois-je , va perdre son fusil par mon
imprudence. »
» A deux heures apres midi, arrives au fond du havre, nous primes
quelques instans de repos; M. Gabert, tris-fatigue et n’en pouvant plus,
abandonna, non sans regret, son fusil , sa giberne, et une come d’amorce
dont il etoit muni. Nous suivimes Ie soleil couchant , a travers un
nouvel etang dess^che et des champs couverts de broussailles qui nous
barroient Ie chemin et n’oflroient de toUte part k nos regards que la
monotonie la plus accablante. Malheureusement encore, eloign^s des
• bords du havre Montbazin, nous &ions priv<fs de ces bains salutaires
sans lesquels deja nous eussions indubitablement p^ri; mais l’esp^rance
nous soutenoit.
» Enfin , nous decouvrimes la mer,... 1’ileDirck-Hatichs,... la corvette!..
Nous voild sauve's!.... fut notre premiere exclamation..,. Nous sommes
dans les bras i’un de l’autre , et nous tombons k genoux pour remercier
Dieu !
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LIVRE II. — Du Bresil a Timor inclusivement. 4^7
» II £toit presque nuit lorsque nous arrivames au camp. Nous mar-
chions encore dun pas rapide ; mais lasoifnous accabloit; notre iangue
aride etoit chargee de cet enduit noiratre qu’on remarque dans les fi^vres
adynamiques ; nous respirions difficilement et avec douleur ; pales , d^faits ,
les yeux caves , nous paroissions si accables , que nos camarades furent
effrayes de notre 6 tat. MM. Labiche , Requin et Railliard , que nous
trouvames k terre , nous prodiguerent tous les soins de I'amitie ; mais il
nous fut impossible de manger : notre soif £toit inextinguible ; nous
bumes tr^s-abondamment du th£ , de la limonade et de I’eau vineuse :
encore nous menageoit-on beaucoup. »
MM. Gaimard et Gabert passerent la nuit au camp, et ne revinrent
que lelendemain, 2 1 septembre , a bord de 1 ’Uranie. A midi , MM. Fer-
rand, Arago, Bonnet, &c., furent de retour eux-m£mes a I’observatoire :
ils avoient trouvd, - sur les bords du havre Montbazin, les debris du pan-
talon de M. Gaimard , et en avoient con£u beaucoup d’inquidtude ; ils
partag^rent la joie commune que nous faisoit eprouver I’heureuse issue de
la course perilleuse de nos amis.
Le m£me jour encore, M. Duperrey revint de sa mission dans le havre
Hamelin. Les vents avoient beaucoup contrarie ses projets , et l’avoient
force de borner son. examen k la partie occidental du havre et aux cotes
de file Faure , d’ou il nous avoit rapporte une ^norme tortue du poids
de 1 20 livres , qui fut un r£gal pour nous. La force du vent ne lui avoit
pas permis de se charger dune plus grande quantite de ces pr^cieux
animaux. Quant aux observations hydrographiqUes qui avoient et 6 le
resultat de cette course int^ressante , j’en ai rendu compte ailleurs.
Jusqu’alors M. Gaudichaud n ’avoit herboris^ que dans le voisinage
ou & peu de distance de notre observatoire : il voulut s’avancer davantage
vers I’interieur des terres; mais en vain chercha-t-il un compagnon de
voyage; il luifallut partir seul. S’^tant done dirige vers les etangs Montba-
zin , il mit en fuite , en s’avan^ant , plusieurs kanguroos. « Ces animaux ,
dit-il, marchent avec une telle promptitude , quejen’ai pu en distinguer
exactement les formes : ils sont plus gros que des lievres , dun gris sale ,
et courent d’une maniere si singuiiere , qu’ils semblent rouler. Je vis
egalement beaucoup de petits rats k poil argent^ ; leur nombre , a en
1818.
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468 VOYAGE AUTOUR DU MONDE,
juger par celui des trous dont le terrain est cribll, doit £tre extraor-
dinaire. »
Le 23 , d£s le matin , notre infatigable botaniste commen^a une nou-
velle herborisation , et se dirigea d’abord vers la partie Nord de la pres-
qu lie , avant de s’enfoncer plus avant dans les bois.
« Parvenu sur une petite eminence , j’y aper£us , dit-ii , une esp£ce de
cirque entoury d’arbrisseaux epais , au centre duquei dix ou douze mor-
ceaux de bois plants en rond , rapproch^s par le haut , formoient une
sorte de dome de sept pieds de hauteur, dont le sommet seulement ytoit
charge de broussailles. Je pris d’abord cette carcasse pour les restes d’une
vieille case des misdrables habitans de ces contrees ; mais apr£$ un examen
plus attentif, je jugeai impossible que cette charpente eut 6t6 employee
a un tel usage ; il me parut plus vaisemblable que c’^toit une esp4ce
d’echauguette. En efFet, un des supports, plus incline que les autres,
m’ayant servi pour monter au falte , ma vue ne s’y trouva born^e nulle
part, et put se porter aux alentours 4 une grande distance. L4, j’aper-
cevois la corvette au mouillage; ici, une embarcation venant a terre, et
rile Dirck-Hatichs , qui se perdoit 4 l’horizon; plus loin, ie.vaste bras de
mer qui avoit failii d’etre funeste 4 MM. Gaimard et Gabert, plusieurs
etangs dess^ches , enfin une etendue prodigieuse de terrains d’une effrayante
monotonie. Des-lors la destination que j’avois suppos^e 4 ce singulier
echafaudage ne me parut plus douteuse ; et une autre particularity , 4
laquelle je n’avois pas d’abord pris garde , vint me confirmer dans ma
maniere de voir. Tous les arbrisseaux qui cernoient cette enceinte, for-
moient autant de berceaux de pres de trois pieds de hauteur, devant les-
quels etoient de petits tas de cendre et de charbon, chacun desquels
indiquoit la place d’un foyer ; ces vestiges tymoignoient clairement que
quelque horde de sauvages ytoit venue naguere chercher en ce lieu un
abri. Que de pensyes vinrent alors s’offrir 4 mon esprit ! £toit-ce le point
de ralliement d’une de ces tribus? et le belvyd£re, construitau centre,
etoit-il la place d’une sentinelle ? On peut conjecturer, en efFet, que les
habitans de ces miserables parages se font la guerre, et le faisceau
d’armes dont ils se montrent toujours munis , semble prouver qu’elles
leur servent 4 cet usage autant qua la chasse et a la p£che.
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LIVRE II. — Du BrIsil X Timor inclusivement. 469
» £toit-ce le theatre de leurs ceremonies religieuses ! La conscience
d’une puissance sumaturelie se retrouve chez tous ies hommes sau-
vages; pourquoi ceux-ci n’auroient-ils pas un cuite quelconque, et con-
sequemment des ceremonies ? Pourquoi ne seroit-il pas permis de croire
que cette construction centrale etoit un autel consacre a fadoration des
objets de leur croyance!
>* Ces peuplades ont-elles des chefs, des assemblies, des jeux, des
f£tes! on doit le penser : peut-itre aiors ce point ileve, place au milieu
d’un grand nombre d’individus, devient parfois le siege momentani d’un
roi, d’un chef de familie ou de tribu, de deux jeunes ipoux, d’une vic-
time ! C’est en faisant ces reflexions que j'arrivai au camp. »
Le 25, on commen^a X porter k bord Ies instrumens denotre obser-
vatoire, ainsi que Ies objets de campement qui avoient iti descendus a
terre; nous disposames tout aussi pour notre prochain appareillage, qui
eut lieu le lendemain vers Ies onze heures du matin.
Mon projet etoit de m’approcher des lies de Doore et de Bernier, qui
forment la limite occidentale de la baie, et dont la giographie, encore
imparfaite, intiresse Ies navigateurs : en consequence, je fis diriger dessus,
la sonde k la main ; mais avant qu’on eut pu distinguer nettement Ies
rivages de ces lies , un banc de sable sur lequel la corvette resta echouee
quelques instans, nous for^a d’abandonner cette entreprise. La prudence
voulut que nous missions k I’ancre pendant lanuit. Le lendemain 27, nous
remimes promptement sous voile , et manoeuvrant pour sortir de la baie
par sa passe septentrionale , nous fimes route vers file Timor.
Mais, avant de nous transporter sur ce nouveau thidtre de nos opera-
tions, il convient de jeter, selon notre coutume, un coup-d’oeil sur I’en-
semble des principaux faits que nous avons recueillis pendant la relache :
ce sera le sujet du chapitre suivant.
1818.
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VOYAGE AUTOUR DU MONDE.
47 °
CHAPITRE XV.
Qiielques remarques sur la bate des Chiens-Marins.
On concevra sans peine que les rivages desol^s qui circonscrivent ie
vaste enfoncement qui doit nous occuper dans ce chapitre, n’ont pu donner
lieu qua une bien foible recolte d’objets dignes d’intdret. Tels qu’iis sont
cependant, nous les consignerons dans trois paragraphes, dont ies deux
premiers se rapporteront k i'etude physique des phenomenes natureis et
des productions du pays ; Ie dernier sera relatif a I’homme.
s. I. er
Observations de physique et de geologie.
Vents. En general , pendant notre s^jour au mouillage , les vents ont presque
constamment r£gne de la band e du Sud, depuis Ie Sud-Sud-Ouest jus-
qu’au Sud-Sud-Est, tantot bonne brise, et quelquefois forte brise, sans
qu’on ait remarque qu’iis eussent une tendance particuliere a souffler
avec une intensity plus grande , soit pendant Ie jour, soit pendant la nuit.
Rarement leur direction a-t-elle atteint Ie Nord ; encore n’a-ce 6 te que
pour un espace de temps tres-court ; une seule fois nous les avons vus , et
pendant Ie jour seulement, au Nord-Ouest, variables a l’Ouest-Nord-
Ouest, et assez forts.
Temperature Douze jours complets d’observations de temperature, faites k fair libre
delair. et au mouillage , du i4 au 25 septembre 1818, nous ont foumi les re-
sultats suivans :
Temperature moyenne = i 8 d ,3. La moyenne des temperatures de 7 h et
la moyenne de ceilesde 8 h donnoient Tune et I’autre une hauteur du ther-
mom^tre k-peu-pr^s egale k cette moyenne.
Maximum = zz J ,6 : il a ete observe Ie 16 septembre k 2 b du soir.
Minimum = i 4 ,0 : observe Ie 23 k 6 h du matin.
Le maximum moyen , conclu de I’ensemble de nos experiences , pour
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LIVRE II. — Du Brasil X Timor inclusivement. 47 1
chacune des heures de la journ^e , s’est trouv6e de 1 9^,7 ; et r4pondoit ,
comme le maximum absoiu, k 2 h du soir.
On a d 4 duit le minimum moyen de ia m£me manure; il a 4t4 de 1 6 a ,8 pour
5 b du matin.
La temperature de la mer, observe pendant le m£me intervalle de
jours, a donne :
a..
Maximum 20 a ,(>, correspondant au midi du 19 septembre;
Minimum 1 4 >0 , k 4 h du matin.
Maximum moyen a 4 t 6 1 8 a ,9 , k midi ;
Minimum moyen 17 ,j , k 4 h du matin.
Temperature moyenne, deduite des douze jours entiers cFobservations =
. 1 8 d , 4 . La moyenne des temperatures horaires , qui approche le plus
de cette temperature moyenne gineralt, correspond aux observations de
1 o h du soir.
Comme prdc&lemment, nous nous bornons Xdonner ici le r£sum£ de
nos observations magnetiques les plus essentielles.
Declinaison de Paiguille aimant£e 3 0 38' 4"»5 > Nord-Ouest;
Inclinaison idem.. . . .-. 54. $2. 4 5 >0. La pointe elevee de I’ai-
guilie etant la pointe Nord.
M. le docteur Quoy sera notre principal guide dans ce que nous avons
a dire sur la g&dogie du continent et des lies qui circonscrivent la baie
qui nous occupe.
« La partie de ce vaste enfoncemant ou <£toit notre observatoire , dit-ii,
git par 25 0 4 3' 21 de latitude Sud,*et no° 59' 1 3" de longitude Xi’Est de
Paris. Dans la baie , la mer est par-tout peu profonde , et les bancs mul-
tiplies qui I’encombrent y rendent la navigation difficile , souvenf m£me
pour les plus foibies embarcations.
» La rade de Dampier appartient a la presqu’ile Peron , dont la sur-
face, peu developp^e, est encore resserr^e par i’envahissement de la
mer. Ses plages sablonneuses s’<£tendent au loin ; et la couche d’eau qui
les baigne est si peu dpaisse au large , que souvent nos canots ne pouvoient
en approcher, et qu’une partie du trajet devoit £tre faite k gue. Presque
par-tout 1a cote est elevee de 60 a 1 00 pieds ; couple A pic dans
queiques endroits , elle se termine en pente adoucie dans d’autres , ce qui
Voyage de VUranie. — Historiquc. O O O
Observations
de physique,
&c.
T emperature
de ia mer.
Magnetisme.
Geoiogie.
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47a VOYAGE AUTOUR DU MONDE.
Observations provient des depots et des ^boulemens qu’occasionnent les eaux piuviaies.
de P^ c ri< l ue ’ L a masse des terres se compose dune substance argilo-quartzeuse de cou-
leur rouge et jaune, que nous avons bien pu observer dans une coupe
de terrain dispos^e en couches minces, tr£s-friables , blanches, noires
et rouges , se succ^dant sans aucun ordre rdgnlier.
» Ces faiaises terreuses sont assises sur un gres grisatre ,* peu consistant,
dont il nest pas toujours facile de suivre les couches , souvent cachees
par les sables , et recouvertes par la mer k chaque mar^e. L’endroit le
plus favorable pour les examiner etoit celui ou se trouvoit notre camp.
Les grains quartzeux de cette roche sont reunis par un ciment calcaire :
eHe est ou homog^ne, ou tellement remplie de debris de coquilles bi-
valves deventies spathiques , qu’elles forment la plus grande partie *de
la pierre.
» La plage est jonchde de fragmens et de coquilles entires de bi-
valves et de madrepores ; la mer roule , en outre , de petits galets d une
terre ocreuse , rougeatre et jaun&tre : ces elemens h^rog^nes , rdunis au
sable, se lient entre eux, et forment des sortes de pouddings grossiers,
dont les coquilles fmissent par devenir siliceuses. J’ai plusieurs fois ob-
serve deces masses commen9ant a se former, et if m’est arrive de trouver
adherentes au rocher, par un de feurs points seulement, des valves de co-
quilles nullement spathisees , et qui ne me paroissoient pas devoir y tenir.
II est a remarquer que presque toutes les bivalves mortes que nous avons
vues ici , perdent Igur poli et deviennent noires contme si elles etoient
charbonnees.
» On voit, a quelque distance de la mer, dans les dunes, des incrus-
tations tubulaires , quartzeuses , hautes de 5 a 6 pouces , et depuis
quelques lignes jusqu a un pouce de diametre ; nous en avons rapport^ des
echantiilons. En examinant ces tubes avec attention , on voit qu’ils sont
composes de grains de sable li& par une pate calcaire , falsant efferves-
cence dans les acides. Ces tubes ont eu pour moules des tiges de plantes
et des racines tra^antes , qu’ils ont commence d’entourer. La substance
vegetale , ayant ete insensiblement d^truite , a lafsse un espace vide au
milieu de ces sortes de cyiindres irrr^ gutters : il en est cependant quelques-
uns, plus r^cens , dans lesquels on la rencontre encore, mais comme pourrie.
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LIVRE II. Du Brasil A Timor incLusivement. 473
» Je n’ai point X m£me d’examiner aucunc de ces grandes pdtrifica-
tions de veg^taux tout entiers dont paHent les voyageurs Riche et Peron :
un de nos officiers , M. Duperrey, m’a dit en avoir vu sur ie penchant des
dunes de ia baie de i’Attaque [yoyei 1 ’ Atlas hydrographique du voyage,
pi. n.° 1 ) : elles reprdsentoient des arbres tron^onnds a ia hauteur de 2 4
3 pieds ; k peine les touchoit-on qu’elles tomboient en morceaux. Leur
diametre pouvoit etre de 6 a 10 pouces : ici , il ne restoit aucune trace
de substance ligneuse , et il n’y avoit point de trou au milieu des tron^ons.
» M. Duperrey rend compte en ces termes, dans son journal, du phd-
nom£ne dont il avoit 6 U le tdmoin : « A peu de distance et dans I'Est de
» la pointe des Hauts-Fonds, j’observai un fait geologique fort curieux,
» consistant en une infinite de troncs d’arbres petrifies , situes dans une
» petite plaine entour^e de dunes de sable. Ces arbres avoient environ
» 2 «t 3 pieds de hauteur, sur 10 pouces de diametre; iis dtoient per-
» pendiculaires au sol, sur lequel ils n’avoient qu’une foible adherence,
» car, en les poussant de la main , on les renversoit avec la plus grande
» facility. Les racines de ces arbres, dtant dans le.m&ne dtat de petrifi-
» cation , il ne reste aucun doute sur i’origine de ces masses singulieres ,
» transformdes aujourd’hui en une sorte de gres , qui , le plus ordinaire-
>» ment blanchatre , est cependant dun rouge clair en de certains endroits. »»
» Quoiqu’on puisse bien ^oncevoir comment ces incrustations ont pu
se former, on sera toujours arrete lorsqu’il faudra expliquer pourquoi
elles n’ont lieu que dans certaines localites et sur quelques vegetaux ,
tandis que d’autres plantes qui semblent exposdes aux memes causes,
en sont prdservdes. Je n’ai trouve de ces agglomerations que sur 1 a pres-
qu’ile Pdron , non loin et dans I’Est de notre camp ; elles dtoient placdes
sur la pente d’un monticule sablonneux , tr^s-peu expose au vent.
» Lorsque, partant du point ou etoit situe notre observatoire , on
s’avan^oit pendant quelque temps dans la direction du Nord-Est
( voye% pi. 1 de I’Atl. hydrogr. ) , on rencontroit les bassins de deux etangs
sales (1) qui, k I’epoque de septembre, ou nous nous trouvions, parois-
soient avoir ete nouveilement mis a sec par l’effet de 1’evaporation; ces
(1) II y a, dans le voisinage de ces deux-ia # d’autres etangs connus sous le nom general
d 'Hangs Montba^in,
000*
Observations
de physique,
&c.
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Observations
de physique,
&c.
4 7 4 VOYAGE AUTOUR DU MONDE.
bassins sont 4 -peu-pr£s circulaires, taiiies ert entonnoir, et d’un diamfctre
de 300 toises. Le sei dont nous ies avons vus tapiss^s , se trouvoit me-
lange avec beaucoup de terre qui se boursoufloit et s’^caillort par Taction
du soieii. Parrtout a ieur circonfifrence , et <;k et 14 sur Ie sol dess^che
de ieur lit, croissoient des sodas, isol^s des autres v^getaux , auxquels ce
sol ne convient point.
» Ces ^tangs sont situ^s 4 peu de distance du havre Montbazin , dont
MM. Gaimard et Gabert firent si pdnibiement ia d^couverte ; mais ,
ieur niveau ^tant plus &ev£, iis ne communiquent point avec iui.
« M. Duperrey, qui seui des personnes de notre ^tat- major a p£n£tr£
dans le havre Hameiin, situ<£ k i’Est de la presqu’iie Peron (yoyei TAti.
hydrogr. ) , rend compte ainsi qu’ii suit de ses observations geoio-
giques sur Tile Faure : « La base de cette lie m’a paru 6tre un com-
» pos<£ de gr£s rougedtre, incruste de debris de coquiiies sembiabies 4
» celies qu’on voit sur ie rivage voisin. Sa surface est rev£tue d’un
» melange de gr£s et de sable caicaire ; mais ce sable seui affecte ia
» couieur de ia base de i’iie , car ceiui<Ie ia gr£ve est gris, et m£me assez
» bianc dans toutes Ies parties que ia mer submerge periodiquement.
» Aux pointes ies plus escarpdes, des eboulemens ont d£pos£ sur le
» sable du rivage des roches assez voiumineuses , dont ia couieur noi-
» ratre me fit penser d’abord qu’eiies <ftoi?nt des produits volcaniques ;
» mais, en ies brisant, je m’assurai bientot qu’eiies n’^toient, comme le
» reste, qu’un compost de gres rougeatre uni a d’autres substances
» caicaires. »
» L’iie Dirck-Hatichs , a I entree de la baie [yoyei TAti. hydrogr.),
a £te aussi le sujet de nos recherches. Nous n’avons visits que sa
partie septentrionale , que nous abordames pr£s du cap Leviliain , ou
ia cote est basse et formee de petites dunes de sable. La gr£ve se com-
pose , k la superficie , de coquiiies brisees , tr£s-attenu£es et melanges
de quartz bianc. Lorsqu’on creuse un peu ie soi , on s’aper^oit que Ies
fragmens de coquiiies diminuent, et que ceux de quartz augmentent.
» A une iieue plus a i’Ouest , la c6te prdsente des faiaises de gres
de t 50 a 200 pieds de hauteur; et a mesure qu'on avance, on aper-
^oit que la mer recouvre , pendant un assez grand espace , des bancs de ^
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LIVRE II. — Du Brasil X Timor inclusivement. 475
gr£s durs , tirant sur le noir, dans iesqueis on trouve quelques fragmens
de coquilles. Sur ces couches s’en elevent d’autres horizontaiement jusqu’i
plus de i oo pieds de hauteur : celles-ci, form^es d’un gr£s peu consistant ,
melange d’argiie tantot rouge et tantot jaunatre , font varier aussi la
couleur de la roche.
» Le gr£s du cap de {’Inscription, qui forme l’extr^mitd Nord de file
Dirck-Hatichs , est beaucoup moins friable. C’est fa qu’on voit des glo-
bules de calcaire tubercuieux , variant de grosseur, depuis ceiie d’un noyau
de cerise jusqtfa ceiie du poing, et susceptibies de recevoir un poii assez
agreabie : on ies prendroit pour des pouddings ; mais , a mon avis , ceiui
qui croiroit que ces giobuies ceiii^s ont 6t6 rouJes, se tromperoit beaucoup ;
j’attribue ieur formation & une sorte de cristaiiisation.
» Les parties ieff plus basses de la cote sont composes de dunes de
sabie blanc qui stetendent fort avant dans Ies terres : je ies ai observes
avec soin , et je n’ai pas vu qu’elles affectassent de direction particuitere.
Recouvertes en partie de grands vegdtaux iigneux , eiles sont peu suscep-
tibies de varier de formes , a f exception peuHhre de ceiies qui sont tout-
&-fait pres du bord de ia mer. »
M. Ferrand dit avoir observe sur Dirck-Hatichs, dans Ies values et sur
des hauteurs , k i 5 toises au-dessus du niveau de la mer, des coquilles
marines et des madrepores fossiies.
Pour completer, autant qu’ii depend de nous, le tableau des connois-
sances geologiques recueiilies jusqu’a ce jour sur la baie des Chiens-Marins,
nous ajouterons a f esquisse qui precede , faper^u , donne par Pdron , de
ses observations sur file Bernier, situee a fextremite occidentaie de cet
enfoncement.
« Sur cette ile , dit ce savant voyageur , le sabie du rivage est quartzeux ,
» m&e d’une grande quantite de debris caicaires fortement attenues. La
»* substance de file elie-m£me se compose, dans ses couches inferieures,
» d’un gres coquilleux, tantot blanchatre, tantot rougeatre, depose par
» couches horizontaies , dont f epaisseur varie de 7 k 1 1 pouces , et qui
» routes, etant tres-uniformes , poUrroient offrir a f architecture civile des
» pierres de taiile en partie ebauchees.
» Les coquilles ipcrustees dans ces massifs de roches sont presque
Observations
de physique,
&c.
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Observations
de physique ,
Slc.
4 7 6 VOYAGE AUTOUR DU MONDE.
» toutes univalves; eiles appartiennent plus particuli£rement au genre
u natice de M. de Lamarck, et ont ies plus grands rapports avec i’espece de
v natice qui se trouve vivante au pied de ces rochers : elies sont sans doute
» pdtrifides depuis bien des siecies , car, outre qu’ii est tr£s-difficiie de Ies
» retirer intactes du milieu de ces gres , tant leur adhesion avec eux est in-
» time, on Ies observe encore a plus de i 50 pieds au-dessus du niveau
» actuel de la mer.
» Quelque rdgularite que ces bancs puissent afiecter dans leur dispo-
» sition gdndrale , ils ne sont cependant pas tous homog^nes dans leur
w substance. II est sur-tout une varidtl de ces roches plus remarquable par
» sa structure : ce sont des galets calcaires agr^gds dans une terre sablon-
» neuse ocracde , qui leur est tellement adherente, qu on ne sauroit ddtruire
» cette esp£ce de gangue sans les briser eux-m£mes. Tous ces galets af-
» fectent la forme globuleuse, etse composent dun grand nombrede zones
» concentriques qui se developpent autour d’un noyau central d’un gres
» scintiilant et brunatre. Ces diverses couches ont k peine queiques milli-
» metres , et offrent des nuances agrdables , qui varient depuis le rouge
» foncd jusqu’au jaune clair. La contexture de cette breche iui donne done
» quefques rapports grossiers avec le granit globuleux de Tile de Corse ; et,
» par ses couches rubanees , concentriques , elle a quelque chose de I’as-
» pect des agates onyx ; elle est d’ailleurs susceptible de poli , et pourroit
» servir a divers objets d’agremr ,t ou de luxe.
» Les bancs des gres divers dont je viens de parler, forment, a bien
» dire, la masse entire de l’ile ; mais sur Ies roches repose une couche de
» sable plus ou moins dpaisse, qui se ddveloppe sur toute la surface de
» file , se relevant vers ses bords en une espece de ceinture de dunes tr&s-
» mobiles de 60 a 80 pieds de hauteur. Ce sable, de la m£me nature que
» celui du rivage , est calcaire , et d’un grain tres-fin. » ( Voye^ Voyage
» aux Terres austr. Hist. tom. 1.)
$. II.
Productions.
Toute la par tie de la terre d’Endracht que nous avons aper^ue , soil
avant d’aborder k la baie des Chiens-Marins , soit pendant notre s^jour
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LIVRE II. — Du Brasil a Timor inclusivement. 477
dans cet enfoncement immense , nous a paru couverte d’arbrisseaux Productions
maigres, de petites dimensions , et croissant g^neraiement dans le sable:
la terre v^gCale se trouve cependant sur quelques points , mais elle y est
rare et tou jours fort legCe et mCang^e. Par-tout, d’ailleurs, ie sol s'est
montr^ a nous enticement d^pourvu d’eau douce ; ce qui tient, d’un
c&t£ , au peu d elevation des terres , car aucune montagne n’apparoit aux
fimites dun long horizon que dessine une simple ligne bleuitre, et, d’un
autre c6t£ , aux terres sablonneuses , qui absorbent les piuies et les va-
* peurs sans les condenser ni les retenir.
Presquile Perort. — On ne voit , sur la presqu’ile PCon , qu’un petit
nombre d’arbres tortueux dont les plus CevC atteignent A peine a
douze pieds de hauteur, et diverses touffes de freles arbrisseaux qui
semblent , par leur constitution languissante, accuser 1’ariditd du sol m£me i
qui les nourrit. Le terrain paroit convenir beaucoup mieux aux plantes
herbacdes ; aussi en voit-on quelques-unes qui sont fortes et vigoureuses.
« Parmi les diffCentes espCes d’arbres que nous avons aper^ues , la
plupart ont 1’ecorce trC-epaisse , et la partie ligneuse fort dure . La cou-
leur de ces bois , qui est assez belle , permettroit de les employer avec
avantage k de petits travaux de marqueterie.
» La plupart des arbustes qu’on rencontre sont odorans. Nous en avons
distingu^ un qui avoit la forme dune bruyCe, et dont 1'odeur etoit la
m£me que celle du myrte ; un autre avoit absolument la feuille de 1’ab-
sinthe et la saveilr de cette plante ; quelques-uns exhaloient le parfiim du
romarin , ou oflroient de grands rapports avec le gendvrier. Parmi les mi-
mosas, il en est un dont les fruits sont en gousse comme les haricots. »
(M. Lamar che.)
lie Faure . — « A peu de distance des rivages de file Faure, la vegetation
n’est pas sans vigueur ; mais elle est plus agr^able dans le Sud-Est de file,
ou le sol est plus Cev£ : on trouve 1& des arbres qui ressemblent au
iaurier rose, etqui , croissant jusqu’au bord de la mer, offrent, de distance
en distance , des bouquets de verdure qu’on est surpris de rencontrer sur
un terrain aussi sec et aussi ingrat; ailleurs, on n’apenpoit guere que de
maigres et d^biles arbrisseaux rampant a sa surface : quelques fleurs , d’une
couleur assez vive , venoient de temps k autre cependant egayer notre vue.
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Productions.
478 VOYAGE AUTOUR DU MONDE.
« Nous trouvames , sur la cote orientale , un tronc d’arbre qui , par sa
grosseur, ne nous parut pas etre le produit de cette iie. D’apr^s l’^tat
ou il &oit , tout nous fit prosumer que la mar^e l’avoit d^pos£ sur ce
point depuis un grand nombre d'ann^es. » ( M. Duperrey. )
lie Dirck-Hatichs. — Pr^venu contre f aridity des terres de Dirck-Ha-
tichs, M. Quoy ne s’attendoit pas A y trouver une v^g&ation aussi abon-
dante. <» Elle est , dit-il , toute particuliere au sol , et compos^e d’arbres
et d’arbrisseaux , je ne dirai pas rabougris , ce qui ne seroit pas le mot
propre, mais d’une petite stature. Onremarque 1& diverses esp^ces de
mimosas , vrais arbres , mais qui , n’atteignant guere & plus de dix pieds
de hauteur, prolongent horizontalement leurs branches tortueuses jusqu a
vingt-cinq pieds et plus de distance du tronc: c’est a sa duretd que ce bois
doit la propria de rtfsister, long-temps apres qu’il est mort, aux causes
d&organisatrices de i’atmosphere ; on en trouve beaucoup qui , par cette
raison, ne peuvent servir que de combustible.
» Parmi les v^g&aux quej’ai rencontres, je signalerai un m^laleuca
dont les touffes, peu ^levees, s’dtendent beaucoup horizontalement, et
dont le port ressemble assez d’aiileurs a celui des bruy£res de nos pays.
Un cyperus, diverses esp£ces d’immortelles, une plante qui a quelques
rapports avec I’absinthe, sans en avoir Todeur : tels sont a-peu-pres les
sujets dont 1’ensemble compose la physionomie vdg^tale de Tile. Sans
vouloir faire ici une nomenclature qui se trouvera naturellement dans la
partie Botanique du Voyage, nous citerons encore un petit arbrisseau
dioi'que, k fleurs d’un vert glauque; un fort bej althea a fleurs dun bleu
tendre; une bourrache, non moins agreable a l’oeil, &c. Tous ces \6g6-
taux , dont le developpement est subordonn^ au terrain mobile dans lequel
ils croissent, se pressent davantage dans les vallons abritds , et quel-
quefois on a beaucoup de peine a se frayer un passage 4 travers leurs
branches enlacees. Ces voutes naturelles servent de retraite aux kanguroos,
eta quelques autres petits animaux, seuls habitans de ces bords. »
Nous n’avons trouve nulle part , soit ici , soit a la presqu’ile Peron ,
une seule production alimentaire vegetale; car « on ne peut consid^rer
comme telles , selon la judicieuse remarque de M. Gaudichaud , les noqj-
breuses aigues que la mer jette sans cesse sur les plages ; les sommitds
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LIVRE II. — Du Br£$il X Timor inclusivement. 479
chamuesdes mesembryanthemum, des salicornia; un hibiscus k feuiiles glabres,
et un lepidium dont I’esp^ce est assez muitipiiee. Neanmoins , dans une
necessity absoiue, comme ceile qui pourroit r ^suiter dun naufrage, ces
piantes seroient a-peu-pr^s les seuies dont on devroit faire usage. » Ii paroit
cependant que les sauvages mangent la gousse dune esp&ce de mimosa.
Le petit nombre de mammiferes qui habitent cette triste contree, et
beaucoup (foiseaux monies , sont evidemment forces de boire de I’eau de
mer : ia chose est incontestable pour ceux de ces premiers animaux qui
vivent sur les lies Dirck-Hatichs , Doore et Bernier , et ils ne paroissent
pas avoir d’autre moyen de se desait^rer sur ia presqu’iie P^ron et sur
Pile Faure, qui en est voisine.
Le kanguroo a bandes , ddcrit par P^ron , se trouve sur ies trois grandes
lies situ^es k i’entree de la baie ; ii y a encore sur Dirck-Hatichs une
grande esp£ce de p^ramMe , et beaucoup de kanguroos-rats , connus sous
ie nom de potoroos par ies naturaiistes.
Sur la presqu’iie , on a vu des kanguroos grisdtres de la taiiie dun gros
ii£vre , des perameies-bougainviiie , des phaiangers et des chiens sauvages.
La ciasse des oiseaux offroit vm champ moins restreint k i’activit^ de
nos chasseurs : ils tuerent beaucoup de coiombes fort belies, des Cor-
neilles , des aigies , des traquets , des piuviers , des passereaux de piusieurs
esp^ces , dont ies couieurs sont riches et varices , &c. Les rivages abondent
en mauves toutes blanches , en couriis , huitriers , chevalier? , pelicans ,
&c. &c.; et i’on voit, sur tous Ies points deia baie, quantity de pion-
geons , de petrels et de fous. M. Raiiiiard crojt avoir reconnu des cygnes
noirs dans le havre Montbazin : s’ii ne s’est pas trompy, ce fait doit £tre
city comme une singularity bien remarquabie dans un pays ou nuiie part
jusqu’ici on n’a pu d^couvrir de trace d’eau douce.
Le nid de i’aigie , ou autour a ventre bianc , observe par M. Quoy sur
file Dirck-Hatichs , etoit d'une dimension coiossaie : nous en avons dtjk
parly dans ie chapitre prycydent , et notre pianche n.° r 3 en contient
un dessin. Cook fait mention d’un nid sembiable qu’ii vit sur la cote
opposye de ia Nouveiie-Holiande, et M. Duperrey en a trouvd un aussi
dans Ie voisinage de ia pointe des Hauts-Fonds , sur la presqu’iie Pyron.
« Des poissons de piusieurs especes, et d’un gout agryabie, puiiuient
Voyage de VUranic. — Historique. P P P
Productions.
Productions
animates.
I
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4$<? VOYAGE AUTOUR DU MONDE-
Production*, sur-tout pris de file Dirck-Hatichs : iis appartiennent , pour la piupart ,
aux genres tdrodon , chdtodon , batiste , then, spare, &c.; mais ie plus
deiicat est, sans contredit , une espice de dorade rougeitre, quinevit
pas sur tous ies points de la bale , mais que nous avons pdchde en grand
nombre dans I’Est du redf de Dampier, a I’entrde de la baie, entre Dirck-
Hatichs et Tile de Doore. On trouve des raies exceiientes pamti ies
bancs, dans ies lieux ies plus abritds : quant aux squales ou chiens
marins qui ont fait donner a la baie ie nom qu’elle porte , on ies ren-
contre en fouie par-tout. » {M. Lamarche .)
Queiquefois ies tortues se montrent sur ies plages sabionneuses de
Dirck-Hatichs ; mais c’est principaiement sur celies de file Faure , et sur
Ies bancs qui i’avoisinent, qu’on peut en faire une plus ample capture ,
quand la saison est convenabie. Pr£s de file Faure aussi , M. Duperrey
a vu i’esp^ce de morse nominee dugpn.
Les baieines fourmiiient k fen tree de la baie, pendant ies mois de
juiilet , aOut et septembre.
On a deja vantd ie gout exquis des huitres de ia bale des Chiens-
Marins; Ies rochers de la cote continentaie , et ceux des lies qui gisent
plus k i'Ouest, en sont tapissls. Queiques serpens ont 6t6 vus vivant k
terre , et d’autres , de couleurs parfois tris- briiiantes , se jouoient a ia
surface des flots.
Je ne citerai id qu’un seul insecte; c’est une espece de moucheron,
tr^s-incommode, qui nous a singuiidement contraries pendant nos travaux
k I’observatoire.
S. HI
Espece humaine.
Aucune des lies de la baie qui nous occupe n’est habitee ; on ne voit
m£me, sur Ie continent voisin , qu’une population dairsem^e. Tous lea
indigenes sont de moyenne taiiie; iis ont Ies extrdmitds, sur-tout lea
jambes , fort greies , Ies dpaules peu larges , et la t&e grosse; leurs traits
sont moins dpat^s que ceux des noirs Maigaches et Mozambiques ; iis ont
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LIVRE II. — Du Brasil a Timor inclusivement. 481
la bouche grande , les dents belles ( i ) et les yeux vifs ; leur cheveiure Espece
noire et assez longue est ltfgerement crepue : iis la tournent autour de lluma,ne
leur tete com me un turban; quelques-uns se la peignent en rouge*
« La seule jeune femme que nous ayons vue avoit assez d’embonpoint;
ses cheveux Etoient partag^s en deux masses lat^rales pendant sur les
oreiiles ; sur son dos elle portoit un enfant , retenu par une corde en poil
d’animal. Quelques hommes avoient une barbe longue et pointue ; la
piupart se tatouent sur la poitrine, mais fort peu; chez plusieurs, la
peau du ventre £toit plissde au-dessous du nombril. Les individus de fun
et de l’autre sexe affectoient une nudity complete. Un des hommes , plus
ag^, et portant une longue barbe, paroissoit avoir quelque autoritd sur
les autres ; sur son front on voyoit un bandeau en peau , ou Etoient
trac^es des barres rouges, formant comme une espece de grillage; cet
homme avoit pour ceinture une corde faite aussi du poil de quelque b£te, ,
et, sur la tete, une sorte de houpe de m£me substance.
» Tous ces sauvages, les etres les plus mis^rables qui existent peut-£tre,
etoient munis de leurs armes , c’est-^-dire , de sagaies faites avec des
batons d’un bois dur, de 5 k 7 pieds de long, tallies en pointe aux deux
bouts, et de casse-tetes, dont les uns etoient des buchettes assez lourdes,
de deux pieds de long au plus , et les autres des morceaux de pareil
bois, plats, et coudes dans le milieu.
» Ils lancent leur sagaie en la prenant a poign^e de la main droite, au
tiers de sa longueur environ , et la faisant glisser sur une petite planche
ayant une entaille conique a un de ses cot<*s , qu’ils tiennent de l’autre
main, et qui sert de conducteur au projectile. » ( M . Pellion.)
« Leurs cabanes , disseminees sur les divers points de la presqu’ile que
nous avons parcourus, tantot isolees et tantot groupies au nombre de quinze
tout au plus, etoient toutes dtablies sur le haut des dunes, a 1’abri d’un monti-
cule de sable, ou simplement de quelque broussaille. Elies se composent
de plusieurs morceaux de bois natureliement cintr^s , dont une des extre-
mes repose a terre, et la seconde va se joindre au sommet avec celles du
cotd opposd , de maniere a former, par leur reunion , un demi-cercle
(,i ) Quelqu’un a cru remarquer qu’une des dents incisives superieiires manquoit a tous ces
sauvages; on nose cependant pas I’affirmer.
P PP*
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Espece
humaine.
48 a VOYAGE AUTOUR DU MONDE,
tres-irr^guiier de quatre pieds de hauteur environ. Plusieurs morceaux
de bois ajust^s de la sorte et k la suite ies uns des autres , sur un espace
de 6 k 7 pieds , forment la charpente de I’edifice , que recouvrent en-
suite des rameaux charges de feuiiies , et entrelacls dans ces divers sup-
ports ; des cabanes du m£me genre , vues par M. Duperrey pr£s de
ia pointe des Hauts-Fonds, ^toient divis^es, par une cioison, en deux
parties inlgaies : on ignore pour quels motifs. Au lieu de ces construc-
tions, ce sont parfois tout simpiement ies branches inclinlesde plusieurs
arbrisseaux tr£s-fourr<fs qui servent de demeure aux indigenes. Mais on
a peine k concevoir que ni Ies unes ni ies autres de ces cahuttes gros-
si£res puissent garantir ieurs maiheureux habitans contre Ies rigueurs
du froid , leg rayons bruians du soieii , ia violence des orages , ni m£me
contre i’invasion des piuies ordinaires.
»» En g^n^rai , nous avons vu un foyer a i’ouverture de chaque cabane;
ii y en a aussi parfois dans f int&ieur. Autour de ces foyers , on ren-
contre , soit des debris de poissons , soit des restes de crustacls , de tor-
tues , d’oiseaux m£mes , ainsi que des gousses de mimosa et des coquil-
lages , parmi iesqueis nous n’avons point vu I’huitre si dllicieuse de ces
parages. » (M. Gaudichaud.)
Ii est done certain que ia mer fournit aux habitans de ia presqu’iie P£-
ron ia base de ieur nourriture habitueiie; mais ii n’est pas moins hors de
doute quelle Ieur fournit dgalement ieur boisson ; k cet egard , i’habitude
a du rendre nuiies chez eux ies quaiites malfaisantes de I’eau de mer, si
toutefois l’usage de cette eau est rdeiiement dangereux.
s. IV.
Inscription hollandaise.
J’ai d^jk dit qu’en faisant eniever ia plaque detain iaissde sur Me Dirck-
Hatichs par d’anciens navigateurs , mon intention avoit 6t6 de soustraire
un document historique pr^cieux k une perte probable et prochaine,
et qu’A mon retour j’en avois fait la remise au cabinet des mldaiiies. de
i’Acad&nie des inscriptions et belles-lettres. M. de Pougens , fun de ses
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LIVRE II. — Du Brasil X Timor inclusivement. 483
membres les plus .distingu& , ayant eu I’obligeance de la lui presenter Inscription
en mon nom , je crois devoir transcrire ici la lettre que j’eus 1’honneur de ho,,andaise -
lui dcrire X ce sujet, le 23 mars 1821 , et dont I’Academie voulut bien
entendre la lecture.
Monsieur,
« L’expedition du capitaine Baudin , qui relacha en 1801 k la baie
» des Chiens-Marins , sur la cote occidentale de laNouvelle-Hoilande,
» trouva, sur la pointe Nord dune des lies qui gisent a 1 ’entr^e de la bai$,
» une plaque circulaire en Cain, surlaquelle Coient grossierement gravies
» deux inscriptions holiandaises. Cette plaque Coit plus qu’X moitie en-
» sevelie dans le sable , et prC des restes dun vieux poteau ou tout in-
>» diquoit quelle avoit 6 t 6 cIouC dans le principe. On crut alors devoir
» respecter ce monument , qui oflroit la preuve irrecusable de la visite ,
» sur ces bords , des premiers navigateurs hollandais. On disposa done
» un nouveau poteau , et la plaque detain , y ayant ete redou^e , fut re-
»» placee sur le point m£me ou on 1’avoit prise.
» PCon, dans la redaction qu’il a donnee du Voyage aux Terres aus-
» trales , fait mention du fait que je viens de relater , et donne la traduction
» des inscriptions dont il s’agit. Ayant eu occasion de visiter les memes
» parages , pendant le voyage autour du monde que je viens de ter-
» miner, j’ai voulu savoir si la plaque hollandaise etoit toujours au m£me
» lieu. On a eu beaucoup de peine a la retrouver : on n’ en apercevoit d’abord
>» aucune trace; le poteau Coit tout-X-fait ddtruit, et la plaque, jetee par
» le vent X quelque distance, eut Ce bientot enticement recouverte
»» par le sabl^, si je ne I’eusse fait ramasser et porter sur le vaisseau.
» Faire reclouer cette plaque sur un nouveau poteau , c’eut Cd s’ex-
» poser k la perdre tout-X-fait : pensant n^anmoins qu’il seroit intCessant
»» pour I’histoire de conserver cette espCe de mdaille, j’ai cru devoir
» I’apporter en France , et je viens vous prier, Monsieur, de vouloir bien
» l’offrir,en mon nom ,k I’AcadCnie royale des inscriptions et belles-lettres.
» J’ajouterai ici quelques reflexions qui m’ont C£ suggCCs par
»» I’examen attentif de la plaque dont il s’agit. Les deux inscriptions qui s’y
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484 ~ VOYAGE AUTOUR DU MONDE.
» trouvent, quoique de dates differentes, paroissent cependant avoir
» gravees par la m£me main. Ainsi done Willem de Viamingh aerok
* l’auteur de ces deux inscriptions. L’histoire nous apprend que ce navi-
» gateur avoit dte charge, par la Compagnie hollandaise , de faire la
» reconnoissance de la partie des c6tes de la Nouvelle-Hollande corn-
uprise entre la riviere des Cygnes et le cap Nord-Ouest de la terre
» d’Endracht. Le numero qui est au bas de la plaque pourroit faire pr£-
» sumer que Viamingh en a d^pos£ plusieurs autres du m^me genre sur
» les differens points qu’il a visitds avant d’arriver k fa baie des Chfens-
» Marins ; et ce fait est d’autant plus probable , que cette bare se trouve
» a la fin de Fespace que ce navigateur avoit 6t6 charge d’explorer.
» L’inscription relative au voyage de Viamingh semble done avoir
» toute Fauthenticitd desirable; F autre, au contraire, qui donne Fin-
»> dication du voyage du capitaine Dirck-Hatichs , n’auroit 6t6 faite que
» 80 ans environ apr£s le voyage Iui-m£me auquel elfe se rapporte. Au
» reste , cette inscription n’en est pas moins prdcieuse ; car les faits quelle
» relate, et qui paroissent avoir 6t6 parfaitement connus de Viamingh (i),
» etoient, jusque-IA, pour la plupart ignores par nous. On savoit, il est
» vrai, que les HoIIandais avoient aborde k la terre d’Endracht en 1 6 16:
» l’inscription nous apprend de plus fdpoque precise de cet dvdnement ,
» le nom du vaisseau F Endracht, qui depuis a dtd impost a la cote; le
» nom du capitaine (Dirck-Hatichs), devenu aussi celui de file sur la-
» quelle ce navigateur a mis a terre ; enfin , elle nous apprend encore
» les noms du premier pilote, par Fun desquels (Doores) on ddsigne au-
» jourd’hui une lie voisine de la prdc&lente.
» Jusqu’a ce jour, nos cartes ont <ftrangement defigur^ le nom de Dirck- ^
» Hatichs ; la plupart Font transform^ en Dirk-Hartog ,• et celles du
» Voyage de Baudin elles-m£mes, en susbtituant k ces mots ceux de Dirck-
» Hartighs, n’ont pas non plus et^ correctes. Comme r^dacteur des
» cartes de ce voyage , je paroitrois devoir £tre responsabie de cette m£-
(k) Je lis dans une traduction manuscrite du Voyage de Viamingh, que ce navigateur avoit
trouve lui-meme sur File Dirck-Hatichs une inscription gravee sur etain, qu’y avoit Iaissee le
capitaine de ce nom ; la premiere partie de Inscription de Viamingh n’est done evidemment
qu’une simple copie de celle de Dirck-Hatichs,
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LIVRE II. Du Br£sil X Timor inclusIvement. 485
» prise , si la copie des inscriptions dont il s’agit , et qui n’a point £t^ inscription
» faite par moi, eut £t£ collationn^e dune manure plus exacte. hoHandaise.
« Jai I’honneur d’etre, &c. »
L’Acad«fmie accepta cet hommage , ainsi que le constate i’extrait sui-
vant du proc^s-verbai de cette illustre society.
* Le secretaire per^etuel de i’Acad&nie certifie que ce qui suit est
• extrait dti proc&s- verbal de ia seance du vendredi 23 mars 1821.
■» M. Pougens communique tine lettre de M. le capitaine de Freycinet,
» iaquelle accompagne fhommage d’une plaque detain contenant une
» inscription hollandaise, rapportee par ce navigateur de son voyage
>» autour du monde. L’Academie decide que ia lettre de M. de Freycinet
» et i’inscription seront transcjites au proces- verbal .
Pour extrait conforme :
Le Secretaire perpe'tuel.
Signe Dacier.
Un examen un peu attentif fait reconnoitre que la plaque etoit primi-
tivement un plat detain dont on a mis la surface de niveau en abaissant
les bords. Son diam£tre est de o m , 3 65 , et les lettres ont de hauteur 1 2 mil-
limetres : toutes ont 6 t 6 frappees a l’aide de trois poin^ons seulement ,
1’un rectiligne , I’autre demi-circulaire , et le troisieme I^gerement ondute
en forme d’s.
II eut 6 t 6 incommode de faire graver dans leur grandeur originale les
inscriptions quelle porte ; je les ai , en consequence , fait reduire avec le
soin le plus scrupuleux : on en trouvera la copie exacte sur notre planche
n° 1 4 ; je les transcris ici avec de l£g£res corrections et une traduction
litt6rale.
1616. 1616.
Den 2j October, is hier aen gekomen het
schip de Eendracht van Amsterdam : de
opper koopman G tiles Miebais , van Luick ;
schipper Dirck-Hatichs , van Amsterdam.
De 27 dito, te jeil gegaan na Bantam. De
onder koopman Janstins ;de opper stuierman,
Pieter E. Doores van Bil. Anno 1616.
Le 2 j octobre , est arrive ici le navire
VEndracht, d’Amsterdam : premier mar-
chand , Gilles Miebais, de Liege ; capitaine
Dirck-Hatichs, d’Amsterdam. Le 27 du
mdme mois, il remit k ia voile pour Bantam :
sous-marchand , Janstins; premier pilote,
Pieter E. Doores van Bil. Annee 1616.
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48 6
VOYAGE AUTOUR DU MONDE.
\
Inscription
hollandaise.
1697.
Den ^.february, is hier aengekomen het
sc hip de Geelvinck , van Amsterdam : den
comander ent schipper Willem de Vlamingh ,
van Vlielandt ; adsistent Joannes Bremer ,
van Coppenhagen ; opper stuierman, Michiel
Bloem, van sticht Bremen. De hoecker de
Nyptangh : schipper Gerrit Colaart , van
Amsterdam ; adsistent Theodor is Hiermans,
vandito; opper stuierman , Gerrit Gerritsen,
van Bremen. De galjoot het Weeseltje :
gesagh hebber Cornells de Vlamingh , van
Vlielandt ; stuierman Coert Gerritsen, van
Bremen. En van hier, ge^eylt met onqe vlot,
den voort shet Zuydlandt verder te ondersoe-
cken, (n gedistineert voor Batavia.
Le 4 fevrier , est arriv4 id ie vaisseau
le Geelvinck , d’Amsterdam ; capitaine
commandant, Willem de Vlamingh, de
Vlielandt ; lieutenant, Joannes Bremer, de
Copenhague ; premier piiote, Michiei
Bloem , de ia ville Iibre de Breme. La
hourque le Nyptangh : capitaine, Gerrit
Colaart, d’Amsterdam; lieutenant, Th6o-
doris Heirmans , du mfime lieu ; premier
piiote, Gerrit Gerritsen, de Breme. La
Galiote la Weeseltje : commandant ,Come-
lis de Vlamingh; piiote, Coert Gerritsen,
de Breme. Partis <fici avec notre flotte
pour continuer h explorer les Terres aus-
traies, et en destination pour Batavia.
/
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LIVRE II. — Du Brasil X Timor inclusivement. 487
CHAPITRE XVI.
Traversee de la Nouvelle-Hollande a Timor ; sejours dans
cette He; incursion a file Ombai.
La nature des matures qui se rapportent X ce chapitre nous oblige
a le partager en plusieurs paragraphes, dont les intitules feront suffi-
samment connoitre i’objet.
S. I."
De la bale des Chiens- Marins a Coupang ; sijour dans cette colonie.
Apr£s avoir quitt£ la baie des Chiens-Marins , les cotes de la terre
d’Endracht se montrerent encore jusqu’au 28 septembre au soir; ce fut
ensuite sans un seui regret que nous vimes disparoitre tout-i-feit ces
terres inhospitalteres. Le temps le plus beau , le vent le plus favorable ,
la mer la moiqs agit^e , nous accompagnerent jusqu’X Tile Timor. Cette
traversee agreable procura a nos observateurs une multitude d’objets
nouveaux en histoire naturelle, quifurent pour eux un sujet continue!
d occupations.
Mais des distractions d’un autre genre vinrent bient6t s’offrir X nos
regards. Les lies Rottie , Douro , Dako , Noussa^ ( 1 ) , furent aperies
le 7 octobre: leur verdure agreable formoit le contraste le plus frappant
avec le sol ingrat que nous venions de quitter , et que tant de souvenirs
facheux nous retra^oient encore. L’ile Douro, sur-tout, que nous ran -
geames a petite distance, pr&entoit f aspect le plus gracieux; cette He
ne paroit compos^e que de deux monticules arrondis, recouverts dune
briilante vdg^tation.
Le 8 octobre, 4 midi, nous approchames de File Simao; en sorte que,
le soir m£me , d’assez bonne heure , nous pouvions d&ouvrir d 6 jk les
hautes montagnes de Fatoum^ et de FateI 4 ou sur Tile Timor.
(1) Voyez planche n.° i j.
Voyage de V Uranic. — Historique. Qqq
1818.
Septembfe.
Octobre.
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1 8 1 8.
Octobre.
488 VOYAGE AUTOUR DU MONDE.
Lelendemain, nous entrames dans la vaste baie de Coupang ; et a midi ,
etant rendus au mouillage , nous Iai6sfimes tomber I’ancre k petite dis-
tance du fort Concordia.
L’aspect de ces terres dev^es et fertiles sembloit nous rendre & la
vie ; nous admirions sur-tout ces amphitheatres toujours verts , au-
dessus desquels dominoient des palmiers, arbres pittoresques des contr^es
equatoriales. II faut cependant faire une reiparque ; c’est que Timor et
les lies environnantes , quoique assez bien bois^es , ne presen tent pa*
ce luxe de verdure qui se dlploie sur beaucoup (Je points par les m4mes
latitudes , et m£me sur la tres-petite ile Kira , situ^e a I’entree de la baie
deCoupang. Nous en indiquerons aiheurs la cause en parlant de la fer-
tility du sol.
Nous ne tard&mes pas k recevoir la visite d’un Anglais qui, se disant
£tre attache A l<tabiissement de Coupang , nous apprit que le gouver-
neur, ou plutot le resident hoilandais, etoit occupy a faire la guerre au
raja d’Amanoubang, qui, autrefois tributaire, combattoit aujourd’hui pour
son independence; et qu’en son absence, M. Tieiman, secretaire du
gouvernement , etoit charge de l’expedition des affaires.
Ce dernier ne vouhit point eonsentir au salut d’usage, .sous pretexte
que le resident avoit emporti les clefs de la poudriere ; mats plutot , k
ce qu’il semble , parce qu’il preferoit conserver sa poudre pour une des-
tination plus utile, ce'qui, dans les circonstances ou etoit la colonie, me
parut une sage precaution.
Le i o , apres avoir rendu k M. Tieiman la visite que nous devions au
chef de la colonie, j’aliai voir son respectable oncle, qui etoit laseule per*
sonne encore vivante de celies que j’avois particuii£rement connues dans
mes precedentes relaches a Timor. Ce vieillard parut satisfait de mon
attention ; et apres m ’avoir demande nominativement des nouvefles de
la plupart de me$ anciens compagnons de voyage , H ma parla de ceux
de ses amis qui i’avoient precede dans la tombe. Lui-m£me etoit alors
fort indispose : sa maladie paroissoit £tre une sorte de I^pre ; il avoit
le corps couvert dune multitude de taches noiratres d’un pouce k peu
pres de diametre , ce qui donnoit a sa peau basanie une apparence tigree
fort extraordinaire.
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LIVRE II. — Du Bresil a Timor inclusivement. * 489
L’&ablissement de mon observatoire et le ravitaillement du vaisseau 1818.
etant les deux choses les plus instantes dont j’eusse a m’occuper , je louai
deux maisons, tant pour mon logement et celui de mes officiers, que
pour Installation des instruinens dont nous devions faire usage. Quant
au reste r toutes les mesures furent prises pour satisfaire a nos besoins ;
mais deja, il £toit ais£ de le prevoir, I’etat de guerre dans lequel'se trou-
voit la colonie devoit rendre difficile l’achat des diverses denrees que
je demandois.
Ces dispositions preliminaires feglees, chacun de nous se livra a ses
occupations habituelles. Des que la nuit arrivoit, nous aimions k nous
feunir chez M. le secretaire Tielman : sa femme et lui mettoient tout en
oeuvre pour repandre quelque agrement sur les soirees que nous passions
pres d’eux. Ordinairement on nous servoit du the, du cafe, ou des rafrai-
chissemens ; la conversation rouloit alors sur les moeurs et les usages du
pays : de temps en temps , M me Tielman nous faisoit assiker a des concerts
executes par ses esclaves; les sons peu melodieux d’un violon et d’une
flute qui avoient la manie de ne jouer, en les defigurant , que des airs
europeens, etoient pour nous un passe-temps assez peu recreatif ; mais
nous entendions toujours avec un nouveau plaisir une petite Timorienne ..
de douze ans , assez gentille , qui pin^oit avec un gout ^tonnant une petite
harpe. La manfere de tenir son instrument excitoit aussi notre attention :
assise sur un siege peu elev£, elle couchoit la harpe presque horizonta-
lement sur ses genoux, sans que cette posture singulfere nuisit en rien au
charme de l’execution. ( Voyei pi. 19.) Parfois aussi M‘ ne Tielman jouoit
elle-meme quelques airs sur le piano ; et quoiqu’elle sen acquittat nfe-
diocrement bien , nous lui tenions sinc^rement compte de sa bonne
volonte et de son in^puisable complaisance.
C’est encore a la meme personne que je dois d’avoir appris un jeu de
combinaison qui ne ressemble a aucun des notres, mais qui est assez
piquant : il s’appelle ici tjonka , ou tchonka; on peut en voir un dessin sur
nos planches 18 et 25; plus tard j’en donnerai les regies.
Je rencontrai a ces soirees un jeune Chinois fort aimable, qui ne
manquoit pas d’une certaine instruction: il parle unpeu 1’anglais; son air
vif et spirituel confirmoit l’idee qu’on a des personnes de cette nation;
Qqq*
\
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1 8(8 .
Octobre.
4 9 o VOYAGE AUTOUR DU MONDE.
son costume, assez agr&ble, etoit absolument celui que nous voyons sur
nos eventails et nos paravens ; il occupoit ici le poste de capitaine chmois.
Quoique M. mc Tielman fut m&isse, nous aimions k voir en elle
presque une compatriote. N^e k Java, d’un p£re fran^ais , elle a 6t6 elev&
& Samarang : la iangue de son p£re lui est cependant tout-i-fait inconnue;
le holiaridais et le malais sont ceiles qui lui sont le plus fami litres ; et
quoiqu elle entende un peu i’anglais , elle ne le parle pas. Son teint est
basand , ses yeux noirs et assez beaux, sa physionomie douce et bieit-
veillante. Suivant i’usage chinois, elle porte les ongles, sur-tout celui du
petit doigt , dune longueur d^mesur^e. Son ajustement , assez bizarre aux
yeux d’un Europeen , consistoit en un long jupon noir, pliss^ dans la
longueur cotnme un surplis, avec une large camisole de mfrne couleur,
descendant jusqu’aux genoux ; ses cheveux noirs , tout-^ : fait plats autour
du visage, £toient tantot relev^s en chignon par derri&re, et d’autres fois
pendoient librement sur ses ^paules. On pourra prendre une id^e de i’en-
semble de ce costume dans la figure du milieu de notre planche i 9 .
Lorsque M. me Tielman sortoit pour rendre des visites de c£r6nonie, elle
s’habilloit a I’europ^enne , mais toujours en &offe de soie noire , quoi-
qu’elle ne fut point en deuil.
Le 13 , M. Quoy et quelques autres de nos camarades resolurent
d’aller rendre visite au raja Peters de Bacanassi , dont {’habitation dtoit
alors a trois quarts de lieue de Coupang (1) : ils partirent de tr^s-grand
matin pour £viter la forte chaleur Mais laissons k M. Quoy le
soin de rendre compte lui-m£me de cette promenade.
« Notre route se fit au milieu des bois , dit-il , et par de tr£s-petits sen-
tiers; une foule d’oiseaux qui nous £toient inconnus fixoient a chaque
instant nos regards. Nous montames et descendimes d’abord par des
routes remplies de debris de madrepores; puis, apr£s avoir traverse ia
riviere de Bacanassi , nous parvinmes a un carrefour, ou nous trouvames
les plus beaux tamariniers que nous eussions jamais vus ; k leur pied le
sol est ‘pave en pierre, et cette place sert ordinairement de lit aux na-
( i ) La capitale du royaume de Bacanassi est un peu plus Soignee du chef-lieu de Teta-
blissement hollandais; elle est indiquee sur notre carte de Timor ( pi. 15), par 21 0 12' de
longitude.
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LTVRE.II. — - Do Br£sil a Timor inclusivement. 491
turels du pays. Un peu plus loin, nous pdndtrames dans un superbe bois’
de lataniers, par un chemin qui nous conduisit k la maison de campagne
du raja.
» Sa case, situde dans une vaste cour, est construite moitie en terre on
en pierre, et moitid en feuiiles de latanier. A notre approche, le prince
se leva, et, dtant venu au-devant de nous, il nous fit asseoir devant sa
porte, sous une galerie, A la mode du pays. II dtoit entourd de plusieurs
personnes de sa suite qui lui temoignoient le plus grand respect ; ondis-
tinguoit parmi elles des guerriers d’une mine et d’une stature imposantes;
son petit-fils se tenoit A sadroite , assis sur le mdme sidge. Peters, le doyen
des rajas des environs, avoit plus de 80 ans; il a du £tre jadis un fort
bel homme. Son intention avoit etd d’abord de se montrer k nous dans
son costume d’apparat; mais, ayant souffert toute la nuit de la poitrine,
il lui avoit dtd impossible , nous dit-il , de s’habiller : ses vdtemens , en
consequence , dtoient fort simples ; iis se composoient de deux pieces de
drap assez sales qui lui couvroient les reins et les dpaules , et d’une petite
calotte de coton k jour placde sur sa tdte.
» La conversation entre nous ne fut pas tres-active. Un esclave lui
ayant apporte le betel , j’en pris occasion pour offrir a sa majestd du vin
que j’avois dans une gourde de chasse : il accepta ; et ayant fait ap-
porter un cabaret d’argent et des verres de cristal, il but un peu de vin
qu’il trouva bon , puis passa le reste k son petit-fils , jeune enfant d’une
figure vive et interessante. Nous ne fumes pas peu etonnds de voir dans
cette habitation grossi^re un tel luxe de service, et des fusils d’Europe
tr£s-bien faits et de prix.
» Une chose qui satisfit beaucoup notre hote, ce furent des images co-
loriees qu’un de nos compagnons avoit apportees avec lui. Nous crumes
d’abord qu’elles n’^toient propres tout au plus qu’a plaire au jeune enfant,
et nous les lui offrimes ; mais le vieillard se les appropria.
» Sa vaste maison , que nous visitames , est partagde en deux par une
cloison ; nous n’y vimes d’autre ouverture que la porte. Au milieu de
1’appartement etoit un foyer, et, sur l’un des cotes, un vieux meuble
pr^cieux, enti^rement dord , representant un palais chinois. Une ou deux
femmes dtoient dtendues par terre sur des nattes.
1818.
Octobre
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1 8 1 8.
Octobre.
I
4pa VOYAGE AUTOUR DU MONDE.
» Nous primes enfin congd da vieii empereur, car on lui donne aussi
ce titre , et nous regagnames la viile en chassant. »
Les chaleurs , qui depuis notre arriv^e a Coupang avoient extr tene-
ment fortes, se firent ressentir, le 1 4 octobre, avec plus d’intensitl encore
que de coutume : Ie thermom^tre en plein air, au soleii, et k i’abri de
toute reverberation, s’eievbit a-peu-prds k 4j d ; la temperature de la
mer en indiquoit elie-m£me plus de a 8 ; aussi , queique spin que nous
prissions de nous tenir a i’ombre , et detablir autour de nous , dans
I’appartement , les courans d’air les plus actifs, la temperature ne nous
paroissoit ni moins etouffante , ni moins incommode.
Cresce 1’ ardor nocivo, e sempre avvampa
> Piu mortalmeote. in queste parti e in quelle ;
A giorno reo notte piu rea succede ,
E di peggior di lei dopo lei vede ( i ) .
Gtrusalemme liberal a » cant. xm.
Des le premier instant , j’avois fait & tous mes Compagnbns de voyage
les recommandations et les injonctions les plus expresses pour les pr£-
munir contre les dangers d’un tel climat; mais , k mon grand regret, j’ap-
pris que plusieurs d’entre eux, se jouantdes plus sages conseils, avoient
affect^ de sortir souvent au milieu du jour, njaigre 1’ardeur extreme de
1’atmosphcre, et qu’ensuite ils croyoient pouvoir se prdmuhir contre les
suites funestes de cette imprudence, par des boissons abondantes ou
l’usage de fruits acides et aqueux.... fitourderie deplorable, dontun grand
nombre d’entre eux ne tard£rent pas a se repentir !
Nous savions , d£s la veille , que les Chinois de Coupang se prdpa-
roient a cdlebrer une f£te religieuse : inform^s que nous pourrions y
assister, plusieurs d’entre nous se rendirent k leur temple ; je fus du
nombre. Un peu avant Ie coucher de la lune , toutes les bougies fiirent
allumees ; puis on servit , sur des tables p laches en face des idoles , divers
mets , et entre autres des volailles et des cochons de lait, cuits, a ce qu’il
me parut t dans i’eau , et dresses avec un art dont nos cuisiniers fran^ais
(i) La chaleur devorante s’accroft de plus en plus; ses feux devastateurs portent de toute
part Tepuisement et la mort. A un jour affreux succede une nuit plus affreuse, que remplace un
jour plus sinistre encore.
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LIVRE II. — Du Brasil X Timor inclusivement. 4 p 3
approcheroienti peine. An coucher de la lune, ia cer^monie commence: 1818.
dix k douze Chinois seulement y assisterent, ainsi qu’un petit nombre de ° ctobr
natureis du pays ; mais ii n’y vint aucune femme. Nous donnerons les
details de cette ftte , dans ie paragraphe consacrl k la religion.
Le 1 5 , MM. Gaudichaud et Fabr£ , desirant faire une course de chasse
et d'herborisation aux environs de Coupang, se m|rent en route de fort
bonne heure, et se dirigirent vers le village de Namessey (1). Apr&s
avoir d£pass£ le fort Concordia, ils p£netr£rent dans un petit bois, sur
les iimites duquel se trouvoient quatre ou cinq tombeaux chinois enve-
loppls plut6t qu’ombrag^s par les rameaux de plusieurs 4 normes figuiers
multiplians.
« Un sender dtroit (c’est M. Gaudichaud qui parle) nous conduisit
bientot au bord de 1a mer, sur une gr£ve de sable fin , au milieu de la-
quelle des milliers de palmiers formoient un berceau impenetrable aux
rayons du soleil. A peine eumes-nous fait queiques pas sous ce d6fne,de
verdure , que nous distinguimes Namessey , compose dune multitude de
petites cases , k la porte desquelles les paisibles habitans etoient groupes
autqur d’un dejeuner.
» En nous dirigeant vers la cabane qui avoit le plus d’apparence,
nous vlme 6 toutes les femmes rentrer k la hate pour se derober a nos
regards.
» Craignant de paroitre importuns k cette famille , nous allions nous
retirer, quand un des hommes vint au-devant de nous pour nous inviter
a approcher. Nous trouvames Ii, assis sur des nattes, trois vieillards
qui , tout en continuant de manger leur riz cuit k I'eau et de petits
poissons , nous oflrirent des rafraichissemens que nous acceptames.
L’expression de notre reconnoissance, et queiques cadeaux que' nous
fimes, ^tablirent promptement entre nous les relations les plus amicales.
Bientot nous vimes arriver plusieurs personnes des cases voisines ; des
enfans les suivoient ; queiques vieilles femmes , pouss^es par la curiosity ,
ne tarderent pas k en faire autant; enfin cinq ou six jeunes filles, en-
hardies par l’exemple, vinrent augmenter le cercle qui se formoit autour
de nous. Une de ces demises , remarquable par la r^gularit^ de ses pto-
(*) Vojfez pi. 15, par 121° 14* de longitude.
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1 8 1 8.
Octobre.
4p4 VOYAGE AUTOUR DU MONDE,
portions et sa belle prestance, et qui, comme ses jeunes compagnes,
cherchoit 4 ^viter nos regards, attira mon attention particuliCe : je voulus
itre le premier 4 lui offrir des perles fausses , des bagues , et autres bijoux
de la m£me nature, que ses grands. yeux noirs sembloient convoiter. Sur
ces entrefaites, M. Fabrd, qui l’avoit distinguC aussi, se dlbarrassant
de la foule ou des operations mercan tiles 1’avoient engage , s’empressa
d’accourir et de lutter avec moi de generosite pour plaire k cette
Venus timorienne : ies perles les plus riches en couleurs, tout ce qu’il
avoit de plus joli parmi ses articles d’echange •, rien n’etoit assez beau
'pour parer le cou , Ies bras et Ies doigts de I’objet de notre commun
hommage...
» Le pCe, ou peut-£tre le maitre de cette charmante fille, lui dit
quelque chose a 1’oreille que nous necomprimes pas d’abord, mais qui
lui fit prendre un petit air boudeur qui I’embellissoit encore a nos yeux;
peu apres Ies m£mes mots lui furent de nouveau adressls avec un ton
plus sec et pjus impCatif, que r<£p^terent a 1’envr divers autres indi-
vidus des deux sexes : nous vimes alors la jeune fille abaisser un peu
sa pagne , et se dCouvrir ainsi davantage le sein. EHe ne rougissoit pas ,
sa couleur naturelle s’y opposoit; mais sa physionomie exprimoit dune
maniere touchante le trouble de la pudeur offensC. II Coit Evident do-
lors que l’ordre rCtCd avec tant d’insistance , n’avoit eu d’autre but
que d’exiger d’elle cette complaisance ind^cente : une nouvelle particu-
larity vint, peu de temps apres , achever de nous en convaincre.
» Quelques vieilles femmes ayant remarqu^ 1’impression agr&bleque
Ies charmes de cette jeune fille avoient produite sur nous , ne tarderent pas
a en amener d’autres ayant la gorge presque enticement decouverte , et
elles esperoient sans doute qu’yblouis a I’aspect de tant de charmes dtalds
a nos regards , nous donnerions 4 notre g^n^rosit^ un nouvel essor , et
que celles-ci obtiendroient d’aussi riches cadeaux que ceux dont nous
avions combiy leur belle compagne. Mais ce groupe de jeunes nymphes,
d’ailleurs fort gentilles , nous parut tout au plus digne de composer la
cour de la deesse qui venoit de recevoir nos oflrandes. Quoi qu’il en soit,
il ytoit aise de reconnoitre, a tout ce manage, qu’il ne tenoit qua nous
d’acquCir 4 juste prix le droit de jeter le mouchoir; et en effet, d4s que
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LIVRE II. — Du Bresil a Timor inclusivement. 4 9 5
nous eumes pris conge de cette population officieuse, le pere de notre l8l8
adorable Timorienne vint nous accoster , et , par des signes non £qui- Octobre.
voques , fit comprendre qu’il nous la livreroit si nous lui donnions un
fusil. »
La guerre que souteno.ient les HoIIandais contre le souverain d’Ama-
noubang, avoit n£cessit£, pres de Coupang, I’etablissement d’un camp
assez considerable , auquel chacun des rois allies de la Compagnie avoit
cte oblig^ d’envoyer son contingent et de venir Iui-m£me a la t£te de ses
troupes. L’un d’eux, chef du royaume de Denka, sur l’ile Rottie, etoit
de ce nombre; mais force de quitter I’armee par raison de santd, il etoit
revenu a Coupang , accompagne du raja de la petite ile Dao (i) et de
quelques-uns de leurs officiers. Le 16 , M. Tielman nous engagea a
venir faire visite a ces deux princes : nous les trouvames reunis dans une
m£me maison fort modeste , construite selon l’usage du pays.
Le raja de Denka, qui se nommoit Bao , etoit v£tu dune grande robe
d’indienne, et avoit pour marque distinctive de sa dignite une canne
de jonc a pomme d’or ; il £toit age de cinquante ans , bien fait , d’une
physionomie douce et prevenante , et paroissoit dou£ d’une tres-robuste
constitution.
Kott^, son fils ain£, en costume deguerrier, portoit deux bracelets en
cuivre , un gilet rouge , deux gros colliers en or, un sabre <fi£gant , et un
fusil double dont les canons se vissoient sur la culasse. Son second fils
Mano l’accompagnoit aussi , et ^toit un de ses ministres. Ce dernier,
dune physionomie spirituelle, repondoit avec precision aux diverses
questions que nous lui adressions par I’organe de M. Tielman; car le
maiais que l’on parle a Coupang ne lui £toit pas familier. Nous obtinmes ,
dans cette conversation, divers renseignemens int^ressans qui trouveront
leur place plus tard dans d’autres divisions de cette histoire.
Bao, dit-on, etoit dans sa jeunesse d’un caractere violent , emport^,
cruel; mais craignant que de pareils defauts ne lui fissent commettre des
injustices , il abdiqua le souverain pouvoir eh faveur d’un de ses freres.
Cependant , par la suite , les Hollandses ayant 6t6 m^contens du prince
regnant, forcerent Bao a reprendre la couronne ; et depuis lors , le peupie
(i) Voyei pi. i j, par io° 34' de latitude.
Voyage de VUranie. — Historiquc. j* j*
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1 8 ■ 8 .
Octobre.
4 p 6 VOYAGE AUTOUR DU MONDE,
qu’ii gouverne,et fes Hoilandais qui le protegent , sont trcs-satisfaits de
son administration , ainsi que de son caract^re , dont il est parvenu k se
rendre le maitre.
Nake-Tetti, raja de Dao, paroissoit avoir soixante ans; pr£s de iui
etoit son premier ministre. Nous devons au crayon de M. Arago le por-
trait de ces deux rajas ; on peut ies voir planche 1 6.
Le 1 8 octobre, pendant une partie de chasse , MM. Gaimard et Gau-
dichaud remonterent la riviere de Coupang , et , apres avoir gravi tine
montagne fort abrupte et boisee , ils arriverent pres dune beile propria
qu’on leur dit appartenir a un raja qui se trouvoit alors A la guerre (i).
Iis virent a gauche de cette habitation , des monumens qui attirerent
leur curiosity : dun cote c’etoient deux tombeaux en pierre, sur I’un des-
quels on iisoit une inscription holiandaise ; et plus loin une maison en
paiile, de forme irr^gulierement conique.
A cote de l’un des tombeaux, se trouvoit un arbre degarni de feuilles,
portant a f extremite de ses branches deux t£tes de mort privies de 1’os
maxillaire inferieur, et encore garnies d’une longue chevelure. Malgre la
difficuite de se faire entendre , ces messieurs apprirent cependant des
habitans voisins que ce tombeau etoit celui dun de leurs rajas , et que Ies
t£tes placees au sommet de l’arbre avoient appartenu 4 des prisonniers
faits a la guerre , soit par le raja Iui-m£me, soit, ce qui est plus vrai-
semblable, par quelqu’un des siens ; elles avoient et 6 mises la comme un
trophee ou un hommage rendu a. ses manes.
Quant a la maison conique , dont le toit descendoit presque a terre
( voyei pi. 29), on la qualifia de rouma pamali , maison sacr^e , maison
des morts. « Nous y p^n^trames , dit M. Gaudichaud , malgre Ies cris et
les signes multiplies de ceux des naturels qui dtoient autour de nous , et
sans qu’aucun d’eux osat en faire autant. Nous nous doutames bien que
ce devoit etre la un des lieux de leurs ceremonies religieuses , un de leurs
temples ; mais nous agimes comme si nous n’eussions cohnpris ni leurs
gestes , ni leurs cris.
» Ce cone de paiile dtoit sout^nu par des pieds diversement sculptds ,
( 1 ) C’etoit probablement la demeure du raja de Stolo, royaunie dont il sera parle plus tard.
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LIVRE II. — Du Brjesil k Timor inclusivement. 497
reprdsentant des crocodiles, des lezards, &c. Deux grandes tables rondes,
supposes par des pieux, en formoient tout 1'ameublement. »
M. Berard, charge de faire la geographic de Coupang, jugea cpmme
moi qu’une course a I’extr^mite orientale de la baie de Babao seroit ne-
cessaire a la perfection de ce travail ; je mis en consequence le grand
canot de la corvette a ses ordres , et lui fis fournir un piiote du pays pour
le diriger au milieu des hauts-fonds quil pourroit rencontrer. II partit,
le 20 octobre, accompagne de MM. Gaimard et Gaudichaud , qui de-
voient profiter de cette occasion pour augmenter leurs collections d’his-
toire naturelle , et de MM. Requin et Dubaut , adjoints benevoles de
nos observateurs. L’embarcation quitta I’Uranie k trois heures et demie
du matin , et , apres quelques stations que n&essiterent les operations
deM. Berard, elle arriva, non sans difficult^, sur une plage sablonneuse
voisine du village de Babao.
« A peu de distance du lieu de notre debarquement , raconte M. Gaimard ,
un crocodile nous parut endormi : d’abord nous le primes pour une piece
de bois ; mais 4 mesure que nous approchions , nous reconnumes par-
faitement toutes les parties de cet affreux reptile. Decides , mes coliegues
et moi, k agir de concert, nous nous avan9ames precipitamment; mais
k peine fumes -nous arrives a la distance d’une portee de fusil, que nous
vimes le monstre se mouvoir avec lenteur , et se retourner pour gagner
la mer dont il n’etoit eloigne que de quelques pieds. Nous fimes feu sur
lui , et quoique nos balles l’eussent atteint , 1’animal ne laissa pas de con-
tinuer sa retraite , et bientot il disparut tout-&-fait.
» Apres cette d^con venue , nous primes la route du village de Babao , et
fimes halte chez un Chinois, dont la femme, assez jolie, et bien moins
sauvage que les Chinoises de Coupang, nous prepara du th£ excellent.
Diverses bagatelles offertes a ces bonnes gens parurent les d&lommager
amplement de la peine que nous leur avion? donn^e. »
Quelques momens de repos ayant suffi pour Sparer leurs forces ,
M. Gaimard et quelques-uns de ses compagnons continu^rent leur route
le long de la plage, avec l’intention de pdn^trer dans I’interieur des marais ,
et de se procurer un crocodile. IIs ne tard&rent pas a en apercevoir un
dont ils estimgrent la longueur k 25 pieds , et un autre qui en avoit de
Rrr*
1818.
Octobre.
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Octohre.
4 p 8 VOYAGE AUTOUR DU MONDE,
i 5 a i 8, mais hors de la portee de leurs armes; enfin, apr£s bien des fatigues,
apr£s s’etre mis parfois dans la vase jusqu’aux hanches , iis furent obliges
de renoncer & ieur projet. « Quant a moi, dit M. Gaudichaud , je profitai
de ce temps pour herboriser, et visiter, autant qu’ii m’etoit possible, le
petit bourg de Babao. Ce lieu est entoure de canaux et de fosses qui,
communiquant avec la mer, paroissent destines a secher le pays : mal-
heureusement , par suite de quelques fausses mesures ou de travaux in-
complets, ces saignees dans les terres n’ont servi reellement qua rendre
l’humidity plus grande, a cause des inondations qui arrivent a chaque
forte maree. Pareil eflet n’auroit pas lieu , si -Ton etablissoit deux ^cluses ,
dont toute la manoeuvre consisteroit a lever I’empellement & mar£e basse,
et a le fermer a marde montante : mais ces exp^diens , malgre leur sim-
plicity , sont encore au-dessus de la conception des habitans de ces
contr^es. »
Quittant enfin Babao k huit heures du soir , nos amis furent de retour,
a minuit & bord de la corvette. Cette course est la derntere de celles
qui, ayant eu lieu a Coupang , puissent offrir quelque inter£t au lecteur;
car je n’insisterai pas sur une incursion que fit M. le docteur Quoy sui
la petite ile Kera, situee a I’entree de la baie, dans l’intention d’en
examiner les productions naturelles.
Toutes nos observations terminyes, et bien que les soins deM. Tielman
n’eussent pu ryussir ^ nous procurer l’acquisidon complete des objets de
ravitaillement qui nous ytoient necessaires , je n’en fis pas moins faire
tous les preparatifs de depart : 1’ytat sanitaire de fyquipage m’y engageoit
fortement, car dyja cinq dysenteriques ytoient sur les cadres, et il y avoit
tout lieu de redouter que les circonstances facheuses dans lesquelles nous
vivions n’augmentassent encore le nombre des malades. En consyquence ,
le 2 y octobre, apr£s avoir pris conge de la famille Tielman, nous re-
mimes sous voiles pour continuer notre navigation.
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LIVRE II. — Du Bresil a Timor inclusivement. 499
1 8 1 8.
Octobre.
s. II.
Travers ee de Coupang a Dille.
Mon intention, en quittant Coupang, etoit de prolonger rapidement
de FOuest k I'Est ia c 6 te septentrionale de Timor, d’en faire la geo-
graphic, et de me rendre, sans reiache intermediate , k File Vaigiou,
ou nous appefoit la suite de nos travaux. Mais les obstacles que ies
eourans , ies caimes et ies vents contraires vinrent opposer k notre
marche, ainsi que ie nombre toujours croissant denos maiades, m’obii-
g£rent plus tard k modifier ce plan , ainsi qu’on ie verra par ia suite.
« Cotoyant k une assez petite distance , ie 24 octobre, les rivagesde
File que nous venions de quitter, chaque pointe, en la doubiant, nous
offroit un paysage nouveau et gradueilement varie, qui, s’aflbibiissant peu
a peu, ne disparoissoit enfin que pour faire piace k un autre site plus ou
moins pittoresque , plus ou moins embeiii par ies couieurs briiiantes de
la nature.
» LA , c’est une joiie maison enfonc^e sous des miiiiers de palmiers ,
dont ies t£tes rdunies, et entreiacdes en queique sorte, forment une
voute impenetrable a Fairdeur du soleil ; ici , une chaine de montagnes
dont Ie proiongement va se confondre au loin avec ie vague de Fatmo-
sph£re ; au-deiA , une piaine plus ou moins sinueuse , bornde a I’horizon
par des montagnes couvertes de verdure, dont ies pitons gigantesques
sembient former comme de nouveiies montagnes au-dessus de la iigne
irreguliere des vapeurs : aiiieurs , ia fumee qui s’exhale dans Fair indique
les piaces ou ies natureis ont aliumd des feux ; {’imagination croit y dis-
tinguer ou Ie camp d’un raja, ou une viiie, ou un village, ou simpie-
ment une chaumiere. Queiquefois enfin , Ie terrain , quoique toujours
couvert de verdure , n’offre plus , au lieu de ce tableau riant , que des
precipices , des montagnes diversement dechirees , dont i’aspect sauvage
fatigue Foeii et glace ie coeur ; on ne cherche plus k y voir des hommes ,
ni de ces Asterina , de ces Canda , de ces Sana charmantes , qui , malgr^
ieur bdtel, ont fait battre ie coeur k plus d’un de nos compagnons.
*> Les sensations ont change avec ie tableau; eiies ne vous iaissent
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Octobre.
506 VOYAGE AUTOUR DU MONDE,
plus que des idees tristes et fatigantes : la pensee se porte avec eflroi sur
le sort des navigateurs qu’un pilote inhabile ou la temp£te pourroit faire
naufrager sur cet affreux rivage; on sembje partager les angoisses du
malheureux qui , bchappy a la fureur des vagues , pbrit sous la dent ve-
nimeuse des serpens ou du f&roce crocodile. Tout-i-coup le vent, quia
fraichi , vous fait doubler un cap ; et de m£me qu’au theatre le jeu des
machines transforme en un clin d’ceil le desert le plus aride en un jardin
fleuri , presque aussi rapidement la nature fait ici apparoitre successive-
ment a vos yeux ses plus hideuses horreurs et ses beautbs les plus ma-
gnifiques et les plus suaves. » ( M. Gaudichaud. )
De forts courans, portant k I’Ouest, nuisirent notablement a notre
route ; en sorte qu’il ne nous fut permis de doubler Goula-Batou que le
2 6. Naviguant entre cet ilot et Timor, nous pumes apercevoir, par con-
sequent, au fond d’une baie agr^able et peu profonde - , la petite ville
de Sderana, batie sur la limite des possessions hollandaises et por-
tugaises.
Le 27, nous passames devant la rade de Ldao. En cet endroit, le
rivage a un aspect enchanteur : 1& ce sont des touffes de verdure qui con-
trastent fortement avec la couleur jaunatre du sol; ailleurs, des bois de
melaleuca qui projettent autourd’eux, par la teinte blanchatre de leurs
troncs, des nuances modifiees elles-m^mes par les reflets du solefl cou-
chant. T ous ees objets , dessin^s en quelque sorte sur un fond sombre fohne
par le massif des montagnes , composoient un admirable tableau , que la
marche du navire et la nuit vinrent bientot soustraire k nos regards.
Nous distinguames , le 28, l’&ablissement portugais d’Atapoupou,
‘voisin de Batouguede, et fumes fort surpris d’y voir flotter le pavilion
hollandais ; particularity dont nous n’eumes l’explication que pendant
notre sejour a Dill^.
Le 29 vit commencer pour nous une des plus longues et des plus
deplorables series de difficult^ que nous ayons ^prouvees pendant le
voyage. Lorsque nous fumes parvenus a la partie la plus etroite du canal
d’Ombai , les courans redoublerent de violence, et les brises devinrentsi
foibles ou si contraires, qu’on peut dire avec justesse qua peine suffi-
soient-elles pour nous faire regagner lb chemin perdu pendant le calme.
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LIVRE II. — Du Bresil X Timor inclusivement. 501
A la v^rite , nous etions soumis a I’influence des marees ; mais le jusant ,
qui portoit a I’Ouest , &ant beaucoup plus fort et de plus longue dur^e
que le Hot , nous n’en pouvions tirer aucun a vantage , puisqu’il nous ^toit
impossible de mettre a I’ancre : si a cet etat de choses on ajoute que le
calme s etablissoit g^n^ralement lorsque le courant renversoit du cote
de i’Ouest , on concevra fort bien le peu de succes de nos efforts pour
nous avancer dans le sens de la route que nous voulions faire. Ces con-
trarietes furent pour nous d’autant plus insupportables , que la chaleur
etoit extreme , et que la dysenterie , maladie cruelle contract^ a Cou-
pang, faisoit a bord de plus rapides progr^s. Nous restames dans cette
situation p^nible pendant dix-neuf jours !
Le ddffaut de vent nous retenant, le 2 novembre, pres des rivages
d’Ombai , je ne pus r&ister au desir de faire visiter la paftie la plus voi-
sine de cette ile, dont l’aspect dtoit d’ailieurs fort gracieux. MM. B^rard,
Gaudichaud ,• Gaimard et Arago , charges de cette mission , partirent dans
le grand canot, aborderent heureusement au village de Bitouka ( voyei
pi. 1 5 ) , et furent de retour a bord vers les onze heures du soir. Cette
petite excursion, dont je rendrai compte dans le prochain paragraphe,
eut tout le succes que nous pouvions en attendre , et fut pour nous un
motif de distraction agreable. /
Le 3 , le navire baleinier l’ Ocean, de Londres , quittant le mouillage
de Batougu^de, d’ou il nous avoit aper^us le 28 octobre, manceuvra
pour se rapprocher de nous : son capitaine, M. Benjamin Hammat, vint
bientot k bord de I'Urariie. Occupy a faire la p£che de la baleine dans
ces parages, il en connoit fort bien les principales locality's : aussi ob-
tins - je de sa complaisance un assez grand nombre de renseignemens ,
tant sur les operations qui faisoient l’objet special de son voyage, que sur
le littoral de Timor et d’Ombai. Nous profitames de l’inaction forcee k la-
quelle nos navires furent souvent r^duits, pour nous visiter mutuellement
plusieurs fois ; notre navigation eut lieu de conserve jusque devant Dilie.
Dans les mers qui environnent les lies a epices , Timor, et cette portion
de I’Ocean qui git entre l’archipel d’Asie et les cotes de la Nouvelle-
HoIIande, dit Crawfurd (1), abonde le cachalot nomme improprement
(f) History of the Indian archipelago , by John Crawfurd, tom. III.
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Octobre.
Novembre.
Peche
de la baleine.
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Novembre.
502 VOYAGE AUTOUR DU MONDE.
baleine a sperma-ceti. Les Anglais, les Anglo-Americains et quelques ba-
timens fran^ais exploitent ce genre d Industrie , qui emploie annueliement
3 210 horn mes (1), et produit.dans cette p&iodede temps, selon le m£me
auteur, une valeur totale de 26750 000 francs [ 1 070 000 liv. sterl. ].
D’apres le recit du capitaine Hammat, 80 navires anglais sont rdgu-
lierement occupes a cette peche ; mais les Anglo-Americains n’en em-
ploient pas moins de 100, soit dans la mer des Moluques , soit dans le
grand Ocdan. C’est ordinairement aux environs de Celebes et de Timor
que le capitaine Hammat avoit coutume d’dtablir sa croistere ; il lui
falloit environ vingt mois pour completer sa cargaison , qui exigeoit la
capture de 85 k 100 cachalots. Or, si l’on admet, ce qui ne doit pas
s ecarter beaucoup de la verite , que la quantity totale des navires em-
ployes a cette p£che soit de 190 (2), et la moyenne du nombredes ba-
leines necessaires a chaque cargaison de 90 , on trouvera que 17 000
environ de ces animaux deviennent annueliement victimes de la cupidity
de Thomme!
Les plus grands cachalots que le capitaine Hammat ait pris , avoient
64 pieds fran^ais de longueur. Les cetac^s de cette dimension peuvent
fournir 100 barils d’huile et 2 4 barils d’adipocire (3). Les femelles sont
inferieures aux males pour la taille ; elles ne donnent pas au-deli de 1 8
ou 20 barils de cette derniere substance, qui, comme on sait, se trouve
dans une cavite particuliere de la t£te de 1’animal.
« L’operation de harponner la baleine , dit M. Pellion , nest pas sans
difficult^, et exige autant d’adresse que d’habitude; aussi un bon har-
ponneur est-il un homme fort recherche. II est rare qu’on frappe la
baleine de dessus le vaisseau meme ; on se transporte de preference , pour
cet objet, sur des embarcations legferes, douees dune marche superieure,
et nominees laleinieres : il y en a plusieurs sur les navires , et chacune
(1) Un tel nombre suppose de 120 a 140 navires pour un equipage moyen de 2j k 27
hommes.
(2) Ce nomt>re seroit fort , d'apres ce qui precede , si Ton ne faisoit attention que Crawfurd
-paroit n’avoir eu en vue que les navires qui font la peche dans l’archipel d’Asie.
(3) Ces barils contiennent 31 galons et demi, et le galon environ 4 pintes fran^aises* On
trouve, en calculant plus exactement, que 24 barils font 3075 pintes [2859 litres]; et 100
barils, 12 812 pintes ou 1 1 913 litres,
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LIVRE II. — Du Brasil X Timor inclusivement. 503
est arm^e de sept avirons , dont un sert de gouvernail. Deux harpons
places sur la fourche (1) , et garnis de leur ligne ; trois autres d£pos£s dans
ieurs £tuis le long du vaigrage ; une lance drqss^e aussi sur ia fourche , et
deux tenues en reserve ; une hache , un couteau , une bou^e avec son
signal, une ou deux lignes de 2 pouces 1/2 disposes dans une bailie, un
bidon et un gameiot : tels sont les instrumens dont sont munies ces sortes
d’embarcations (2).
»» Les baieinieres cherchent d’abord a prolonger l’animal de la t£te X
la queue : le harponneur est de favant du bateau , les avirons sont lev^s ,
le patron (3) est attentif. Le harponneur saisit suj la fourche le premier
harpon; il juge ia distance, commande le mouvement que le bateau
doit suivre, et, fixant l’ceil sur le point quit veut frapper (4), il lance
X 1’instant son fer avec toute la force de son bras; c’est ordinairement
aux environs de da nageoire pectorale que le harpon est dirig^. L’instant
ou ia baleine est frapp^e est fort dangereux : k peine se sent-elle piqude ,
quelle s’agite avec fureur ; et plus dune fois on i’a vue , dun coup de
son ^norme queue, lancer fort haut dans les airs et la baleiniere et les
malheureux pecheurs dont l’adresse et la promptitude n’ont ptt les
garantir de sa violence.
Malheur au nautonnier, dans ce moment funeste ,
Si Paviron Jeger n’emportoit ses canots
Loin de Forage affreux qui tourmente les flots !
Tout s’eloigne , tout fuit; la baleine expirante
Plonge , revient, surnage; et sa masse effrayante ,
Qui semble encor braver les ondes et les vents ,
D’un sang dejk glace rough les flots mouvans.
ESMENARD, pocme dc la Navigation.
» Il peut se faire , continue M. Pellion , que la baleine soit si bien
(1) Sorte de chandelier a deux branches place sur Ie cote de I’embarcation pour entreposer et
tenir a portee du harponneur les instrumens dont il doit faire usage.
(2) Le navire V Ocean, avant son depart d’Angleterre, avoit a bord cent cinquante harpons;
ceux que nous avons vus etoient triangulaires et parfaitement affiles. Une sorte de couteau, arme
d’un long manche, sert a depecer les baleines : on en embarque aussi plusieurs pour cet objet.
(3) On nomme ainsi Ie timonier de ces petites embarcations.
( 4 ) On ne harponne point le cachalot sur Ia masse enorme que forme son museau, parce que,
quoiqu’il n’y ait pas d’os, Ia peau y est si dure que Ie fer n’y penetrerait pas.
Voyage de V Uranic. — Historiquc. S S S
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Novembre.
504 VOYAGE AUTOUR DU MONDE,
touch^e, qu’elle se retourne k I’instant et reste morte sur ie coup. Quel-
quefois * n’etant que bless^e , eile nage k la surface des eaux et entraine
a sa suite la baleiriiere , k iaquelie eile est lile par la corde fixde k {’ins-
trument meurtrier : Ie p£cheur, dans ce cas, saisit promptement un se-
cond harpon et le lance comme Ie premier. Mais s’il arrive , ce qui est
Ie cas Ie plus frequent , que la baleine plonge ou sonde verticalement , il
faut alors que la ligne soit fil^e avec assez de vitesse pour que {’impulsion
donn^e par Ie c&acl ne puisse pas compromettre l’embarcation. Si cette
corde s’engageoit ( 1 ) , il faudroit qu’elle fut couple de suite ; la m£me
manoeuvre seroit indispensable, si la ligne, sortie de la goujure ou eile
doit 6e maintenir de l’avant du bateau , venoit en travers et risquoit
ainsi de Ie faire chavirer.
» Oii a presque toujours deux lignes ajustees bout k bout, formant
une longueur totale de 480 brasses; cependant , lorsqu’il arrive que ce n’est
point assez , on est oblige d’en iaisser aller Ie bout : cette circonstance
a calcuide d’avance ; la boude , gamie de son pavilion comme d’un
signal, est fix^e a I’extr^mitd de ia ligne et doit servir plus tard k la faire
retrouver.
» Lorsqu’on peut juger, par la rapidite avec Iaquelie sonde d’abord
la baleine, que Ie cas ci-dessus aura lieu, on cherche 4 la fatiguer en
ne filant (2) la corde qu’& retour (3) et de manure que 1’avant de I’em-
barcation , sur lequel passe la corde , soit quasi k fleur d’eau.
» On n’est pas moins attentif a faire rentrer la ligne lorsqu'on y re-
marque un peu de mou (4), comme aussi a I’arroser pendant qu’on la
file ; car , sans cette derniere precaution , eile pourroit prendre feu.
» La baleine, affoiblie, remonte bientot a la surface de la mer pour
respirer; et la corde ayant abraqu^e a mesure, l’embarcation se trouve
alors tout pres de l’animal. Le harponneur s’arme aussitot de sa lance,
et Ie frappant a coups redoubles au defaut de la t£te (5), ne tarde pas k
(1) S’embrouilloit.
(2) Lachant.
(3) En ne cedant qu’en partie k I’efFbrt ; en resistant de temps a autre.
( 4 ) Lorsqu’on remarque qu’elle n’est pas tendue.
(5) Selon M. Gaimard, les harponneurs, armes de Ia lance* visent toujours au coeur autant
qu’il est possible , en frappant un peu au-dessus de la nageoire pectoral e.
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LIVRE II. — - Du Brasil X Timor jnclusivement. 505
lui donner le coup mortal. Bientot on voit en effet le sang sortir de set
£vens , signe certain de sa mort prochaine : ce sang qui s’6c hnppe ainsi
du coiosse , est suivi promptement de la destruction totale de ses forces ;
il se renverse sur le flanc ; les mouvemens pr^cipites de sa nageoire
lat^raie indiquent seuls en lui un reste d’existence ; enfin , d£s qu’il a
exhale le dernier souffle , on le remorque le long du navire , sur ie cotd
duquel , par le moyen des caliornes du grand mat , on le suspend de
manure qu’il puisse £tre facilement retournd k mesure qu’on le ddpouille
de sa chair.
» Plusieurs homines , places sur des galeries extdrieures , commencent
X le depecer par zones circulaires avec leurs grands couteaux : son lard
est ainsi tailld par morceaux de forme prismatique, qu’une personne
pr^posde a cet effet pique avec une ^norme fourchette emmanchde , et
jette sur le vaisseau. On porte ces morceaux sur le cheval pour y dtre
hachds et mis ensuite dans les chaudidres; et lorsqu’ils ont rendu toute
1 'huile qu’ils contiennent, on sen sert pour alimenter le feu : les os
serverit au m£me usage. »
A mesure qu’on retire le blanc de baleine ou l’adipocire de la t£te
du cdtace , on le jette dans d’dnormes caisses en cuivre dtamd , pour etre
ensuite fondu plus k loisir , et conserve dans des vases de mdme nature
arrimes au fond du vaisseau.
Le fourneau destine k fondre ces substances pour les transformer
en huile et les clarifier , est placd sur le pont ; cette huile est ensuite
vidde , a l’aide de grandes cuillers et d’une manche en toile qui sert
de conduit , dans les barriques qu’on a disposes dans la cale pour la
recevoir.
Le fourneau particular du navire I Ocean etoit en briques et place
en arriere du mat de misaine , au tiers a-peu-prds de la distance qui ie
sdparoit du grand mat; il avoit 7 pieds 3 pouces de long (dans le sens de
la largeur du navire ) , 4 pieds 6 pouces de large et 4 pieds 1 pouce de
hauteur. Une plate-forme en bois , paralldle au pont , dont il n’dtoit separe
que par un intervalle de 8 pouces de hauteur , lui servoit de base ; ce qui
avoit permis de manager en dessous un bassin , qu’on remplissoit d’eau
toutes les fois que le feu dtoit allumd , a dessein d’isoler les parties du
sss*
1818.
Novembre.
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1 8 1 8.
Novembre.
50 6 VOYAGE AUTOUR DU MONDE,
vaisseau qui , sans cette precaution , eussent pu 6tre trop fortement chauf-
ftes. L'appareil entier , contenant deux chaudieres en potin , etoit sou-
tenu et solidement fixe sur le pont par des courbes en fer qui avoient
4 pouces d’epaisseur k leurs extremes et 8 pouces 4 1’endroit de la
courbure : la partie de ces courbes qui s’appuyoit contre ie fourneau,
avoit 3 pieds de long; la partie fixee sur Ie pont n’en avoit que 2 et 1/2.
Le fourneau , aux trois quarts et au quart de sa hauteur , etoit entoure
de deux plates-bandes en fer de 6 lignes d’dpaisseur sur 2 pouces de
large; le tout au besoin pouvoit £tre recouvert dune grande caisse en
bois propre k emp£cher l’eau de pluie de tomber dans les chaudieres.
Quant k celles-ci, chacune avoit une capacity de 130 galons anglais
ou 461 litres et 1/2. Le poids total de l’appareii s’devoit k 7 tonneaux
environ.
Aux deux extr£mit& lateral es du fourneau , se trouvoient de grands
vases prismatiques ou reservoirs en cuivre, de 3 pieds 5 pouces de
long' sur 3 pieds de large et 4 de hauteur. Ces vases , destines a rece-
voir I’huile k mesure qu’elie £toit fondue dans les chaudieres , d’ou elle
s’dcouloit naturellement par les ouvertures pratiques a cet effet, pr<f-
sentoient, au tiers superieur de leur hauteur, une esp^ce de passoire
ou s’arr^toient les parties het^rogenes et non liquides.
Quoique l’ Ocean fut r^eilement jaug^ a 243 tonneaux, Ie poids ordi-
naire de sa cargaison ne s’eievoit pas au-dela de 230.
Au rapport du capitaine Hammat , I’huile de cachalot se vendoit a
Londres , lors de son depart ( en 1 8 1 6 ) , 120 liv. sterl. [ 3 000 fr. ] le ton-
neau (1) ; sa cargaison entire a ce compte devoit valoir 27 600 liv. sterl.
[ 690 000 fr. ], somme sur laquelle 10600 liv. sterl. [265 000 fr. ]
^toien t affectes aux d^penses de 1’armement et du voyage ; 1 7 000 liv.
sterling formoient done le b^n^fice net , qui se distribuoit ensuite d’apres
les bases suivantes :
(1) Autrefois on separoit a Londres l’adipocire de l’huile extraite du lard de cachalot. La
premiere de ces denrees valoit alors I2a.ij livres sterling de plus par tonneau que I’autre, et on
les vendoit a part: mais les fabricans melant ensuite ces deux substances, les pecheurs ont trouve
plus expedient de faire Ie melange eux-memes, a leur retour, et de n’etablir qu’un seul prix
moyen du tout. C’est au moins ce qui resuite des notes que j’ai recueillies.
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LIVRE II. — Du Bresil a Timor inclusivement.
5 °7
L. stcrl.
Francs. 1818.
A 1 capitaine commandant du navire
I 2 1 4 .
30350. Novembre.
A 1 premier lieutenant ^
607.
15 > 75 -
A 1 second lieutenant ^
340.
8 j 00.
A 3 patrons d’embarcations , pour chacun , et
*
pour les trois
A 6 matelots de 1 . ,e dasse , pour chacun , et
5 lO.
12750.
pour les six
A 10 matelots de 2. e classe, pour chacun 73-j, et
00
In
19 625.
pour les dix
A 2 mousses : il ne leur revenoit aucune part sur la
cargaison ; on leur accordoit seulement les
v^temens et la nourriture.
1 133.
28 325.
Ainsi, pour z\ hommes d’equipage , il falioit
4 589.
1 14 7 * 5 -
en sorte que les armateurs n’avoient pour eux que
12 4 > i.
310 275.
somme qui , ajout£e k la prec£dente , fait r£ellement
■
I 7 OOO.
425 OOO.
A cet avantage, qui derive pour le capitaine du prix de sa cargaison,
doivent encore etre ajoutes certains profits qui ne laissent pas d’etre
considerables. II est nourri , et ses armateurs lui donnent , pour fournir
au ravitaillement du vaisseau , une certaine somme annuelle : mais il
est rare qu’il soit oblig^ de faire en argent les achats de vivres neces-
saires , soit k lui , soit a son Equipage ; il y emploie des objets d’echange
de peu de valeur. Un buffle , par exemple , qui valoit 5 piastres a Diild
lorsque nous y relachames , pouvoit £tre obtenu , sur d’autres points
moins frequentes de la cote de Timor , avec une hache d’une demi-
piastre. L’^conomie en faveur du capitaine etoit done, comme on voit,
des neuf dixiemes. Sur Tile Kisser, il avoit eu vingt moutons pour un
mechant fusil de pacotille , qu’on estimeroit peut-etre trop haut en le
portant a 25 francs.
Tels furent les details que nous recueillimes a bord du navire l’ Ocean,
pendant les mortelles journees de calme et de contrariety qui nous re-
tinrent si long-temps dans le voisinage l’un de l’autre. Nous avions alors
peu d’objets de distraction : las de voir , et presque toujours sous le
meme aspect, les rivages monotones de Tile Ombai et du cap Batou-
Lotie sur Timor, nous saisissions avec une sorte d’avidite les moindres
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1 8 1 8.
Noverabre.
508 VOYAGE AUTOUR DU MONDE.
occasions d’ajouter quelques notes , m^me imparfaites , aux pages si long-
temps arides de notre journai.
Le 1 5 , plusieurs requins pris pas nos mateiots nous donn&rent lieu
de faire de curieuses remarques sur la force muscuiaire dont sont douls
ces animaux. « J’avois bien remarque , dit M. Gaudichaud , que , long-
temps apr&s sa mort, le requin conserve une contractility machinale
trys-considyrable; mais jamais je n’aurois pensy qu’un de ces poissons ,
presque entierement suffoquy , hissd k bord, fendu de la t£te k la queue,
vidy de tous ses visc&res , et ayant perdu tout son sang , eut encore , ytant
jety k la mer une demi-heure apr£s , assez de vigueur pour nager de nou-
veau avec une vitesse capable d’en trainer deux hommes qui tenoient la
corde k laquelle on 1’avoit amarry par la gueule et les oui'es, et pour
bondir hors de I’eau ainsi que le font ordinairement les marsouins :
c’est cependant ce qui arriva.
» Peu apr£s cette premiere experience , I’hameson , qui avoit 6 t 6 remis
a la mer, prit encore un de ces mimes poissons : quoique beaucoup
plus petit, on le soumit aux mimes ypreuves, avec cette difference pour-
tan t qu’on lui coupa les deux nageoires abdominales au ras du corps.
Les phenomenes observes dans le premier se renouveierent avec peut-
Itre encore plus de force dans celui-ci.
» A ces remarques sen rattache une autre non moins inferessante ,
et qui doit dependre de la mime cause ; c’est que cette force contractile
qui fait que le requin nage et saute long-temps apres qu’il a yty privy de
toutes ses parties vitales, exerce aussi son action avec la mime ynergie
sur les muscles de la machoire , et qu’en cet ytat , sa morsure n’est pas
moins formidable que s’il possedoit encore ses facultes naturelles. Nous
en avons vu , mutilys de manure qu’on ne pouvoit leur supposer aucun
principe d’existence , saisir des paquets de cordages , et ne les lacher
qu’apres les avoir fortement endommagys. »
II y avoit deja vingt - quatre jours que nous ytions dans le canal
d’Ombai , moins occupys k faire route qua lutter contre des difficulty*
de toute esplce , dans i’attente qu’une saute de vent favorable on un
orage viendroit enfin faire cesser notre perplexite. Cet yvynement heu-
reux arriva le 1 6 novembre : une forte brise d’Ouest s’ytant ytablie k
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LIVRE II. — Du Bresil k Timor inclusivement. 5 op ,
la suite dun grain, le capitaine du navire l’ Ocean et moi nous en pro-$$* 1818.
fitames pour sortir des parages diaboliques dans iesquels nous &ions Novemore.
comme enfoumds. Bientot nous eumes double ie cap Mob^ra sur i’fle
Timor , et ia partie Sud de Cambi ; apres quoi ies codrans , venant 4
se bifurquer , nous devinrent favorables. Mais ce qui*montre 4 quel
point sont bizarres et variables les chances de la navigation , c’est qu’un
navire anglo-americain , Ie Thomas Scattergood, de PhHadelphie, entr<£
ia veiile seulement dans le canal d’Ombai , en sortit en m£me temps
que nous.
Or entra nello stretto , e passa ii corto
Varco (1).
Gerusalmme liberate , cant. XV.
Ce navire se rendoit 4 Canton et faisoit momentan&nent ainsi ia route
que nous suivions nous-m£mes.
Libres d&ormais dans nos manoeuvres , et d£barrass£s de tous Ies obs-
tacies qui nous avoient si long-temps arr£tds , nous eussions bien voulu
forcer de voiles, et Sparer, autant qu’il ^toit en notre pouvoir, le temps
que nous avions si malheureusement perdu ; mais une consideration im-
portante vint nous condamner encore , quoique voiontairement ici , a
un nouveau deiai. Nous n’avions eu 4 Coupang que peu de rafralchis-
semens pour nos malades ; et le nombre de ces derniers ayant , malgr<S
tous nos soins, beaucoup augment^, une relache etoit n^cessaire pour
nous procurer de nouvelies provisions : je choisis celle de Dilie , qui
etoit le plus dans notre voisinage, et qui pouvoit nous offrir d’ailleurs
plusieurs genres d’int&£t.
Le 17*4 midi , nou6 arrivimes devant ce chef-lieu des Itablissemens
portugais 4 Timor : je fis tirer un coup de canon pour appeler un pilote ;
ii vint assez promptement, et nous mit en mesure d’atteindre, 4 quatre
heures trois quarts , ie mouillage desird.
(1) Alors Ie vaisseau entre dans le’detroit, et en franchit Ie court intervalle.
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5io
1818. 1
Novembre.
VOYAGE AUTOUR DU MONDE.
S. hi.
Excursion sur File Ombai.
J’ai era devoir renvoyer A un paragraphs particuiier les ditails de la
petite expedition qui , apres avoir quittl I’Uranie le 2 novembre , alia
visiter le village de Bitouka , sur la c6te mlridionale de Tile Ombai :
M. Gaimard , qui , ainsi que nous i’avons dit plus haut , faisoit partie du
dltachement , lui servira ici d’interprlte.
« L’embarcation quitta le bord a onze heures du matin , dit-il , et
n’arriva a terre qua une heure dix minutes. A peine avions-nous touchl
le rivage , que , munis de nos armes et de plusieurs objets d’lchange ,
nous nous acheminames vers un groupe assez nombreux d’indiglnes tran-
quillement assis sous de grands arbres voisins de la cote. Nous leur de-
mandames a parler au raja ; aprls quelques instans d’hlsitation et une
courte conversation entre eux , ils nous adresslrent a un des plus vieux
de la troupe, nomml Sikman.
» Pour nous rendre ce chef favorable , nous lui fimes divers prlsens :
un joli collier de verre , entre autres , offert par M. Blrard , parut lui
faire grand plaisir. Ayant ainsi , k ce qu’il nous sembloit , disposl fevo-
rablement les voies , nous voulumes savoir s’il ne seroit pas possible
d’obtenir des poules en echange de quelques couteaux ; le mot ay am,
dont nous nous servimes, et qui nous avoit etl si utile A Coupang, ne fut
pas ici moins intelligible ; « sato ayam , sato pisso [ une poule pour un
couteau ] , » leur disions-nous. Mais ils nous firent comprendre qu’ils
avoient fort peu de volailles ; et bientot nous eumes occasion de nous
en convaincre par nous-mlmes (1).
» Ayant prie ces insulaires de nous indiquer le chemin qui conduisoit
a Bitouka, d’abord ils ne pararent nullement disposes k nous satisfaire;
quelques-uns mime nous donnerent k entendre qu'il falloit nous abstenir
(1) Nous savions cependant que, sur divers points de la cote de cette ile, on pouvoit se
procurer des ignames, des citrouilles, du sucre de palmier, des poules 9 des cochons, memo
quelques buffles , et*que ces derniers se payoient six couteaux.
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LIVRE II. — Du Brasil X Timor inclusivement. ~ 5 i t
cTy aller. Nous nous mimes cependant en route en avan^ant k petits Notes
pas sous l’ombre des arbres , suivis de la plupart de nos Ombayens , au sur ° mt
nombre de trente a-*peu-pr£s : tous ^toient arm^s d’arcs , de filches et
de kris ; plusieurs avoient en outre des cuirasses et des boucliers faits en
peau de buffle. Leur air &oit giierrier, et ils ne paroissoient pas beaucouj)
redouter nos armes : toutefois nous apercevions dans leur contenance
quelque chose d’incertain , propre k nous faire craindre qu’ils n’eussent
en t£te queiques projets sinistres ( 1 ).
» Les cuirasses et les boucliers qui ^toient suspendus aux branches
des arbres fixoient particulterement nos regards : nous invitames nos
Ombayens a s’en revetir ; ce que deux d’entre eux firent aussitot. L’un
vouiut bien poser pour 6tre dessin^, tandis que l’autre nous donnoit ie
spectacle dun combat simuid. Arm£ de son arc en bambou, il se mit en
devoir de lancer des Arches, et nous fit entendre, d’une manure fort
expressive, qu’il lui seroit facile d’en tirer un tres-grand nombre pendant
Ie temps necessaire pour charger seulement nos fusils ; aussi t^moignoit-il
attacher un bien plus haut prix a ses armes qu’aux notresv Ce raison -
nement avoit quelque chose de sp^cieux , et il est assez remarquable
qu’il soit venu a la pensee de peuplades sauvages ^tablies a de grandes
distances les unes des autres. Jean de Lery avoit d^ja vu les indigenes
du Brasil manifester la m£me opinion. « Voyans souvent, dit-il,
( i ) On jugera peut-etre que ces craintes n’etoient pas denuees de fondement. Voici en effet
ce qui nous a ete raconte par des gens dignes de foi. En 1 802 ou 1 803 , Ie navire la Rose , de
Philadelphie , envoya sur la partie orientale de File Ombai, une embarcation qui fut enlevee par
les habitans et I’equipage retenu prisonnier.
Dix ans plus tard, le capitaine du navire anglais VInacho etant descendu sur la meme tie
pour y acheter un buffle, mit seul pied k terre, tandis que ses matelots, armes de fusils,
restoient dans I’embarcation. Les habitans accueillirent a coups de fleches cet officier, qui
re^ut, a cette occasion, plusieurs blessures.
Mais voici qui est plus fort encore. Une fregate anglaise ayant envoye un canot sur la
partie orientale de Tile Ombai, pour faire du bois, en novembre 1817, tous les hommes de
cette embarcation furent, a la suite d’une rixe, tues et manges par les habitans. Le surlende-
main, un second detachement de matelots descendit , bien arme, pour faire la recherche de
leurs camarades; mais ils ne virent que les restes sanglans de plusieurs des victimes, et les debris
du canot, qui avoit ete fracasse. La fregate ayant relach£ queiques jours apres a DiHe , son
capitaine y fut confirme dans l’opinion qu’il avoit deja que les habitans d’Ombai etoient anthro-
pophages. Ces derniers renseignemens nous ont ete fournis par M. Ie gourverneur de DiHe
Iui-meme.
Voyage de l* Uranic. — Historique. T 1 1
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Notes
sur Orabai.
5U yOYAGE AUTOUR DU MONDE.
» qu’aucuns de nous, en leur presence , abattoyent un oyseau de dessus
» un ftrbre, qu une beste sauvage au milieu des champs, pares princi-
»» palement qu’ils ne voyoyent pas 9ortir ny en -aller la balls, csla
» esbahist bien fort les sauvages ; tant y a ndantmoins qu’ayant cogneu
» 1 ’artifice , et disans ( com me il eat vray ) qu’avec leurs arcs ils auroat
» plustot delaschl cinq ou six filches, qu’on n’aura charge et tir<$ un
» coup d’harquebuze , ils comraen^oyent de s’asseurer a i’encontre (i). >»
» D£s qu’il avoit Ianc£ une fl£che, l’Ombaysn se jetoit par terrfe, et
se couvroit de son bouclier, comrae pour se mettre 4 i’abri des coups de
son adversaire : toutes ses fleches &ant Ipuisees , il quittoit son arc et
saisissoit son kris; alors, le bouclier dune main, et cette arme redou-
table de I’autre., il s’dan^oit avec rapidite sur son ennemi , en paroissant
lui porter des coups terribies : toua ses mouvemens &oient imp^tueux et
assures ; sou oeil ^tinceloit ; en eut dit qu’il. ne respiroit que les combats
et le carnage.
» La cuirasse dont les guerriers se rev£tent se nomine boon ; elfe est
en peau de buffle : perc^e , au milieu , dim trou pour le passage de la
t£te , elle descend devant et derricre un peu au-dessous de la hauteur
des hanches , et offre ainsi l’image grossi£re d’une chasuble ; sur l’une
et l’autre face sont fixees horizontalement un assez grand nombre de
coquilles de l’esp£ce des petites porcelaines ; de plus grosses sont dispo-
sees au bas en forme de bordure ; quelquefois , au lieu de coquilles ,
ce sont des morceaux d’os ou d’ivoire failles en forme de dents. L’Om-
bayen dessine par M. Arago , etant gaucher, portoit son bouclier 4 droite
et en arrive : ce bouclier , plus long que large , avec une ^chancrure 4
sa partie superieure, £toit un morceau de peau de buffle dessechee et
ddpouillee de tous ses poils ; il se nommoit aussi boon.
» Les pointesdes fleches etoient ou en bois dur, ou en os,.ou m£me
en fer. Ces fleches , etalees en ^ventail , Etoient assujetties , au cotd gauche
du guerrier , 4 la ceinture de son sabre ou de son kris.
» La plupart des habitans portoient fixees 4 la cuisse droite et a la
ceinture une multitude de feuilles de latanier taillad^es pour laisser passer
des bandes des m£mes feuilles, teintes, soit en rouge, soit en noir. Le
( i ) Voyage au Bresil , par Jean de Lery.
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LIVRE H. — Du BaisiL X Timor inclu$ivement. $ 1 j
brulssement contimiel prodult par les motivemens de teux qui &oient w 0 ttt
accoutres de cette sihgultere partite , augment^ par le contact de la cui- sur ° mbai
rasse et du bouclief \ ie tintement des petits grelots qui sont aussi des
accessoires de letit toilette gtierttere , tout eela faisoit tin tei vacarme
que noufc ne poUVions notis emp^cher d’en rite : ioih de s’en o denser ,
nos Ombayens n’h^sitoient pas 4 stiivre notre exemple.
*» M. Arago fit devant eux qtielques tours d’escamotage qui les dton-
ntrent beaucoup. Ils nous assur&rent qti’ii n’y avoit aucun Itablissement
portugais ni hollandais dans ieur tie ( 1 ).
» Nous nous acheminames enfin directement vers le village de Bitouka,
Situl sur une hauteur : deux routes y conduisent ; lei dlhans Ombayens
nous engagirent 4 suivre la plus longue, tandis que, prenant eux-m^mes
fa plus courte , ils arriv£rent avant nous 4 leurs habitations,
» Ayant aper^u, en passant devant une de leurs eases, une vingtaine
de machoires d’hommes suspendues 4 la voute, )e tdmoignai le desir
d’en avoir quelques-unes , offrant en retour mes plus pr^cieux objets
d’^change ; mais on me r^pondit : Pamali [cela est sacr£]. II paroitroit
d^s-Iors que ces os <ftoient des trophies destines 4 perp&uer le souvenir
de victoires remport&s sur Ies ertnemis.
» Les murailles , Ies voutes et Ies planchers des cabanes d’Ombai sont
construits avec des feuiiles de vacois, de latanier, de cocotier, supportdes
par des tiges de bambou. L’endroit ou couchent leurs habitans est elevd
de plusieurs pieds au-dessus du sol , et Ton exhausse encore le lit au-
dessus de ce plancher ; dispositions que nous avions d^j4 remarqu^es
4 Babao.
» Une poule, du miel, des mangues vertes et quelques cocos, furent
les seules provisions alimentaires qu’on nous offrit. Nous dchangeames
nos couteaux , nos colliers et nos pendans d’oreiiles contre des arcs et des
fleches ; mais ii nous fut impossible de nous procurer des cuirasses et des
boucliers.
* ( 1) II est potsibie que la question qui a amene cette repOnse ait £te mal comprise; ou
peut-etre les habitans de Bitouka n’etoient-ils point parfaitement informes de I’etat des choses
sur tous les points de file qu’ils habitent. Ce qui est certain , c’est que les Portugais ont deurt
rajas d’Ombai sous leur d£pendance, ainsi que nous le verrons plus particulierement par la suite.
Ttt*
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Notes
sur Ombai.
514 VOYAGE AUTOUR. DU MONDE.
» Qri faisoit archer, , pr£s de quelques-ufiesdes cabahes , des sentences
blanches, de la grosseur d’une petite amande , ayant tin gout fort agreable.
» Nous, ne Vimes pas une seule, femme a Bitouka; il paroit que nos
guides, ne. nous avoient devanc^s que pqur ies en faireeloigner.
» Nos matelots firent de feau a une. petite riviere nominee Ira, qui est
tres-voisine du lieu ou nous avions' mis pied k terre. ,
» Les montagnes de l’ile- sont dlevdes, mais il n’y eri appoint qui .do-
minent sur. les autres d’une manure notable : leurs flancs sont frdquem-
ment sillonn^s par des ravins plus ou moins profonds. Les basses terres
voisines du rivage ont peu d’etendue , except^ du cotd de l’Est , ou leur
pente est fortement adoucie. Le sol en general paroit volcanique ; les
laves et les scories que nous avons recueillies'Ie prouvent dvidemment;
et le dessin de.la planche 32 de notre atlas, fait reconnoitre des basaltes
ranges en prismes verticaux et irr^guliers. La terre ne nous a paru nulle
part cultiv^e , quoique en plusieurs endroits la vegetation se montrat fort
active : on remarquoit sur-tout, parmi les arbres, des cocotiers, iataniers ,
cassiers, manguiers, et le melaleuca k tige Blanche, dont on extrait l’huile
essentielle de cajeput ou plutot de kayou pouti [ arbre blancj.
» Les cochons et les chiens sont les seuls mammiferes que nous ayons
aper^us. Les oiseaux, paroissent £tre les m£mes qu’& Timor : ceux qui
frapperent nos regards etoient des tourterelles grises , d’autres a calotte
purpurine, des pigeons ramiers, diffHrentes especes de corbeaux, des
oiseaux grimpeurs, &c.
» A en juger par le grand nombre de feux qu’on distinguoit la nuit ,
tant sur la cote que vers I’interieur , Tile Ombai doit £tre tres-peupl^e.
Plusieurs villages se sont dtablis k l’ombre des bois , qui v^getent avec
vigueur dans les parties les plus humides; mais un grand nombre d’autres,
a notre grande surprise, ont choisi leur emplacement sur la cr£te des
montagnes les plus ^levees, ou il n’est guere concevabie qu’il y ait de
l’eau douce : un des plus importans, nomm<£ Madama , ^toit perchd, non
loin de Bitouka, & une hauteur considerable.
» En general, les habitans sont ici d’une taille moyenne; plusieurs sonf
bien faits et fortement constitues; d’autres ont les membres greles, et
paroissent d’une complexion foible. Leur teint noir olivatre offre difie-
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LIVRE II. — Du Bresil a Timor inclusivement. 5 1 5
rentes nuances; Tangle facial, chez le plus grand nombre d’entre eux,
est moins ouvert que celui des habitans de Coupang; ils ont le nez epat£
( quelques-uns cependant font assez bien fait ) , les levres grosses , les
dents noircies et en partie detruites par Tusage du betel , la membrane
buccale d’un rouge vif; les cheveux noirs, longs, plats ou crepus, ordi-
nairement reunis en*touffe a la partie posterieure du sommet de la t£te,
a Taide d’un large ruban decorce de figuier : on en voit aussi qui ont
les cheveux coupes , et qui sont couronne's dune espece de cercle qu’ils
nomment pre'ki.
» Quelques individus avoient des cicatrices a la poitrine, aux bras et
aux tempes ; d’autres , des taches dartreuses blanchatres a la figure et a
diverses parties du corps; deux etoient borgnes, et un assez grand nombre
offroient des traces non equivoques de la petite verole.
» Le seul instrument de musique que nous ayons rencontre chez eux,
est une espece de flute en roseau, dont nous ne les avons point cependant
en tend us jouer.
» Un des naturels nous demanda si nous ^tions Anglais : il avoit visite
Timor et Maniile , et nous dit avoir rapporte de Tile Lu^on un miroir
auquel il attachoit beaucoup de prix.
» Une remarque d 6 jk faite a Coupang , et que j’ai eu occasion de re-
nouveler ici, c’est que les habitans deces contrees repetent avec beaucoup
d’exactitude et de faciiite les mots fran9ais qu’ils entendent prononcer.
» Nous ne restames a Ombai qu’ environ quatre heures : un coup de
canon tire par la corvette fut le signal convenu qui nous rappela a bord ;
nous y arrivames le soir a onze heures. Parmi les curiositcs que nous
rapportames , nous citerons un vase en poterie grossiere , dont les natu-
rels se servent pour fabriquer le sel par T^buIIition de Teau de mer, et
une arbal£te que nous vimes entre les mains d’un jeune Ombayen , pa-
reille a celles qui servent aux jeux des enfans dans plusieurs provinces
de France. »
Notes
sur Ombai
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VOYAGE AUTOUR DU MONDE.
1 8 1 8.
Novembre.
5 >*
$. iv.
Sijour A DiUi.
A peine efimes-nous mis i i ’an ere, le 17 novembre , que j’envoyai tin
de mes officiers saluer le chef de la coionie , et lui faire connoitre , avec
1’ob jet de la mission de tUranie, la nature des besoins qui motivoient
notre reldche. Les salves d’usage eurent lieu, le lendemain , en l’honneur
des pavilions de nos nations respectives ; et apr&s avoir repu nous-m&nes
un officier d’ordonnance portugais, charge de nous compiimenter sur
notre arriv^e , nous ail&mes tous en corps faire visite au gouverneur,
D. Jose Pinto Alcoforado d’Azevedo e Souza, qui nous accueiliit avec une
extreme politesse , et me promit de faire rdunir , avec toute la edi^ritf
possible, les objets de ravitailiement dont nous avions besohu
Le ip.de bonne heure, quelques observations magn^tiques eurent
lieu it terre ; plus tard je me rendis chez le gouverneur avec ceux de
mes compagnons de voyage qui , comme moi , avoient 6 t 6 invites k y
diner. Lorsque nous mimes le pied sur le rivage , notre courtois gouf
verneur nous fit saluer de six coups de canon; lui -m£me , avec une
partie de ses officiers , vint au-devant de nous , accompagnd d’lnormee
parasols que portoient des esclaves, afin que nous pussions arriver jusqu’4
sa demeure sans 6tre trop incommodes par un soiell brulant. ( Voyei
planche 30.)
Les avenues du palais Itoient d<fgamment omees de feuiliages et de
fieurs. Nous traversimes d’abord , au bruit de la musique , une grande
cour piantee d’arbres et toute entouree de jardins. La troupe 6 toit sous
les armes et formoit la haie ; le costume des soldats , dont on peut
prendre une id£e sur la planche qui vient d’etre cit6e, ne fut pas ce qui
nous parut le moins remarquable. Arrives dans le salon , nous vimes
reunies les dames les plus notables de la coionie : e’etoient les femmes
d’officiers portugais , toutes filles de rajas ou issues des grandes families
de race pure ou meiangee , et dont le teint basane l’etoit par consequent
plus ou moins. La plus jolie et la plus jeune d’entre elles, Dona Joanna,
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LIVRE II. — Du Br£sll X Timor inclusivement. 517
dont on petit voir le portrait, planche 17, etoit i’lpouse du capita6 1818.
m6r D. Francisco de Ass is Monteiro T erros Durafi , second de la colonie ,
et commandant de la province de Bellos ; elle Itoit nle k Timor. Toutes
ces dames Itoient richement vltues a la mode portugaise , c’est-i-dire,
&-peu-prls comme on s’habilloit en France il y a quarante ou cinquante
ans : leurs cheveux, descendant k plat sur le front, Itoient retroussls par
derrilre en chignon flottant , et attaches sur la tlte avec de grandes
Ipingies d’or ; elles portoient aussi au cou des chaines du mime mltaJ.
Aupres de chacune d’elies , une esclave accroupie tenoit un mouchoir
et le sac k held obligl. La plupart de ces suivantes etoient jolies , riche-
ment yltues a la timorienne , et paries de chaines et de bijoux d’or.
Toutes etoient pieds nus : mais leurs mattresses, qui probablement
suivoient le mime usage les jours ordinarres , s’ltoient chaussles ce jour-
la; et elles en paroissoient fort embarrassles. Independamment des bas ,
elles avoient des mules brodles en paillettes ou en soie de couleur.
Prlsumant sans doute que leur toilette ne devoit avoir k. nos yeux rien de
ravissant, ces dames nous dirent qu’elies avoient fait de grandes demandes
d’objets de mode k Macao, et qu’elies les attendoient d’vui instant a l’autre
avec tant d’impatience , que la vue de I’Uranie leur avoit fait battre le
coeur , pensant que ce pouvoit Itre le vaisseau desirl.
Un diner splendide , d’environ quarante couverts , nous fut servi ,
partie a la portugaise et partie a la maniere anglaise. Une grande pro-
fusion de viandes et de ragouts composa les deux premiers services ; on
y fit succlder un tres-beau dessert , qui consistoit en patisseries variles , en
confitures de Chine, en fruits superbes et excellens , entre autres les
mangues et les ananas , suplrieurs , pour la saveur et le parftun , k aucun
de ceux que j’eusse dlji manges , mime a I’lle-de-France et au Brlsil.
La vaisselle et les cristaux qui dlcoroient la table Itoient dignes du reste:
un air de grandeur regnoit par-tout ; les esclaves des deux sexes etoient
nombreux et servoient bien. On porta avec du vin de Madere les santls
des rois de France et de Portugal ; le canon fut tire a chacun de ces
toasts , et des musiciens joulrent pendant tout le repas.
Lorsqu’on eut dinl, le gouverneur, qui est aimable et fort gai, pro-
posa de danser : tout le monde paroissant gouter la proposition , nous
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1 8 1 8.
Novembre.
518 VOYAGE AUTOUR DU MONDE,
debut&mes par une angiaise; mais la chaleur etoit si intolerable, et ce
genre de danse est si actif, que nous ne pumes continuer. Plusieurs
dames alors se inirent a ex^cuter de tres-jolies danses timoriennes ; et
le gouverneur nous prouva, par un menuet dont il se tira & merveiile,
que , dans sa jeunesse , il dut £tre un fort bon danseur. Nous ne rentrames
k bord que tr£s-tard.
Le 20 novembre fut consacfe k i’embarquement des vivres que nous
avions demands : ils consistoient en trois cents volaiiies , plusieurs
buffles , six miliiers de riz , et du mais pour nourrir nos bestiaux. Nous
eompfetames aussi notre provision d’eau, qui nous fut apporfee par des
embarcations du pays. Cette eau est bonne, mais peu commode k faire,
car il faut la retirer dun puits. Nous aurions pu reprendre ce soir-Ii
m£me la mer , si le tabac pour les besoins de Equipage eut pu m’£tre
fourni assez tot ; mais il fallut attendre encore jusqu’au lendemain.
Ce retard fut cause que nous refines une nouvelle invitation a diner
de notre bon gouverneur , qui voulut absolument recevoir chez lui celles
des personnes de mon etat-major qu’il n’avoit pu femur la pfecedente
fois. Le festin ressembla beaucoup k celui dont j’ai parle plus haut, tant
pour le nombre que pour le rang des convives; du reste, nfeme profusion ,
meme elegance. En sortant de table , nous accompagnames tous le gou~
verneur , dans un beau jardin quit fait cultiver hors de la vilie : on y
remarquoit des plantations de cafe et de Cannes a sucre qui feussissent
tfes-bien. Pendant que nous etions en marche, des musiciens faisoient
entendre de temps en temps, derrfere nous, une musique un peu dis-
cordante.
Sur beaucoup de points, le terrain de Dilie est humide et nfeme mafe-
cageux ; mais les environs en sont pittoresques. Le gouverneur nous
montra , sur le penchant d’un coteau , un site charmant qu’il a choisi
pour y faire batir une maison de campagne. L’aspect g^n^ral du pays
est moins riche que celui de Rio-de-Janeiro ; mais la vegetation y paroit
fort active , malgfe la rarefe d’eau courante.
J’avois annoncif au gouverneur que j’appareillerois tres -positivement
le lendemain matin : cette resolution iparut contrarier beaucoup le capi-
ta© mor, qui comptoit ce jour-la nous recevoir chez lui; mais voyant
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LIVRE II, — Du Bresil a Timor inclusivement. 5 19
ne pouvoit me faire changer de resolution , ii voylut au moins que
nous lui promissions d’aller le soir m£me prendre le the chez lui. Nous
nous y rendimes done 4 Tissue de la promenade , accompagnes de la
societe nombreuse avec laquelle nous etions.
Le couvert etoit mis, et Ton servit bientot, non pas un the, mais
le souper le plus somptueux, ou la vaisselle d’argent et les cristaux
egaloient ce qu’on peut voir de mieux chez un riche particular en
Europe. Ii etoit huit heures ; nous avions dine k quatre : on juge bien
ce qui nous manquoit pour faire convenablement honneur k ce beau
repas. Aucun de nous ne put manger : mais des toasts devoient £tre por-
tes, et le furent un peu aux depens de la t£te dun des assistans, qui
devint d’une gaiete extraordinaire.
Le capita5 m6r et sa femme firent avec beaucoup de grace et d’afla-
bilite les honneurs de cette reunion. On dansa apres fe souper, et le
bal s’anima si bien , qu’ii etoit pr£s de minuit lorsqu’on se retira. La ma-
jeure partiedeMM. les officiers portugais nous accompagn&rent jusqu’aux
embarcations. Notre marche, edairee par un nombre considerable de
torches portees par des hommes noirs presque nus , avoit quelque chose
de pittoresque et d’imposant.
M. le gouverneur, voulant me donner une marque de souvenir,
m’oflrit deux petits gar^ons et deux petites filles esclaves, 4g£s de six
ou sept ans, nes au royaume de Failacor, dans Tinterieur de Tile Timor.
Ce seroit, disoit ii , une curiosite interessante en Europe, ou cette
race nest point encore connue. Je refusal formellement et sans h&iter ;
mais, persuade apparemment que c’&oit par pure politesse, ii fit con-
duire A mon bord ces quatre malheureuses petites creatures , que je me
hatai de renvoyer 4 terre. En exprimant au gouverneur toute T&endue
de ma gratitude, je tachai de le convaincre qu’etant, en quelque sorte,
au d^but de mon voyage, la presence sur le vaisseau de quatre enfans
aussi jeunes seroit pour moi une surcharge des plus incommodes. Quelque
bonnes que fussent mes raisons , il ne s’y rendit pas tout-4-fait : il me
faiiut, 4 moins de le desobliger s&ieusement , garder un des deux petits
gar 9 ons. Ii fut baptist 4 bord sous le nom de Joseph- Antonio. Je Tai fait
peindre 4 Paris 4 T age de quatorze ans , dans le costume m£me qu’il portoit
Voyage de VUranie. — Historique. V V V
1818.
Novembre.
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i 8 1 8.
Novembre.
520 VOYAGE AUTOUR DU MONDE,
lorsqu’il me fut amen£, et pr£s de deux ans avant sa mort, occasion-
nde par une maladie scrofuleuse. Ce portrait , qui est parfaitement res-
semblant , se trouve grav£ planche 3 1 .
Je re^us, le 22, dans la matinee, la visite dun officier charge par
le gouverneur de nous faire ses adieux et de nous souhaiter un bon
voyage. Bientot apres , le pilote arriva lui-meme; et toutes nos disposi-
tions etant faites d’avance , nous ne tardames pas A lever l’ancre : il &oit
1 1 heures 20 minutes quand nous sortimes de la baie.
Notre relache A Dille n’a pas excede cinq jours ; et quoiqu’elle ait
et^ de courte duree, elle n’en fut pas moins profitable pour nous, non-
seulement a cause des exceilentes provisions dont nous nous munimes ,
mais aussi par les renseignemens pr^cieux que nous y avons rassemblt%.
C’est ici le lieu de reunir les materiaux divers qui composent l’en-
semble de nos recherches sur Timor; mais nous croyons a propos de
dire, avant tout, un mot de son histoire, et de faire connoitre, au
moins sommairement, les principales relations qui ont existe entre ce
pays et ceux qui I’entourent : ce sera l’objet du chapitre suivant.
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L 1 VRE II. — Du Brasil X> Timor inclusivement. .5 at
CHAPITRE XVII.
. Essai historique sur l* tie Timor.
L’histoire de Timor anterieuremenf a la d&xmverte de cette ile
par les Europ^ens ,ne nous est Cv&de par aucun document authentique;
annales, monumens , traditions m£mes, tout nous manque : aussi sommes-
nous Cduits a ne parler de cette p^riode ddja ensevelie dans la nuit des
temps, qu’en nous dtayant sur un petit nombre de domCes assez vagues.
Les peuples qu’y trouverent les Europ^ens, ceux qui maintenant
I’occupent encore et semblent au premier examen en etre les indigenes,
Cunissent tous les traits caracteristiques des nations d'Asie : d’ou Ton
seroit porC a conclure que la population primitive de Tiiriorne derive
pas dune autre source.
Cependant des recherches plus suivies et plus Vendues ont fait d^cou-
vrir, dans les montagnes de file les plus centrales et les moinS frequences,
des negres a cheveux crdpus (1), de moeurs Croces, et dune intelligence
bien infe'rieure a celle du reste des habitans. Cette race singuiiere,
identique, a ce qu’il sembie, avec les papous (2) de la Nouvelle-Guinee,
les peuplades de la Nouvelle-Irlande, de la Nouvelle-CaCdonie, des
lies Andaman, &c. , et peut-£tre aussi avec celles de la Nouvelle-
HoIIande, de Tile Van-DCmen et mfme de la Terre-de-Feu,, se trouve
g^ndralement reilgule au centre des plus grandes lies de i’archipel
indien, depuis les Philippines jusqu a Sumatra et la presquile malaise.
Ces £tres degrades ont toujours vus a 1’^tat sauvagfe , et en nombre
dautant plus Cduit , que la civilisation autour d’eux avoit feit plus
de progres (3). II ne paroit pas douteux^que ce ne soient la les tristes
debris de la population vdritablement primitive de Timor. Foibles ou
trop peu nombreux, ils n’ont pu Csister k I’envahissement de nations
(1) Voyez Peron, Voyage aux Terres australes.
(2) Ce nom depapou est une corruption du mot pdpua, deriv£ Iui-m6me de pua*pua 9 ou
plutot d e poua-poua , expression par lacpieiie ies tribus basanees de l’archipel d’Asie designent
ia race entiere des negres. ( Voyez Crawfurd, History of the Indian archipelago , t. I. )
(3) Crawfurd, op. cit . t. I. ,
vvv +
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Histoire
de Timor.
r
522 VOYAGE AUTOUR DU MONDE,
plus habiles ou plus hardies qui les ont ou d&ruits tout-i-fait ou
rel^gues dans ies parties les moins accessibles. Mais i quelle Ipoque
cette migration extraordinaire a-t-elle eu lieu! C’est ce qu’on ne sau-
roit dire encore , m6me d'une maniere approximative. Sans dou|e bieri
des si£cies se sont ecouies depuis lors , puisque les documens histo-
riques les plus anciens ne disent rien qui puisse seulement en faire
soup^onner la date. Quoi qu’il en soit, ce ne seroit, comme le dit si
bien Crawfurd , que par la comparaison des iangues , des usages et des
moeurs, par i’etude des institutions singuliires, de la position gdogra-
phique et morale des difRrentes races , qu’on parviendroit k former un
jour quelque hypoth£se raisonnable sur I’origine des dif&rentes peu-
plades de l’archipel indien (1).
Maitres des differentes lies qu’ils couvrent aujourd’hui de leurs
tribus nombreuses , ces nouveaux habitans conservirent-ils des rela-
tions avec le continent auquel ils durent leur origine! II est probable
qu’il en fut d’abord ainsi , et qu’i une epoque qu’il ne nous est point
donne d’assigner, elles s’^tendirent jusqu’a. Madagascar m£me , et sans
doute aussi a plusieurs lies du grand Ocean. Ce qui est certain, c’est
que ces relations, si jamais elles existirent, furent interrompues en-
suite , et que , r&ablies plus tard , on ne les dut alors qu’i des decou-
vertes nouvelles, sugger^es par une disposition particuliire des esprits,
dont ii faut chercher la cause elle-m£me dans ies lois immuabies qui
r^gissent le monde.
On ne sauroit s’emp£cher d’admettre que ces peuplades envahissantes
ne fussent habiles dans I’art de la navigation ; mais ii n’est pas de notre
objet de passer ici en revue Ies consequences et les rapprochemens aux-
quels un si important sujet pourroit conduire : hatons-nous done de re-
venir aux traditions historiques , et particuli£rement au petit nombre de
faits qui doivent servir de preiiminaires i la decouverte de i'ile Timor
par Ies Europdens.
Tout annonce que Ies relations commercials de I’archipel d’Asie avec
la Chine et le Japon datent d’une tres-haute antiquity ; celles avec I’ln-
dostan sont plus modernes ; et Crawfurd , par des considerations inge-
(1) Crawfurd, op. cit. t. I.
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LIVRE II. — Du Bresil X Timor inclusivement. 523
nieuses , est parvenu k fixer avec assez d’exactitude fepoque a iaquelle
ce dernier pays commen^a k recevoir les produits des ties a Apices. Suivons
en peu de mots son raisonnement.
Lors du p^riple de la mer firythr^e , ou environ Tan 63 de f^re
chr^tienne , le girofle et ia muscade , qu’on ne recueille que dans far-
chipei d’Asie, nVtoient pas encore apport^s dans flnde, et par conse-
quent aucune communication n’existoit a cette epoque entre les Indous et
le pays des Apices. De fan nee 1 y 6 X fannee 180, le girofle fot import^
en figypte, et par consequent dans 1’Inde, d’ou on fexpedioit : ainsi des
relations s’etoient certainement etabiies k cette epoque, et m£me aupa-
ravant , puisque le geographe Ptoiemee , qui ecrivoit vers fan 130, cite
des noms de lieux malais et javanais, sur I’autorite des Indous. Tout
ceci conduit a cette consideration finale , que les premieres communi-
cations entre farchipel d’Asie et les contrees de l’lnde commencerent
de 1'an 63 a 180 , et probablement dans les premieres annees du second
siede de notre ere. II est tout X-Ia-fois singulier et interessant d’observer
combien ces choses s’accordent avec les r^cits que les Indous eux-m6mes
nous font de la dispersion des adorateurs de Buddha , lors de leur persecu-
tion par les brahmines , dans les premier et second siedes de notre ere.
Cette dispersion introduisit le culte de Buddha dans farchipel d’Asie ,
contribua a en civiliser les habitans, et rdpandit par-tout sur le globe
fusage jusqu’alors inconnu du girofle et de, la muscade (1).
Malgre leur pretention k des relations plus recuiees, il n’est nulle-
ment probable , ainsi que le remarque encore Crawford , que les Arabes
aient atteint les pays X dpices , ni aucune portion de farchipel indien ,
avant d’avoir ete convertis k la religion mahometane; car tout ce qu’on
trouve, dans ces ties, de relatif aux Arabes, est lie avec leur religion
actueile. Nous sommes done forces d’admettre que les navigateurs de
cette nation ne. s’avan cerent pas plus loin vers I’Est que la cote de
Malabar, jusqu’a f instant ou, enflammes du plus vif enthousiasme reli-
gieux , ils franchirent enfin le golfe du Bengale, etablirent des colonies
dans les ties indiennes, et poussdent leurs operations mercantiles jus-
qu’en Chine (2).
(1) Crawf. op . cit. t. III.
(2) Ibid.
Histoire
de Timor*
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Histoire
de Timor.
524 VOYAGE AUTOUR DU MONDE.
Le commerce de I’Arabie avec I’Orient se faisoit glneraiement par
les ports de la Mer Rouge et par ceux de I’Oc&r qui l’avoisinent ; et
Ton voit les Arabes, depuis 1204 , ou ils arriv£rent 4 Achem , jusqu’en
1 5 » ^poque de la conversion des Moluques au mahom&isme , s’y ^tabiir
en grand nombre et y developper leurs operations. II est peu douteux
que I’augmentation de ce commerce, dans les xn. e et xin. e si^cles ,
n’ait ete une consequence des croisades , qui firent que les nations de
I’ Orient et de I’Occident se connurent mieux entre eiles, agrandirent
reciproquemeut leurs idees, donn^rent aux nations de I’Ouest un gout
plus prononce pour les productions de l’Orient , et occasionn£rent par
consequent une plus grande demande de ces denies dans ies marches
de I’Arabie. Ainsi les consommateurs d’Eutope ignorerent jusqu’au
xv. e siecle (1), malgre le voyage du Venitien Marco Polo, le nom et la
situation des pays qui produisent ces denies (2) auxquelles depuis
long- temps ils attachoient un si haut prix.
Ce fut en 1 4p8 que la navigation hardie de Vasco de Gama, au-dela du
Cap de Bonne-Esperance , vint changer la face gen&ale du commerce ,
reste presque stationnaire depuis trois mille ans.
D^s-Iors les Portugais se precipit^rent a l’envi sur la route que ce
navigateur cdebre leur avoit ouverte : ce ne fut toutefols que onze ans
plus tard qu’ils atteignirent l’archipel d’Asie , et deux anndes apr£s encore
qu’ils s etablirent a Malacca , dont ils venoient de faire la conqu£te.
Albuquerque, qui y commandoit, exp^dia une escadre, sous les ordres
d’ Antonio de Abreu, pour soumettre les Moluques; mais cet officier ne
put arriver qu’a file d’Amboine.
Une tentative plus heureuse eut lieu en 1521, sous les ordres du
capitaine Garcia Henriquez, qui, a sa grande surprise, vit bientot lui-
(1) Crawf. op.cit. t. III.
(2) II paroit , d’apres Ie D. r Vincent, que ies Sabeens et ies Gerrheens, peupies qui habitoient
i’Arabie-Heureuse , furent, des ies temps ies plus recules, ies facteurs intermediates qui alioient
chercher Ies aromates et Ies autres richesses de I’Orient , pour ies vendre ensuite aux Egyptiens
et aux Ph^niciens, iesqueis ies achetoient d’eux sans s’informer d’ot eiles proveitoient origin
nairement. Voila pourquoi iesanciens attribuenta PArabie- Heureuse beaucoup de productions
de Plnde , et meme de la Chine et des Moluques ; voila aussi Porigine de cette richesse et
de ce luxe des Sabeens, dont tant d’auteurs grecs et romains font des tableaux si brillans*
( Geogr. de Ment. et Maitebrun. )
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LIVRE II. — Du Bb£sil X Timor inclusivement.
5*5
m£me arriver aux Moluques , et du cot£ de I’Est , les vaisseaux espagnols
de Magellan , qui executoient le premier voyage autour du monde.
A cette ^poque, douze ans s’^toient ^couies depuis I’arrivee des Por-
tugais dans Tarchipel indien ; et ii seroit bien extraordinaire qu’ayant
d£s 1512 abordd a Cd£bes , ils n’eussent point encore decouvert file
Timor, qui en est si peu doignde , et qui depuis long-temps devoit 6tre
fameuse(i) par 1 ’excellence du bois de sandal qu’elle produit. Quelque peu
vraisembiable que soit une telle supposition , je n’ai pu cependant trouver
la preuve positive du contraire dans les nombreux ouvrages que j’ai con-
sult^ (2). II faut done laisser l’honneur tout entier de la d^couverte a
Juan Sebastian del Cano , successeur de Magellan , qui , le 2 6 jan-
vier 1522, vint aborder a la vilie d'Amabam (3), dans le voisinage de
Batouguddd, sur la cote Nord-Ouest de Timor. Quoi qu’il en soit, une
circonstance assez importante a no ter, e’est que Pigafetta, historien de
f expedition , ne parle nullement de cette ile comme dune nouvelle
decouverte.
Del Cano resta dix-sept jours sur la cote de cette ile ; il y fut visitd
(1) Les Chinois repandus depuis tant de siecles dans cet archipel, devoient faired£ja, du
bois de sandal de Timor, un des principaux articles de leur trafic; et ce qui prouve encore
que la valeur de ce bois etoit connue comme objet d’exportation , e’est que les compagnons de
Magellan en embarquerent a Timor, qui leur fut offert par les naturels. ( Voyez la Relation de
Pigafetta. )
(2) Telssont les suivans : Histoire des decouvertes ctconquetes des Portugais, par le P. Lafiteau.
As decadas de Asia , de Joao de Barros e Diego do Couto.
Asia portuguesa , de Manoel de Faria e Souza.
Histoire des conquetes des Portugais dans les Indes orient ales , par le P. San-Domingo. Cet
ouvrage, ecrit en portugais, m*a ete communique a Timor; je le crois fort rare en Europe.
Collectiones peregrinationum in Indiam orientalem et occidentalem if c. , fratrum de Bry et
Meriani.
Conquestas de las islas Mokicas 9 por Bartolomeo Leo de Argensola.
Relation de divers voyages curieux , par Melchisedech Thevenot.
Histoire generate des voyages , par Prevost.
Lettres edifiantes.
History of the Indian archipelago , by John Crawford.
Historia general de Felipinas ifc., por el P. Fr. Juan de la Concepcion.
A chronological history of the discoveries in the South Sea , by James Burney.
Histoire des navigations aux Torres australes, par le president de Brosses.
Beschryvinge van Amboina ife,, door Franc. Valentyn.
Primo Viaggio intomo alglobo i?c», da Ant. 0 Pigafetta.
(3) Voyez planche 1 5, par 122 0 43* de longitude.
Histoire
de Timor.
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Histoire
de Timor.
52 6 VOYAGE AUTOUR DU MONDE,
par un des priricipaux chefs du royaume de Balibo , et ne put se
procurer les rafraichissemens dont il avoit besoin qu’en le retenant mo-
mentan^ment prisonnier, lui et son fils.
Nous nentrerons point ici dans le detail de la lutte qui s’engagea plus
tard entre ies Portugais et les Espagnois , relativement a ia souverainet^
des Moluques ; mais il me paroit intdressant de signaler I’epoque de la
conqudte des Philippines par ces demiers , qui , commence en 1 566 , fut
singulidrement favorisee par ies pieux efforts des missionnaires charges de
convertir Ies indigenes. On peut assurer, avec Crawfurd , que la bienveil-
lante influence de la religion chrdtienne eut, depuis la premiere pdriode
de I’autoritd des Espagnois dans ces ties jusqu ’4 nos jours , le plus puis-
sant ascendant sur la civilisation du peuple et sur sa reconciliation avec
ses conqudrans; car l’avarice avoit 6t6 jusque 14 et fut toujours depuis
le principal ressort de la politique des Europeens dans I’archipel d’Asie.
Les denrdes de ces lies, obtenues sans cesse par des moyens violens,
devinrent le point de mire des aventuriers de toutes Ies nations d’Eu-
rope , tandis que Ies indigenes resterent en proie a une longue suite de
malheurs, dont aucune portion de I’espdce humaine ne fut aussi long-
temps la victime. II est pdnible d’avouer qu’un si horrible dtat de choses
existe encore dans la plupart des lies de cet archipel (1).
Aux Philippines, les Espagnois ajouterent bientot la possession des
lies Mariannes : Manille fut fondde , et leur commerce prit un develop-
pement funeste a celui de leurs rivaux , dont ils acquirent bientot toutes
les possessions dans Ies mers de l’lnde, par la reunion des couronnes
de Portugal et d'Espagne sur la tdte de Philippe II. Cet dvdnement
porta un coup terrible 4 la prosperity des colonies portugaises ; car ,
comme le dit Lafiteau, quoiqu’elles fussent toujours administrdes par
les Portugais , cependant le ministere espagnoi fit constamment ses
efforts pour Ies ddtruire , interessd qu’il etoit a affoiblir un peuple dont
il redoutoit Ies forces et I’attachement a ses princes naturels : aussi est-ce
une espdce de prodige que le Portugal n’ait pas perdu entierement alors
le fruit de tant d’anndes de depenses et de travaux (2).
( 1 ) Crawfurd , op . cit. t. II.
( 2 ) Lafiteau , Conquers des Portugais.
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LIVRE II. — Du Bresil a Timor inclusivement. 527
En 1 578 , de nouveaux competiteurs avoient paru dans ces parages :
les Anglais, sous la conduite de Drake, vinrent toucher A Ternate ;
et la fausse politique de Philippe II ayant interdit aux HoIIandais I’entree
des ports du Portugal, oil jusqu’alors, commer9ans tributaires, ils etoient
venus acheter les epices pour les distribuer dans le Nord de 1 ’Europe ,
ils resolurent d’aller chercher ces precieuses denrees a leur source mcme,
et arriverent en force dans l’archipel d’Asie. Les avantages immenses qui
furent la consequence de ces relations directes, et la victoire qu’ils rem-
r porterent sur les Portugais pres de Bantam , leur inspirerent la pensee
d’organiser cette society fameuse qui , sous le titre de Compagtiie des
Indes , parvint bientot a un si haut degr£ de puissance. La conquete des
Moluques signala son debut ; elle devint le gage de ses brillans prcfgres,
et de la decadence rapide du commerce de ses rivaux.
Par leurs communications successives avec les nations europeennes ,
les insulaires d’Asie avoient ete tour-a-tour dupes ou victimes de l’astuce
et de l’avarice de celles-ci. Cependant les Portugais, dit Crawfurd (1),
malgre les vices et les violences de leur administration , n’avoient pas
essaye, comme le firent leurs successeurs, de regler et de limiter l’ac-
croissement d’aucun des objets les plus recherches du commerce des
Moluques , et ils devoient a cette prudente circonspection la prosperite
de leurs etablissemens. Malacca , renommee comme depot commercial
sous ses souverains naturels, n’avoit rien perdu, entre leurs mains, de
sa reputation : une correspondance active et sans entraves exista tou-
jours entre les lies indiennes , la Chine et le Japon ; mais elle cessa
sous l’influence des autres nations europeennes. Aussi, pendant la do-
mination des Portugais , qui dura a peine cent ans dans ces lies , et qui
depuis pres de deux siecles s’est entierement evanouie, ils y out laisse
plus de monumens de leurs arts , de leur langage , que ne font fait
les HoIIandais , leurs successeurs , dont l’administration , qui subsiste
encore, embrasse une periode de temps deux fois plus considerable.
Malheureusement pour les Portugais, les cruautes et les vexations de
tout genre dont ils accabloient les habitans, les avoient rendus odieux,
et leurs competiteurs furent accueillis par ces derniers avec empresse-
( i ) Crawf. op. cit. t. II L
Voyage de VUranie . — His tori que. XXX
Histoire
de Timor.
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Histoice
de Timor.
518 VOYAGE AUTOUR DU MONDE,
ment. A peine les Hoilandais et les Anglais commenc£rent-iIs a se mon-
trer dans les Indes avec ie simple caract£re de commersans, et quoiqu’ils
commissent de temps a autre quelques actes de piraterie , que les naturels
coururent au-devant deux, et.Ieur offrirent ieurs denies.
Mais , apr£s un petit nombre d’ann^es , et aussitot que les nouveaux
venus eurent supplante leurs devanciers, ils ddpouill£rent cette feinte
moderation qu’ils avoient affichee , et entr^rent eux m£mes dans un sys-
teme d’exactions et de mesures vexatoires qui continua toujours k mar-
quer les progr^s de leur puissance (i).
La situation politique et commerciaie de Timor, anierieurement a
cette lutte, ne nous est qu’i mparfai tern ent connue (i ) : on sait cependant
que Cette lie £toit depuis long-temps exploitde par lesPortugais, qui dejd,
en i 52,5 , en retiroient une assez grande quantity de bois de sandal, et
qui latinrent toujours depuis sous leur d^pendance. Toutefois le chef- lieu
du gouvernement colonial n’dtoit pas k Timor, mais sur file Fioris, dont
celle de Solor dependoit. Lorsque, au commencement du xvu. e siecle,
les Hoilandais cherch^rent a s’emparer des Itablissemens du Portugal , la
colonie de Solor ne fut point oubiiee, et Valentyn (3) nous fournit a
cet egard quelques details , dont nous alions reproduire la substance.
Une division de batimens de guerre, aux ordres du capitaine Apo-
lonius Schot , parut , le 1 7 janvier 1613, devant le fort portugais de
Fioris (4), le bombarda, ruina une batterie, et mit ie feu k une partie
des maisons de la ville. Sur ces entrefaites , les assiegds envoy^rent 4
(1) Crawf. op. cit. t. III.
(2) On m'a assure, pendant mon sejour a Dille, qu’Ambeno etoit un des premiers royaumes de
Timor ou les Portugais eussent penetre , lorsqu’ils en commencerent la conquete spirituelle.
( Voy. pi. 15, par 122 0 j'de Iongit. )
(3) Valentyn, Beschryvinge van Amboina ifc.
(4) II y a ici une grande confusion de noms dans I’auteur qui nous fournit ces details.
Solor est par Iui sans cesse confondu avec Fioris, ile que i’on appeloit aussi alors la Grande -
Solor , pour la distinguer de Solor proprement dite, ou, comme on di$oit a cette epoque,
de la Vieille-Solor. J’ai eu beaucoup de peine a comprendre sous ce rapport la relation de
Valentyn, et je n’ai pu m’y reconnoitre, a quelques egards, que parce quil cite Larentouka
au tiombre des places capturees a Solor, tandis que nous savons parfaitement , par Ie recit du
capitaine Dampier, que la ville de Larentouka appartient a Tile Fioris, qui est la meme chose
qu’Ende. ( Voyez a Voyage to New-Holland, &c., in the year 1699, by capt. William Dampier,
t.III, part. 2.)
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LIVRE II. — Du Brasil X Timor inclusivement. 529
Timor, pour prevenir du peril oil ils se trouvoient, et .d'emander du Histoire
secours; mais ies croisi£res ennemies en emp£cherent i’arrivee ; en sorte e T,m01
qu’apris une vigoureuse resistance, et voyant que Ies HoIIandais avoient
re^u un nouveau renfort de vaisseaux , le fort portugais fut oblige de se
rendre, ie 20 avril.
Maitre, par cette victoire , de la partie portugaise de Floris et de i’ile
Soior qui I’avoisine , ie capitaine Schot alia sur la cote de Timor. Le
1 4 juin, il aborda a la ville de Mena (1) , appartenant a I’un des plus
puissans rois du pays : la, il chargea son vaisseau de bois de sandal ; et
ayant fait des traites avec plusieurs rois de Tile , il obtint la permission de
batir un fort a Mena et un autre k Coupang , ou il laissa a son depart une
suffisante quantite de soldats. En 1616 , Ies HoIIandais jugerent a propos
d’abandonner Ies places qu’ils occupoient k Floris et a Timor; ce ne
fut que trois ans apres , que , s’etant ravises , ils y envoyerent de nou-
veau quelques personnes pour y diriger Ies affaires de leur commerce.
Le HoIIandais Johan d’Hornay rempiissait, en 1627, Ies fonctions de
gouverneur a Soior ; mais on parvint a ddcouvrir que , par suite d’intel-
ligences dont on ne fait pas connoitre Ia*source, il etoit resolu X livrer aux
Portugais Ie fort qu’il commandoit. Des mesures avoient ete prises pour
I’arreter, lorsque, prevenu a temps, il se sauva chez ceux par qui on
I’accusoit de s’etre iaissd: corrompre , et qui l’accueillirent parfaitement
bien : son fils Antonio d’Hornay fiit, peu de temps apres, nomm£ comman-
dant de Larentouka, chef-lieu de leurs etablissemens k Floris et de tout
Ie territoire qu’ils poss&loient a Timor. Plus tard m£me , la maison
d’Hornay devint souveraine d’un royaume de cette ile.
Les choses resterent en cet 6tat jusqu’en 1640, £poque oil Jes Portugais
semblerent reprendre quelque avantage dans Ies Indes , par 1 ’avenement du
due de Bragance au trone de Portugal , qui amena la separation naturelle
des colonies portugaises et espagnoles : mais cette lueur dura peu.
Dans cette meme ann^e, Ies habitans de Macassar se revolt&rent’contre
ies Portugais, quietoientles maitres de cette place. Leroi de Tolo, nomme
Karrilikio, de la secte de Mafade (2), vassal des Portugais, mais leur
(1) Voyez pi. 15, par 122 0 21' de longitude.
(2) Je n’ai pu savoir prlcisement ce qu il falloit entendre par cette secte de Mafade, dont -
XXX*
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Histoire
de Timor.
530 VO AGE AUTOUR DU MONDE,
ennemi jure,.se trouvoit a cette epoque dans Macassar. Ii se mit a la
t£te des revoltes, rassembla une escadre de cent cinquante navires , por-
tant six k sept mille hommes de troupes, et fit voile pour Larentouka.
II y arriva vers la fin du mois de janvier. Le capita5 mor Francisco
Fernandez, qui y commandoit , surpris par une invasion si subite, n’eut
que le temps de se sauver dans les montagnes , avec sa petite troupe.
Karrilikio debarqua done sans resistance, brula l’^glise et ravagea tout
le pays. Mais les Portugais ne purent voir ces exc£s sacrileges sans que
I’amour de la religion ne leur donnat le courage du d&espoir : aussi ,
quoique en nombre tres - inferieur , ils oserent attaquer I’ennemi, et,
apres un combat terrible, le forcerent a se rembarquer precipitamment.
Karrilikio passa aiors a Timor, ou dix ans auparavant les Portugais de'ja
avoient commence a p richer I’Evangile ( 1 ) : ii voulut soulever les Timo-
riens contre les Portugais, et les engager a i’accompagner a Larentouka;
mais ii ne put en venir a bout. Enfin , apres trois mois de ravages et de
rapines , durant lesquels ii fo^oit ceux qu ii soumettoit k embrasser sa
religion , ii retourna a Macassar , en annon^ant aux Timoriens qu’ii ne
tarderoit pas a revenir avec de* forces plus considerables : la mort le
surprit au milieu de ses projets.
Des qu’on sut a Floris que Karrilikio avoit quitte Timor, le P. Fran-
cisco Antonio de San-Jacintho se d^cida a y aller, pour consoler les
malheureux Timoriens, et continuer k les instruire dans la religion chre-
tienne. II partit done de Larentouka, emmenant avec lui deux autres re-
ligieux et soixante-dix soldats, et alia debarquer k Mena, qu’ii trouva
ravage. Le roi etoit mort , et sa femme, devenue tutrice de son fils en bas
age , etoit k la tete du gouvemement , avec le titre de reine. L’invasion de
parle San-Domingo (Toil j’ai tire ces details; j’imagine que c’est une secte indiennede Fis-
Iamisme.
II est tres-probable que, long-temps avant cette invasion de Karrilikio, les Malais s’etoient
etablis sur divers points des cotes de Timor, et que la religion musulmane meme y avoit
penetre par cette voie, des le commencement peut-etre du xv. e siecle. Je crois aussi que
Farrivee des Malais ou des Macassarais a Timor est anterieure a Tintroduction de Tisla-
misme, cest-a-dire qu’elle peut Tavoir precedee au raoins de deux siecles.
( 1 ) En 1630, des religieux dominicains, partis de Larentouka, vinrent a Timor pour y
precher Tevangile. Le roi de Silaban , ville situee entre Atapoupou et Batouguede , fut le
premier prince timorien qui se fit baptisgr.
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LIVRE II. : — Du Bresil X Timor inclusivement. 5 3 1
Karrilikio i'avoit obligee a se retirer dans une partie de son royaume Histoire
• situ^e k douze lieues dans les terres : ellesytrouvoitencorealors.LeP.de ^ iM or
SanrJacintho , s’^tant rendu aupres d’elle, en fut tr&s-bien accueilli. II
ramena la reine au port de M^na, et par ses soins gagna tellement son
amitil, qu’il obtint, en it>4i , de catdchiser et de lui administrer
solennellement le bapt£me. Le peuple suivit I’exemple de sa souveraine.
Le royaume de L<£fao &oit alors gouvernd par un beau-frere de cette
princesse : le raja d’Amanoubang et lui demanderent a £tre baptises
par le P. de San- Jacintho , et l’obtinrent dgalement. Pour satisfaire aux
nouveaux besoins que faisoit naitre cet accroissement de la foi catho-
lique, plusieurs eglises furent constitutes, tant aupres de la cote que
dans l'intdrieur du pays.
Le religieux Luiz de Paixa6, qui se trouvoit X Floris ( 1 ), ayant eu
connoissance des progres de ses confreres a Timor, rdsolut de par-
tager leurs travaux; et poussd par un zele ^vangdique, il se rendit seul
X Coupang, se m&Ia parmi les naturels, et, en cherchant a les instruire ,
il fut assassin^. L’ann^e suivante, Francisco Antonio de San - Domingo
d^barqua X Coupang, s’y £tablit avec quelques Portugais, et gagna
tellement Tesprit des naturels par ses manures douces et insinuantes,
que, peu apres son arriv^e , le raja de Coupang se fit baptiser, ainsi que
la plus grande partie de son peuple. Ces rapides changemens firent
donner a Timor le nom d’ile de Santa- Cruz , que les Portugais lui con-
serverent long-temps.
Cependant le roi de Vdale, l’un des principaux souverains de file,
avoit.dt^ gagn£ par Karrilikio a la secte de Mafade. Enthousiaste de sa
nouvelle croyance, il voulut l’imposer aux nombreux rajas de son voisi-
nage, qui s’dtoient faits chr&iens; et comptant chaque jour sur le retour
de Karrilikio, dont il ignoroit la mort, il se mit en campagne, sans
s’inquieter des Portugais. Dans cette perplexite, les rajas chretiens eurent
, recours k leurs allies , qui firent venir des renforts de Larentouka. Quatre
embarcations, dont deux armies aux frais des religieux, une a ceux du
capita6 m6r Francisco Fernandez, et 1’autre & ceuxdu peuple, partirent
( i ) San-Domingo, op, ciu
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Histoire
de Timor.
5*2 VOYAGE AUTOUR DU MONDE,
avec quatre-vingt-dix soidats et plusieurs religieux, ie 26 mai 1641 , et
se rendirent a la rade de Mdna , ou la reine ies attendoit. Marchant de
li contre le roi de Vdaid, sums d’un grand nombre d’habitans , ils ie
rencontr^rent pr£s dune riviere , sur les confins de son royaume , et ie
defirent complement. La consequence immediate de cette batailie fut la
conversion au christianisme de quantity de rajas et de natureis du pays.
La prise de Malacca par ies Hoiiandais eut lieu fannde suivante , et
vint porter un coup mortei a la puissance portugaise dans l’lnde; mais
elie fut cause aussi que ces derniers s’occuperent plus sdrieusement que
jamais de fafiermissement de leur puissance a Timor et k Floris.
Excites par ces progres de leurs rivaux, les Hoiiandais reprirent avec
une nouvelle ardeur ies tentatives d’dtablissement qu’ils avoient ddja
faites dans ces lies. En 1 644 > ils cherch£rent a s’emparer de Coupang;
mais , apres un combat long et opiniatre , ils furent obliges de se redrer,
quoique favorises par un raja puissant des environs. Une seconde attaque
eut lieu, la m£me annee, sans plus de succ£s, par treize cents Hoiiandais,
suivis dune troupe innombrable de gens de nations etrangcres.
Croyant sans doute obtenir de plus grands avantages en attaquant
fennemi sur un autre point, Ies Hoiiandais envoy^rent (1) le general
Arnold de Vlamingh van Outshoom faire un ddbarquement dans la baie
de Coupang , avec une force imposante dEuropeens et de troupes
indiennes. Ayant mis pied 4 terre avec son armee, le 27 janvier 1656,
il se dirigea vers le village dAmarassi , ou etoient campds ies Portugais
et leurs allies, sous ies ordres d’ Antonio d’Hornay.
Contrarie par la mauvaise saison, et nayant d’ailleurs qu’une-copnois-
sance tres-imparfaite des localites, Vlamingh fut battu dans plusieurs
rencontres , qui lui cout^rent cent soixante-dix soidats europdens ; enfin ,
n’esperant plus aucun succes, ii quitta file, et se retira a fdtabiissement
de Solor. L’intention dabord avoit 6 t 6 de ddtruire Ie fort de Coupang;
on jugea preferable par la suite de faire de cette place un des chefs~
lieux du commerce des Hoiiandais , et la regence de Batavia prit des
mesures en consequence. T outefbis , ce ne fut que plusieurs annees apres
que ceux-ci purent s’en dire les tranquiiles possesseurs.
( 1) Valentyn y ap. cit.
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LIVRE II. — Du Brasil X Timor inclusivement. 533
Persuades que de la destruction de Lai%ntouka ( 1 ) dlpendoit. celle des Histoire
etablissemens portugais X Timor, dont cette vilie Itoit comme (’arsenal, de T ‘ m0T
les Hoilandais envoyerent , en 1 660 , une escadre de vingt-six voiles a
Floris ; mais ils ne purent s’en emparer , quoiqu’ils eussent conserve eux-
mlmes un centre de leurs operations et de (eur commerce k Solor.
Plus tard , une transaction mit fin aux rivalitls qui avoient si long-
temps desuni les deux nations; on convint que chacune d’elles gar-
deroit la souverainetl des pays ou elles s’ltoient etablies. Les Hoilan-
dais, tout en conservant Coupang, s’engagerent a fournir tous les ans
deux chaloupes armies , aux ordres du gouverneur portugais : l’une , pour
transporter les impots qu’il percevoit X Timor; l’autre, pour defend re
les c6tes de cette ile contre les dipredations que les gens de Macassar
avoient coutume d’y commettre. Mais ces conditions ne furent pas exac-
tement observees : profitant de la foiblesse de leurs rivaux, et intlresses
d’aiileurs a diminuer une puissance qui leur Itoit odieuse , les Hoilandais
employment ces chaloupes, contre i’esprit du traite, k obtenir une
preponderance plus marqule a Timor. Ils bdtirent un fort a Moblra (2),
dans la partie portugaise de file; et quoiqu’il ait Ite dlmoli ensuite,
ils y conservlrent long-temps encore un comptoir utile a leur commerce.
Depuis l’epoque ou les arrangemens dont il vient d’etre question
eurent lieu , le silge du gouvernement portugais de Timor fut fixl A
Lefao : cette vilie devint aussi la residence de i’lvlque , qui , dans des
temps plus prospires , avoit demeurl a Malacca.
Pendant ces guerres de deux peuples qui se disputoient la possession
d’un pays dont ils n’etoient pas encore les maitres, et jusqu’au com-
mencement du dix-huitilme silcle, les rajas de Timor, dans la partie du
moins que frlquentoient les Portugais , furent plutot consideres comml
allies que comme vassaux des Europlens. Les uns , depuis un temps
immemorial, reconnoissoient pour chef supreme le roi de Louka (3) , de
la maison la plus ancienne de Timor, et demeurant dans la partie orien-
( 1 ) San-Domingo , op. cit.
(2) Voye^pL 1 5, par 122 0 56' de longitude.
(3) Ces details sont tires d’un manuscrit portugais ecrit par un ancien gouverneur de Timor,
et que M. A. Balbi a eu la complaisance de me communiquer.
/
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Histoire
de Timor.
534 VOYAGE AUTOUR DU MONDE,
tale de letat ou province de Belfos ( i ) ; les autres etoient soumis au roi de
Veale , d’origine etrangere , etayant sa residence dans la partie oppos^e
de Tile (2). Plusieurs de ces souverains payoient cependant aux Portugais
des droits sur les denies de consommation , et de foibles taxes sur l’entr^e
et la sortie des marchandises ; sommes qul fournissoient a i’entretien et
aux depenses de la colonie. En cas de guerre , un contingent de troupes
etoit aussi fourni , arme , equipe et nourri par leurs chefs immediats.
Dans plusieurs circonstances , les habitans de Timor se montr^rent
tres-affectionnes aux rois de Portugal et fiddles a leurs representans ,
auxquels ils obeissoient sans contrainte : tant le systeme primitif de leur
administration avoit et£ modifie. Ainsi , lorsque Vincento Ferreira , qui
gouvernoit Timor en 1759, jugea a propos de vendre lachement Lefao
aux Hollandais , et que ceux-ci en eurent pris possession , le roi regnant,
revolte dune lachete aussi infame , courut aux armes , et , apr£s avoir
passe ces nouveaux possesseurs au fil de I’ep^e , il remit la place entre
les mains du nouveau gouverneur que les Portugais envoyerent de Goa.
Quoi qu’il en soit, cet attachement des rajas timoriens pour les Portu-
gais fut plus d’unefois altfre. Francisco d’Hornay , devenu roi d’Okousse,
et soutenu par son parent Antonio d’Hornay, arrive dans ce dessein de
Malacca , ne m&litoit rien de moins que la destruction de la puissance
portugaise a Timor : cependant ces troubles furent apaisls. 11 est fort
a remarquer que, lorsque les rajas de la province de Bellos sont en
guerre, soit entre eux, soit contre les Hollandais ou les Portugais eux-
memes, leurs troupes marchent toujourssous les couleurs de cette derntere
nation.
A la suite d’une guerre de ce genre, qui fit naitre quelques inquietudes,
le gouverneur D. Antonio Jose Tellos da Silva transporta le siege du
gouvernement portugais de Lefao k Dille : changement funeste, qui
contribua beaucoup k la decadence de la colonie; car ce dernier point,
dont le seul avantage est un mouillage assez bon , est neanmoins mal
arrose et beaucoup plus malsain que Lefao. C’est 1& cependant que, par
( 1 ) Voyez pi. 15 , par 123 0 43' de longitude.
(2) Ibid . par 122 0 22' de longitude.
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LIVRE II. — Du Bresil a Timor inclusivement. 535
suite dune determination un peu precipitee, furent envoyes plus de
douze cents habitans deLefao, hommes, femmes et enfans.
En 1790, un dvenement d’un autre genre vint porter un coup funeste
au commerce des Portugais (1). Goa, chef-lieu de leurs possessions dans
I’lnde, avoit jusqua cette ^poque envoye en droiture a Floris et a Timor
les vaisseaux qui devoient en rapporter les marchandises preparees
a 1’avance ; mais les reclamations et les jalouses menees des colons de
Macao, etayees sur une economie mal entendue , firent alors decider que
desormais la correspondance commerciale de Timor n’auroit plus lieu
qu’avec cette place secondaire, qui eut ainsi seule l’avantage d’une com-
munication directe avec Goa : mesure deplqrable , qui contribua puis-
samment a la decadence de la colonie de Timor !
En effet, la cupidite de la plupart des hommes places successivement
au timon des affaires de cette lie , les portant a s’approprier le monopole
du commerce de l’interieur, emp£cha toujours que des speculateurs
probes et ais^s ne cherchassent a s’y etablir; et cette circonstance, jointe
a la difficult*: extreme des communications, fit qu’il ne vint plus a Timor,
le gouverneur excepte , que des gens avilis par les fautes les plus graves ,
et prives souvent meme tout-a-fait d’education et de connoissances :
cependant, faute de mieux, c’est a de telles gens qu’on fut oblige de confier
les premiers emplois de i’administration! De monstrueux abus en furent
la suite; le poison enleva queiques gouverneurs trop rigides, ainsi qu’un
petit nombre de bons officiers. Enfin une longue serie d’exactions et de
crimes fit perdre a la nation portugaise le reste d’afiection et d’estime
que les habitans avoient conserve pour eile : de toute part on refusa de
payer les redevances jusqu’alors volontairement octroyees ,' et bientot la
colonie fut hors d’etat de suffire a ses depenses et de se maintenir sur
un pied respectable. Les officiers miiitaires , reduits a une sorte de d^-
tresse, eprouvant a-la-fois des difficult^ pour se rendre a Timor et pour
en revenir, cherchoient a se dispenser d’y prendre du service, avec le
m£me empressement qu’ils eussent mis nagu£re a en solliciter (2). Le
nombre des ecclesiastiques eux-memes se re'duisit aussi rapidement :
. .1 _b >n!oin :■ / itov !> &o i. ^jr.fnixoiqiqE lualco na 'J (t)
( i ) A. Balbi, manuscrit citS. n
(2) Ibid . .r'mi.v. ./\ (
Voyage de VUranie . — Historique. Y y ' y
Histoire
de Timor.
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Hittoue
de Timor.
536 VOYAGE AUTOUR DU MONDE.
Solor , ni ies autres lies qui en sont voisines , ne purent en obteair, malgre
les demandes rdit^es quelles, en firent ; dej& , en 1792, ii n’y en avoit
plus que huit (i) k Timor, et ce nombre a diminue encore.
Le commerce portugais soufSrit beaucoup de ce nouvel dtat de
choses ; car ies Timoriens, accoutum& k faire leur trafic au moyen des
^changes, n’ayant plus chez eux de missionnaires qui ies engageassent
4 transporter ieurs denr^es k Diiie, pr£f£r£rent de ies conduire auxpoints
de la cote les plus voisins, ou ies navi res macassarais et hollandais
venoient souvent en demander : ces demiers m£me , profitant du defaut
d’embar cations qui emp£choit ies Portugais de faire le cabotage ie long
des cotea de Tile , finirent par sen approprier en grande partie l’expioi-
tation ; enfin, comme si tout eut du concourir k froisser ies colons, leur
gouverneur, D. Caetano de Lemos, eut la foiie politique de faire sup-
primer les petites barques dont les missionnaires se senso'ent pour alier,
d’une ile a i’autre, vaquer a leur saint ministere. Les Hollandais surest
tirer ayantage de toutes ces fautes pour accroitre et consoiider leur
puissance (2).
L’^tabiissement de Coupang , devenu progressivement ainsi le centre
d’op^rations considerables , finit par acqudrir une grande preponderance
commerciale. Les Hollandais , ii est vrai ,* n'avoient pas 4 Timor un aussi
grand nombre de royaumes tributaires que ies Portugais ; mais Hs y
comptoient sous leur dependance queiques-uns des territoires les plus
productifs, et au-debors plusieurs iles importantes, entre autres Simao,
Rottie, Savu, et une partie de Solor m£me, qui leur apportoient regu-
lifcement leurs denies. Coupang neanmoins devoit avoir aussi ses tribu-
lations : en 1793, elle fut tourmentee par un fort tremblement de terre,
qui y detruisit les principaux edifices. Quatre ans apr£s , et par suite
des guerres allumees en Europe, les Anglais, avecdeux brigs, parurent
devant le fort. Concordia , et le somra&rent de se rendre : le gouverneur
ne fit pas le moindre simulacra de defense ; et , chose remarquable , la
gamison holiandaise etant passee toute endure au service des Anglais,
( 1 ) D*apr£s un calcul approximatif , ii ne devoit pas y en avoir moins de soixante-dix
en 1772.
(2) A. Balbi, manuscrit cite.
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LIVRE II. — Du Bresil a Timor inclusivement. 537
ne fit que changer de drapeau , et continua son service comme auparavant.
Mais les Anglais ayant voulu, dit-on (1), traiter le pays comme s’il
eut 6 t 6 conquis par la force des armes , les habitans se r^unirent , mar-
cherent contre eux, et les obligerent a se rembarquer, apres ieur avoir
tu£ soixante-dix hommes : les HoIIandais fixrent aussitot rappel^s.
Timor, depuis, restoit paisiblement partag^ entre ces derniers et leurs
anciens competiteurs , quand bientot des divisions intestines firent naitre
de vives aiarmes dans la colonie de Coupang.
En 1 808 , ie raja Louis d’Amanoubang, chef d’un des plus puissans et
des plus riches rcryaumes (2) soumis aux HoIIandais , lass^ de la domina-
tion tyrannique qui pesoit sur lui et les siens , leva l’etendard de 1’inde-
pendance. Son education avoit etc commencee a Coupang, ou il avoit
etc baptise ; mais c’est a Batavia meme qu’il etoit alle chercher un supple-
ment de connoissances que son activity naturelle lui faisoit desirer, et
qui devoit un jour devenir si prejudiciable aux oppresseurs de son pays.
Cet acte d’insurrection fut appuy<£ par tous les moyens capables d’en
assurer la reussite : le raja arma une grande partie de ses sujets de sagaies,
de sabres , de haches d’armes et de fusils; il <*quipa un corps de cavalerie,
peu nombreux a la v^rite , mais formidable pour le pays , et construisit
trois forts afin de proteger ses frontieres. Les HoIIandais ne se mirent
point d’abord en mesure de r< 5 p rimer par la force ces symptomes de re-
bellion ; ils esperoient sans doute que des n^gociations et les armes pai-
sibles de la diplomatic suffiroient pour en arr£ter les suites : mais 1’audace
du raja ne fit que s’accroitre par ces lenteurs.
Sur ces entrefaites , un evenement inattendu vint renverser dans cette
ile , pour un temps du moins , l’autorite hoilandaise. En 1810, une
fregate anglaise prit et pilla Coupang, a la faveur de la nuit; mais les
vainqueurs voulant agir encore comme l’avoient fait leurs compatriotes
en 1797, ils eurent le meme sort: les habitans, r^unis cette fois par le
gouverneur , reprirent la ville et les chasserent. Ce succes toutefois ne
fut que momentan^ : par suite de la revolution qui avoit incorpor^ la
(1) Peron, Voyage aux Terres australes.
)z) Le royaume d’Amanoubang est un de ceux de Timor oil Ie bois de sandal croit en plus
grande abondance.
Yyy*
Histoire
de Timor.
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Histoire
de Timor.
538 VOYAGE AUTOUR DU MONDE.
HoIIande 4 la France, les Anglais, en guerre avec cette d emigre puis-
sance, cherchdrent a iui eniever les colonies qu’eile venoit d’acqudrir de
lasorte. Eri 1811, its se presentment done en force devant Coupang,
et sen rendirent Ies maitres: cette fois-ci neanmoins ils crurent devoir se
borner a en conserver la suzerainetd, laissant a l’ancienne administration
ie soin de gouverner le pays ; quant a eux , il leur suffit de rdgir les choses
de plus haut, en tenant Timor sous la dependance immediate de Bata-
via, qui dtoit aussi en leur pouvoir. Les choses restdrent en cet etat jus-
qu 'en 1816, epoque a laquelle Coupang fut rendue aux Holiandais , en
consequence du traite de paix de 1 8 1 .*
Ces dvenemens avoient empdche qu’on ne s’occupit des preparatifs
de guerre desormais indispensables pour ramener le raja d’Amanoubang
k I’obeissance. Le gouverneur de Coupang reunit enfin toutes ses troupes
et celies de ses allies, tant a Timor que sur Ies lies qui en dependent, et
marcha , en 1815, contre le prince rebelle. Cette premiere expedition ne
produisit aucun resultat de quelque importance.
Dans Fannee suivante , l’armee alliee se remit en campagne : ayant voulu
risquer le sort dune bataille , elle dprouva un violent dc hec , qui la for^a
a prendre la fuite ; sa perte s’eleva a quatre-vingts hommes , tandis que
celle du raja ne fut que de six morts , et de trois prisonniers auxquels , sui-
vant l’usage du pays, on coupalatdte. Le mauvais temps empecha les deux
partis de faire, en 1817, aucun mouvement militaire; mais, en 1818,
des demonstrations hostiles s’dtant renouveldes, nous apprimes a notre
arrivee a Coupang que les deux amides dtoient en presence. Le raja
d’Amanoubang avoit, dit-on, six mille combattans , tandis que les allies,
sous le commandement de M. le resident Hazaart, en comptoient au
moins dix mille. Quoiqu’on s’attendit de jour en jour a quelque engage-
ment ddcisif, les parties belligerantes , lors de notre depart, en dtoient
encore k s’observer mutuellement.
Sur d’autres points, M. Hazaart deployoit une activite plus efficace
pour rattacher a son gouvernement quelques-unes des places soumises
aux Portugais. C’est ainsi que des dmissaires chinois, partis de Coupang,
avoient prepare Ies habitans d’Atapoupou a un changement d’autoritd,
dont ils leur faisoient espdrer de grands avantages. Enfin une embar-
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LIVRE II. — Du Bresil a Timor inclusivement. 539
cation I^g^re, convena^Iement arm^e , se rendit devant cette ville , et,
le 20 avril 1818, trente soldats, descendus sur le rivage’, enlev£rent
au son du tambour le pavilion portugais , quits remplacerent par les
couieurs hollandaises (1). Quelques soldats metis, qui avoient fait mine
d’opposer de la resistance, furent rudement fustiges.
Aussit6t que le gouverneur portugais apprit cet attentat inou’i contre
le droit des gens, ii envoya un officier & Atapoupou, pour se'plaindre
dune pareille agression : celui-ci fut bientot suivi du capitab mor, qui,
porteur dune protestation en forme, etoit charge de demander une con-
ference au resident lui-m^me : n’ayant pu f obtenir , facte juridique fut
confix a un officier de sa suite, pour aller le notifier a cet administrateur,
et y joindre toutes les explications verbales necessaires. Cette demarche
fut encore en pure perte : M. Hazaart se borna constamment a dire quit
avoit trouve le pavilion hollandais & Atapoupou, et quainsi ce port lui
appartenoit.
Ne voulant pas rompre la paix qui existoit alors entre le Portugal et
4 a Hollande, le gouverneur de Dilie crut devoir s’adresser directement
a la regence de Batavia. Independamment du nouveau grief dont il de-
mandoit le redressement , il enumeroit dans ses lettres les tentatives du
m6me genre faites a d’autres dpoques par le m£me Hazaart, poUr s’em-
parer du fort de Batouguede ou faire revolter plusieurs rajas soumis a
la puissance portugaise. Point de pratiques perfides qui n’aient ete mises
en oeuvre pour.parvenir a ses fins : tantot ce sont des officiers hollandais ,
tantot, et le plus souvent, des Chinois, qui sont detaches aupr£s des
rajas qu’on sait £tre m^contens de la domination portugaise; on leur
remet en secret ie drapeau hollandais , et, lorsqu’ils consentent a le re-
cevoir, on en prend acte sur un registre , pour s’en autoriser ensuite comme
d’un droit a la possession des places dont il s’agit. Enfin le gouverneur de-
clare que , force de tirer satisfaction de pareilles insultes et de defendre les
droits de son souverain , il a deja r&ini sous les armes quatre mille hommes
de troupes, et que, s’il le faut, il en ^quipera huit mille. II n’en viendra
pourtant aux dernieres extremites , ajoute-t-il , qu’apres avoir employe
( i ) Pendant notre navigation dans le canal d’Ombai, nousavions ete etonnes nous-memes
de voir les couieurs hollandaises arborees a Atapoupou. ( Voyez plus haut, chap. XVI, $. II. )
Histoire
de Timor.
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Histoire
de Timor.
54 o VOYAGE AUTOUR DU MONDE,
tous ies moyens de conciliation. II est loin de sa peiisle de vonloir incon-
siddrlment troubler la bonne intelligence qui r£gne entre les gouveme-
mens de la mere patrie , ni entraver ies communications commerciaies qui,
d’apres Ies traitds , peuvent avoir lieu au port franc de Diii£ et sur cer-
tains autres points de file , entre Ies sujets des deux nations. II termine
enfin par demander a la rdgence une reparation convenabie pour ies griefs
dont il se plaint, et un dedommagement proportion^ aux dlpenses et
aux pertes que le fisc portugais a support^es par suite de Unique usurpa-
tion commise par le resident Hazaart. A ces iettres &oient jointes des
pieces justificatives constatant 1’ancienne suzerainetd portugaise sur Ata*
poupou, Batouguede et les royaumes dont ces villes dependent. Ces
pieces sont attestles et signdes par ies princes et par les principaies
autorit^s du pays ; je transcris ici la teneur de 1’une d’elles :
«Nous, dona Ursula da Costa, reine du royaume de Lekissa,
» datos (i), officiers et principaux habitans dudit royaume, attestons
» que nous avons toujours oui' dire k nos p&res et anc£tres que Ies
» royaumes de Jouanilho et de Fialara furent sans interruption tributaires
» de S. M. T. F. le roi de Portugal, depuis I’^poque ou Ies Portugais
» devinrent seigneurs de Timor, et que lesdits royaumes n’obdrent
» jamais a aucune autre nation. Quoique plusieurs fois ils se soient
» revolts, cependant ils n’arbor^rent jamais d’autre pavilion que celui
» de notre auguste souverain. Nous attestons de mime que le royaume
» et le port d’Atapoupou ont pour commandans , comipe nous le con-
» naissons, Bernardo Benjamin Caldeira et Antonio SebastiaC; que nous
» n’avons jamais oui dire qu’ils appartinssent au gouvemement de Cou-
» pang. Nous savons , il est vrai , que Ies Chinois de cette demise vilie
» qui se sont dtablis a Atapoupou, ont &e plusieurs fois punis et chatids
» com me rebelles par difRrens iilustrissimes seigneurs , comme il ardva
» sous le gouvemement de 1 ’illustrissime seigneur Sarmento , en 1 794 :
» celtii qui fit exdcuter cette sentence fiit le lieutenant gdnlral Pedro
» d’Hornay ; ainsi que sous le gouvemement de I’illustrissime seigneur
» Antonio de Mendosa; et apr£s qu’on Ies eut fait dargir, lesdits Chinois
» resterent dans le port d’Atapoupou, sans vouioir jamais payer Ies
( i ) Data , titre honorificjue dont il sera parle aiUenn.
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Go< le
LIVRE II. — Du Brasil X Timor inclusivement. j 4 »
»» droits royaux de S. M. T. F. C’est ce que nous pouvons attester
» comme vrai , et nous ie jurons sur les saints ^vangiles. Fait X Llkissa,
*» Ie 1 6 mai 1818.
» Signi Dona Ursula da Costa, reine de L£kissa; D. Come Roiz
» Perura , lieutenant-colonel de Likissa ; D. Salvedor Roiz Perura,
» mestre-de-camp de L6kissa ; D. Joaquim Roiz Perura, sargento
» mor de Likissa ; Mone Thaa, dato de L 4 kissa; Sole Crae,
» labo (i) du royaume de L£kissa; Lary Lecto, toumougom (2);
» Agostinmo Carvalho, dato de L 4 kissa ; Dicamany Bau, tou-
» mougom de L^kissa ; Laen Boio, Deleto Crae, Demau Quia,
» Laensama , Dobere Crae, Bere Hussa, toumougoms. »
« Nous soussign^s, Dionizio Roiz Perura, mestre-de-camp du
*» royaume de Motad (3) , et Joa 5 Fernandez , lieutenant-colonel et
» commandant des milices, attestons qu’ii est vrai que la declaration
» ci-dessus a mise sous nos yeux par la reine et Ie colonel du
» royaume de Llkissa, et tous ieurs officiers assignls pour la m£me
» attestation par ie greffier dudit royaume , par ordre de la reine ; que
» ie tout nous a 6 t 6 presents ; et pour la verity de quoi nous apposons
» maintenant notre signature. Dilie, 24 mai 1818.
>» Signf D. Dionizio Roiz Perura , mestre-de-camp du royaume de
Mota£i; Joao Fernandez, lieutenant colonel des milices. »
« Pour copie conforme k Poriginal , d£pos£ au secretariat de ce gou-
» vemement, auquei je m’en r^fere. Dilie, 20 novembre 1810.
» Signe Raymundo J. Cardoso Coutinho, lieutenant - colonel ,
» offider chef du secretariat, n
» Cest la copie fiddle &c.
» Signi Josi Pinto Alcoforado d’Azevedo e Souza , gouvemeur
» et capitaine g£n£ral des lies Solor et Timor. »
Tignore quel effet aura pu produire sur le gouverneur de Java ia
lecture de toutes ces pieces; je doute n&nmoins qu’on en ait tenu
grand compte. Peut - £tre aura -t -on cherche des faux-fuyans, donnl
des demi-satisfactions , cherche k temporiser; mais, en derni£re analyse,
( 1 ) Labo , titre honorifique.
(2) Toumougom , autre titre honorifique*
(3) Motael, royaume situe au Sud-Ouest de Dilte. ( Voyei pi. i j, par 123 0 7' de longitude.)
Histoire
de Timor.
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Histoire
de Timor.
542 VOYAGE AUTOUR DU MONDE,
comme la puissance portugaise dans Tarchipel d’Asie est peu redout^e ,
la reparation eclatante r^clamee, a si juste titre , par le gouverneur de
Diiie, ne lui aura probablement pas ct 6 rendue; il est permis mime de
croire que Ie resident et les Chinois de Coupang continueront leurs in-
trigues, et que la colonie portugaise , d£ja si grandement dechue de son an-
cienne splendeur, perdra sans cesse de ses possessions etde son influence,
jusqu’a ce qu’un gouvernement plus attentif et plus nerveux vienne enfin
retremper tous les ressorts d’une administration presque oubliee au-
jourd’hui de la mere patrie.
Le gouvernement de Dilie pourroit , il est vrai, saper aussi Iui-m£me
dans I’ombre la puissance des HoIIandais ses voisins; il lui seroit, par
exemple, tres-facile de favoriser la revoke du raja d’ Amanoubang , delui
fournir des munitions , des armes et sans doute encore de puissans allies.
J’ignore s’il aura pris ce parti ; ne pouvant, a cet egard, presenter ici que
des conjectures, j’aime autant les laisser faire au lecteur. Quoi qu’il
en soit, les etablissemens portugaisa Timor se presentent sous des bases
bien plus solides que celles de la colonie hollandaise : les premiers ont
sous ieur dependance ou dans leurs int^r&ts le plus grand nombre et les
plus puissans princes du pays , ceux qui peuvent y exercer la plus grande
influence ; leurs rivaux , au contraire , chez qui tout est vexatoire et
mercantile , ne sauroient trouver nuile part ces alliances de famiile et ces
liens d’une religion commune que les Portugais ont su ^tablir.
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LIVRE II. — Du Brasil X Timor inclusivement. 543
*• %
TABLE CHRONOLOGIQUE
FORMANT L’APPENDJCE DE L’HISTOIRE DE TIMOR.
Histoire
de Timor.
Ce precis chronologique m’a paru propre a donner une idee exacte
de la succession des principaux evenemens qui se rattachent a Phistoire
de Timor; jy relate certains faits que je n’ai pas jug^s devoir trouver
place dans le texte.
II parait qu’anterieurement k tous documens historiques , les ties de Parchipel
indien , habitees par des n£gres dont on rencontre encore des vestiges sur plusieurs ,
et particuli£rement k Timor , furent envahies par des peuplades asiatiques , au teint
basane , qui composent aujourd’hui la presque totality de la population.
Le commencement des relations de Parchipel d’Asie avec la Chine et Ie Japon
remonte k une fort haute antiquite.
i. er si£cle (apr£s J.-C. ). Celles avec PIndostan coincident probablement avec le pre-
mier siecle de notre dre. — Les adorateurs de Buddha, dans PInde, pers£cut£s
par les brahmines, et, obliges d’emigrer, se repandent dans Parchipel d’Asie ,
ou ils introduisent leur religion, et civilisent les habitans.
n. c SIECLE. La fin du second siecle est Pepoque ou PInde commence k avoir des
relations commerciales avec les Moluques , et oil les epices qu’elles pro-
duisent sont introduites par la voie de terre jusqu’en Egypte , et de Ik en
Europe. # #
ix. e SlfeCLE. Les Arabes se rendentdans PInde par mer.
1 1 60. Les Malais de Sumatra emigrent sur la presqu’ile de Malacca.
1 204. Premier voyage des Arabes dans le grand archipel d’Asie.
1252. Les Malais fondent la ville de Malacca.
1 276. Le roi de Malacca embrasse la religion mahometane.
1290. Voyage de Marco Polo, Venitien, et de sesfrdres, en Chine; en 1291 , ils
abordent k Sumatra et k Ceylan, et reviennent k Venise en 1295.
1478. Introduction de Pislamisme k Java.
1495- Introduction de Pislamisme k Ternate.
1498. Vasco de Gama double Ie Cap de Bonne-Esperance.
1 509. Premiere arrivee des Portugais dans Parchipel d’Asie.
1 j 1 1 . Conqu£te de Malacca par les Portugais. La m£me ann£e , ils vont k Amboine,
mais ne peuvent atteindre encore les veritables Moluques.
1 j 1 2. Les Portugais arrivent k Celebes.
Voyage de VUranic. — Historique, Z ZZ
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Histoire
de Timor.
544 VOYAGE AUTOUR DU MONDE.
i j2i. Nouvelle tentative des Portugais pour atteindre les Moluques. Un de leurs
vaisseaux y arrive , sous Jes ordres de p. Garda Henriquez. — Les Espa-
gnols compagnons de Magellan arrivent aux Moluques.
1 522. Le 26 janvier, its d6couvrent I’ile Timor.
1 54 - 5 * S- Franfois-Xavier, apotre des Indes, arrive k Malacca; deux ans aprts,
il prdche aussi k Banda, k Ternate et k Amboine, et propage, jusqu’en
t > la religion chrettenne dans les Moluques.
1571; Fondation de Manilfe par les Espagnols.
1 5 78. Les- Anglais , sons lacoriduite de sir Frands Drake , arrivent k Ternate et k Javat
1 j 8 1 . Les colonies portugaises dans les mers de PInde , k ia mort des rois D. S&r
bastiao et D. Henry, tombent sous le sceptre d’Espagne , circonstance qui
' contribue beaucoup k leur decadence.
1588. Thomas Cavendish, Anglais, en faisant le tour du monde, touche k Java.
1596. Les Hollandais arrivent k Java.
1 60 1 . L’usage du tabac est introduit k Java , et se r^pand bientot dans les lies voisines.
1 602. Premiere expedition commerciale des Anglais dans Parchipel d’Asie.
1606. Les Macassarais forcent les peuples de Boni et les Wajou (sur Pile Ce-
lebes) k embrasser Pislamisme.
1 6 1 1 . Premier gouverneur general hollandais k Bantam ( He Java ).
1613. Les Hollandais s’emparentde vive force des etablissemens paffugais sur les
Hes Floris et Solor. Ils bktissent un fort k Coupang et ui* autre k Mena,
sur Pile Timor.
1616. La ville de Japara (sur Pile Java) est piliee et brCliee par les Hollandais.
Ils abandonnent leurs fbrteresses sur Timor et Floris. — Les Portugais
debarquent k S6terana, sur Pile Timor, et commencent k pricher PEvan-
gile. — Le capitaine hollandais Dirck-Hadchs decouvre la Nouvelle-
HoIIande.
1619. Le nom de Batavia est donne par les Hollandais au fort de Jacatra , dont ils
detruisent la ville. Ils reviennent k Timor.
1621. Les Fran^ais , sous les ordres du general Beaulieu , officier de la compagnie
des Indes , arrivent dans Parchipel d’Asie , avec des presens pour le roi
d’Achem ( He Sumatra ) .
1627. Johan d’Hornay , commandant hollandais de Pile Floris, se sauve, et passe
au service des Portugais , qui le re^oivent avec distinction.
1630. Des religieux dominicains, partis de Larentouka, viennent k Timor pour y
prdcher l’evangile : ils baptisent le roi de SHaban.
1 64 o. Les etablissemens portugais de PInde sont separes de ceux des Espagnols, par
suite de Pavenement du due de Bragance au trone de Portugal. — Les
Japonais prennent la resolution etrange de se reclure entidrement chez
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LIVRE II. — Du Br£sil. X Timor jncu)s)v£ment. £4 1
: eux , et defermer invariablement lestrsilesk tops les Strangers (v)> —-La
religion musulmane (secte de Mafade ! ) , est introduce k imaio arm6e k
Timor par ies habitans de Macassar.
i 64 ». Les Portugais reviennent k Timor,et pr£chent de- nouveau I’Evangile , avec
de grands succes , dans Je royaume deM6na.
i 64 *. Prise de Malacca par les HoIIandais sur les Portugais v ce qui devient une
cause efficace du d6clin de la puissance de ces derniers dans l’archipel d’Asie.
— Un moine portugais s’6tablit k Coupang , et parvient k cat£dbiser ie roi de
ce royaume, qui se- fait baptiser. Les Portugais s’6tablis$entsurce point.
i < 544 - Les HoIIandais tentent, k deux reprises differentes , de s’emparer de Coupang,
mais sont obliges de se retirer.
1 646. IIs prennent possession d*un fort sur File Solor.
i6j 6. Les HoIIandais reviennent en force k Coupang; ils se dirigent v6rs Ie village
cfAmarassi , ou etait Ie camp des Portugais et de leurs allies sous les
ordres d’ Antonio d’Hornay; mais ils sont encore battus et forces <faban-
donner leur entreprise. — La r6gence.de Batavia prend des mesures pour
6tablir k Coupang Ie principal comptoir de son commerce k Timor,
1 66o. Attaque de Larentouka ( tie Floris ) par les HoIIandais , qui ne peuvent
cependant pas s’en emparer.
1 688. Les HoIIandais parviennent enfin k 6tre paisibles possesseurs du royaume de
Coupang et de quelques autres royaumes du voisinage.
1 697. Un navire pirate fran^ais s’empare du fort de Coupang , pille et br&Ie la ville ,
dont il emmdne Ie gouverneur, que I’on conduit sur un autre point de
• la cote , parmi ses ennemis. L6fao est piliee ensuite par Ie rn6me pirate.
1699. Arriv6e du capitaine anglais Dampier k Coupang Ie 1 4 septembre , et k
L6fao Ie i a octobre.
1701. Les rois de Timor sont ind6pendans , jusqu’k cette dpoque , dans la partie
de Tile frequence par les Portugais.
1 759. Vincento Ferreira , gouverneur portugais de Timor, vend L6fao aux HoI-
Iandais, qui s’y 6tablissent ; mais les habitans les en chassent, et se remettent
volontairement sous I’autorit6 portugaise.
1766. Antonio d’Hornay vient de Malacca, et se founit k son parent, Francisco
tFHomay, devenu roi <TOkouss6 , dans Ie but <Fexpu{ser les Portugais de
Timor; mais cette expedition n’a pas de succ6s.
1769. L6fao, jusque-Ik chef-lieu de la colonie portugaise k Timor, est abandonee
par Ie gouverneur , qui va s’6tablir k Dille.
( 1 ) C’est un fait tres-curieux, qu’on netrouve plus nulle part aujourd’hui de descendans des
Japonais dans I’archipel d’Asie, eux qui, deux siecles auparavant, s’y montroient cependant en
si grand nombre.
zzz*
HLisioire
de Timor.
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Histoire
de Timor.
5 46 VOYAGE AUTOUR DU MONDE.
1772. Le capitaine fran^ais Saint- AUouarn visite la cote Nord-Est de Timor, et
mouille k Laga.
1786. Des Chinois de Coupang , venus k Atapoupou , sont punis par l’autorit£ por-
tugaise , et chassis pour leurs intrigues et leurs mefoits.
1 789. Arriv6e k Coupang du capitaine anglais William Bligh , ie 1 4 juin ; son depart
a lieu ie 20 aoflt suivant.
1 790. Dille cesse de correspondre directement avec Goa pour les affaires de la co-
ionie , et est astreinte k envoyer <f abord ses lettres k Macao , place secondaire.
1793. Trembiement de terre qui cause de grands d£sastres k Coupang.
1797. Les Anglais, avec deux brigs de guerre, s’emparent de Coupang, qui est
bientot repris par les gens du pays.
1801. Le capitaine Baudin , commandant {’expedition franchise aux Terres austraies,
relache k Coupang du 22 aodt au 1 3 novembre.
1803. Seconde relkche de la m&ne expedition k Coupang, du 6 mai au 3 juin. —
Le capitaine anglais Flinders , voyageant en d&couvertes , reliche k Cou-
pang , du 3 1 mars au 8 avril.
1808. Revolte du raja Louis d’Amanoubang contre I’autorite holiandaise. — Des
Chinois de Coupang, venus de nouveau k Atapoupou , se mutinent et sont
punis.
1810. Une frigate anglaise s’empare de Coupang; ie gouvemeur, de concert avec
ies habitans , les force k se rembarquer.
1 8 1 1 . Les Anglais , k ia fin de cette ann£e , s’emparent definitivement de Coupang.
i 8 i 4 * Les lies Panter et Adenara reconnoissent I’autorite portugaise. Le gouver-
neur de Coupang cherche k s’emparer de ces ties par ruse k la mfime
epoque.
1 8 1 j . Le gouvemeur de Coupang fait une attaque mfructueuse contre ie raja
d’Amanoubang.
1816. Par suite du traite de paix de 1 8 1 4 , en Europe , Coupang est rendu aux
Hoilandais. — Le resident hoiiandais de Coupang et ses allies sont battus
par le raja d’Amanoubang.
1817. Le mauvais temps force les deux armies k une suspension <farmes. — Le
resident de Coupang s’empare par ruse de ia ville cf Atapoupou , et tente
aussi de se rendre maitre de Batougu£de.
1818. Reclamations dM gouvemeur de Dill6, k ce sujet, auprds de la r 4 gence de
Batavia. — Relache du capitaine anglais P. P. King k Coupang , du 4 au
1 4 juin. — Trembiement de terre considerable k Dille. — Relache de
I’Uranie, du 9 au 23 octobre, k Coupang, et, du 17 au 22 novembre,
k Dille.
)
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LIVRE II. — Du Brasil X Timor inclusivement. 547
CHAPITRE XVIII.
Description de Vile Timor.
Nous suivrons pour cette description ie m£me plan que nous avons
d 6 )k adopts, pour d’autres contrees , dans cette histoire. Dix paragraphes
y seront consacr^s, et comprendront successivement ies faits que nous
avons recueillis sur ie pays, ses habitans, ies moeurs, ies usages, l’indus-
trie, ie gouvemement, &c.
§. I. er
Details geographiques .
L’iie Timor, situee vers ia partie la plus austraie de i’archipei d’Asie,
apouriimites ies parallMes de 8° 20' et io° 22' Sud, et ies mer^diens
de 121 0 5' et 124° 45 ^ I’Est du mdridien de Paris. Sa plus grande
longueur , dirigee a-peu-pr£s du Sud-Ouest au Nord-Est , et plus exac-
tementai’E. 2p°N., est de 82 lieues marines, ou 102 lieues moyennes
de France; sa plus grande iargeur, perpendicuiairement X cette iigne,
ne surpasse pas 20 lieues marines = 25 lieues moyennes; sa iargeur
moyenne est de 1 5 lieues marines = ip lieues moyennes de France;
enfin sa surface se deveioppe sur pp 1 lieues marines carries , dquiva-
ientes 4 1 548 lieues moyennes carries.
Le pays , en general ,est montueux , d’un aspect agreste , et entrecoup<£
de petites valines. Une chaine de hautes montagnes proionge i’lie dans
Ie sens de son plus grand diametre : parmi Ies plus remarquabies , on
cite ceiies de Fatoume , Fatele'ou, Bolerata , au Sud-Ouest; ies pitons
Tielmati et Labiche, plus au Nord ; et vers la partie orientale de file ,
le mont Korrara, pres duquel est un voican. II est probable qu’ii en
existe d’autres qui se distinguent aussi par leur elevation , soit pres des
rivages , soit dans i’int&ieur ; mais nos connoissances a cet ^gard sont
loin d’etre completes. Ceiies que nous venons de nommer sont d’une
Limites ,
dimensions.
Montagnes.
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Geographic.
Rivieres.
j48 VOYAGE AUTOUR DU MONDE.
hauteur tr^s-considerable, hauteur qu’il nous est cependant impossible
d’apprecier geometriquement.
Quoique ies terres soient tr^s-^Ievdes dans le Sud-Ouest de Timor,
on y rencontre plus souvent des plaines que dans la partie du Nord-Est,
dont la surface est plus particulierement in^gale et montueuse.
Le sol de file est mediocrement arrest par un n ombre assez mul-
tiple de. rivieres, dont aucune toutefois na assez de profondeur pour
£tre navigable un peu loin au - dessus de son embouchure. La riviere
Nominey ( i ) , la plus avantageuse sous ce rapport , est situee au Sud de
file , vers la partie orientale des possessions hollandaises , dans le voisi-
nage d’Amanoubang : quoiqu’elle soit peu profonde et contienne un
grand nombre de bancs de sable, les pirogues et les embarcations dun
foible tonnage peuvent la remonter k une assez grande distance. On
voit fr^quemment des parcelles dor dans ses eaux.
La riviere de Coupang est moins digne d’attention par son etendue que
par son importance ; elle prend sa source a cinq lieues de la ville , dans
le royaume de Bacanassi, et roule parfois aussi de petites paillettes d’or.
Son lit, jusqu’a son embouchure, se compose de roches alumirieuses, dont
la pente rapide ne permet pas & la mer de s’avancer , pendant le flot , au*
dela dune ou deux encablures du rivage. Son cours est resserrd entre
deux bancs de roches madreporiques , tailtes a pic , et recouverts d’une
immense quantite darbres de diverses sortes.
Arriv^e a Coupang , elle coule sur un melange de sable , de cailloux
et de vase , et forme, avant de se jeter a la mer , un bassin de 700 pieds
environ de longueur, capable de recevoir et de mettre k fabri, dans
toutes les saisons , des batimens de 100 a 150 tonneaux. Le seul incon-
venient qu’offre ce petit port , c’est qu’ori ne peut y entrer de mer basse ,
et qu’on est force d’y echouer pendant le jusant. On pourroit , en creu-
sant un peu le banc qui est a son ouverture, en permettre facets aux
batimens de zoo a 300 tonneaux.
Lorsqu’on vient se ravitailler a Coupang, on peut faire aiguade ^
cette riviere. Pour cette operation , il convient de choisir f instant ou la
mer est presque basse, attendu queplutot on courroit risque d’avoir de
( 1 ) Voyez pi. 15, par 1 22 0 14* de longitude.
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LIVRE IF. — Du Bk£siL X Timor inclusivement.
feau isaum&tre: L’endroit ie plus convenable pour rempiir les futaiiies,
est k une demi-encabiure plus loin ,, au-dessus du second pont ; maisune
attention qui est indispensable, c’est de faire remonter les canots jus*
qu’au point indiqu£, quelqpes heures avant ie bas de I’eau ; car, k la
fin du jusant, la plus petite emharcation ne pourroit m&ne pas at-
teindre le premier pont- L’eau , en general, en est ciaire et limpide;
cependant elle ne se conserve guere k la mer ; elle n’est pas non plus tr£s*
saiubre, ainsi que nous ie montrerons en pariant de I’analyse des eaux.
Dans la saison des pluies > les plus petits ruisseaux, et m£me les ravins,
qvri restent a' sec pendant une partie de fann^e , deviennent des torrens
imp^tueux , dont ie debordement cause de grand es inondations : les
eaux etant aiors tr£s-bourbeuses , on est oblige de boire celles que four-
nissent les fontaines et les puits. Cette coutume de creuser des puits
paroit r^pandue dans toute file : nous en avons vu plusieurs k Cou-
pang; X Dilie , on n’a pas d’autre moyen de se procurer de l’eau potable.
Parmi les cours d’eau auriferes y on cite encore la riviere Chamoro,
dans la partie Nord-Est de file , et celle que les Hollandais appelient
Amakonos Kaysser. J’ignore pr^cisement oil se trouve cette derniere, dont
le gisement paroit entoure a dessein de quelque myst£re; je suppose ce-
pendant quelle n’est pas fort eioign^e de Coupang.
II y a fr^quemment X Timor des marais a f embouchure des ri-
vieres. Les plus considerables sont dans Ie fond de la baie de Coupang ,
pr£s de Babao, ou les terres sont basses et noy^es. Dilie elle-m£me
est bade sur un sol marecageux : ce sont les seuls points que nous
ayons visit^s. Mais Dampier, qui aborda en 1699 pr£s de la baie des
Bancs-aux-Perles (1) , trouva cette partie de la cote fort basse, mar 6-
cageuse et couverte de mangliers. A fepoque des grandes pluies , ou les
inondations sont fr^quentes, plusieurs terrains qui, pr£s des rivages,
restent a sec la plus grande partie de fan nee , deviennent aiors aussi des
marais impraticables.
II ne paroit pas que les lacs soient fort multiplies k Timor, a moins
qu’on ne veuille appeler ainsi les nappes d’eau que forment les habitans
( » ) Voytz pi. 15.
t
G£ographie.
Marais.
Lacs.
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5 5 o VOYAGE AUTOUR DU MONDE.
Geographie. au moyen de barrages construits en travers des rivilres , pour avoir plus
de facility k prendre des bains. On parle cependant d’un lac sail , situl
prls des bords de ia mer, k quelque distance dans i’Est de Dilil.
Dampier aussi a remarqul sur ia cote septentrionaie de ia baie de
Coupang, ainsi que dans une petite anse k l’Est du cap Binino (i) ,
queiques mares dune eau douce assez mldiocre, ou ion pouvoit, 4 ia
rigueur, faire aiguade.
Port* et rade«. A i’exception du bassin qui est a I’entrle de la rivilre de Coupang, ou ,
comme nous venons de ie dire, de petits navires peuvent avoir une par-
faite suretl, ii n’existe point de ports proprement dits k Timor; mais ii y a
piusieurs barachois (2). Ii en existe un trls - important au Nord de ia
baie de Coupang, entre ia petite iie Ticous et un autre iiot plus k
i’Est , nomml Bourou, ou piutot Bourong. Les cotes de la grande terre ie
circonscrivent au Nord , et ii se termine au Sud par un rlcif de coraii
qui joint entre eiies les deux petites lies doirt ii vient d’etre question. La
passe qui donne accls dans ce bassin est situle a i’Ouest et tout auprls
de i ’lie Bourong : on y trouve 3 brasses d’eau , et en dedans un fond
rlguiier de 2 4 3 brasses , tandis qu’en dehors du rlcif, et presque k
toucher les roches , ia sonde ne rapporte pas moins de 10 k 12 brasses.
Au Sud de ce barachois, se develop pe une rade spacieuse, ou ia
tenue est par-tout excellente ; ie fond y est de vase molie , et Ie brassiage
variable de 3 k 30 brasses, seion la distance ou l’on est de terre, et sur-
tout de I’extrlmitl orientaie de la baie.
Lorsque rlgnent les vents ies plus vioiens de ia mousson du Nord-
Ouest, ie mouiilage en face et aupres du barachois de Dampier. par ip
et jusqu ’4 20 brasses d’eau, est parfaitement sur. On est 14 , en effet, abritl
par la 'cote depuis i’E j S. O. jusqu’4 i’E. N. E. : ies autres vents ne
soufflent point ici avec violence ; mais , s’ils Ie faisoient , on seroit si
bien ferml par Ies terres , qu’on ne sauroit jamais y Itre incommodl par
la mer.
Maigrl ces avantages, ies navires europlens prlferent, pendant la
mousson orageuse, alier chercher un abri au Sud de la pointe orientaie
(1) Voyez pi. 15.
(2) Enceinte formee par des recifs , ou ies navires peuvent se mettre ii fabri de la mer.
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LIVRE II. — Du Br£sil X Timor inclusivement. 5 5.1
de Simao. Pour atteindre le mouillage de Dampier, dans la baie de Cou- Geography,
pang , il faut passer au Nord de K£ra, et ranger cette ile de plus pr£s
que les terres opposees de Timor. Ce mouillage, il faut le dire , a le
grave inconvenient d’etre fort eloign^ de I’dtablissement hoilandais, ou
Ton pourroit , au besoin , trouver de si importantes ressources.
Depuis mars jusqu’en octobre, saison des vents du Sud-Est et de
la secheresse , la rade, devant le fort Concordia, doit avoir la prefe-
rence. Elle est couverte par la terre depuis leNord jusqua I’Ouest, par
fEst et le Sud, et la tenue y est excellente : on mouille ordinairement k un
mille au plus de terre , dans le Nord de letablissement hoilandais , par
17, 20 ou 2 5 brasses , sur un fond de vase grise ou de sable vaseux.
Le mouillage est praticable aussi , dit-on , dans la baie Boidrata , dans
celle qui git a l’Est du cap Binino , dans les anses de Seterana , d’Okousse ,
xle Mena , &c. , et probablement encore dans toutes les anses ou baies
sablonneuses qui se dessineni sur la cote septentrionale de Timor : mais
en general, il faut mouiller tr£s-pr£s de terre, quelquefois m£«ie k moins
d’un demi-mille, et rarement au-deU du double de cette distance,
Lefao a un assez bon ancrage, depuis 20 jusqua 30 brasses d’eau,
fond de vase molle; cependant, sur toute cette cote, celui de Batou-
guede est le plus favorable ; il est haute de preference par les marins qui
font la p£che de la baleine dans ces parages : le motif qui les determine
a ce choix, c’est I’excellence des eaux qu’on y trouve, bien preferables
a celles de Coupang et de Dilie.
Cette derniere station offre une rade sure quand les vents soufflent de
terre, et un barachois mediocre, forme par une chaine de recifs sous-marins,
ou sont deux passes : celle de l’Ouest sert d’issue aux petits navires qui
veulent se mettre a l’abri de la houle du large; I’autre n’est praticable
que pour les pirogues. En dehors , le fond est dune vase molle dont la
couche paroxt etre profonde. Le brassiage y varie de 1 1 a 27 brasses.
Quelques mouillages passables se remarquent encore sur la cote k f Est de
Dill£ : celui de Fataro est par 4 » 5 et 6 brasses ; a Saro, on en trouve 2 5 ,
fond de vase. Sur tous les rivages de Timor, il sera prudent de faire usage
de cables en fer, a cause des coraux que la sonde n’indique pas toujours.
Pr£s de la cote m&idionale, les mouillages paroissen{ encore moins
multiplies et moins favorables, Les rivages forent jug£s par Dampier y
Stre en g^ndral d un abord difficile. Ce c&ebre nayigateur mit k l’ancre
Voyage de UUranic . — Historiquc. AE 2 E
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Geographic.
Divisions
politiques.
552 VOYAGE AUTOUR DU MONDE,
devant la baie des Bancs-aux-Perles , par 1 4 brasses d’eau , fond de vase
molle et noire, k un mille environ de terre. En s’avan^ant de i& au
Nord-Est jusqu’au cap Mansay, il ne trouva aucun point ou ion put
jeter I’ancre , a moins de se tenir a demi-Iieue ou tout au plus a une
iieue de distance de la cote. Les cartes que j’ai consultees indiquent
encore dans le Sud un mouiliage dans ia baie de Louka ; et je suppose
que, plus au Sud-Ouest, ii en existe ^gaiement un, devant Amarassi.
On partage ordinairement Timor en deux grands etats ou provinces :
ceile du Nord-Est se nomme province de Bellos, et I’autre, province de
Vdike'nos. Leurs communes limites se rattachent, dun cote, a la rivi&re
Pona, et, vers le Sud, k ceile de Tarafla. J’ai trouve la surface de la pre-
miere province de 603 iieues marines carries — p 4 2 Iieues moyennes
carries; ceile de la seconde, de 388 Iieues marines carrees =606 Iieues
moyennes carries. Le plus grand nombre des petits etats, ou, comme
I’usage vepjt qu’on les appelle ici, des royaumes de la province de Bellos,
et d’une partie de ceile deVai'kenos, sont tributairesou allies des Portugais;
c’est seulement dans la partie Sud-Ouest de cette demi&re province que
se trouvent les princes qui reconnoissent I’autorite hoilandaise. Entre les
territoires qui reinvent de ces deux puissances europeennes, se dirige
du Nord au Sud la ligne id^ale qui les separe : la ville de Set^rana et
cette m£me riviere Tarafla dont il vient d’etre question, en sont les
points extremes. Les Portugais d&ignent aussi quelquefois sous le nom g 6-
n^ral de ServiaO, sans doutepar corruption de Servidap [servitude], la partie
de ia province de Vaikdnos qu’ils* regardent comme soumise k S. M. T. F. ;
cependant on compte quelques-uns des royaumes de Timor, ou qui sont
indlpendans, ou qui, apr&s avoir ete tributaires, ont secoue le joug. Le
nombre, k la verity , n’en est pas considerable, s’il faut sen rapporter
au peu de renseignemens que nous avons pu nous procurer.
Les tableaux qui suivent comprennent en premier lieu la nomenclature
des royaumes ranges sous i’autorite portugaise, puis la liste tr£s-courte de
ceux que les HoIIandais tiennent sous leur dependance. L’ordre alphabe-
tique a 6t6 adopts pour rendre plus commode la recherche des noms
cit^s dans le texte de la narration : afin d’aider en m£me temps k trouver
avec faciiite sur la carte ces memes noms, on a insere a cote de chaque
capitate sa position geographique, telle quelle nous a ete fournie a Timor,
c’est-a-dire, approximativement.
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LIVRE II. — . Du Brasil X Timor inclusivement. 553
TABLEAU des royaumcs de Tile Timor , dont quarantc-sept itoient tributaires et dix liuit allies des
Portugais, depuis plus de deux cents ans, a Tepoque de 1818.
PROVINCE
TIJtOUENNE
a laqudle
ic royaume
tfpartient
ROYAUMES
DEPEND A NS DES PORTUGAIS.
dcs capitales.
Bellos. . . i I Allas. 9°*;' 1 23° 9'
Idem . . . .
Idem . . • .
I dan . . • ,
I dan . . . ,
Idem. . . .
Idem. . . .
AMBENO.. .
3. Artekabe.
Atobato. . .
Bali bo
Barit*
Blbiko. . . .
Idem. ... 8. Bibiiouto. . .
Idem. ... 9 . Bibjssousso.
9.24. 122. 6 .
9.IO. 123. 3.
I23. I.
8.5;. 122.51.
8.56. >23.15,
9 . 3. 123.37.
8.46. 124. 6 .
9. 1. 123.19.
Vaiklnos. 10. Bibore. ,
Bellos* ..11. Boibaou .
Idem. .. . 12. Dailor. . ,
Vaik*nos. 1 3 . Datolo. .
Be I lbs. . . >4. Damara. .
Vaikcnos. 15. Denman,,
8.45. 1 23.1 <5.
Royaume tributaire dcs Por-
tugais, ct I’un des dix-neuf
ies plus considerables de
Timor.
Ce royaume, aussi I’un des
plus considerables de Pile,
est a.! lie des Portugais.
Royaume tributaire , ct I’un
des plus considerables dc
Hie.
Royaume tribuaire.
Royaume tribuaire.
Royaume tribuaire.
Royaume tributaire des Por-
tugais , mais place sous la
dtpcndance immediate de
I’empcreur de Louka (ro/.
ce mot).
Royaume tributaire. II y a
un volcan cn activitc.
Royaume tributaire , et l’un
des plus considerables de
i’Jlc ; on y trouve des mines
d’or.
Royaume allie, situe dans la
partic Nord-Est dc la pro-
vince de Vaikcnos, entre
taa* et ixi* io' dc longi-i
tude.
Royaume tributaire.
Royaume tributaire.
Royaume allie, situe dansla
partie Nord-Est dc la pro-
vince dc Vaikcnos , entre
taa* ct iaa° ay' dc longi-
tude.
Royaume tributaire.
Royaume aili£, situe dans la
partic Nord-Est de (a pro-
vince dc Vaikcnos , entre
iaa° y* ct iaa # ay' dc lon-
gitude.
Bellop. . . I*. D*vhrat* 8.48. 123. 3. Royaume tribuulre.
• Except^ la position de Dille, qul a ete fi xic avec soin, routes Ics autres qu’on
a marquees sur ee tableau sont entachees dc plus ou moins d’inexactitude. On nc doit
les considcrer que comme des indices pour trouver avec faciiitc, sur la carte, les noms
dost U sera fait mention dans lc texte.
PROVINCE 2
tn.
TIMOR! ENNE §
a laqudle ^
Ic royaume o"
50
appartient. O
W
Bellos. . . 17.
Idem .... 18.
Idem. ... 19.
Idem. ... 20.
Idem....
ROYAUMES
d£pendams des portugais.
POSITION
approchee
sur la carte.
Faiiacor.
Idem . . . .
Vaik*nos.|i3 .1 Fatomlam
Bellos. . . 24.
Idem . ... 25. FONARO.
Idem. ... 26. Foun
Vaikinos.
Idem . . ,
Idem . .
Idem . , ,
Idem . . ,
Idem . . ,
Idem. . .
KaYeassa.
30.
3 1 .1 Kaunaou.
00
i» 3 ° 9'
8.49.
1*3.38.
8.33.
1*3.14.
9* 5. 122.48.
9.29. 12 2.46.
8.50. 123.14.
9.27. 122. 6.
Bellos. . . I28 • I Jouanflho. ... 1 9. 3. 122.34.)
9.28. 123.38.
9. 9. 122.53.
8.47. 123.20.
8.39. 123.41.
8.58. 123.19.
34. KOUTOUBAVA 8.42. 122.49.
36.I Laicor*.
9. 1. 122.48.
8.43. 123.23.
Chef- lieu du gouvernement
colonial des Portugais, a
Timor.
Royaume tribuaire.
Royaume tributaire.
Royaume tribuaire.
Royaume tribuaire. 11 s’y
trouve des caux mine rales
sulfurcuscs. Ce royaume est
la patric de Joseph Antonio,
dont ie portrait est grave
pi. 31. On voit aussi, sur
la mcme planche, ie portrait
d’un dcs principaux chefs
du mime royaume.
Royaume tribuaire.
Royaume allil , situe dans la
partie orlcntale dc la pro-
vince de Vatkinos , entre
taa* et taa* ay* de longi-
tude.
Royaume tribuaire. On y
trouve dcs mines dc cuivre.
Royaume allie, et i’un del
plus considerables de Timor.
Royaume tribuaire.
Royatimc allie.
Royaume tribuaire. La viile
d’Aupoupou, plusieursfois
mentionnee dans I’histoire
de Timor, appartient i ce
royaume.
Royaume allii, et i’un des
plus considerables de llic.
Royaume tributaire.
Royaume tributaire.
Royaume tributaire.
Royaume tributaire. II y a
dcs mines d’or.
Royaume tributaire, et l'un
des plus considerables dc
Hie.
Royaume tribuaire..
Royaume tribuaire.
Aaaa*
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554
VOYAGE AUTOUR DU MONDE
z
c
ROYAUMES
J
z
c
ROYAUMES
PROVINCE
5 *
S-
23
DEPENDANS DES PORTUGAIS.
PROVINCE
2
DEPENDANS DES PORTUGAIS.
TIMORIENNE
o
1
TIMORIENNE
O
a laquelle
l/J
a
NOMS
POSITION
approchec
REMARQUES.
a laquelle
</>
NOMS
POSITION
approchec
REMARQUES.
lc royaume
o
»
a
23
r* 1
des capitalcs.
sur la carte.
lc royaume
o'
sur la carte.
appartient.
Latit.
Longit.
appartient.
0
23
des capitalcs.
Latit.
Longit.
Bellos...
37 -
Lakolo
8038'
I23°22'
Royaume tribuuire.
Bellos. • .
5 1 *
Naitimo. , T T .
Royaume allic, situe dans la
partie Sud-Est dc la pro-
Lakouloula. . .
Idem . . . .
} 8.
9. 2.
123.29.
Royaume tributaire. On y
vincc dc Bellos , entre iaa*
trouve dcs caux mincrales
sulfurcuscs.
Vaikenos.
c 2 .
Nira
25'ct 122*40 dc longitude.
Royaume allic, situe dans la
partie Nord-Est de la pro-
Idem ....
39 -
Laleia
8.33.
■ 23.37.
Royaume tribuuire , ct Pun
) •
dcs plus considerables dc
vince dc Vaikenos, entre
Timor.
iaa* ct iai # ay' de longi-
....
tude.
Idem ....
40.
Lamakanem. .
Idem ....
partie Sud-Ouest de la pro-
53 •
Okousse. . . .
9°l I*
.230 3'
Royaume ailie, et Pun des plus
vincc de Bellos, entre jaa #
30' ct t aa* jo' de longitude.
Bellos. . .
Rameam. . . .
considerables dc Timor.
Idem ....
4' •
Lamassana. . .
J 4 -
9 - 33 -
1 22.49.
Royaume tributaire, ct Pun
dcs plus considerables de
llle.
voisinage du precedent.
Samoro
Idem ....
Laga
8.3,.
Idem ....
9. 3.
.23. 7 .
Royaume tributaire , et Pun
des p'us considerables de
42.
124. O.
Royaume tributaire. On y
trouve dcs mines dc scl
l Tic. On y trouve dc Por ct
gemme ct du salp£tre.
1'huilc dc petrole.
Idem ....
43 -
Lckissa
8.33.
■ 23. 5.
Royaume tributaire.
Idem
56.
Sanir£.
8.49.
| 22.; 3 .
Royaume tributaire.
Idem ....
44-
LemeAm
8.57.
■ 22.59.
Royaume tribuuire, ct Tun
Idem ...
57 -
Saro
8.26.
124.32.
Royaume tributaire.
des plus considerables dc
Timor. On y trouve des
Idem ....
58.
SuAY
9.38.
122.41.
Royaume tributaire , et Pun
Idem ....
Udak
caux mincrales sulfurcuscs.
des plus considerables de
llle. 11 cst rcmarquable par
43-
Royaume allic , situe dans la
partie occidcnule dc la pro-
scs mines d'or.
Idem ....
Titoulouro. . .
vince dc Bellos, entre iaa*
J 9 -
9.3 j.
122.41.
Royaume tributaire. Une dcs
Idem . . . .
46.
Louka..
30' et iaa 0 40' dc longi-
tude.
Vaikenos.
60 .
Touloutasse. .
rivieres dc ce royaume con-
sent de Por.
Royaume ailie , situe dans la
panic Nord-Est dc la pro-
9. 3.
■ 23.43.
Royaume ailie , ct Tun dcs
plus considerables dc Ti-
vince dc Vaikenos , entre
mor. Lc roi , ou plutot Pcm-
12a* et ia2* at' dc longi-
pereur de Louka, a sous sa
domination immediate lc
. .
tude.
royaume dc Bib'iko , qui cn
cst voisin, ct sc trouve ausst
lui-mcmc allic des Portu-
Bellos. . .
6l.
Touriskay.. . .
8.5 6.
|2 3 . 2 7 .
Royaume tribuuire. On y
trouve dcs mines d’or.
gal*.
Vaikenos.
6l .
Wal£
9.29.
I 22.22.
Royaume allic. En 1818, II
Idem ....
4 7 -
Manoufai...
9.29.
■ 22.59.
Royaume tributaire, ct Pun
eioit gouverne par une rcinc.
dcs plus considerables dc
llle. Sa situation gcogra—
phique , sur la carte, cst
Bellos....
63.
VemassjI. . . .
8.34.
1 23.48.
Royaume tributaire , et Pun
dcs plus considerables de
fort douteusc.
llle. Scs productions mine-
rales sent : Por, le cuivre.
Idem ....
48.
Manse rdou. . .
Rnvannir silt/* ci f 1 n
Phuile de petrole ct le sei
\
uiiiv Allic p gillie Llall5 u
partie occidcntaie de la pro-
vincc dc Bellos, entre 122 0
•
gemme ;il yaaussi dcs caux
mincrales. La planchc n.* 17
conticnt lc ponrait *l’un
Idem ....
aj' et iaa* 40' dc longi-
tude.
des principaux chefs de cc
royaume, cn 1818.
49 -
Manoutoutou. .
8.30.
I2 3*3 *•
Royaume tributaire, et Pun
dcs plus considerables dc
Idem ....
64.
V 4 nila!& ....
8.46.
123.48.
Royaume tributaire.
Timor.
Idem ....
65.
VlKEKE
9. 7.
I 2 3 .l8.
Royaume tribuuire , et Tun
/<&/« ....
j°.
Mot A EL
8.3;.
I2 3 - 7 -
Royaume tributaire, et Pun
des plus considerables de
111c.
' ' - !
des plus considerables de
111 c. Le ponrait du prince
regnant cn cc royaume, cn
1 81 8 , sc trouve sur la plan-
che n.“ 17.
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LIVRE II. — Du Brasil X Timor inclusivement. 555
Tab LEA u des royaumes de Vile Timor qui Staient soumis aux Hollattdais
en 1818.
NUMEROS
ROYAUMES
dApendans des hollandais.
-
NOMBRE
do
d’ordre.
HOMS
POSITION
approchie
tur la carte *.
gucrriers
qu'ils
peuvent
REMARQUES.
des capitales.
Latitude.
Longitude.
fourair.
1 .
Amanoubang , .
9 °;j'
I21°2l'
6 000.
Depuis 1808, ce royaumc , qui est de beau-
coup le plus considerable de ceux que
ies Hollar) dais de Timor avoient soumis
a leur puissance, s’cst declare indepen—
danL
2 .
Amarassi
10.20.
iai.32.
200.
Le royaume d'Amarassi est , reladvement
a son importance, le dernier de ccux qui
com potent ce tableau.
i-
Arifnan. t . t , . t f , . tt
Coo.
J v •
nc m’est pas exactement connucj 11 faut
la chcrcher, je pense, sur la bande sep-
tcntrionale dc la baie de Coupang, entre
9° 35* etp* dc latitude, ct mcme, si je
ne me trompe, en face de la baie Bo-
Urata, appelce aussi parfois bait <TAn •
foan .
4 -
BacanassL
10.17.
I 21.12.
0
0
Quoique la premiere autoritl dc ce royau*
me pone le titre d'empereur , cet etat,
cependant, est dune tret- foible £ ten due.
f.
COUPANG
IO»IO.
III. I^.
I 000.
Chef-lfeu du gouvernement colonial des
Hollandals, a Timor.
6 .
Muni
700 .
La position precise de ce royaume m'est
?
inconnue ; je crois qu’on doit la cher*
cher entre tax* ao* et xax* jo' de longi-
tude.
7.
Stolo
1 000.
Mime observation que ci—dessus pour le
/
t
1
gisement de ce royaume.
* A I ’exception dc Con pang, dont la position a ete determ infs par des observations astronomiques, let capitales des
antres royaumes qui som placets sur notre cane, ne i’ont et£ qu’a I’aide dc rensdgnemcns appnwrimatift.
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Geographic.
556 VOYAGE AUTOUR DU MONDE.
Pour completer , autant qu il depend de nous , le cadre des royaumes
qui se rattachent aux gouvememens portugais et hollandais de Timor, nous
croyons devoir presenter ici deux derniers tableaux : Tun contient la liste
des royaumes ou des Itablissemens , Strangers k Tile principale , qui
reinvent de ia colonie de Dilie; I'autre, du m£me genre, est relatif au
gouvernement de Coupang. J’ai joint a ce dernier tableau quelques anno-
tations de population qui nous seront utiles plus tard.
TABLE A U des royaumes , Strangers a I’ile Timor , qui sont sous la
dependence du gouvernement portugais de DillL
num£ros
d'ordre.
NOMS DES ROYAUMES.
REMARQUES.
i •
Siia
*
2.
Noumba. j
.
, Ccs royaumes sont sur Pile Floris, et pcut-itre en partie sussl sur
► I*tlc Solor. II y a des mines d'or dans celui de Maoubcssi. Laren-
touka est le seul quisoit marque sur notre carte n.* 15.
3 -
Larentouka. . • |
4 -
Maoubessl...
;•
Adlnara.
On peut voir sur la carte le gisement d’Adtaara, qui appardent i
tie Sabrao. Ce n'est qu'en 18 if que ce royaume a passi sous la
dependance portugaise.
6 .
Panday
Je suis tent! de croire que le royaume de Panday est sur Pile Pantcr ;
comme le precedent, 11 n'est allie des Portugais que depuis 18 if.
7 -
Allor ou AHou
11 est probable que cc royaume se crouve sur Pile Lomblem.
8 et 9.
Deux royaumes sur ille Ombai. . .
J'ignore le nom de ces deux royaumes; ils gisent, * ee qu'on assure,
dans la panic occidental de Pile.
10 et 1 1 .
Deux Itablissemens sur ille Cambi.
Pcut-ltrc ne sont-ce que des comptoirs de commerce. L'un des
deux est , dit-on , au Nord , l'autre au NorsLEst de Cambi.
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LIVRE II. — Du Brasil X Timor inclusivement,
557
TABLEAU des ties, i tr anger es it Timor , qui dependent du gouvemement hollandais ^ de Coupling.
2
C
2
tn.
93
O
(A
ILES ALUEES
des
Hollandais
REMARQUES.
O
90
O
99
P
de
Coupang.
Dao
J’si suppose que cette ilc est dans l*Est de l*ile Lando ;
mais je n*ai pu avoir aucunc donnee precise a cet egard ;
je sais settlement que Dao est une petite ile voisinc de
Rottie. En 1818 die ctoit gouvernee par un raja , dont
on peut voir le portrait planche n.® 16. Le nombrc de
guerriers qu’ii pouvoit mettre sous let srmes ctoit de
joo.
1
Kisser
Les Hollandais one tin petit tablissesnen: dans la partie
occidentale de cette tie.
3 -
Laodo
Petite tic, au Nord de Rottie, et popvanf'srmer aoo bom-
mes*
4 .
Roma. ......
On assure que l*tle Roma est aussi sous la dependence du
gouvernement hollandais de Coupang.
j-
Rottie.
He voisine de Coupang et si nice au Sud de Simao.'Pour les
details, vo/ei tableau d-contre.
6.
Savu
Situee par io® 30' de latitude Sud et 119® a$' de longitude
orientate. Cette tie est partagta en six royaumes, pou-
vant fournir, en total, 4300 guerriers. Savu ne se trouve
pas dans le cadre dc notre carte n.® ij.
* 7 .
Slmao
He placlc 1 1 ’entree de ta baie de Coupang; quoique par-
tagec cn deux royaumes. die est gouvcrnlc, dit-on,
par un scui raja.
8.
Solor
!
La partie de itle Solor dont les Hollandais ont la suzerain
ncte , peut fournir un contingent de j 000 homines dc
guerre. Unc panic de cette tie appartiem aussi aux
Portugais.
Wetter
Un {rablisement hollandais se trouve, assure-t-on, 1 Teutr^
miti orientate de cette tie.
y •
ft. B. Puisque nous avons etc conduits a parier id dc l*ile Route , il nc sera
p«s hors dc propos dajoutcrquc cette tic, dont la position respective avec Timor
peutsc voir sur la planche 1 5 dc notre atlas , a 4a licues marines carrees s 65 , 6 lieues
moyennes carrees de surface ; que par consequent la surface de Timor est a cclle
Je Rottie: : 23,6 : 1. *
Nous pourrons faire usage ailleurs dc ces nomhres.
DETAILS DE L’JLE ROTTIE.
I .
2 .
3
4
$
6 .
7
8
9
10
1 1
12
3
>4
5
16
I 7 #
ROYAUMES ALLIES DES HOLLANOAIS.
Noms
des capiules.
Bakau
Baiba
Boikay
D&a.
DenkA
Denkadalrf,
Di6nou. . . . ,
Doupao. . . ,
K 6 U
Karbassa
Llnanok.
Lo b6
OYNAli. ....
Ringou
Talay. . . .
Tarmano.
Thie. , . .
Position
approchee
sur la carte *.
Latit.
<° 0 44'
,0 *4j
10.49
i °49
10.4 6.
to 4 7
1 0.4 6.
10.51.
10.41.
10.45.
10.55.
10.49.
10.44.
Longit.
iio°47
121. 4,
I2O.58.
I2O.32
12045
120.34
I2O.59
2O.54
20.53.
I 2 I • 3.
I 20 . 45 .
20.36.
120.50,
Nombrc total dc guerriers des
(juatone royaumes indi<pi6s de
I lie Rottie ,
Nombrc total pr6sum6 des guerriers
de Tile Rottie
NOMBRl
de
guerriers
qu’ils
peuvent
fournir.
500,
300,
I
3OO,
3 OOO,
I
IOO
IOO,
200 .
500,
IOO.
I
2 OOO.
3 000.
200 .
1 OOO
2 OOO.
13 300.
6 150,
REMARQUES.
On peut voir, sur la planche
n.® 16 , le portrait du raja
qui gouvemoit cc royaume
en 1818.
Le royaume de Doupao, dont
je n’ai pu connaitre cxactc-
ment la position , se trouve,
je pcnse,dans la partie Sud-
Oucst de l*tle Rottie.
Js suppose que ee royaume
gtt aussi dans la partie Sud-
Ouest de llle.
Le royaumc de Talay doit
fire voisin du precedent.
Royaume probableraentsicuc
aussi dans Is Sud-Ouest
de Rottie.
* Toutes let positions gfographiqucs marquees sur ce tableau , ne doivent, comme
on l*a dit prccedemmcnt, ctrc considerces que comme des indices pour trouver avec
plus dc facilite , sur la carte, les noms dont il sera fait mention dans le tcate.
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T emperature.
558 VOYAGE AUTOUR DU MONDE.
S. II.
Observations de mbteorologie et de physique.
Les observations de physique qu’il nous a possible de faire k Timor,
ont eu lieu k nos deux stations de Coupang et de Diild ; nous allons les
r&umer successivement.
Dans le tableau ci-dessous, nous appeilerons maximum absolu la plus
haute temperature observde, et maximum moyen celui qui appartient a la
s^rie des moyennes de toutes les temperatures, prises heure par heure.
Les denominations analogues , relatives aux minimums , n’ont besoin ,
d’apr^s ce qui precede, d’aucune explication*
e
a
RESUME DES OBSERVATIONS DE TEMPERATURE
rxiTis spa l'ile timor en 1818.
H
S
DESIGNATION
k courAHO ( du xo in aa octobre ).
1 Dizxi (du x8au ai novembre). M
S
d
des *
A terre.
A bord.
A bord. 11
Air libre.
Air libre.
Surface de la mer.
Air libre.
Surface de la mer. ||
1
» '
m
aiSULTATS.
Therm.
centigr.
itpoque
du
phenomene
Therm.
ccntigr.
£poque
du
phenomene
!?
4§
£poque
du
phenomene
Therm.
centigr.
Epoquc
du
phenomene
Therm.
centigr.
Epoque
du
phenomene
r Maximum absolu. • .
3J d 7
i h soir.
32^0
I h et2 h S.
* 9 *S
6 h soir.
3* d 5
2 h soir..
jo'.
2 h #>hr.
Minimum absolu. . .
23 ,0
3et4 h m.
a 3 >7
5 mat.
a 4
4 mat.
>4.;
3 mat.
2 6 ,0
8 soir.
Temperature moy. e
»8,y
00
tx
27 - 1
a 7»y
a 8 .2
/ *
J5
s
Maximum moyen . .
54.8
1 soir..
30,2
3 soir..
a 7 >7
4 soir..
3° 4
2 soir..
*94
2 soir.
<|
(Minimum moyen . .
[Heure oil la temp^ra-
' turc est sensible-
ment £gale k la
*3 .8
y mat.
8 mat.
3 mat.
8 soir..
26 a
6 mat.
10 mat.
ay,o
3 mat.
S<st 7 h s.
*7
. •*. .
8 mat
8 ^oir.
minuh.
x . ..
8 soir. .
1
Maximum absolu . .
1
4 S .3
3 soir..
| Minimum absolu..
7 mat.
<,
(Maximum moyen. .
4 1 .*
2 soir. .
1
[Minimum moyen . .
3*.°
5 soir..
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LIVRE II. — Du Brasil X Timor inclusivement. 559
Si, ties observations de temperature, nous passons a celies du baro-
m£tre , nous aurons, pour Coupang seulement, les resultats que voici :
Observations
de physique.
Baroraetre.
Hauteur moyenne du barometre pendant la dur6e des observations. 758 ,50
Maximum du matin h Ie mercure 6Ieve de 759 ,73
Minimum du soir ii 3** 757 ,09
Maximum du soir h 1 i h 759,10
Minimum du matin h 3 h 75 8 ,43
resultats d’ou I’on tire :
P^riode de y h matin it 3 h soir , 4gale 2 ,64 •
— de 3 h h 1 1 h soir 2 ,01 .
— de 1 i h soir h 3 h matin o ,67.
de 3 h h 7 h matin 1 ,30.
On sait que Timor est assujetti k {’influence des moussons , c’est-X- Vents,
dire, des vents qui soufflent pen-
dant six mois dans un sens , et Ie
reste de I’annee , selon une direc-
tion opposee. La mousson du Sud-
Est, ^tablie depuis avril jusqu’en
octobre, est accompagnee de beau
temps et de secheresse ; la saison
des orages et des fortes pluies com-
mence en octobre, et finit en avril.
Des calmes longs et opiniatres prt*-
cident ordinairement ces revire-
mens de mousson. ( Voye 1 la figure
ci-jointe. )
L’Uranie s’est trouvee X Timor k I’dpoque ou la mousson du Nord-Ouest
succ^de a celle du Sud-Est. Lorsque , &ant au mouiliage, Ie calme ne do‘-
minoit pas, on etoit soumis a I’influence des brises de terre et de mer:
Ie jour on avoit celle du large, et elle venoit de terre la nuit, ainsi
qu’on Ie voit gen&alement, pres des cotes , dans les regions equatoriales.
Les vents qui souffloient avec Ie plus de force k Coupang , ce que nous
avons presque toujours vu arriver de midi k quatre heures du soir,
6toient ceux d’E. S. E. d’abord, puis de N. N. O., de N. O. et de Nord ;
Voyage de l* Uranic, — Hbtorique. Bbbb
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5 60 VOYAGE AUTOUR DU MONDE.
Observation j a Dilie , ils venoient du S. S. O. et du N. E. Mais , je ie r^pete , fordre
de physique. ^ u j s ’ 0 f> serve q ua nd la saison est bien etablie , se derange plus ou moins
aux approches des changemens periodiques.
Saisons. Ainsi que font observe Ie capitaine Dampier (i) et M. de Rosily (2),
les vents soufflent tr£s-diff 2 remment sur les cotes opposes de Timor.
Les vents de Sud , en effet , qui ne sont que foibles sur la cote m£ri-
dionale, sont tres-violens sur celle du Nord ; et Ie mauvais temps , vers
les rivages du Sud , d<*ja tr£s-intense en octobre , ne Ie devient pas avant
decembre sur la bande du Nord.
L’intervalle du 10 avril au 25 juillet est f^poque de la bonne saison
dans la partie septentrionale defile; les vents y r^gnent du S.O. au N.E.,
en passant par Ie Sud et par I’Est ; mais ils ne sont jamais bien forts.
A la mi-juillet, ceux du Sud commencent a acquerir de la force, en pas
sant de I’E. S. E. au N. N. E. ; forte brise , pendant les mois d’aout , sep-
tembre et octobre. Apr£s cette p^riode , ils passent au Nord , puis au
N. N. E. , a I’O. N. O. , et soufflent grand frais en janvier , ffvrier et
mars, qui est Ie temps des plus grandes pluies et des plus forts orages.
Mais , au milieu de ce dernier mois , fin de la mauvaise saison sur la
cote Nord-Est , les vents commencent a se rapprocher du Sud , apres
avoir passd par I’Ouest.
En avril , mai , juin et juillet , qui sont les mois de la bonne saison
sur la cote septentrionale de file , on observe parfois de petites varia-
tions dans les vents , lesquels , a f epoque des nouvelles et pleines lunes ,
soufflent momentanement au Nord et au N. O. , et sont accompagnes
d’orages, en general foibles et de courte dur<£e.
Pendant la mousson de Sud-Est , principalement depuis juin et juillet
jusqu’en novembre, des brises de terre et de mer soufflent sur la cote
septentrionale de Timor ; elles se font sentir aussi , mais un peu piutot
et un peu moins tard , sur les rivages du Sud , lorsque Ie temps est beau.
Entre autres phenom^nes m&dorologiques , nous remarquames plu-;
sieurs fois, de nuit, pr£s de file Ombai, des nuages tr^s-bas et fort
• I *
Ci ) A Voyage to New- Holland , ifc., in the year i6pp , by William Dampier.
(2) Voyage a. Timor suria flute le Gros-Ventre , commandee par ie capitaine Saint-AIIouarn
en i.77 2. (Mss. )
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LIVRE II. — Du Brasil X Timor inclusivement. 561
noirs , qui passoient sur nos tetes sans donner de vent. Un soir seulement ,
pendant le calme, une de ces nuees se fit ressentir brusquement, et
cessa de m£me; le bruit quelle occasionnoit etoit semblable k celui
que feroient beaucoup de petits pois qu'on jetteroit dans l’eau.
Tous les soirs , jusqu’au coucher du soleil, nous avons observe k
Coupang que le ciel <*toit orageux et charge de nuages dans le N. O. ;
on entendoit souvent alors gronder le tonnerre, et les eclairs se suc-
cedoient avec rapidite. L’orage de la soiree du 1 3 octobre est cepen-
dant le seul qui soit arrive jusqua nous. II se manifesta vers les trois
heures apres midi dans le Sud et le S. S. O. , et se dirigea ensuite vers
, le Nord, malgr^ la violence du vent, qui regnoit de cette partie. La
pluie tomba tr£s-abondamment pendant pres d’une heure , et le tonnerre
ne cessa de gronder qu’au moment ou le ciel eut repris son etat or-
dinaire.
Les £poqnes ou la pluie tombe avec le plus d’abondance, sont, a
Timor, les mois de janvier, fevrier et mars. L’humidit^ , comme on
le con^oit , est alors extreme, ce qui occasionne beaucoup de maladies.
Quoique nous ayons sejourne a Timor a une ^poque ou la saison s£che
fmissoit a peine, nos observations hygrometriques nous ont cependant
appris que fhumidite habituelle de 1’atmosphere est tres-considerable.
En glndral , nous avons trouv^ quelle etoit plus grande a terre qua bord ;
l’epoque de son maximum moyen etoit , d’une part , 3 heures du matin ,
et 6 heures a bord ; le minimum arrivoit entre midi et z heures du soir.
Pendant notre navigation dans le canal d’Ombai, la brume qui Couvroit
les terres soit de cette ile , soit de Timor, a 6 te parfois assez forte pour
nous cacher la vue de la terre , quoique nous en fiissions a petite distance.
La rosee et le serein sont forts A Timor , et sur-tout tr£s-dangereux ;
ies habitans mettent le plus grand soin a s’en preserver , precaution
que les Europ^ens inexpcrimentes ne prennent pas toujours.
Quelques analyses incompletes ont appris k M. Gaudichaud que
i’eau de la riviere de Coupang , trouble , blanchatre et fade au gout ,
devient claire et assez fraiche lorsqu’elle a ete filtrde. Cette eau, selon le
m£me observateur , contient peu de sulfate de chaux , une portion plus
forte de sulfate d’alumine, des muriates alcalins et terreux, et beaucoup
Bbbb*
Observation*
de physique.
Humidite.
Analyse
des eaux.
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Observations
de physique.
Magnetisme.
Marees.
562 VOYAGE AUTOUR DU MONDE,
d’alumine en suspension. Un echantiilon de cette eau , apporte en France
et soumis A I’analyse par un de nos plus habiles chimistes , M. Berard (1) ,
a montre quelle tient egalement en dissolution une quantite considerable
de matures organiques , ce qui doit en rendre I’usage fort insalubre.
Nous reviendrons, dans une autre division de ce Voyage, sur un sujet
que nous ne pouvons maintenant qu’effleurer.
Les observations magnetiques que nous avons faites a Timor ont
fourni les donnees suivantes :
DESIGNATION DES RESU1TATS.
RESUME DES OBSERVATIONS MAGNETIQUES FAITES
A COUPANG.
A DILL-i. |
Vaieur.
Remarque*.
Vaieur.
Remirques.
Declinaison de fa bo us sole
o° 13' 38"
32.;i. 3.
Ndrd-Ouest
0 0 3 6 12
30. 0. 2 1.
Nord-Ouest
Pointe clcv6eNord.
Indinaison magnetiquc de l’aiguiile
Pointe ilev6e Nord.
Dampier, en mai 1700, avoit trouv^ a Coupang o° 15' de decli-
naison Nord-Ouest, ce qui sembleroit prouver depuis lors une variation
presque nulle dans la direction azimutale de l’aiguille aimantee. Au reste,
la vaieur de cette declinaison etant fort petite ici , il est difficile detablir
a cet egard une conclusion positive entre nos observations et celles des
voyageurs qui nous ont precedes.
Pendant notre navigation dans le canal d’Ombai, apr£s sur-tout que
nous etynes depasse le mtridien de Lefao , nous observames que le vais-
seau etoit reguli£rement et fortement soumis a l’influence des marges.
Le courant portoit vers l’Est deux fois par jour, et renversoit ensuite
autant de fois dans le sens oppose. Le Hot commen^it a la cote de
Timor, pour se rendre ensuite a celle d’Ombai; mais il avoit, dans ce
sens, bien moins de duree que le jusant. Au renversement de celui-ci,
les eaux, en rebroussant sur elles-memes , faisoient un bruit assez fort,
tel que feussent pu produire des brisans ou l’agitation de l’eau dune
riviere rapide. Ce dernier effet etoit sur-tout remarquable au milieu du
canal , ou la vitesse des eaux avoit plus d’intensit^.
( i ) Frere de Tofficier de ce nom embarque a bord de VUranie .
D itized by
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LIVRE II. — Du Brasil X Timor inclusivement. 563
Malgre fespece de compensation qui devoit n<fcessairement resuiter
de cette action alternative, il nous est arrive de nous trouver Wans-
porWs vers l’Ouest de 4 1 milies en 24 heures. II est vrai que la puissance
du courant n’etoit pas toujours aussi considerable : nous avons trouv^
en 24 jours que son action moyenne etoit de 2 5 milies dans ce sens , et
de 1 3 milies dans celui du Nord au Sud.
En rade de Coupang, ce mouvement de la mer &oit tres-peu sensible ,
car presque toujours la corvette se trouvoit £vit<fe au vent regnant. II
ne paroit pas non plus que les eaux s’y £I£vent au-dela de p pieds dans
les grandes marges ordinaires. M. Bernier, astronome du Voyage de
Baudin aux Terres australes , fixa /' etablissement des mare'es dans ce
port k 1 1 h 24 7 . On assure que, dans le detroit de Simao, le courant,
d’ailleurs foible, porte au Nord pendant le Hot, et au Sud lors du jusant.
S. III.
Giologle et Mineralogie.
Quelle que soit I’opinion des voyageurs qui , avant nous , ont visits
Timor, on ne peut s ? emp£cher de convenir aujourd’hui que cette ile ne
soit en grande partie composee de substances volcaniques. La forme
generate des mohtagnes, leur grande Ovation, l’examen de quelques
roches trouvees sur plusieurs points rapproches de la cote, sont autant
d’indices qui militent en faveur de cette opinion, que d^montre compte-
tement ensuite i’existence dun volcan en activity dans la partie Sud-
Est de Tile. Reunissons d’abord les ‘ remarques que MM. Quoy et
Gaudichaud ont faites aux environs de Coupang.
Derriere la ville de ce nom , legation des terres commence au bord
de la mer et parvient* bientot a former des collines dune hauteur assez
remarquable. Leur surface est recouverte de puissans massifs de litho-
phytes du genre astree , qui encombrent aussi par-tout les rivages de la
baie. Ces animaux , par leurs produits , ont tellement encrout^ le terrain
primitif, qu’il est presque toujours fort difficile de le reconnoitre. De 14
I’idee assez naturelle , mais inexacte , que la montagne toute entire est
Observations
de physique.
1
Glologie.
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5 64 VOYAGE AUTOUR DU MONDE.
He Timor, due aux travaux des polypiers , ou , en donnant £ cette idee plus d’ex-
Geologie tension encore , que l’ile endure leur doit son origine. Cependant , a peine
et mineralogie. , , . . , . .
s est- on avance de quelques centaines de pas en gagnant les hauteurs,
qu'on trouve des couches verticales dun schiste gris bleuatre , veine de
quartz ; sur le bord de la riviere , des blocs de roches siliceuses de jaspe
grossier ; et , dans d’autres lieux , du calcaire compacte : substances qui
demontrent assez les bases sur lesquelles se sont sieves les zoophytes.
Nous ne pouvons indiquer au juste fepaisseur de leurs massifs , mais
nous croyons ne pas 1’exagerer en la portant de 1 5 4 3 o pieds.
Les couches de m^andrines dont ils se composent sont cribiees de
grands trous , et presentent des coupures qui ne peuvent avoir 6t6 pro-
duites que par faction de la mer , lorsqu’elle couvroit ces zoophytes.
Quoi qu’il en soit, cette operation g^ologique prouve dune maniere
irrecusable ou fabaissement des eaux de 1’Ocean , ou bien i’elevation des
terres au-dessus de leur surface, par suite des secousses volcaniques;
elle foumit en m£me temps une donnee precieuse pour ^valuer avec
justesse la nature des travaux des zoophytes de meme esp£ce qui existent
dans la mer , pris des rivages.
Le temple chinois a et£ bati sur une roche dune trentaine de pieds de hau-
teur au-dessus du niveau de la mer, et qui ne montre aux yeux que des ma-
drepores de diverses esp£ces, agglomeres ou colies ensemble par un sedi-
ment grisatre. Le fort Concordia est assis sur un massif tout sembiable.
Au Nord du point ou nous avions fixe notre observatoire , etoit un
monticule eleve de 125 a 150 pieds, recouvert egalement de masses
madreporiques enormes. Enfin en plusieurs autres lieux peu eloignes, et
particulierement dans le grand cimetiere des Chinois, situe derriere le
fort des Hollandais , on voyoit cette particularite se reproduire dune
maniere non moins manifeste.
Cependant, d’apres les documens qui nous sont propres et les ren-
seignemens que nous avons recueillis, il ne paroit pas qu’il existe nulle
part a Timor de montagnes exclusivement formees de coraux, ainsi que
Peron avoit cru pouvoir favancer.
Les rivages de la baie sont entierement madreporiques et gendralement
fort escarpes; le sable qui s’y trouve est un melange de detritus de
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LIVRE II. — Du Bbeisil X Timor incldsjyement. 56$
coraux, de coquiiles brisdes et de quelques grains de quartz. La mer
y transporte parfois des ponces noires arrondies, provenant soit de
quelques points voisins de Tile, soit des lies environnantes.
« La petite ile Kera , qui est basse et placee a I’ouverture de la bale
de Coupang, nous fournit, dit M. Quoy, un exempie du systeme de
formation de plusieurs petites lies du grand Oc&in par les travaux des
madrepores, lorsque ces animaux trouvent, & peu de distance de la
surface des flots , une base pour y construire leurs demeures. Forster a
fort bien entrevu la maniere dont la chose s’opere. En effet, apr^s que
ces animalcules ont pouss£ leur travail jusque pr£s de la superficie de
l’eau, et qu’ils d&ouvrent a mer basse, il suffit qu’une tempete agite
violemment les ondes, et depose dans les anfractuositls de ces madrepores
des amas de sable, pour que le fond s’ei£ve et donne bientot naissance
a une ile. Avec le temps ce sable terreux devient propre a la vegetation ;
et le vent, les courans, les oiseaux (i), concourent pour y porter les
germes dune foule de plantes dont l’accroissement rapide et les debris
tendent insensiblement a eiever ce sol de nouvelle formation. ,
» Si les circonstances dont nous parlons vienftent a manquer, soit
par l’eioignement de quelque grande terre , soit par une direction peu
favorable des vents ou des courans, l’ile demeure sterile , ainsi qu’on le
voit quelquefois sur certains points de la Polynesie. Mais cela ne pouyoit
avoir lieu pour l’ile qui nous occupe, si voisine de Timor : aussi.la
vegetation y est-elle des plus brillahtes.
» Au petit nombre de remarques que nous venons de faire, nous
ajouterons qu’en cotoyant Timor d’assez pr£s , nous avons reconnu que
les falaises du rivage , depuis Coupang jusqu’A Seterana , sont madre T
poriques, et que les mornes eieves ou ion aper^oit des eboulemens,
paroissent formes d’un calcaire blanchatre.
» Apr^s avoir depasse Lefao du cote de l’Est, le sol change de nature
et devient entierement volcanique. Les montagnes sont d’abord divisees
en ravins profonds dont les ouvertures font face a la mer ; puis un grand
nombre de monticules, quon diroit 6tre haches a leur sommet, se
( i ) On pourroit ajouter les twees electriques } qui paroissent etre aussi de puissans agens de la
nature pour transporter au loin les germes des vegetaux.
He Timor*
Geologie
et mineralogre.
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j 66 VOYAGE AUTOUR DU MONDE,
lie Timor, rdunissent par leur base et s’<fl£vent au-dessus les uns des autres. Snr
Geologic les points ou ces Eminences n’&oient pas recouvertes de plantes dessd-
et minlralogie. ... , . . . , _ T ,
cnees , on reconnoissoit la couleur noire de la lave. Notre equipage
m£me ne se m^prit pas sur ia nature de ces rivages , qu'il comparoit a
ceux de Teneriffe. » Plus & 1 ’Est encore, les terres changent de nouveau
d’aspect ; mais nous les avons aper^ues a une trop grande distance pour
qu’il nous soit permis de hasarder une opinion decisive sur la nature qui
leur est propre.
« Le rivage de la mer, sur cette c6te septentrionale , est ordinaire-
ment pierreux et sablonneux , dit M. de Rosily ( i ) ; il y a beaucoup de
cailloux k feu dont les naturels du pays font des pierres a fusil, quoi-
qu’elles ne vaillent pas les notres. »»
Le sol ou est bati Dill^ est un terrain d’alluvron , fort marecageux
dans la saison humide. Le temps nous a manque pour examiner la con-
texture des collines et des montagnes qui i’entourent. De ce point jusqu’i
fextr^mite la plus orientale de file, les montagnes ont une pente adoucie
qui n’indique pas que le sol ait 6 te tourmente, r^cemment du moins,
par les feux souterrains. Les terres, vers cette extremite de file, etant
beaucoup moins devees que dans sa partie Sud - Ouest , on aper-
$oit , quand on navigue dans le voisinage , le sommet dune montagne
fort haute et fort remarquable, que nous croyons itre le mont Kor-
rara, situee dans le royaume de Bibilouto, ou se trouve, dit- on, un
volcan en ignition. Nous ignorons si ce volcan est le seul qu’il y ait a
Timor (2).
II ne paroit pas que les tremblemens de terre soient rares sur cette
fie : fhistoire en cite deux fort remarquables , dont un eut lieu en 1 793 ,
et f autre peu de temps avant l’arrivee de I’Uranie. Le premier sur-tout
causa de grands d^sordres a Coupang, ou l’^glise et quelques autres
batimens , construits en pierre , fiirent renverses.
Or. — Nous avons dit un mot plus haut , des rivieres auriftres qui se
( 1 ) Manuscrit provenant da voyage du capitaine Saint-AHouarn a Timor, dont M* ie
vice-amiral comte de Rosily faisait partie, en qualite d’enseigne de vaisseau.
(2) li existe aussi deux volcanssur la pointe orientale de file Floris, qui jettent continoel-
lement du feu ou de lafumee; Tun des deux est peu eloigne de Larentouka.
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LIVRE II. — Du Brasil X Timor inclusivement. 567
rencontrent X Timor. Cette particularity indique dej& la prysence de mines lie Timor,
de ce prydeux mytai , et ii y en existe ryellement : cependant , elles ne sont Geolorie
. , ... , ... 111. 1 » et mineralogie.
soumises a aucune exploitation ryguiiere , et les habitans se bornent a
recueiilir les paillettes dor que roulent les eaux de certaines rivieres , ainsi
que lor natif que les pluies d’hivemage entrainent des montagnes. II n’est
pas rare de voir des grains ou de petites pypites de ce mytai de la
grosseur dun pois et m£me au-dessus : Tor en est pale et d’un bas titre;
j’en ai rapporte un ychantillon, dyposy aujourd’hui dans les galeries du
Musyum d’histoire naturelle ( 1), et provenant dune des rivieres du royaume
de Titoulouro. Parfois , selon l’auteur d’un manuscrit portugais (2) ,
on voit a Timor une esp£ce d or en feuilles , aussi noir que du jais ,
iequel , etant fondu avec un poids egal d’argent , reprend sa couleur
naturelle : je rapporte ce fait , quoiqu’il soit difficile k expliquer. Les ’
royaumes de Timor qui fournissent de lor en plus grande abondance ,
sont ceux de Bibissousso , Klako , Samoro , Suay , Touriskay et Vymassy.
«. La production minerale la plus importante de farchipel indien, dit
Crawfurd (3), for, considyry sous un point de vue gyographique , est
peut-£tre repandu uniformement sur toutes les lies d’Asie : cependant les *
contryes ou l’on en trouve le plus sont celles dont ia constitution geolo-
gique est primitive. C’est ainsi que les lies qui bornent a l’Ouest et au
Nord cet archipel , en sont assez richement pourvues , tandis que , dans
1 a grande chaine volcanique qui s’etend de Java a Timor-Laot, il est si rare
qu’on ne le juge pas inline digne d’etre rycolte. Borneo, en particular,
est file qui en fournit en plus grande quantity; vient ensuite Sumatra;
puis, dans une proportion dycroissante , la presqu’ile malaise, Cyi^bes
et Lu9on : tableau ou l’on semble voir que la hauteur et f ytendue des
rygions qui renferment cette substance ont quelque rapport avec sa
distribution. On ne perdra pas de vue nyanmoins que ces donees , pour
acquyrir un caract^re yvident de certitude , auroient eu besoin de s’ytayer
sur des investigations plus vastes. Comment affirmer, par exemple,
que telle contrye ou ia nature paroit s’^tre montrye avare de ce mytai
( 1 ) Dans la collection geologique, n.° 33, catalogue B.
(2) Communique par M. A. Balbi.
(3) History efth* Indian archipelago , t. III.
Voyage di P Uranic. — Historique. CCCC
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lie Timor.
Geologie
et mineralogie,
568 VOYAGE AUTOUR DU MONDE,
pr^cieux , n’en recele pas en r£alit£ autant que telle autre ou c’est a la
seule industrie de 1’homme , au hasard peut-6tre , qu’on a du vraisembla-
blement l’avantage d’en devoiler 1’existence.
» Eu <*gard k son gisement geologique , l’or des lies indiennes se
trouve , comme dans les autres parties du monde , en veines et en lits
mineraux , aussi bien qu’en depots d’alluvion. Celui de la premiere
categorie existe dans le granit, le gneiss , le schiste micac^ et le schiste
argileux; et celui de la seconde, dans de l’argile et du sable ferrugineux.
Le mineral contient toujours une quantity considerable d’argent, et assez
generalement aussi un peu de cuivre.
» Une tr£s-petite partie de lor livr£ au commerce par les insulaires
indiens , est obtenue par le precede du minage dans les veines et les lits
mineraux ; on s’en procure aussi en lavant le sable et la vase des ruis-
seaux ou des rivieres auriferes ; mais la recolte la plus productive est
celle qui se fait en lavant les depots d’or dans les terres d’alluvion. La
premiere methode (inconnue ou du moins tout-a-fait inusitee a Timor)
est principaiement suivie par les tribus les plus civilisees de i’archipel ; la
seconde est celle que present les sauvages ; et la troisieme est sur-tout
pratiquee par les colons chinois repandus dans ces lies.
» Les naturels sont tout-i-fait inhabiles k juger de la qualite du metal
qu’ils exploitent : complement etrangers k tout procede chimique , ils
ne possedent aucun moyen de separer l’or pur des matieres heterogenes
qu’il contient; ils ne soup^onnent pas meme un pareii amalgame. Sui-
vant leur naive et grossiere conception , l’or plus ou moins allie est tou-
jours le m£me metal parvenu a differens degrds de maturite. »
L’or produit par les lies d’Asie est a-peu-pres , dit encore Crawfurd ,
le huitieme de celui que fournit le monde entier. Nous ignorons dans
quelle proportion celui de Timor se repand dans le commerce, mais
nous savons qu’il est un de ses plus importans objets d’exportation.
Cuivre. — Ce metal est encore ici une production d’un haut intent.
On le connoit dans le commerce sous le nom Sanskrit de tambaga , et k
Coupang sous le nom malais de loyan. II est tres-abondant sur plusieurs
points de file (1), soit en mineral, soit k I’etat natif : celui de cette
(1) Tous ces echantillons de mineraux ont ete deposes dans la collection geologique du
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LIVRE II. — Du Brasil X Timor inclusivement. 5 69
derntere esp£ce se trouve commandment dans les ravins ou au milieu
des dboulemens occasionnds par les pluies. Les dchantiilons de mine
de cuivre que j’ai rapportds , provenoient du royaume de Vemassd. Dans
celui de Fialara , non loin de Batougudde , on deterre frdquemment
aussi d’assez gros morceaux de cuivre natif , en fouillant seulement a
la profondeur de deux pieds (1). Pendant long-temps on n’auroit trouvd
ce mdtal, dans ies lies d’Asie, qua Sumatra et a Timor; mais, depuis
peu, on en a aper9u des traces 4 Borndo.
Fer. — L’existence du fer X Timor est encore probldmatique : des
personnes dignes de foi cependant m’ont assurd y avoir vu du minerai
de ce metal , et mdme , si elles ne se sont pas trompees , il y en auroit ,
au fond de quelques ravins , une quantitd assez considerable pour en
rendre Sexploitation avantageuse ; mais ce qui est certain , c’est qu’aucun
essai en ce genre n’a dtd fait. Jusqu’X prdsent on n’avoit ddcouvert le fer,
dans les iles d’Asie, que sur la presqu’iie malaise, k la cote Sud de
Bomdo , a Banca et a Billiton (2). Les mines de cette derniere lie , qui
est petite, rocailleuse et stdrile , "sont les plus productives de l’archipel ;
le fer qu’on en extrait est, dit-on, d'excellente qualitd.
Soufre. — II seroit difficile qu’un pays hdrissd de volcans dteints
ou en activitd, ne contint pas quelques mines de soufre propre a dtre
iivrd au commerce; je n’ai pas oui’ dire cependant qu’aucune exploi-
tation de ce genre ait eu lieu jusqu’a ce jour.
Sel. — II n’en est pas de mdme du sel ; car , inddpendamment des
salines ou lacs salds d’ou fan retire cette utile substance, Timor possdde
des mines de sel gemme ; j'en ai rapport^ des dchantiilons , provenant de
ceiies du royaume de Laga. Ii y en a encore sur d’autres points, et
notamment dans le royaume de Vemass<£, ou elles sont reputees sus-
ceptibles d’un bon rapport.
Museum (Fhistoire naturelie. A ma demande, M. ie professeur Cordier les a decrits amsi :
a 36, catalogue B, — Cuivre natif, en partie amorphe et en partie cristallise en octaedres
» superficiellement recouverts d’un peu d’oxide rouge de cuivre ou de carbonate vert; il est
»mele k un peu de gangue, soit calcaire, soit quartzeuse. »
( 1 ) « Ns 37 B, — Minerai de cuivre en masse amorphe, compost d’un melange de sulfure
» de cuivre , d’oxide rouge, et d’un peu de carbonate vert ( dit malachite) ; il ne contient point
»de parties minerales steriles, ce qui semble annoncer des gites tres-riches. »
(2) Les Anglais se sont fait conceder la propriete de ce$ deux dernieres iles.
cccc*
lie Timor.
Geologie
mineralogie.
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570 VOYAGE AUTOUR DU MONDE.
He Timor. Le lac sale , situd entre Laga et Dilie , passe pour £tre une source
Geolome e n queique sorte indpuisabie de cette production naturelie. C'est au
et mineralogie. r * 1 1 # 1
fond de ce lac que le sel se cristiallise ; et , chose remarquable , on a
beau en extraire , jamais il ne s’en fait une diminution sensible. Le bassin
est peu etendu et n’a pas plus de trois pieds a trois pieds et demi d’eau
sur ses bords; mais, au milieu, on n’a pu en mesurer la profondeur.
Lorsqu’il arrive , nous a-t-on assure , qu’un courant d’eau douce ou l’eau
de pluie y p£n£tre , il s’y fait une effervescence, suivie bientot d’une
chaleur telle que personne n’oseroit alors en extraire le sel sans s’aider
d’instrumens en bois. Quoique ce fait sorte enticement des notions
re9ues, relativement au melange des eaux douces avec les eaux salves ,
je n’ai pas era devoir le passer sous silence.
Salpetre. — Huile de petrole. — Le royaume de Laga contient aussi du
salpetre ; et I’on trouve dans ceux de Samoro et de Vdmass£ , de l’huile
de petrole qui y est fort commune; les habitans lui donnent le nom d ’huile
de terre , et s’en servent pour l’eclairage , m£me parfois comme d’un
medicament. *
Eaux mlnerales. — Des eaux minerales sulfureuses existent sur plu-r
sieurs points de file , et particuliCement dans les royaumes L^mean ,
Lakouiouta, Failacor et Vemasse. Nous n’avons pu en connoitre exacte-
ment les principes constitutes.
Terres argileuses. — Parmi les substances minCales qui doivent £tre
remarquCs 4 Timor , nous citerons encore une sorte de terre glaise
propre a faire des poteries grossiCes , et qui , sur quelques points , sert
en effet d cet usage.
Nous avons vu aussi des hommes retirer d’une mine , a Coupang ,
une espece d’argile savonneuse grisatre, m^lde de quelques petits cris-
taux de sulfate de chaux, et paroissant provenir de la decomposition
<Tune roche talqueuse ou philadienne ; elle etoit entouree d’une autre
substance terreuse qui dtoit jaune ; mais on rejetoit la premiere , tandis
' que celle-ci etoit conservee avec soin. Je n’ai pu m’assurer de l’usage
auquel Coit employee cette matiere , qu’on trouve en grandes masses
sur les bords de la riviCe de Coupang.
I
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LIVRE II. — Du Brasil X Timor inclusivement. 571
He Timor.
$. IV.
*
Fertility du sol; productions.
Lorsque, apr£s avoir abandonnl les plaines sablonneuses et st^riies Fertilite du sol.
de la Nouveile-HoIIande , on vient aborder aux cotes de Timor , on est
ravi X f aspect de la vdg^tation qui d^core cette lie; mais si, partant de
. cette demtere contr^e, on arrive, par exemple, aux Moluques, f admi-
ration change d’objet en contempiant les terres magnifiques et riantes
qui se d^veloppent de toute part : Timor ne peut plus alors soutenir le
paraii&ie , et ia haute opinion qu’on avoit con^ue d’abord de sa fertilite ,
s’affoiblit d’une manure sensible. De IX cette divergence de jugemens
qu’on a port^s sur les qualitls du sol de cette ile , divergence qui n’a eu
pour cause , comme on voit , que l’ordre successif des sensations dont
l’ame de chaque observateur a 6 te affectee.
Quelle que soit , au reste, fopinion qu’on adopte X ce sujet, il est
certain que Timor , vu de la mer , n’oflre pas , en g<hn£ral , ce luxe
de v^g&ation qui sembieroit , au premier abord , convenir X sa latitude
et aux parages ou il est placl. Cette circonstarice derive X-ia-fois de
ia nature particuli&re de son sol , du peu de iargeur de file, de la hau-
teur de ses montagnes et de la pente rapide de leur surface, qui permet
peu X ia couche veg&ale de s’accumuier sur leurs Hanes.
Pres de Coupang , ia fertility n’est bien apparente quau fond des
petites valines et dans les endroits arros^s par ia riviere, parce que
la terre v^g^tale a IX une plus grande dpaisseur. Ailleurs ie terrain ,
madr^porique et schisteux , paroit peu propre X ia quiture : la couche
d’humus y est tr£s-foib!e, et convient mieux au d^veloppement de la
prodigieuse quantity de piantes annuelles qui y croissent , qu’X la nour-
riture des arbres.
Sur les montagnes cependant et dans quelques sites des bords de
ia mer, M. Quoy a remarqud que la v^g&ation est forte et vigou-
reuse ; mais , dans Ie voisinage de 1 * dtabiissement holiandais , X f ex-
ception de quelques arbustes assez rapprochls les uns des autres, les
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lie Timor.
Fertilite du sol.
572 VOYAGE AUTOUR DU MONDE,
grands v^g^taux laissent entre eux beaucoup d’espace. Examine en detail ,
le tableau devient plus slduisant : la ce sont des figuiers multiplians,
des tamariniers , des manguiers , See. Sec. , dont on admire les propor-
tions gigantesques ; ici ce sont les fleurs de certains arbres qui embaument
l’air s de leur suave parfum.
Senfonce-t-on d’une lieue seulement dans 1’int^rieur du pays, la
v^g^tation se montre dejA plus active. De vastes champs de riz , entre-
coup^s de bois toutfus , decelent par-tout un terrain plus substantiel ,
auquel il ne manque qu’une culture plus soignee et mieux entendue.
Si l’on avance encore , les beaut^s du paysage prennent une autre teinte
et deviennent de plus en plus pittoresques. La tige droite et danc^e de
l’ar^quier , les feuilles larges et decouples de I’arbre a pain , les touffes
de bambou , la t£te 6tal6e du latanier, enfin une foule d’arbres ou
arbustes dont les nuances varices se marient sous mille formes , tout ici
concourt A composer un enchainement de sites enchanteurs que f ceil par-
court avec ddices.
L’ile K<fra , quoique extr&nement peu dev<$e , n’^tale pas , A 1’entr^e
de la baie de Coupang, une firalcheur de verdure moins remarquable:
eile la doit A de nombreux casuarinas , dont les feuilles linlaires imitent
de loin celles des pins ; a des mldiciniers , k des ben oleifer, dont les
fleurs jaunes et odorantes donnent naissance k de longues sillques trian-
gulaires, &c.
L'examen des c 6 tes m&idionaie et orientale de Timor, ne pr£-
sente rien d’attrayant. Des terres basses en forment le littoral, et le
sol, seion le capitaine Dampier ( 1 ), y est en glnlral friable, sablon-
neux et m&liocrement fertile, quoique couvert de forcts. Les mon-
tagnes sont bigaarles de bois et de savannes : tandis que queiques
coteaux ^talent une riche parure d’arbres <flev<fs et d’une belle venue ,
d’autres ne sont parsemes que d’un petit nombre d’arbres de foible
apparence. Les savannes , presque m£ldes k ces bois , sont rocailleuses
et stlriles.
Apr£s avoir quitt£ Coupang en se dirigeant au Nord, et jusqu’A la
hauteur du Coin-de-Mire , la cote paroit bien boisee et le coup-d’oeii
( i ) A Voyage to New-Holland # if c. , in the year ifyy.
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LIVRE II. — Du Brasil X Timor inclusivement. 573
en est agitable. Mais en avan?ant au-deia , nous vimes les montagnes lie Timor. ,
les plus voisines de la mer , quoique boisdes , entierement d^pouilldes Fertilite du sol.
de leur verdure par I’ardeur du soleii : c’etoit alors en novembre. Les
terres, a quelques values pr£s , conservent, jusqu’au-dela d’Atapoupou,
la m£me empreinte de reprobation. Seterana et Tobonikan sont les
points les plus fertiles ; mais k I’Est de Lefao , le sol , eminemment vol-
canique , est frappe d’une aridite presque complete , a laquelle participent
d’une maniere remarquable les montagnes situ^es derriere Atapoupou.
Aussit6t qu’on a atteint Koutoubava , dont ies terres environnantes sont
basses et par consequent humides, on jouit du piaisir de reposer sa vue
sur une vegetation plus active.
A Diiie, le sol est tr^s -fertile aussi ; mais de ce point jusqu’X ia iimite
orientale de Timor, il n’est que mediocrement boisd : c’est la partie la
plus etroite de file; d’interessantes cultures y offrent neanmoins I’image
de la richesse et de la fraicheur.
Ici notre projet est de ne considerer les Productions vegetales de Productions
Timor que sous ieurs rapports economiques. Elies sont en grand vegetales.
nombre et tres-diversifiees; les plus importantes etant les plantes ali-
mentaires , nous nous en occuperons d’abord.
Le metis , dans cette serie , occupe le premier rang , et forme la base
de la nourriture des Timoriens. « Le mot djagong , que Crawfiird (1)
suppose 6tre purement indigene , est le nom par lequel cette graminde
est connue d’une extrfmit^ de l'archipel indien k I’autre (2). II est done
X-peu-pris certain qu'une seule tribu instruisit toutes les autres de sa
culture; et 1’on peut assurer, autant qu’un fait de cette nature est suscep-
tible de demonstration , que le mais etoit cultivd dans ies iles d’Asie
avant la decouverte de I’Amerique, et que par consequent il est une
production naturelie de ces iles. Ce mot djagong n’a nulle anaiogie avec
aucun mot des langues de 1 ’Amerique : il est pourtant avdrd que , pour
designer Ies productions exotiques , tant animates que vegetales , le
nom primitif de I’objet , ou une expression qui en rappelle Torigine , est
(1) Op . cit. t. I.
(2) D’apres M. de Rosily , Ies habitans des environs de Laga, sur la cote septentrionaie de
Timor, dans TEst de Diiie , appellent le mais katakrahe . ( Manuscrit cite. )
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lie Timor,
Productions
vegetales.
574 VOYAGE AUTOUR DU MONDE,
invariablement consacre dans les diaiectes des insuiaires indiens. II suffit
de citer le pome (i), la mangue ( 2 ), le legume appeie kadale ( 3 ) ; la
brebis , introduite par les Indous ; f orange et ia pistache de terre, venues
de Chine; le cafe', apport^ d’ Arable; f ananas, le tabac , la pomme de
terre (4) et la poule dltide , re^us d'Amfrique par finterm&liaire des
nations europ^ennes. >»
On ne sauroit douter que le r/£ ne fut connu et cultiv£ des habitans
de Timor a 1 ’epoque ou les compagnons de Magellan firent la d^cou-
verte de cette ile , puisque Pigafetta , leur historien , dit dune manure
expresse qu’ils y en virent de tres-beau. II est fort curieux assurement ,
ainsi que fa observe Crawfurd ( 5 ), que le riz.en grain et le riz en pailie
portent , & de tr^s-Iegeres variantes pr£s , les m£mes noms ( bras et padi)
dans ia nombreuse slrie de iangues et de diaiectes r^andus depuis
Madagascar jusqu’aux Philippines; et que ces noms, indigenes fun et
f autre, n’aient pas la moindre ressembiance avec ceux d’aucun autre
iangage etranger connu. Pr£s des bords de la mer, on ne r^coite k
Timor que le riz des marais ; il est probable que le riz cuitiv^ dans
f intdrieur de file est dune quality dif&frente.
La ciasse des palmiers, abondamment repandue dans cette ile, a
plusieurs genres d’utilitd. L’importance du cocotier, cultiv<£ dans toutes
les iies du grand arcfiipel d’Asie , est connue ; ii ne se rencontre point
a l’ltat sauvage. « Dans les ilots inhabites, voisins d’iles plus dtendues ,
dit Crawford (6), le cocotier croit en grand nombre sur les rivages,
mais jamais dans fint&ieur : ce qui montre que les semences y ont ete
apport^es des plus grandes lies par les flots , que ces arbres se sont pro-
pages d’eux-m£mes , et que , dans cette situation , ils ne sont pas indi-
genes. Par fun ou' l’autre des mots kalapa et nyor, et quelquefois par
les deux , la noix de coco est connue dans toutes les parties de farchipel
( i ) Le nom lada, qu’on Iui donne dans tout Tarchipel, est Sanskrit. Crawf. op. cit . 1. 1 .
(2) La mangue [mangga] paroit avoir £tc introduite darts Farchipel d’Asie par les Indiens.
Ibid.
( 3) Ce mot est telingais. Ibid.
(4) Les Malais Ia nomment oubi-Europa, c’est-a-dire, igname d* Europe. Ibid.
(5) Ibid.
(6) Ibid.
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LIVRE II. — Du Brasil a Timor inclusivement. 575
indien, depuis Sumatra jusqu’aux Philippines; et m£me ces noms
s’dtendent jusqu a Madagascar et aux lies des Amis (Tonga), ainsi qua
d’autres portions de I’Oceanie (1). Combien il est etonnant de ddcouvrir
que ce vegetal utile se soit propage comme a la ddrobde sur une etendue
de plusieurs milliers de lieues , parmi des centaines de tribus barbares ,
parlant des laiigues difRrentes , et ne se connoissant pas^entre elles!
Le cocotier croit tr£s-promptement , atteint sa plus grande hauteur et
se montre beaucoup plus &cond pr£s des bords de la mer : ses dimen-
sions et la grosseur de ses produits diminuent a mesure qu’on s’avance
dans i’interieur des *terres ; et sur les plus hautes montagnes , il est long-
temps avant de produire ; encore ne donne-t-il que des fruits nains.
Dans les terres favorables, le cocotier doit £tre en plein rapport a I’age
de cinq ans.
« La pulpe , 4 son premier degre de maturation , est employee , sous
une grande variety de formes, a la cuisine des naturels; et quand la
noix est parvenue & son entier developpement , on en extrait une huile
qui est la plus estimee de celles dont les insulaires indiens font usage.
Fraichement exprimee, cette huile est pure et sans gout; mais bientot
elle acquiert une rancidite qui ne r^pugne pas aux indigenes , quoique
les Europeens la trouvent insupportable. Trop ch^re pour servir habi-
tuellement a i’edairage, on la reserve presque toujours pour les usages
culinaires. »
L’enveloppe fibreuse qui entoure la noix, peut, comme on sait, £tre
convertie en cordages , et la coque ou locale du fruit servir k faire une
multitude de vases domestiques dont ce nest point maintenant le lieu de
donner le detail.
A ces usages du cocotier, nous ajouterons cefui qu’on peut faire
encore de la sommite herbacle de son tronc , sorte de chon tr£s-deiicat ,
mais que Ton coupe rarement, parce que cette mutilation entraine la
destruction de 1’arbre.
L’arequier, qu’on d&igne quelquefois sous le nom de palmiste, donne
aussi un chou fort estime : son fruit est un ingredient oblige du masfi-
catoire connu sous le nom de betel; et la tige droite , haute et ieg£re de
( 1 ) Notaniment aux iles Mariannes, oil I&noix de coco se nomme niou .
Voyage de V Uranic. — Historiquc. D d d d
lie Timor/
Productions
vegeta les.'
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lie Timor,
$
Productions
vegetales.
57 6 VOYAGE AUTOUR DU MONDE.
l’arbre , convieat beaucoup et s’emploie souvent & la construction des
maisons.
Nous aurons occasion de parler ailleurs du iatanier, et de la multi-
tude d’objets utiles que nos insulaires savent tisser avec ses feuilles; du
sagoutier , qui fournit aux tribus les plus orien tales de l’archipel , une
moelle nuttiyve qui forme la base de leurs repas; enfin, des divers pro-
duits ^conomiques qu’on retire ou qu’on pourroit retirer, sous d’autres
rapports , de la classe nombreuse des v^g&aux de Timor.
J’ai pens^ ndanmoins qu’on ne verroit pas ici sans inter£t un catalogue
ajphabltique et raisonnl de tous ces v^gdtaux, distribu^s dans le tableau
qui suit en diverses categories , dont la premiere embrassera les plantes
alimentaires ; la secqnde , les plantes mldicinales; la troisteme , les bois
de construction et de charpente ; la quatri£me , les plantes propres aux
manufactures et aux arts; ia cinquieme , celles qui sont de pur agr^ment;
la demtere enfin ^celles qui conviennent plusparticuiterement a 1a nour-
riture des be&tiaux. .
Les Siemens qui m'ont servi a composer ces tableaux ont dt£ tirds des
jouxnaux de 'MM. Gaudichaud, Quoy , Gaimard , Lamarche, et de ceux
qui me sont propres. Du reste , j’ai cherche k citer exactement les auteurs
etiangers . dont les remarques m’ont para devoir rentrer dans le cadre
que.je mYtois trace. - .
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LIVRE II. — Du Brasil X Timor inclusivement.
TABLEAU des principales productions vigetales de Timor propres h des usages 6conomiques s
NOMS
DES vic^TAtjjC.
— PLANTES ALIMENTAIRES.
REMARQUES.
Afl
Cette plante est fort commune a Coupang et a Dillc ; nous
pensons qu’clle cst indigene a Timor.
Ananas
Ce fruit, qu’on rencontre a l'ctat sauvage, est originaire d’A—
merique, d’ou il a etc a p portc par les Portugais ; nullc part
il n’est mcilleur ni plus sain qua Dillc. Les Anglais le
nomment pine-apple.
Ang^ilque . . .
Plante cu|tiv£c dans queiques jardins; on croit qu’clle est
exodque.
Anis
Sc trouve aussi , cn pedte quantite , dans les jardins de Cou-
pang : les Chinois en font usage.
Anone
Il existe de nombreuses cspeces dc cc genre de plantcs. Nous
nous bornerons a citer I'anona squamosa et Yanona muricata ,
dont lc fruit, connu dans nos colonics sous le nom d'atte,
de cceur-de-bctuf, et par les Anglais sous celui dc custatd -
apple, cst rempli d’une crime sucrie delicicusc.
Arbre k pain. .
On distingue ici deux varictes de cct arbrc, nommc par les
naturalistes artocarpus incisa , ct soukone par les habitans
dc Coupang. Lc fruit de l'une conticnt la scmencc de
I’arbre ; celui de l'autrc n'en cor.tient point : ce dernier cst
le veritable fruit a pain , ou rima , moins cstime que celui
qui se trouve chcz les insulaircs du grand Ocean. L’arbre
qui lc produit cst assea multiplic a Timor , ou Ton en voit
qui n’ont pas moins de 60 piedsde hauteur ct mlmcau-dela.
Ar&juier
Le chou que fournit cet arbrc est une des substances aiimen-
tairesles plus cstimies. ( Voyei Chou- palmistc , n.* 29.)
Arrow- rout. .
Il est fort probable que cette plante, nommee maranta a run -
dinacea par les botanistes, ct qui eit repandue dans un
grand nombre dtles voisines, se trouve aussi a Timor; mais
nous n'en avons pas la preuve directe. On sait qu’on cn cx-
trait une feculc nutritive fort estimec.
Arum de Rum-
phi us.
Atte
Voyei Mahe, n. # 6a.
Voyei Anone, n. # 5.
Badamier. . . .
A Coupang, on nommc cet arbre katapan ; 11 fournit une,
amande assez rcchcrchee pour sa saveur.
Bananier
II yen a ici de plusieurs varictes: la meilicure donne un fruit
long de 7 a 8 pouces , dont la pcau est rougcatre , et qu’on
nomme pisang a Coupang; e’est le nom malais: pres dc
Lags, dans I’cstdc Dillc, on I’appclle mohou ; les Anglais lc
connoissent sous lcs noms de plantain et d'indian fig. La ba-
nane , commc on sait, cst un fruit tres-nourrissant et tres-
salubre ; on en Vait un trcs-grand usage a Timor , soit cru ,
soit accommode dc diverses manieres. La tige hcrbac£c de
1'arbre sc donne cn fourrage aux bestiaux. ( Voyei n •* »-H- )
On trouve aussi, sur la mime ilc , unc ou plusieurs especcs
dc bananiers sauvages, dont lc fruit n’est pas bon a manger;
nous en parlcrons plus tard a l’occasion dcs plantes propres
aux manufactures.
Bayam
C’cst ainsi qu’on appelle a Coupang unc plante potagere hcr-
bacec qui s’y cultive ct qu’on mange en brides ( voyei 99 mot
n.* 18). Les naturalistes la connoissent sous le nom d*4-
ma ran thus oleraceus.
Blrengene . . .
Elle est cultivie dans lcs jardins dc Coupang.
NOMS
DES v£g£tAUX.
Bilimbi.
1 6 Bte.
17 BtedeTurquie
18 Brcdes
1 9 I Cacaoticr.. .*. .
20 I Cafier.
Calyptranthcs.
22 I Cannelie ....
23 I Caprier.
24 I CaramboJier.
25 I C£dra
26 Ctferi.
27 Ccrfeuii
28 Champadak. .
29 Chou-palmiste
PLANTES ALIMENTAIRES.
REMARQUES.
Sortc dc carambolier, nommc a verrhoa bilimbi par les botanistes.
Cct arbrc fournit un fruit anguleux ct acide, d*unc saveur
asscx pcu agreable.
Gramen qui paroit avoir it£ introduit par lea Portugal! i
Timor; il y cat pcu cultivl, quoiqu’il rlussissc, dit-on,assca
bien dana let parties montucuscs de Tile.
Voyei Mats, n.* 6j.
1 A Timor , on retrouve l’usagc des v£getaux herbacls cuits a
1 ’cau , ci Siraplcment assaisonnes de sel et dc piment, a
1 'exemple des brides , si genersiement usitces dans nos
colonies. Mais au iieu de bredes proprement dites ( sola —
num nigrum ) , de gombo ( hybiscus esculentus), d’oscille de
Guinee ( hibiscus sabdariffa ) , dc corettc ( corchorus olito -
rius) , de papangay ( cucumis acutangulus ) , &c. , ils cm-
ploient les feuilles tendres et ies jeunes bourgeons foiiac£s
et roses du nounou , ie bay am , le dan-poucoutang , le dan-
done , le kayou-Aika , un melilotus et une especc dc sin apis
( ^ mots ),dont les feuilles, qui se developpent singu-
lierement par la culture, ressemblent assez a cel les de Ja
laisue romaine, ct se mangent commc dies cn salade.
Lc nounou cst abondamment repandu dans tout l’eta-
blissemcnt de Coupang, ou il forme des arbres gigantesques ;
les autres plantcs sont cultivees dans les jardins , a l’instar
de l'oseille, des epinards, &c., dans les ndtres. »
Arbustc exodque rare , et que i'on trouve seuleoent dans
queiques jardins.
Plante exodque introduite par les Hollandais 1 Coupang, 6u
on ne la cultive que fort peu , et par les Portugait i Dill*,
ou Ton paroit vouloir en faire un objet de speculation ; die
y rlussit fort bicn.
Especc* d'eugenia ou de jambier , donnant un fruit de la
forme d'une olive.
C’cst lc laurut cinnamomum des botanistes, arbre qui crdtoici i
1’dat sauvage , quoique en assea petite quantity : la cannelie
qu’il produit et qui est peu exportee , cst de bonne qualiie ;
on la dit inferieure a cdle dc Ceylan , mais supirieure a
celle du Malabar ; on pourroit 1 ’ameliorer par la culture.
Le gouverneur de Dill£, Jose Pinto , en a fait faire queiques
I plantations dont on attend d’heureux results ts.
On trouve par-tout, a Timor, deux cspeces dc ce bel arbrisscau,
dont il seroit possible de tircr parti dans un pays ou lcs
condimens connus sous lc nom d'achars sont ou peuvent
devenir une branche de commerce.
Ou averrhoa carambola ; arbrc qui , ainsi que le bilimbi ,
portc un fruit angulcux ct acide, plus gros, mais d’un
gofit analogue au premier , ct commc lui pcu cstimi. On le
nommc /bwmr/<i a Coupang.
II sc trouve aux environs de Dillc, ou pcut-£tre il a etb in-
troduit par les Portugais.
Cultive dans queiques jardins a Coupang, et^e crois aussi a
Dillc.
Memejrcmarquc que ci-dessus. - J
Voyei Jacquier, n.* 54.
On appelle ainsi le bourgeon terminal ou la sommite non
dcvelopp^e et mangcabie de tous les palmiprs, II fournit
l
Dddd*
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LIVRE II
Du Brasil X Timor inclusivement
579
i]
• (A
PLANTES ALIMENTAIRES.
D
o'
90
o
p
NOMS
DK 3 vfcirAUX.
REMARQUES.
74
Nounou. • • . . •
C’est le nom donne par let nature It de Cou pang’ll figuicr
banian. ( V oyei cc mot , ^*44. )
75
Ognon
On trouve a Timor deux espece* d'ognont , le rouge ct ie
blanc: ce dernier ett petit, peu icrc, et , com me if se con-
serve autti le mieux a U mer, let marine doivent le re-
chercher pour leun approvitionnement; let ognon* rouge*,
au contrxire, te pourrittent vite. Cette plante ett, dit-on ,
Indigene de Parch i pel d'Asie : cela. parait evident, du moint
pour cet demiert, que Ton detigne en malait tout 1 c nom de
bawang mira [ ognon rouge ] ; cclui de bawang pouti [ ognon
blanc] , ctant le nom spAcifique de Tail.
?6
Orangcr .....
Pluseurt etpecet d'orangers exittent a Timor, et le naviga-
tcur qui y abordc trouVe fadlcment a s'approvisionner de
leur fruit delideux. L’orange la plut cstimAe ett la manda-
rine ou orange de Chine, dont le nom indique tuffitamment
Porigine. La pamplemoutte , orange raonttrueuie par act
dimentiont, ett un fruit indigene qui n'ett pat sant agrA-
ment : ton Acorce , qui ett fort Apaissc et pattablement
amere, tert a fa ire det confitures ettimect; mait ii fa ut un
peu d'art pour let bien preparer.
77
Palmier.
11 yen a de plutieurs etpecet a Timor: let unt, com me le
cocotier, fournttsem un fruit agreabie ; let autret, com me
le sagoutier, une moclie nutritive du plut haut interet ; tout
enfin, dant la sornmit* en quelque tone herbacAe de leur
tronc, la substance alimentaire precieute ettalubreconnue
tout ic nom dc chon-palmist e [ voyei ce mot, n.* 29 ). Nous
avont deja present*, en the de cet tableaux, quelques re-
flexions gcneralet tur let palmier* ; nous en parleront plut
tard encore aux anidet det boit de charpente ct det boit
employe* dant let arts.
00
Pampfemous -
sier.
Vo/ ei Orangcr , n.® 76.
79
Papayer . ....
La papaye parait Sire un fruit exodque: e'ett une espece de
Ague plat interctsante k connaitre, a cause de set proprietes
medicates , que commc un utile comestible. Nous en repar-
leroits au n.® 1x3.
80
Papaagay ....
Nom donne, a Coupang, au cucumis acutangulus, tone de
plante herbacee cultivee pour ctre mangee en brides. On la
connoit, sous ic meme nom de papangay , a 1' Ile-de-France :
cequi pourroit faire croirc qu 'cl le n'ett pas indigene a Timor.
8>
Pastcque. ....
£lle ett appelee autti melon d’eau. 11 paroit que ce fruit ett in-
digene on ic trouve dant let jardint de Coupang et dc Dill*.
8 a
Palate.
La patate douce , dont 11 ett id question , ett originate d’A-
merique, d'ou die a et* apportee par let EuropAcns. C'ett
une radne nutritive fort agreabie au godt, cultivee a Cou-
pang ct a Dille, ou Ton peut t’en procurer avee fadlite
pour I’utage det navircs.
83
Persii
Nous avont rencontre cette plante dant let jardint de Dille
ct dc Coupang.
OO
Piment ......
Let quatre ou dnq etpecet de piment ( capsicum ) qu'on rccolte
k Timor, tont connues dant not colonies tout le nom de
piment enragi. C’ett le condiment, cn quelque tone oblig*,
det met* dont font usage la plupart det habitant de Par-
chipel d'Asie. On le trouve en abondance dans toutet let
parties de file.
OO
Poixre
Cette plante, le piper nigrum det botaniste* , n'est pas in-
digene a Timor ; mait die ett cultivee dant qudques jardint
de Coupang ; il paroit qu’elle ett elle-mcmc originaire de
I'Inde, puitque le nom lada , tout lequel on la connoit..
gcneraiement,ett Sanskrit. ( Voyei * n ** IO, » )
8(5
Pois
i
On en cuitive de diflerentes cspAces : unc entre autrtt ,
qui a le* deux lobe* dent** , ett fort agrAablc au gofit ; on la
mange , en general, vertc avec la gousse.
PLANTES ALIMENTAIRES.
in
NOMS
111
DU viciTAUX.
remarques.
60
LentiHe ( sortc
Peut— Atrc ett-oe plutot une cemine etpece dc haricot ; on
de).
. cuitive cette plante a Coupang , ou on l'y nomme indifl*-
remment hat chang et dalle ( peut— etre par corruption dc
kadale)r c'ett un grain fort delicti.
61
Limonier. . . .
Cet arbutte produit de* fruits estimAs , qui ont At* signal**
par let premiers navigateurt qoi aient abordc tur cette tie ;
il parait nsturel d’en condure qu’il y ett indigene.
“
Mahl
Plant* a tubercule Anomie , nominee arum rumphii par notre
botaniste, M, Gaudichaud. Le sue en ett d’une icretc ex-
traordinaire (voyei n.® 127); cependant, apr*t avoir fait
tubir a cc tubercule une forte ebullition , ou teulement unc
maceration convcnabic dans l'eau , on peut l'employcr ,
sant danger, i la nourriture det bestiaux et sur-tout det
pores. Il ett probable qu’en traitant ie mah* comme on
fait du manioc, on parviendrait 1 en extraire une fecule
saiubre, mime pour la nourriture de l'homme.
<3
Mals
Zea mals ett le nom botanique de cette plante , connue k
Coupang tout ic nom malait de djagong , ct , aux envi-
ron* de Laga , tout cdui de katakrahi , qui ett timoricn.
6 4
Mandarine. . .
Voyei Oranger , n.® 76.
Manguier ....
C'ett un des plut beaux arbres de l*ile ; nous cn parleront de
nouveau a {’article det boit de construction. Sous le rapport
alimentaire, on lui doit dc* fruits du parfum Ic plus aro-
matique. Ii ett facile dc s'en procurer abondamment. On
connoit plutieurt etpecet de mangues , parmi lesquellcs
nous en avont trouv* qui Ataient prAferabics, pour le goAt,
a cellesde Pile— de-Francc. 11 parait que ce fruit a et* in-
troduit dant 1'archipei d'Asie par let Indicns. Le man-
gtaicr tauvage te trouve autti a Timor ; mait ton fruit a unc
odcur de tArAbenthine insupportable.
66
Manioc
C'ett 1 ejatropha manihot de* botaniste*. Let Portugal* dc Dill*
t’adonnent dcpult peu a la culture de cette plante ali-
mentaire.
<n
Melilotus affici-
Plante herbacee , et I'une de cel let qu'on cuitive id pour At re
nulis .
1 mangee* cn bredcs; nous ignorant ton nom vulgaire.
68
Melon cTeau. •
Voyei PattAque, n.®8i.
Melon musque
On dit que oe fruit agrAable a *t* introdult dant l'archipel
1
d’Asie par let Portugais ; il ett cuitive a-la-fois a Coupang
eta Dill*.
7 °
:
Millet
La culture du millet ett fort rApandue dant let possessions
portugaitet dc Timor.
1
Moutarde. . . .
On cuitive , dant let jardint de Timor, une espece de sinapis
ou de moutardede Chine, qui rettemble bcaucoup a la iaituc
^romaine. On peut , avont-nout dit deja ( n.® 18 ) , la manger
en salade, ou accommodee dc diflerentet mani Arcs, et no-
tamment cn brides.
r
Muscadier . . .
Ilya plutieurt espAces dc muscadier* a Timor ; tout tont
de grands arbres qui atteignent parfoit jutqu'a la hauteur de
50 pieds. Uncdes variet*tqui se trouvcntici , ett tret-remar-
1
*
quabie par la nature particuliAre dc ton fruit, dont lebrou
ett tomenteux et velout*. La inutcade de Timor, moint
parfumec peut-Atre que cellet det Moluquet et dc la Nou-
vdle-Guinee , a cependant un goflt tr*s-tuave. Le* Hol-
4
landais, par suite d'un andert sytteme, cn d*fcndent chez
eux la culture, qui pourroit en am*iiorcr la qualit*; mait
11 terait facile aux Portugais dc Dill* d'en faire un commerce
spAcial. Nous reparlcront plut bat de cet arbre , a Particle
dc* boit dc construction. ( Voyei n *° *59*)
L
Navet
Une etp*cc de navet, appelAc ouasse a Coupang, te trouve
dant quelque* jardint.
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580 VOYAGE AUTOUR DU MONDE.
2
C
2
tc-
»
o
V)
O
O*
PLANTES AL 1 MENTAIRES.
NOMS
REMARQUES.
o
50
P»
DES V&3ETA17X.
8 7
Pommc dc terre. .
Les Hollandais, depuis quelques annecs, ont introduit a Ti-
mor urtc pommc dc tcrrc jaune, petite ct dc bon gout; mai*
cllc y cst fort peu cultivec.
88
Potiron
Quelqucs-uns dc ccs fruits corn eultives dans les jardins dc
4
Coupang , ct probablcment aussi dans ceux dc Dalle.
89
Pourpfer
On cn con non deux cspeces, dont unc scule cst cultivee : c'est
lc portu/acca oleracca dcs bounistes.
9°
Radis
Lc radis blanc cst lc scul que nous ayons vu eultive a Coupang:
il y cst d’cxccllent goAt , ct paroh itre unc production exo-
tique.
9'
Raisin
Voyei Vijjnc , n. # 99 .
9*
Rima
Voyei Arbre a pain , n.° i.
93
Riz
Nous cn avons vu dc dcuxvarictes a Coupang: lc rii macassar,
qui est oblong, et lc rii bougis, qui a unc forme rondc. Nous
reviendrons sur cc sujet cn traitant dc {'agriculture. ( Voyei,
ci-aprcs , S* vm . )
94
Safrandel’Inde
Vo/ei Curcuma, n.° 37 .
95
Safran sauvage
On lc nomnic, a Coupang, koui ditani. ( Voyei n * # 37 )•
9 6
Sagoutier ....
Connu desbotanistes sous le nom dc sagus rumphii ; il sc trouve
ici cn assez grand nombre. C’cst un dcs moins eleves ,
mais aussi dcs plus gros dc la famille dcs paimiers. Il ne
nous a pas paru que les habitans dc Timor Assent un
grand usage dc la mocllc nourricicre qu’il contient, ainsi
que ccla a lieu chei les habitans dc la partic la plus oricn-
m
talc dc i'archipcl d'Asic.
97
Sauge
Est-il bien vrai que la sauge existe a Coupang ct soit cultivee
dans scs jardins J C'est cc qui nous a etc .assure ; mais nous
n'avons pu nous cn convaincre par nous-mcmes.
98
Tamarinier.. .
Les dimensions gigantesques de cct arbre le rendent tres-
propre a 1 ’arcbitccturc navaic ( ainsi que nous le dirons
dans la troisi^mc division dc ccs tableaux ). Sous lc rapport
alimentaire , il fournit un fruit acide ct d’un goflt agrbablc,
bicn connu cn Europe par scs proprictes medicamentcuses t
on cn peut fairc aussi de fort bonnes confitures.
99
Vigne..,,, ..
La vigne , importec a Timor, mais cultivee a Coupang avee
negligence, y donne necessairement de tres-foiblcs produits/
On nous a dit que, sur la cote Nord dc l*<lc, les Portugais ,
plussoigncux , cn obtiennent deux recoltes par an.
N.°
II. — PLANTES MEDICINALES.
1 00
Ar&juier ....
Lc fruit dc cctte cspecc dc palmier est genlralemcnt employe a
Timor comme un ingredient indispensable a la preparation
du betel. ( Voyei cc mot , n.° 101. )
1 0 1
B^tei
C’est unc cspecc de poivre nomme siri a Coupang, ainsi que
chcr les Malais; on lc eultive uniquement pour scs qualitcs
styptiques ct aromatiques, et il entre, comme la noix
d’arcc, lc tabac , ia chaux et lc gamber ou gambir , dans
la composition du masticatoire qui portc Iui-m£mc le nom
dc bhel , mot derive du tclinguais.
Lc gamber , dont il vient d’etre parle , cst I’cxtraitdela
fcuillc d'unc plante du mcme nom , qui , reduit a l'etat con-
crct , sc vend cn petits pains cubiqucs, ct sc m£lc, par petites
parties, avee lc betel, pour lui donner a-ia-fois un goflt amcr
ct astringent. Les plus jcuncs feuillcs fournissent lc gamber
lc plus blanc ct lc plus csti mb Jc n’ai pas out dire que cettc
plante fut cultivee a Timor.
2
c
l
93
O
w»
PLANTES MEDICINALES.
o'
SB
NOMS
O
50
W
DES VEGETAL) X.
REMARQUES.
1 02
Balisier
Appele aussi faux safran , ct eanna indica par les hotanistes;
ccttc plante cst cultivec a Coupang.
i° 3
Bangle
C cst lc nom que les habitans dc Coupang donnent a unc
racinc medicinale qu'ils emploicnt dans ccrtaincsde leurs
maladies : nous cn ignorons prccisemcnt les proprictes et
lc nom botanique.
1 04
Can^ficier. . . .
Voyei Cassicr, n. # 106 .
.° 5
Cardamome. .
On assure que cctte plante carminative se trouve dans les
jardins de Coupang.
0
CN
Cassicr
Les cassicrs, ou caneficiers, sont tres-communs a Timor; il
y en a dc plusieurs cspeces : 1 'une donne la casse dcs lou-
tiques; unc autre, dont les flcurs sont roses, portc dcssili-
ques longues, noircs et arrondics, mais sans pulpe succu-
lentc dans I'interieur ; unc troisieme espece, par I'clegance
dc son port, la couleur ct la suavite dc scs flcurs, doit ctre
placcc parmi les plantcs d’agrement. ( Voy, n .* try.)
1 07
Coriandre. . . .
Cultivee dans les jardins dc Coupang, ou on la nomme
katoumber.
O
OO
Dok
Deux cspeces de racincs amcres, nommees dok. se trouvent
a Timor : I’unc cst blanche ct I'autrc rouge. On les dit fort
bonnes pour guerir la fievre, ct les habitans sen serveot a
cettc intention.
109
Fenouil
Plante exotique cultivee dans les jardins de Coupang.
1 1 O
Figuier multi-
pliant.
L’ecorce dcs figuiers multiplians [ficus indica ct ficus rr/rg/>M)
est employee avee succes dans le traitement dcs maladies
syphilitiques.
I I 1
Frangipanier..
Les qualites medicamentcuses de la racinc de cct arbre font
connucs dans nos pharmacies.
I I 2
Ghintane-pouti.
On nomme ainsi, a Coupang, unegraine medicinale ; mais
nous ignorons quelle est la plante qui la produit, et scs pio-
prietes.
1 1 3
Ghintanc-itan .
Grainc que les medecins dc Coupang emploicnt pour fairc
dcs frictions dans ceruincs maladies ; c'est tout ce que nous
avons pti en savoir.
1 14
Gomouti
Cc palmier fournit, comme le sagoutier, unc substance
mcdullaire dont on extrait de ia feculc, quoique moins csu~
mee et plus difficile a obtenir. La liqueur qu'on en retire se
nom que Ton donnequclquefoisaussi al'arbre.
( Voy. cc mot , n.* aa$.) A I'inverse du cocoticr, le gomouti
se plait mieux sur les montagnes que sur le bord de la mer ;
il aime cependant les lieux humidcs. ( Voy.'Cruurfurd , ef
cit.) Cet arbre est tr^s - multi plie , dit-on , dans I'interieur
de Timor. L’cnvcloppc charnue dc son fruit est veneneuse.
"S
Kadaoum^ . . .
s
Grainc carminative qu’on recueillc auxem irons de Coupang,
ct probablcment aussi sur d'autres points de Timor.
1 1 6
Kayou-ouiar. .
Litteralcmcnt arbre au serpent: c’est lc clerodendrum inerme,
dont le bois, tres-amcr, cst repute, dans le pays, comme
un dcs meillcurs specifiqucs contre les fievres intermittcnKS,
qui , dans ccs regions, moissonnent cn si peu de temps les
etrangers, ct sur-tout les Europeens nouveilement arrives.
"7
Kayou-pouti. .
L’arbre qui portc cc nom ici, comme dans d'autres ties de lar-
chipcl d'Asic, est lc melaleuca leucadcndron des botanisres. II
y en a de trois sorted, dit Crawfurd ( op. cit . ) , deux grandes
ct unc petite : les feuilles de ccttc derniere donnent. par la
distillation , une builc fortement csscnticlle dont on fait
usage cn mcdccine, quclquefois interieurement comme d un
puissant sudorifique , mais plus frequemment a l’exterjcur
comme une utile embrocation. Cette huilc esscndellc esx
connue cn Europe sous la denomination corrompue de
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iQogle
I
LIVRE II. — Du Br£sil X .Timor inclusivement.
NOMS
DES yAg^taux.
iB Kenkiour. . . ,
19 Konkouas. . . .
aoMah*..-
11 1 Melaleuca. . • .
122 1 Palma-christi .
Papayer
Paursolder. . . .
Pau-soldcr-frea
Plantes mddici-
nales.
.Poisons v 6 ff 6 -
taux.
Poulassari. . • .
PLANTES MEDICINALESi
remarques.
eajeput, pour kayou-pouti (voyei le n.° 154). Elle a unc
couleur verdatre et s’cmploieavcc avantagccontre les maux de
dent qui dcsolent les habitant dc Timor. Ccitc substance
est fort chere et fort cstimec dans I'Indc. Lcs kayou-poutis
sont trcs-multi plies a Timor, ainti que sur 1 ’ilc Ombai.
Racine medidnale qu’on trouve a Coupang, mais dont nous
ignorons Ics propriites splcifiqucs.
Bulbe medicalc dont dont on fait cgalement usage i Coupang.
Le sue du tubcrcule de cette plante est excessivcment icre et
v£n£ncux; ccpendant les bestiaux en mangent ia chair sans
danger, apris unc maceration convenabie. (Voyei ci-dcssus,
n.* 62.)
Voyei Kayou-pouti, n.° 117.
Voyei Ridn, n.» 129.
Cet arbre foumit une substance laiteuse qui est un puissant
vermifuge.
On donne ce nom a une sortc d’ecorce d’arbre importec dc
Simao, ctdont la decoction , unie a I’arsck, est regsrdee,
a Coupang, commc un excellent vulncraire. 11 n’est pas
luen sfir que 1’arbre qui produit cette substance sc trouve
^galement a Timor.
Buttneriacie du genre gua-^uma ! Les Hollandais de Coupang
la regardent commc un puissant febrifuge.
Independamment dc celles dont cc ubleau con dent la liste,
on assure qu'il existe a Timor un nombre considerable de
plantes propres a la guerison des maladies ; jusqu’ici cl les
ont cte peu etudiees par les Europcens . .
11 existe, dit-on, i Timor, une sorte d’arbre qu’il est
impossible d'approcher sans danger, a cause des exha-
laisons em poison nees qui cn sortent. L'ilc produit proba-
blcmcnt encore d’autres plantes venencuses ; cellc qu’on
nomme mahi n’est pas unc des moinsremarquables. ( Voyei
ee mot , n. a 62 ; voyei aussi le n.° 114 . )
Ecorce anthdminthique, dont sc servent les mldecins de
Coupang.
Plante connue aussi sous le nom dc palma-christi ; a Coupang,
ou on lacultive, clle s'appclic damarindi , ou damar-indi.
Safran (faux). Voyei Balisier, n. # 102.
Tabac ...... Introduit origlnairemcn
Trouasse.
Introduit originairement par les Portugais , le tabac est au-
jourd’hui toutr-i-fait naturalise dsns l’ilc; les habitans en
font gencralement usage , principalement commc mastica-
toirc. 11 est de fort bonne qualitt, et Con peu tfacilement
s’en procurer pour lcs besoins des equipages qui reiachent
soit a Coupang, soit a Dille, so it mime sur d’aurres
points de la cote septentrionale de lllc. Cc sont les Chi-
nois qui se fivrent a cette culture ct a la preparation de ses
produits.
Nom donne, a Coupang, kune fouille purgative.
n.° m. —
BOIS DE CONSTRUCTION ET DE CHARPENTE.
Arbre a pain.
Bois dc dimensions considerables et tres-propre a la conktruc-
tion navale.
Ar^quier ....
La tige de cet arbre convient i la construction des mai-
sons, a quoi il est frtquemmcnt employe par les Timo-
riens. .
Bois rouge..
g- I BOIS DE CONSTRUCTION ET DE CHARPENTE.
REMARQUES.
Bambou L’unc des plantes les plus utileset les plus repandues dc Timor t
lcs habitans Fern ploicnt a une foule d'usages economiques ,
ct particulieremcnt , les plus fortes, a fairc des mats et des
vergues pour lcurs pirogues et mime pour dc plus grandcs
embarcations ; on sen sert aussi, dans l’architccture civile ,
a la construction des maisons. Nous parlerons encore du
bambou a 1 ’occasion des plantes propres aux arts. ( Voyei
len.*i 77.)
R.*** « *
ocn Cet arbre, appeli mourongue a 1 ’Ue-de-France , et par les
botanistes hyperdnthera moringa , est droit, svelte, d’une
grande elegance, et propre aux charpcntes.
Bessak.. • • • • . Tres-bon bois pour le bo id age des vaisseaux ; l’arbre qui le
produit est grand et droit.
Bois dc cons- Nous appelons ainsi tous les arbres qui sont propres a l*ar-
truction. chitccturc navale. 11 cn existe de plusieurs sortes a Timor:
les principaux sont le tek, le casuarina, 1’ eucalyptus , le
tambour, le manguier , le tamarinitr, quelques fguiers , le
foula, le kabtssak , I ebonak, &c. ( Voy rjees mots, n.» 140,
14a, 146, 147, 148, 150, 156, i 6 j, 1 66 ct 1 67.) En general,
les sibres de la plus grande dimension ne se trouvent pas
pres des rivages dc la mcr; il faut s'avancer a I'intcricur.
Les habitans nomment cet arbre kayou-mira, traduction litte^-
rale du nom que nous lui donnons nous-m£mes. II nc
parait pas que cc soit autre chose que le sappan Ou brisiHet
des Indcs ( ccrsalpina sappan). Son bois est tres-propre a
former des barrots de navi re ou des poutres pour les
maisons; il est rare ccpendant dc trourer des echandllons
de plus dc 25 pieds de longueur sur 2 pieds d ecarrissage.
Comme ce bois est lourd , dur et dune coulcur agrcable , il
aero it aussi tres-propre a 6tre employe dans des ouvrages
plus delicats, ainsi que nous ic dirons, n.» 182, dans la
proebaine division de ces tableaux. Le bois rouge se
trouve en sssez grande quantite a Timor.
Bonak. ...... Arbre d*cnviron 50 pieds de hauteur sur un diametre de
ia a 20 pouces; son bois n ctant pas tres-Iourd et etant
assn flexible, peut, dans quelques cas, tore employ* a
fairc des matures.
Cassier ...... Parmi les diverses especes dc cassiers que l’on trouve a Timor,
il en est une que nous avons deja signalec pour lel*gancc dc
son port ( voyei ,c n * 10 6 ) , ct qui scroit fort bonne
a fournir des bois de chsrpcntq; sa tige est droitc et tres-
tlevee.
Casuarina. ... Les premiers navigatcurs qui aborderent sur cette Re, prirent
constammcnt le casuarina pour un pin ; il est vrai que ses
feuilles lineaires fmitent assea bicn, dc loin, celles de
ce dernier arbre : mais leurs bois different eminemment;
cclui du casuarina est rougeatre, dur et pesant. On connoit
les proprietes de I’autrc.
Cedre l On donne ici Ic nom vulgaire de e'edre a un arbre qui n en est
probablcmcnt pasun ; mais dont le bois offre quclquc rcs-
semblancc avee ccfoi du ccdrc pro premen t die. II est d’unc
contexture Icgcrc , ct paroit fort commun dans l’ilc ; on
I’cmploic a la menuiserie dans les parties intericures des
navi res.
*44 Chailipaka. • . Arbre nomme paries botanistes michelia suaveolens, et pour-
vant fournir, dit-on, des bois propres a la charpentc .
( Voyei n.° 228. )
14 5 Dcras Legumincuse en arbre, du genre erythema corallodendron ; on
peut l’cmpfoyer aussi a des travaux de charpente.
14^ Eucalyptus . . . Lcs arbres dc ce genre nc sont pas rares a Timor. Leur bois
peut ctrc utile dans la construction navale.
Champaka. ,
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NUM&ROS D’ORDRE.
582
VOYAGE AUTOUR DU MONDE
>47
148
149
iyo
1*5*
l'5»
•53
'*4
• 55
BOIS DE CONSTRUCTION ET DE CHARPENTE.
_fc_
HOMS
DES viGiTAUX.
Figuicr. • . . .
Foula ......
Jamboiana • .
Kabessak.. . .
Kananga. . .
Kapot
Kayou-m£ra
Kayou-pouti
Latanicr . . . .
On en distingue dc diverse* especes ct de dimensions mont-
trueuses , qui pourroicnt peut- lire servir uti lenient a la
construction des navi re*. ( Voyei n.°* 44,74, 110 et >30.)
REMARQUES.
Bois tris-dur et propre a fournir des courbes pour de grsndcs
cmbarcations.
Nomm* calyptranthes Jamboiana par les botanistcs. C’est un
bois tres-dur, propre a servir a la charpente.
Le kabessak oflVe des bordages excellens pour les ceuvres-
vives des vaisscaux, attendu, dit-on , que les vers ne 1’at-
taqueni pas.
Arbre propre a fournir des bois de charpente.
C’est le grand arbre nomm* bombax par let botanistcs.
Voyei rou S c , n.° 139.
Ainsi que nous 1 ’avons dit dans la division preetdente de ces
tableaux, n.® 1 17 , cet arbre cst le melaleuca leucadendron ;
il y en a deux grande* varietes, dont une ne croit que
sur les montagnes. Cebois cant incorruptible, il est pro-
bable qu’il convienJroit tres-bien a la construction navale.
On distingue ai semen t les kayou-poutis , dans les for£ts,
par la bUncheur de jeur *corce, qui p quclquc ressem-
blance avee ceile du boulcay, d’ou est venu son nom com-
mercial et vulgaire de kayou-pouti, qui signifie titterale-
ment bois blanc.
II y en a dc deux especes, dont nous avons parle (a.® 58 ) ,
i I'article des planter alimentaires ; leur tige est utilement
employee a la construction des maisons de ces coutrces. Leur
bois, a la verite, est dur, difficile a travaiUer; mais il
rcsiste a la pourriture , et les in.ectes le piquent rare-
ment
« 5*5
Maqgnicr. . • .
Arbre de grande dimension, tris- propre a 1 ’architeciure na-
vale. On construit ici de grander pirogues ere usees dans un
seul tronc de manguief.
'S 7
Mimosa.. ....
Differentes especes de cet arbre , par leurs dimensions, pa-
XSisseot convcnir a (’architecture navale.
00
Mourongue. . .
Voyei Ben, n.® 136.
•59
Muscadicr. . . .
Qct arbre, de grande dimension , scroit propre i fournir aussi
dc fort bon bois dc, charpente, ct pcut-ltrc m*nae des pieces
pour (’architecture pavaic.
l 6 <>
Palmiers . , . . .
Leurs tiges sont frcqucmrpem employees, a Timor , pour la
cpnstruction des maisons.
l6l
Pin !
Quoique plusieurs navigatcurs aiept era apercevolr des pins
a Timor, cct asbre n*y cxiste probabiemept point ; e’est le
easuarina qu’on a pris pour un pin. ( Voyei °~* < l 4 3 * )
l62
Rima
Voyei Arbre a pain, n.° 133.
Sappan. .....
Voyei ®°** rou S e » n ** * 39 -
164
Takamahaka .
Le akamahaka peut fournir au coosirucieur de v^isseap des
courbes ct des bordages.
.65
Tamarinier • .
Les fortes dimensions auxqueiles parvient cet arbre, le rendent
tres-propre a la construction navale.
1 66
Tamlfcourfbois
•fcy*
C'est Yambora tambputissa des boanisaes.
i 6 j
Tek..
•
Bois renomme, ct qui tlent, sans contrcdit, le premier rang
purmi les bois de construction ct de charpente. On s’en sert
specialemcnt , i Timor, pour la confection des cercucils
qui doivent £tre places dans les caveaux funeraires.
168
Tsfampali^. . .
Espece dc michelia , dont (ft dimensions annoncent un arbre
propre a fournir dc bo ns bois dp charpente.
I '^9
170
>72
|*73
>74
>73
176
I '77
178
179
180
1 181
18
Itfi
1184
I.85
>86
N.° IV. — PLANTES PROPRES AUX MANUFACTURES
ET AUX ARTS.
NOMS
DES VBgAtAUX.
Abaca l.
Acajou !
Apocyndes. .
Arbre k savon.
Ascllpias . . . •
Ati. ..
Bahou.
Balaban .
Bambou.
Bananfer sau-
vage.
Bois de Campe-
che!
Bois de citron.
Bois de rose • •
Bois rouge . .
Bombax.
Br&illet. . .
Caiebassier. . .
Campbre..
REMARQUES.
Sorte de bananier sauvage , foumissant une substance textile
fort estimec pour la confection des cordages. II cxiste des
bananiers sauvages k Timor; mais nous ne sommes pas bien
sflrs que cclui qui se nomme abaca aux Philippines soitdu
nombre.
Il y a ici plusieurs bois rougeitres: (’acajou, com me on
1’assure, est-il de ce nombre I. c’est ce qui nous a paru dou-
teux. ( Voyei n •*' 1 8a et a 1 8, les mots Bois rouge ct Sap pan. )
Deux especes de lianes de cctte famille se trouvent abondam-
ment pres de Coupang; ce sont le dischidia bengalemsis et
le d. nummularia ; leurs racines servent a Zaire une boisson
agreablc et e»tioice. L'une de ce* lianes a la feuille large ,
l’autrc l’a ctroitc ; toutes les deux sont laitcuses, ont une tige
grirapante, une ecorce epahse, crevassce et tendre a-peu-
pres comme cetle du liege.
Voyei Savonnicr , n.® aao.
Une espece d’asciepias, dont les feuiiles sont coto n n e uses ,
fournit un duvet dont on fait, dans le pays, des orcillers
et parfois aussi des nutria*.
Voyei Pistache de terre , n.® 213.
On donne ce nom a V hibiscus tillaeeus , espece d’arbre qui
arrive jusqu'a la hauteur de 30 a 40 pieds , et dont 1‘ccorce
fournit unc substance textile predeuse pour la confection
des cordages ; elle a bcaucoup de rapport avee le chanvre
de nos climau, quoique peut-ctre cllc aitun peu mot ns de
force. Cct arbre e.t nomme balibago a Manille, ct page aux
ties Mariannes ; quclque* nararaiistes font design* sous
celui de balimbago.
Voyei K*you-pouri , n.*' 117 ct 134.
Nous avons diji pari* du bambou, n.* 135 , dans set rap-
ports avee (’architecture navale et la construction des mai-
sons ; les habiuns de Timor 1 ’emploient muss! a unc feule
d ’autre* usages, relatifs soit a t’economie docnestiquc, soit a
la guerre.
Voyei Abaca , n.® 169.
Il est douteuxque le variable bois de csmp*che soit a Timor ;
mais on y trouve un bois dont la couleur, d’un bran
rougeatre , a de grands rapports avee cdui-li, et tern-
ploic comme lui a la tcinture t son ecorce cert encore i.j
nnner les cuirs.
On doit Zaire une difference entre le bois de citron et cclui
dc cifronnier ; Ic premier, d’une couleur jaunc, est
un fort joli bois d’cbenistcric.
Bois susceptible dc rccevoir un beau poll , d’une couleur
agreablc , 4r*s-propre 1 Itre employe dans I’ebenisserie :
on 1’appdle a Dill* kayon-ijaun , et pdo rose (nom pot-?
topis) ; on assure qu’ii s'en transporte bcaucoup cn Chined
Ainsi que nous j’avops dit daos none n.® 1 39 , le boss rouge
ou kayou-mira , de Timor, est une espfee de br*sillet J
ou peut-etre le bois de* sap pan lui-mfene: on s’en sen id*®
pour la teintuie j mais il peut utilement aussi 4 ue employ*
dans l’*b*nisterie.
Cet arbre n’est pas le cotonnicr, mais bien V arbre d won;
on le nomme kapot a Coupang. C’est un grand arbre, ct
4e mcme ppobablement qui donne la ouaie.
Voyei Bois rouge , n.® 182.
Arbre asset multiplie dans I’ile: son fruit est petit, et ne sen
guere qu’i penfermer ia chauX en poudre qui entre dans la
composition du masticatoirc nomme bfstl ( *oy*i n.® tot ).
Ipetun ( Voy. aux-T. austr . ) dit qu’on recuciiie Ic camphre
/Ian* rintericyr de Timor ; mais qu’il y est d’une qualite in-
ferieure a cclui de Borneo.
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LIVRE II. — Du Brasil \ Timor inclusivement..
PLANTES PROPRES AUX MANUFACTURES
ET AUX ARTS.
NOMS
DES VEG^TAUX.
, 8 7 | Canne k sucre.
i88j Coryphe ! . . .
189 Cotonnier. . . ,
1 90 Curcuma. . . . .
191 Damar..;..,
192 1 Ebene .
1 93 1 Falona..
1 94 1 Fok.
195 Giroflier
196 Kayou-amboin.
197 Gourde
Indigotier
Jonc . . . . . .
Kamouni ....
Kanari.. . •
REMARQUES.
On cul live dec Cannes a sucre a Cou pang, ct plusencorea Dille.
Peut-etreccs cspeces particulieres sont-elles exotiques; il nc
paroit pas douteux cepcndant que I* tic n’en fournisse aussi
quelques-uncs d’indigenes. Jusqu'ici ies habitans se son*
homes a michcr la tigede ccttc plante, ct jc nc sache pas
qu’ils se soient livres jamais a aucunc manipulation pour en
extrairedu sucre; maislcs Portugaisdc Dille alloicnt 1 c tenter.
Dampicr donne, dans set Voyages, la description d'un pal-
mier qu’il a vu a Timor, ct qui cat singulier en ce qu’il
perd toutes ses feuilles a un certain age. M. Gaudichaud
pense que ce n’est autre chose que le coryphc du Malabar
( corypha umbraculifera, Linn.). Ses fruits, disent les natu-
ralises, sont environ 14 mois a mflrir , et un seul arbre en
produit plus de ao 000, mais une fois seulemcnt , vers l’ige
de 33 a 40 ans : il deperit ensuite peu a pcu. On emploie
ses feu i lies, commc ccllcs des autres palmiers, pour la con-
fection de divers ouvrages d'economie domestique.
Le coton est indigene a Timor , ct meme on y en distingue
de plusieurs sortes .* 1 ’uncd'ellcs, selon Crawfurd, forme une
variate particulicrc. On le recoltc presque par-tout sur ccttc
lie, et particulierement dans l’intericur.
Ou safran dlnde ; sert, dans les arts, k donner une belle cou-
lcur jaunc.
C’est peut-£tre le damar-indi , ouricin. Le fruit huileux de ccttc
plante sert a endulre les petites baguettes en bambou, entou-
recs de coton, qu’on emploie a Timor pour I’cclairage des
maisons. Le fruit du koussambi sert ad mime usage.
Les habitans de Coupang nomment cet arbre kayou-arang
[bois de charbon]; on le dit commun dans les forets
de I’intericur de 1 ’ilc. Entrc les mains des Chinois, il
forme un utile objet d'exportation.
Grand arbre ainsi nomme par les habitans de Coupang. Son
ccorce est blanchatre, ses feuilles en cceur et ses. fruits
capsulaircs; il secrete unc gomme blanche, transparcnte ,
sans saveur , trcs-dissolubic dans l’cau, ct pouvant rem-
placer avec avantage la gomme arabique. Les graincs qu'il
produit ont 1c gout dc la noisette.
Arbrisseau qui emit nature! Icmcnt a Timor, mais que
X M. Gaudichaud repute exotique : c’est un indigotier. Les
habitans en retirent unc tcinture bleue ou noire, selon le
degre d’intensite qu'ils donnent a la couleur.
On peut, comme on sait, extrairc du girofle une huile essen-
tiellc fort agreablc.
On appelie ainsi, a Coupang, un arbre dont les racines servent
a fairc une espicc de bierc nommec larou.
Ccttc cucurbitacee est cuidvec a Coupang, ou son fruit
desseche sert a divers usages domestiques.
Voyei n *°
Voyei Rotin, n. # 217.
Petite espece d’orangcr , dont ies fruits , rouges et gros
comme dcs avclincs, ont le gofit aromatique de 1 ‘ccorce
d’orangc. Cet arbuste nc crott, dit-on , que dans i’inte-
ricur de 1 ’ilc. Son bois, cxtremcmcnt dur, servoit autrefois
a fairc des massues ct m£me certains oudls, a une epoque
ou les habitans ne connoissoient pas le fcr. Sa couleur est
noire; mais 1'aubier, qui est tres-epais, affccte a-peu-
pres cede du buis : les couches en sonr minces , et si serrecs
qua peine peut-on les distinguer. 11 paroit que le ka-
mouni nc devient jamais tris— gros, et que sa croissance
est extremement lente ; quoique greie, son tronc est sou-
vent crevasse et tortueux.
Arbre indigene , croissant ordinaircmen{ dans les memes pays
que le sagoutier : on le trouve a Timor. Crawfurd (op. cit. )
assure qu’il nc vient point dans les lies occidentalcs de 1’ar-
PLANTES
PROPRES AUX MANUFACTURES
ET AUX ARTS.
NOMS
des v£g£taux.
REMARQUES.
Kapot. . .
Gomouti.
Kayou-m6ra. .
Kayou-p6I6. . .
Koussambi , . .
Latanier
Lobafc. . .
Manglicr.
Morinde. ...
Ouaticr
Pal^tuvicrs . . .
Pistachc dc terre. .
Plantes textiles.
R^sine (arbres a )
Roseau a canne
Sappan.
Sandal .
chipcl d’Asic. Ce grand et bel arbre produit une noix de
forme oblongue ct dela grosseur i-peu-pres de cede de nos
climats. Sa chair fournit en abondancc une des meilleures
huilcs a manger de l’archipcl.
Voyei Bombax, n.° 183.
Palmier dont on retire unc filasse noire resscmblant a du
crin ; on cn fait dcs cordes. 11 produit aussi une substance
fort douce au toucher, qui sert a calfater les navires f mais
dont les Chinois se servent en guise d’amadou*
Voyei Bois rouge, n.° 18 a. .
Fort joli bois vcine , propre a 1 ’ebenisterie ; on le trouve
a Coupang.
Voyei Damar, n. # i9t.
Une multitude de petits ouvrages utiles se fabriquent habi-
tuellement a Timor avee la feuillc du latanier; des cha-
peaux, dcs bonnets, des paniers, des vases de formes va-
riees, des boites'dc toutes grandeurs, dcs toitures, &c. &c.
L’icorce dc cet arbre, qui crou de preference sur l’iie Simau,
sert a teindre cn rouge.
II existe plusieurs especes dc mangliers a Timor, principale-
ment dans les ma recages qui, sur un grand n ombre de
points, bordent les rivages de la mer. L’ecorce peut s’em-
ployer au tannage des cuirs.
La racine de cet arbre, nomm£ a Coupang bankoudou ,
sans doutc par corruption de mangkoudou , qui est le mot
maiais , sert a teindre en rouge.
Voyei Bombax, n. # 183.
Arbres dc la famille dcs mangliers ( voyei cc mol » n * # ao 7 )*
C'cst Yarachis hypogaa dcs botanistes , nommee c// a Coupang.
Crawfurd dit que cctte plante a ete apportee de Chine dans
Tarchipei d'Asie, ou elle est fort utile par l’huile qu’on en
retire. •
Indepcndammcnt du cotonnier, du bombax , du hahou et du go-
mouti, dont nous avons parle plus haut, il est probable que
Yabaca sc trouve aussi a Timor ; les feuilles de l’ananas
pourroient fournir encore une filasse soycusc t res- forte;
le cocotier donne cellc qui sert a fa ire les cordages dc k.iir ;
mais tout annonce que Timor, comme la plupart des ties
qui 1’avoisinent, possede d’autres richcsses vegc talcs du
meme genre.
Les lies d’Asie cn fournissent de divcrscs sortes, et il est a
croire qu’a cet egard Timor n’est pas moins bicn partage.
L’arbre a pain donne une gotnme-resinc dont on peut tirer
un utile parti dans les ans.
Les habitans dc Coupang nomment rotan , avec les Maiais,
cettc plante , qui n’est pas encore connuc dcs naturalistes ;
nos matelots se sont procure plusieurs echantillons de sa
tige, connue en France sous ic nom dc jonc.
II s’en trouve ici dc diverses grosscurs, portant toutes a
Coupang , de meme que le roseau a canne , le nom de
rotan, qui, ainsi que le remarque Crawfurd , ne doit pas
fitre ecrit rotang, comme le font, par erreur, quelqucs
personnel Les rotins servent a fabriquer une multitude
d’ouvrages d’art, non moins agreablcs qu’uti les.
Voyei B°‘* rou 8 c » n »° *8^
Trois varietes dc bois de sandal existent a Timor : 1 c blatic,
- qui est le plus recherche dans le commerce , le jaune et i
le rouge ; cc dernier est lc moins cstime. On nc trouve le
sandal que dans les parties elevees de Hie , ou il crott cn
abondance et forme unc des princi pales richcsses du pays.
Le sandal ctant tres-parfumc , on en extrait unc huile cssen-
ticlic odorantc, recherchec star-tout des Chinois. Son bois
Vqyagt dc V Uranic* — Historique.
Eeee
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•3HaHo t a soufwnN
VOYAGE AUTOUR DU MONDE.
PLANTES PROPRES AUX MANUFACTURES
ET AUX ARTS.
NOMS
des v£g£taux.
REMARQUES.
s’emploie, dans I’ebenistcrie et la tablctteric, a unc foule
d'ouvrages prccieux. II ne paroit pas que cet arbrc devienne
jamais fort gros; car, parmi les nombreux ccbantillons que
nous en avons vus dans les magasins des principaux nego-
cians de Timor, il etoit fort rare d’en trouver qui cusscnt
7 pouces dc diametre au gros bout. A Coupang, Ics habitant .
du pays appcllent cc bois tchendana : e’est Ic mot malais.
Scion Crawfurd , aikamenil cn scroit le nom indigene : nous
n'avons pu verifier cctte assertion.
Savonnier. . . .
On I'appcllc aussi arbre A safon. C'cst une espece d’aloes , ou
mieux encore un arbrc de la famille des sapindus , dont Ic
sue exprime des fruits sert a laver le linge.
Tanner ( ccorccs
propres a ) .
Taron
Vo/ti Bois dc camp£che et Manglier , n. 0 ' 179 a 209.
Nom que les habitant de Dille donnent a un arbre dont
les feuilles, melees avee de la chaux, produisent une bonne
teinture bleuc. II nc paroit pas que cet arbre curicux soit
encore connu des naturalistcs.
Teinture (plan-
tes pour la ) .
Les Timoriens possedent plusieurs plantes propres a teindre
en rouge, bleu, noir et jaune. Voyci, plus haul, Bois de
eampiche , Bois rouge , Curcuma , Fob , Lobak ( n.°* 179, 182 ,
190, 194 et 208). 11 est probable qu'il en rxiste bcaucoup
d'autres qui ne nous sont pas encore connues.
Touak
On donne quclqucfois au gomouti [?oy. cc mot, n.° 1 1 4), le nom
de touak, qui appartient plus particulicrcment a la liqueur su-
crecqu'on cn retire commc des autres palmiers, ct qui est ap-
pclcc toddy par Ics Anglais. II cxistc unc grande quantite dc ccs
arbres dans la province dc Vaikcnos. (Voy. planche n.° 15.)
N.'
0 v. PLANTES D’AGREMENT.
22 J | Balsaminc. .. • Fleur cultivce dans quciques jardins de Coupang , ou die
paroit ctrc exotique.
Barleria . . . . . Plante reverec des Malabarcs, des Chinois et , a cc qu'il
paroit aus>i , des pcuplcs dc 1 ’archipel d’Asic , qui cn
ornent leurs tombeaux.
Cassier Les arbres de ce genre sont tres-communs a Timor : on les rc-
^ chcrche pour la douceur du parfuin dc leurs fleurs, dont les
unes sont jauncs , et les autres roses ; I’epoquc dc leur flo-
raison est cn octobre ct novembre.
Champaka . . . Arbrc dont les fleurs ont unc odcur suave , trcs-pcnetrantc.
DeraS Les belles couronncs dc pourpre dont les branches do cct
erythrina sont chargees, font du dcras un arbrc d’un tres-
agreabic aspect.
2 3 ° Figuier-banian. La forme pitiorcsquc de cct arbrc, tres-commun a Timor,
Ic fait admirer dans les paysages. Nous cn avons vu
d’unc grosseur extraordinaire , dont les branches n’a-
britoient pas moins d’un arpent de terrain.
2 3 I Fleurs odorife- Eilcs nc sont pas rarcs i Timor, ct les dames timoriennes
ranteS. iccherchent avidement ccllcs sur-tout qui exbalcnt I’odeur
la plus forte. Les couleurs qui dominent sont le rouge
d’abord , ct Ic jaunc ensuite ; tandis que lc bleu , si fre-
quent dans les climats tcmpcrcs, ainsi que Crawfurd cn
fait la remarque , sc trouve fort rarement ici. Les (fours
d’Europc, transportccs dans ces climats, diminuent bientot
de taillc ct perdent leur parfum ; circomtancc d’autant
226 1 Barleria ,
2 27 1 Cassier.
2281 Champaka. ,
■ Deras
NOMS
DRS vic^TAUX.
232 Frangipanier.
233 Ciroflicr. . . .
234 Kamouni....
235 Kananga....
2361 Lianes.
237 Magouri....,
238 M^dicinier.. .
239 Mogorium . .
PLANTES DAGREMENT.
REMARQUES.
plus singuliere, que queiques— unes de cdles qui sont in4L-
g£nes fournissent des parfum* suaves fort intenses. ( Voyex.
Champaka, Frangipaubtr , Cirqflier , Kamouni , Kanamga ,
Magouri , Mogorium , Nigasori, n.°* 228 , 23a, 233 , 234.,
237 , 239 et 240.
Les femmes de Coupang se serve nt ordinal rement des fleurs
parfumees du frangipanier pour orner leurs cbeveuat ou
sc faire des guirlandes qu’ellcs portent cn feharpe.
La ffeur de cct arbuste , lorsqn’ellc est epanouie , n’ess pas
moini propre que celle du magouri , du mogorium , dec , a
parfumer la coiffure des dames timoriennes.
Les fleurs de cet arbre sont aussi employees a la pa rare des
dames timoriennes.
On extrait des fleurs odorife rantes du kananga, et mime,
dit-on, dc ses feuilles, une essence des plus agveables.
Les Timoriennes se servent de cctte fleur pour l’ornexnem
de leurs cheveux.
Considered comme objet d’agrement , les lianes offitm a
Timor un grand nombre de plantes d’un eflet tres-pstto-
resque; les Chinois en placent ordinairement qudques-
unes autour dc leurs tombeaux.
Fleur charmante, qui exhale le plus doux parfum.
Cet arbre, dun aspect agreable, courbe jusqu*i terre scs ra-
mcaux couverts de larges feuilles.
Espece de jasmin d’une odeur ddlicieuse ; les f emme s
riennes cn font un usage frequent dans leurs pannes. I
Fleur non moins parfumee qu’agreable i la vue. j
Les fleurs odorantes dp cct arbuste servent aussi i la p^unjj
On en distingue ici de deux varieics , dont fune a la $ fen
jaune, et i’autre l’« rouge. * I
Espece de michelia , donnant unc ffeur tyae odeur unt d
N.° VI. FOURRAGES ET PLANTES POUR LA 1
NOURRITURE DES BESTIAUX. <
Bananicr
245 Cannc A sucre.
246 Mahe
2481 Paturages.
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LIVRE II. — Du Bresil X Timor inclusivement. 585
Nous renfermerons dans des tableaux semblables 4 ceux qui pr£-
cMent , les remarques que nous avons a presenter sur ie petit nombre
d’anlmaux de Timor qui , par leur importance dans I’lconomie domes-
tique, ie commerce, ou seulement par leurs qualites maifaisantes ,
peuvent int&esser les habitans. Ii auroit 6t6 facile de grossir beaucoup
cette iiste , relativement sur-tout aux poissons , aux crustacls , aux
coquiiiages et aux insectes ; mais c’eut 6t6 commettre un empi&ement
sur ie domaine de i’histoire natureiie proprement dite, et nous avons
du nous I’interdire.
Le tableau qui va suivre a 6t6 dress^ sur les notes de MM. Quoy,
m
Gaimard , Lamarche et les miennes. J’ai suivi dans sa disposition i’ordre
que voici : I. Mammiferes; II. Oiseaux ; III. Poissons; IV. Crustace's ;
V. Testaces, mollusques et polypes; VI. Quadrupedes ovipares et reptiles;
VII. Insectes.
lie Timor.
Productions
animates.
Tableau des principales productions animales de Pile Timor.
N.° I. — MAMMIFERES.
REMARQUES.
Babi-roussa. . • Ou , mot a mot , coehon-cerf. Cci animal existe, m’a-t-on dit ,
dans l’interieur dc Timor.
Baieme. Celle que nous avons vuc Ic plus communement dans ces pa-
rages, est le cachalot bosseli , nomme ainsi par nos natu-
ralistes; elieest plus connuesousle nom vulgaire de baleine
a spermaceti. On la pcchc quelquefois en dehors et en face
de la baie de Coupang.
On sait que Vambre gris se trouve parfois dans le corps de
certains cctaces. Cette substance Itant fort rare, ne se vend,
dit-on, pas moins, a Londres , de 1 8 shillings [ aa fr. 50 c]
I’once; il peut arriver que les navires baleiniers fassent deux
ou trois voyages sans en rencontrer. Le second offleier du
navire rOclan , que nous vtmes dans le canal d’Ombai,
avoir eu le bonheur dc recueillir , une fois, 50 livres de
cette precieuse substance , dans un cachalot pris auprls des
ties Goula-Bcssi.
J Boeuf . , Animal introduit dans file par les premiers Europeens qui se
sont fixes sur ces rivages ; il y est plus rare que ic buffle ,
mais n’y rcussit pas moins bien.
Brcbis Vcy*i Mouton, n. # 16.
Buffie . . Trouve par-tout ici en grand nombre, soit sauvage , soil do-
mestique , ct paraissant indigene a Timor. Lorsqu'ii n’est
pas prive , sa ferocite est tres-redoutable , quoique moins ,
dit M.. Lamarche, que celle du bufflc de la prcsqu'ile de
Malaca. Sa chair, qui a de grands rapports avec celle
du beruf , est loin cepend^nt de la valoir. On a cru remar—
quer qu'eilc n'est pas saine pour les Europeens pouvel-
lement arrives a Timor.
MAMMIFERES.
NOMS
OIS ANIMAUX.
REMARQUES.
Cachalot bos-
Voyei Baleine, n.° a.
sei£.
Ccrf
D'apres M. Tidman, le cerf seroit Asset multiple i Timor,
quoiqu'il soit rare aux environs de Coupang : on le dit
plus commun sur l*ite Simao.
Chat
Les chats, introduits par les Europeens, sont la plupart
redevenus sauvages et on t beaucoup multiplie. On en cite
dc deux esplces. J'cn ai possldl un fort privl, dont les
orcilles etoient presque aussi longues que cedes d’un
lilvre.
Chauve-souris.
11 y en a de plusicurs cspeces : les plus communes sont de
la tribu des cfpkalotes , dont les habitans aiment a manger
la chair.
Chcval
Les chevaux, fort repandus dans l*ile, ou la plupart vivent
a 1 ’etat sauvage , sont trls-petits. J'ignore si leur intro-
duction est due aux Europlens , ct mime si ce ne seroit
pas le dimat qui les auroit fait degencrer. Les Timoriens
les prennem au lacet; ils les domptent, les montent avec
assurance , ef, sans qu'ils soient fares , les font gravir sur
des monugnes presque inaccessiblcs aux hommes eux-
mlmes.
Chcvrc
Cet utile quadruplde proeme id trois varietes: la chevre de
la Chine, dont le nom fait suffisamment connoitre 1 ’origine,
et dont les polls sont longs , doux et epais? la chlvre memp
brine , dont la chair est cstimcc, ct qui se montre en plus
grand nombre dans l*intlrieur; enfin une troisilme, plus
rare, qui paroit indigene.
Eeee
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4
58 6 VOYAGE AUTOUR DU MONDE.
Z
c
8.
s
«*
MAMMIFERES.
o"
NOMS
REMARQUES.
o
DEf ANIMAUX.
12
Chien
Les diverse* espices de chiens qu'on voit id sont en general
assci foibles. Lcs habitant de lllc Savu sont, dit-on , ires—
friands dc leur chair.
*3
Cochon
Reduit ici a I’etat domestique , le cochon de Chine cst une
des espices lcs plus repandues et les plus utiles. Le cochon
sauvage , aussi tris-multiplic, devient souvent l’objet d’une
chasse facile pour les habitans.
'4
Couscous. ....
On en connoit de deux especes a Coupang , le blanc ct 1 c
noir.
Mouton
Le mouton de Timor diffire essentiellcmentdes notres et n’est
point, a ce qu’il paroit , un animal indigene j plus petit,
il portc, au lieu de laine, des poils longs a-peu-pres comme
ccux de nos barbets, quoique frlsant beau coup moins. Les
insulaircs timoriens nourrissent de grands troupeaux de ces
animaux utiles.
1 6
Rat
Nous nc citons cct animal qu’i cause de ses qualitcs mat-
faisantes. 11 y en a de biancs et de noirs.
'7
Rousscttc ....
Voyei Chauve-souris, n.* 9.
■ 8
Sanglier
Peut-itre n’est-ce autre chose que lc cochon sauvage; il
pullule dans ces contrccs. ( Voyei n.* 13.)
*9
Sraore
Animal fort multiplie a Timor, ou I’on en distingue de plu-
sieurs especes. Les habiuns en recherchcnt la chair, qui ,
assurent-iis, est d’un go At fort agrcable.
N.° 11 . — 01 SEAUX.
20
Aigle .
Ceux que nousavonsvusetoicntdela petite cspice.
Un des oiseaux let plus rcmarquables de Timor, dit M. Quoy,
21
Aicyon
est I’espicc d’hirondcUc connue sous le nom d' a Icy on , dont
le nid gelatineux est fort recherche des Chinois, et forme
un intercssant objet de commerce.
22
Autour
C’cst (‘autour a plastron blanc.
Bengali
Timor nourrit di verses especes de bengalis , oiseaux d'un
plumage agrcable, mais qui , volant par troupes de plusieurs
milliers, bccasionncnt des digits considerables dans les
plantations de rir.
*4
Buse.
2 ?
Caille
Oiseau asset commun i Timor, ou Ton en connoit de trois
especes.
2 6
27
Calao
On en cite de deux especes, dont une est tris-commuiie.
Oiseau rcmarquable par la bitarrerie de son chant
Il paroit id exotique. Les especes que lcs habiuns {(event
Cal fat
28
Canard domes-
tique.
sont au nombre de deux, toutes , en general , fort cheres,
en raison de la preference que les Chinois leur accordcnt.
A Coupang, huit poules equivalent au prix d’un canard.
2 9
Canard sauvage.
On le voit en troupes nombreuscs a Coupang.
3 °
Chevalier. . . .
Oiseau qui se tient habituellemcn t sur les rivages sablonneux
de Pile.
3*
3*
33
34
Choucarivert.
Colombar.
Colombe
Corbeau
Lcs habiuns de Coupang le nomment kakraya .
II y en a dc plusieurs especes.
Meme remarque que ci-dessus.
z
c
l
0
M
D
s'
OISEAUX.
NOMS
REMARQUES.
D
P»
OES ANIMAUX.
3 S
Corbi-calao.
3 *
Courlis
Oiseau de rivage qui , sur certains poinu, sc voit en asset
grande quandte.
37
Crabier
De deux especes , les biancs et les noirs.
38
Drongo.
39
£chassier ....
Cet oiseau de rivage se voit sur— tout en grand nombre sur lcs
fepervier
plages dc lllc Kira.
40
L’epervicr a longue queue vient souvent pris des navircs
mouilies en rade de Coupang, enlever, a la surface de
l’eau, les immondices qu’on y jette.
4 '
Etourneau . . .
Son plumage a (a couleur de I'ader bruni.
4 1
Faucon.
43
Fauvettc.
44
Fou
Oiseau pelagien asset muldplii.
43
Frigate.
Meme remarque.
46
Gobe-mouche.
Quclques especes ont un plumage tris-brillaoL
47
Grimpeur. . . .
Nomme koak a Coupang.
48
Gros-bcc
Ceux que nous avons vus {toient d’une petite espece.
49
Gulpier .....
C’est le guepier a longs brins.
S°
Hlron
Plusieurs es pices.
5 '
Hirondelle . . •
Voyei Aicyon, n.* at.
5 1
Hirondelle de
mer.
De deux especes.
SI
Kakatoe
Le kakatoi blanc a hupc jaunc est le plus commun ; mais 00
nous a assure que lc noir se trouve aussi dans l*intcriear
dc lllc.
S 4
Langraycn . . .
Son vol est semblable a eelui des hi rondel les de 00s dimau.
S 5
Lori
Voyei Paroquet, n.° 65.
5 6
Martin-pecheur.
Nomme a Coupang bonrong makd-ikan [ oiseau mtngeur de
poisson ].
$7
Mauve
En grand nombre sur lcs rades.
5 *
Mlroze
Plusieurs espices.
S9
Merle
Vu par-Dampicr a Timor.
60
Milan.
6 1
Moucherolie..
Plusieurs espices.
61
Ole
Oiseau fort rare a Timor, etnesc trouvant que dans les basscs-
cours de quelqucs Europiens.
*3
Passereau ....
Tres-muldplie.
64
Perdrix.
La perdrix grise est la seule cspcoc que nous ayons rue.
6 S
Perroquet.. . .
Oiseau connu a Coupang sous le nom de tori , donne aussi a
la perruche, et presenont plusieurs varictcs, toutes omees
dcs plus agreablcs couieurs.
66
Perruche
En grand nombre et dc diverses especes.
67
Philldon.
6S
Pie-grieche. . .
Plusieurs especes.
6 9
Pigeon
Mime remarque.
70
Pluvier
Vu i Coupang settlement.
■ ■ -n*
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LIVRE II. — Du Brasil X Timor inclusivement.
OISEAUX.
■
NOMS
REMARQUES.
DESANIMAUX.
'
Poule d’eau. . .
Vue a Coupang.
Poule domesti-
Le coq et la poule domestique sont fort multiplies dans Pile;
tique.
uncespece a la pcau, la chair et mime les os noirs, mais
n’est pas raoins bonne a manger.
Poule sauvage.
On assure qu’clle n'est pas rare dans les bois voisins de la
cote , ou elle forme une variete distinctc de norre poule do-
mestique ; son cri peut asscz bien sc rendre, dit-on, par le
mot kokrik.
Prom^rops . . .
De trois sortes.
Sarcelle . . • . •
Oiseau aqua tique qui sc rencontre par troupes nombrouses a
Timor.
Soiu-manga.
Tourterelle.. .
II y en a de plusieurs especcs, dont quelques-unes tris-remar-
quables par la beaute de leurs couleurs : toutes sont ici fort
communes.
Vanneau.
N.° III. — POISSONS.
Anguiile.
Baliste.
Bl&iie.
Ch£todon.
Cotte.
Diacope.
Diodon. .
Cyprih rouge.
Gouramy . . . .
M. Tielman avail, a sa maison de campagne, pres de Cou-
-
pang, un vivier rempli de ce poisson delicieux.
Glyphisodon.
Holocentre.
Labre.
Lutjan l
Mulct.
Murene l
On y cn distingue de deux sortes.
Perche.
Pleuronccte.
-
Poissons(varils)
Independamment des poissons dont nous donnons ici la liste,
il cn existe encore a Timor un grand nombre d’especcs inde-
terminees dont les noms vulgaires memes nc nous sont pas
connus.
Raie
Le nombre de raies que l*on trouve, sur-tout dans la bale de
Coupang, est tr£s-considlrabIc ; on n'en cite pas moins de
huit especcs distinctes.
Requin
Poisson encore plus muldplie que les raies; onae cspccesont
ite observes, dont quelques-unes ofiirent de ures-fortes di-
mensions.
POISSONS.
NOMS
w
DES ANIMAUX.
1 , REMARQUES.
Scombrc
Deux espfees.
Scorn bdroide. .
Trois especcs.
Scorpene ....
Deux especcs.
Sidjan.
Squale
Vo/ei Requin , n.» 98.
T6trodon. . . .
De trois especcs.
Espadon .....
Nommi par les naturalistes xiphtas gladius, et par les habi-
tans dc Coupang ikan vitan.
N." IV. — CRUSTACts.
Bernard -Pher-
On en trouve un grand nombre d’especes varices, principalo-
mite.
ment sur ille Kcra.
Chevrette. . . .
Vo/ei Crcvette, n.° 109.
Crabe
U n grand nombre d’espfces de crabes sc voient a Timor et fi>m-
njssent un aliment dc fort bon godt.
Crcvette
Une espcce fort cstimee sc peche dans la riviere de Coupang.
£crevisse ....
L’ecrevisse ordinaire se trouve aussi dans la riviere de Cou-
pang,et probablcment encore dans la plupart des courans
d'eau douce de Timor.
Homards
Fort gros ct fort estimes.
Homardien.
Langouste. . . .
Tres-abondante, particulierement dans la baie de Coupang.
Pagure.
N.° v. — t:
ESTACts, MOLLUSQUES ET POLYPES.
Blnitier .
1 1 6 Burgos
1 1 7 Coquillages. . .
n8|Huitrc comes-
tible.
i i9|Huitreperliere.
Quclques-uns de ccs coquillages ont de si gigantesques di-
mensions, qu’unc seule de icurs valves peut £tre employee
en guise d’auge pour donner k boire aux bestiaux.
On trouve particulierement ici de grands burgos donnant
une belle nacre chatoyante, utile coniine objet d’ornemenk.
Timor foumit un grand nombre de eoquillagcs bons a man-
ger; ceux qui sont les plus estimis son* les moules, les
huitres, les _pate lies el les petondes. ( Vo/. n. 0 ' 118, tat ,
la+ct i a;.)
11 y en a de trois series, ainsi que le remarque Dampicr :
l’huitre longue; 1’huitrc commune ,’que 1'on trouve abon-‘
dam men t sur les rochers;et une troisi^mc, tris-grandc, plate
et bossue , qui nest pas facile a distinguer des roehers
sur IcsqueU clle sc fixe : trois ou quatre de ces dcmicrcs,
etant cuitcs, peuvent suffire au repas d’un homme.
Pcu commune a Timor; et d’aillcurs ies perlcs ayant ici
dc tres-petites dimensions , on neglige d’en Aire la p£che.
Coquillagc noinmc bib sabla a Coupang.
i jo Llpas
1 2 1 Moules.
1 22 Nautilc cham- La grande nautile chambree sc trouve en abondance k Cou-
br£e. pang; les habitans s’en servent pour la fabrication dc
divers petits ustensiles de menage.
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5 88
VOYAGE AUTOUR DU MONDE
X
c
l
o
CM
QUADRUPEDES OVIPARES ET REPTILES. 1
o
SB
0
NOMS
REMARQUES.
SB
?*
Ots ANIMAUX.
pipe ordinaire ct de 5 pled* de long : cc dernier, dit-il,
cst ven par tout ie corps, et a une t&e plate ct rouge, de b
grosscur du pouce. If est probable que <fautrc$ serpen*
encore existent i Timor; les habitans pretendent qu’il
y en a dont la morsurc est promptement morteile.
1 39
Serpent demcr.
Quclquefol* , lorsque la mer est ealme, on en volt qui nagent
a la surface dcs flots.
I Ao
Tortue
Dans la bale de Coupang et Sftr les plages voisincs de l*ile
Rottic, on trouvedes tortucs de met de pluslcurs sortes,
telle* que le caret ct la tortue franehe. La premiere est cdlc
*
qui domic I’ecaille: la chair nc s’en mange pas; mats on re-
cherche scs aeufs, qui sont estimes. Au dire des habiun* ,
11 sc trouveroit aussl a Timor des tortue* de rivicTr.
N.° VII. — INSECTES.
I A i
A be! lie. .....
Ce prlcieux et utile insecte est tres-multiplii a Timor, on
1 T 1
■
il niche de preference sur 1‘arbre appelc kayou-pouti ; ringt
cssaims parfois sont ctablis sur le mcme arbre. Le mlel et
Araignle ....
la cire qu’lls produisent sont une dcs prindpales sources
de richessc chez les habiuns.
I 4 2
Unc araignee cclebrc, noramie panto-mira a Timor, est citee
*
comme fort dangereuse, a cause de sa morsure, qui , discot
les nature!* du pays, pourroit £tre morteile, si Ton n’y
appliquoit promptement ccrtaincs herbes qu’ils connoisscnt.
Blattc
et qui sont propres a en neutraliser le venin.
*43
Voyei Cancrelas, n.* 144.
144
Cancrelas. . . .
Insccteaussi nuisibie qu’il est incommode, ct pullulant Id
avec unc effrayante facilite. II est sur-tout redoutable atur
Fourmi
marins par les deg its tre- graves qu’il leur occasionnc.
Unc sorte de petite founni rouge, tres-multipliee a Timor,
est un fUau non moins redouuble. Ellc devore tout ce
qui est a sa convenance , avec une inconcevable raptditc ;
en sorte qu’on est oblige d’isolcr sur des tables ou dans
dcs armoires dont les pieds repo sent dans des augets
remplls d’eau , les objets que 1 ’on veut conserve*. Cette
esp 4 ee de fourmi cst fort commune dans les maisons.
146
Guepe.
1 47
Lampyre ....
Probablcment e’est le lampyris japonic a de Thunberg. Lots-
que, apres une journee brAlante, on respire |a fraicheurdu
soir sous le feuillage legerement agite du tamarinier ou du
figuier banian, on voit, au milieu de Tobscurite, vol tiger
cet insecte , qui resemble asses bien alors a une petite
etoilc errantc.
bo
Ma«te
On trottvccommunement a Timor une grande mante vertc f
qui n’a pas moins d'un pied de longueur. 11 y co a aussi
'49
■5°
Mouche
de quclqucs autre* espcces.
C’est la mouche commune.
Inscctes extremement incommodes , et tres-muldplies a
Moustique . . .
Timor.
Plusieurs beaux papillons ont ili vus par nous a Timor:
Papillon
cettc classe d'insectes y cst nombreuse et varies.
152
Punaise
Indcpendammcnt dc la punaise de lit, qu'on nomine kouto s
tampat tidor , a Coupang , it y en a encore quclqucs autres
cspeces.
'53
Sauterelle. . . .
Trois cspices.
'54
Scolopendre. .
Ou bite i mii/e penes , connue a Coupang sous le nom de
Scorpion
rayi-rayi. Cct insecte nVst pas rare a Timor, et sa pi-
qfirc y cst venimeuse.
'55
Le scorpion dc Timor, petit et peu venlmeux, rcssembie a
cclui de nos provinces meridionalcs de France.
s
a
*
0
CM
TESTACES MOLLUSQUES ET POLYPES.
z-
vs
0
NOMS
REMARQUES.
s
DKS ANIMAUX.
,2 3
Ovule
Ce coquillage , de la forme i-peu-pris et dc la blancheur
d'un ceuf de poulc, est employ^ sou vent par les Timo—
riens,soit en totalite, soit par fragmen* , comme unobjet
d’orncment.
124
Patel le.
;'*J
Pltoncle
Dampier dit en avoir trouve d’austi grosses que la t£te d'un
Homme : deux ou trois pourrolent suffire pour un repas.
Elies sont iris- grasses et agrcables au goth. .
ll 6
Poulpe
Polype dc mer asses commun dans ccs parages.
i *7
Seiche
Voyei Poulpe, u.® la 6.
118
Tripang
Mollusque nomme par les naturalistcs holothurie ct par les
Portugais bicho de mar. 11 est l’objetd'un commerce etendu,
et sc trouve prir.cipalcment sur les hauts-fonds qui entou-
rent Timor, comme sur les bancs du voisinage, ou il s'en
fait une ptche annuelie et regull£re.
1
N.° VI. — QUADRUPEDES OVIPARES ET REPTILES.
II?
Boa
Voyei Serpens, n.® 138.
130
Qtret
Voyei Tortue, n. # 140.
• 3 *
Couleuvre. . . .
On en connoit dc trois espcces. ( VoyeiKisuo , n.° 1 36.)
* 3 2
Crocodile. . • .
Cet animal, le plusgros ct le plus redoutable de tous les rep-
tiles, est tres-commun a Timor; on 1 c trouve communemcnt
a 1‘embouchurc dcs rivieres , et dans les lieux marccagcux
voisinsdu bord dc ia mer. Ils infestent ordinairement les
marais dc Babao. M. Tielman nous a assure que les plus
grands crocodiles dc ces parages n’ont jamais au-dcla de
is i 15 pieds de longueur.
1 3 3
Dragon
Esp£ce dc iezard qui,sautantde branche en branche a i’aidc de
scs membranes latcralcs rcsscmblant a des ailcs, a re^u le
nom Ac dragon volant.
* 34
Gecko
Lezard nomme tokkaye par les habitans de Coupang, et
repute dangcreux a cause dc sa morsure, qui d'ailleurs, :
dit-on , n'est pas venimeuse. Le gecko aime a se loger
dans les toitures de feuillage qui couvrent les maisons ;
et d^s que la nuit arrive, il commence son grognement,
qu'il continue par intervalles.
1 35
Grenouille . . .
Deux especes.
136
Kissao,
Nom que l’on «*lonne a Coupang a l un des serpens les plus
dangcreux de Tile. Sa couleur est brune ; il a environ
3 pieds de longueur sur 1 pouce dc eirconftrcnce; sa
morsure n’est pas mortelie , mais ellc produit une
tris - viye inflammation : telle cst du moins 1’opinion
rc^ue dans le pays. Je crois que e'est une cspecc dc cou-
leuvre.
>37
Lizard
Reptile dont il y a unc tres-grande variete a Timor.
« 3 8
Serpens
II existe i Timor, dit-on , des serpens monstrueux ct non
moins gros que le corps d'un homme;les habitans les
nomment boa, et les Portugais cobra da madeira. Le gOu-
verneur de Dill£ nous a assure en avoir vu qui n'a-
voient que >5 pieds dc longueur, et dont ia grosscur
n'cxcedoit pas cellc du bras d’un homme. M. Tielman
prltendoit au contraire qu’il n’en existoit pas ayant au-
dcla de 1 a pieds de longueur. Ou jen trouve de gris ta—
chctes denoir, ctdc 18 poueesde longueur; plusieurs sont
d’un vert tendre, d'autres d’un vert fonci, et moins gros
M
que ic petit doigt : ces derniers atteignent jusqu'a ia lon-
gueur dc 4 pieds. Dampier en a rencontre de jaunes, qui
1
avoient 4 pieds dc long et ctoient aussi gros que le bras d'un
homme; il cn cite un autre pas plus gtos qu’un tuyau de
I
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LIVRE II. — Du Biuesil X Timor inclusivement. 589
lie Timor.
$. v.
De I’homme considirt commc individu. ,
La population de Timor se compose , 1 ,° de n£gres it cheveux cr^pus , Diversity des
qui en sont les v&itables indigenes ; 2. 0 des hommes jadis leurs con- races "
quirans , que tout annonce £tre de race asiatique, qui ont la peau
basanee et les cheveux lisses; 3. 0 de colons chinois, portugais et hol-
landais; 4** enfin des m^tis resultant du croisement de ces dif&rentes
souches.
Les hommes de la race negre, avons-nous dit d£ja (1) , sont peu nom-
breux , et ne se voient gu£re que dans les parties de file les plus agrestes et
les plus recutees ; mais il n’en est pas de m£me des m^tis provenus du me-
lange de ces derniers avec les Indiens de la seconde esp£ce , qui, jepense,
forment dans I’int^rieur une partie notable de la population. Je tire mes
argumens de la comparaison que j’ai faite du jeune Antonio , ne dans
le royaume de Failacor (2), avec le papou de la Nouvelle-Guinde , dont
sir Stamford Raffles (3) et apr£s lui Crawfiird (4) ont dorind le dessin.
Le profil de l’un et de 1 ’autre , ainsi que la forme du crane , pr&entent
Ividemment les m£mes caract^res ; seulement , chez i’habitant de la
Nouvelle - Guin^e , les cheveux sont cr^pus et la couleur d'un brun
fonc£ , tandis que le Timorien a les cheveux lisses et la peau d’une
teinte moms sombre : effets n^cessaires du croisement des deux races
dont il s’agit (5).
(1) Chap. XVII, p. 521.
(2) Son portrait se trouve grave planche n.° 31.
(3) History of Java, t. II, p. ccxxxvj.
( 4 ) History of the Indian archipelago , t. I. cr , p. 17.
(5) Gemelli Carreri, dans la relation de son Voyage autour du monde, t. V, p. 6j et 67 f
dit, en parlant des hommes de race negre qui se trouvent aussi aux lies Philippines : <c Les
» noirs qui vivent dans les rochers et les bois epais dont File de Manille ( Lu^on ) est
»pleine, n’ont ni Iois, ni Iettres, ni autre gouvemement que celui Se la parente, parce que
» tous obeissent au chef de la famille. Quelques-uns de ces noirs ont les cheveux crepus comme
»ceux d’AngoIa; d’autres les ont longs L’opinion la plus re^ue est que les noirs ont
» ete les premiers habitans de ces lies, et qu’etant natureilement poltrons , ils ont iaisse prendre
Digitized by LjOOQLe
lie Timor.
De Thomme
comme
individu.
Qualites
physiques.
55>o VOYAGE AUTOUR DU MONDE.
Remarquons encore une circonstance essentielle. Antonio dtoit esclave ;
aussi n’est-il pas dtonnant de ie voir driver de la race abjecte des
papons ( i ) : mais les conqu&ans , maitres du pays , doivent oflrir des
traits dun tout autre caract^re. Ici la preuve vient k I’appui de ma sup-
position. Les chefs timoriens de I’interieur, ceux-la m ernes du royaume de
Failacor, ont des figures d’un type bien oppose a celle d’ Antonio : j’ai 6 t 6
& portee d’en faire iaremarque sur ies individus eux-m£mes ; et les portraits
fort ressemblans de queiques-uns d’entre eux (2), contenus sur notre
pianche n.° 17, porteront aussi, je i’espere , la conviction dans i’espfit
du lecteur.
Parmi les individus de la race asiatique , les uns habitent file de temps
immemorial , les autres sont des descendans des Malais de Celebes
(principalement des Macassars et des Bougis) , des naturels de Solor et de
quelques autres lies du voisinage.
Les colons chinois sont facilement reconnoissables & leur teint olivatre,
quoique peu foncl ; & la saillie des pommettes , au front aplati , aux yeux
etroits et fendus obliquement , aux paupieres sup&ieures comme gonflees
et tombantes , k la barbe gr£Ie , aux cheveux noirs et droits , et presque
toujours aussi a la longueur excessive de leur queue.
Quant aux mltis europ^ens, leur couleur originelle s’est tellemedt
perdue chez Ie plus grand nombre par les mariages successifs avec les
femmes du pays , qu’il est souvent impossible d’en apercevoir la moindre
trace.
Coupang est principalement peupl£ de colons malais ; ii se trouve
aussi quelques hommes de cette race sur un petit nombre de points
de la cote septentrionale de Timor , tandis qu’il n’y en a aucun
sur la cote opposde. Leur taille est au - dessus de la moyenne : ils ont
des formes r^gulteres , quoique leur constitution soit parfois peu vigou-
reuse. On en voit qui , a la couleur pres , sont des modules de beautl ;
en revanche ii y en a de fort laids. Avec un teint d’un jaune animd , de$
»Ies cotes a ceux qui sont venus de Sumatra, Borneo, Macassar et (Taut res pays, et se sont
» retires dans les montagnes. »
(1 ) Nous appelons ainsi la race negre de Tarchipel d’Asie.
(2) Voytz particulierement les figures i , 2, 3 et 5 dp cette pianche.
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LIVRE II. — Du Brasil, a Timor inclu&ivement. 5pi
cheveux beaux, longs, durs et noirs, et des yeux bien fendus; ils ont
un maintien ais^*, une demarche grave et merae un peu here (i). L’ex-
pression de leurs physionomies varie d’individu a individu , et na rien
de cette uniformity monotone de traits qui caracterise ordinairement ies
negres «f Afrique.
Les Timoriens de fintyrieur pf^sentent tin aspect plus farouche ,
peut - £tre k cause de leur peu d’habitude de Yoir ies Strangers. Nos
pianches 17, 30 et 31 peuvent donner une id^e de ceux des habitans
de cette classe que nous avons vus k Diliy. Les jeunes gens avoient un air
plus ouvert, et les enfans nous ont toujours paru agreables par leur viva-
city fet leur espiyglerie ; le jeune fils du raja Kiaco se faisoit sur-tout re-
marquer sous ces deux rapports. ( Voyei pi. 1 7.)
Queiques Timoriennes sont jolies, mais ii faut avouer que ce n’est pas
ie plus grand nombre ; beaucoup de jeunes filles cependant ont des formes
agreables et une demarche gracieuse. « On a souvent pryconise ies
charmes des femmes de Rottie; en effet, celles qui accompagnoient Bao,
fun des rois de cette lie, et que nous eumes occasion de voir k Goupang,
justifioient pieinement ia ryputation de ieurs poncitoyennes : grandes et
bien faites, elites avoient une physionomie rygultere, d-Ia-fois douce et
imposante; on pouvoit toutefois leur reprocher une sortede timidity ou
de fausse honte qui donnoit a leur maintien un air de gaucherie difficile
a deflnir. » [M. Dttperrey.)
L’usage qu’ont Ies Timoriens dg ne point porter de chaussure , procure
une tr£s - grande flexibility a Ieurs pieds , et ieur permet de s’en servir
pour jeter parfois au loin des pierres avec beaucoup de force.
Ils montent sur les cocotiers avec une adresse et une promptitude sur-
prenantes , sans s’aider de' la pression des genoux , et sans embrasser
farbre avec Ies bras, mais en Ie touchant seulement des pieds et des
mains. II est vrai qu’on a pratiquy presque par-tout de Mgeres entailles
au tronc de farbre, ce qui leur fournit d’utiles points d’appui. A coty de
ces preuves d agility, nos Timoriens en donnent tous ies jours d’une
. indolence et d’une paresse poussyes & un degre souvent inconcevable.
Quoique mous et efleminys, ils jouissent de fheureux priviiyge de braver
(1) Voyez pi. 18 et2i.
Voyage de l* Uranic. — Historkjue. r fff
*
lie Timor.
De I’homme
comme
indiyidu.
j
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59 *
VOYAGE AUTOUR DU MONDE.
He Timor.
De Thomnie
comme
individu.
Duree de la vie.
*
Age de puberte.
Duree
de
I'allaitement.
Fecondite.
Maladies.
impunement l’ardeur du soieil , puisqu’on les voit souvent, t£te nue,
courir les champs k toutes les heures du jour.
La .duree moyenne de la vie a Timor, varie de 5 o a 70 ans. L’oncle
de M. ie secretaire Tielman, qui n’avoit que 63 ans, doit d.6)k considdrd
comme un vieillard fort caduc. Nous avons vu , il est vrai , a Dilld , le
raja de Vcnilale age de po ans; mais on citoit cette iongevite comme
une exception. 11 paroit, au reste, que les exemples de ce genre sont
moins rares dans finterieur de 1’ile que pr£s des cotes, oil fair est en
general moins salubre.
Dans ces ciimats, comme dans toute la zone torride , les enfans
deviennent adultes de fort bonne heure. Peron (1) cite des exempts de
filles deja nubiles a p et meme 8 ans : ce n’est pas cependantle plus grand
nombre, et nous croyons qu’on peut fixer fepoque moyenne dont il
s’agit , de 1 2 a 1 3 ans pour les filles , et jusqu’a quinze pour les gar^ons.
« C’est a un an que les meres timoriennes ont coutume de borner la
duree de failaitement ; mais il n’est pas rare de leur voir presenter le sein
a leurs nourrissons jusqu’a ce qu’ils aient atteint fage de deux ans, et
meme davantage, pour peu qu’ils s’y complaisent. Les femmes metis
europeennes aiiaitent aussi elles-memes leurs enfans, qudnd leur sante,
habituellement foible et delicate , le leur permet. » ( M. Gaimard . )
Lfes exemples de st&ilit£ sont ici fort ranes, et le nombre des enfans
qui naissent dans une famille est ordinairement de 4 ou 5 , quoique les
accouchemens difficiles donnent lieu a d’assez frequens accidens. Lorsque
ces cas arrivent , les meres succombent presque toujours , ainsi que leurs
enfans. Sans doute il est superflu de dire que, quoiqu’il y ait quelques
sages-femmes dans le pays , nous les avons constamment trouvees depour-
vues de toute espece d’instruction.
Les maladies qu’on peut appeler dominantes a Coupang et a Dilld
sont les fievres interm ittentes, la variole, la gale, les dartres, les fleg-
masies des membranes muqueuses, la diarrhee, la .dysenterie , f he-
patite, l’asthme, la syphilis, la lepre> la phthisie pultnonaire et lesulceres
veneriens, ldpreux et atoniques.
Fievres. — « En 181^, dit M. Quoy, une fi£vre pernideuse ravagea
\ 1) Voy. aux Terr, austr. Historiq.
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LIVRE II. — Du Bresil a Timor inclusivement. 593
Coupang et ses environs. Les malades mouroient en trois ou quatre jours.
C’est dans ces sortes de maladies , dont la cure est le triomphe de la me-
decine , qu’une personne de l’art pourroit soustraire bien des victimes a la
mort ; mais il n’existe personne a Timor qui soit digne du titre de medecin.
» La situation de la ville, au bas dune colline, dans un enfoncement
qu’arrose une riviere, est avantageuse sous le rapport de la fraicheur et
de la fertiiite ; mais on est porte a croire que les eaux de cette riviere ,
et celles que des particuliers reunissent en petits etangs sur ses bords,
doivent entretenir une humidite peu favorable a la purete de fair. L’hu-
midite naturelle a ces regions est deja bien assez grande pour £tre nui-
sible, sans que des causes locales viennent encore en augmenter f intensity.
» On dprouve le matin une chaleur suffocante , que des vents legers et
reguliers qui soufflent du large, rertdent, il est vrai, plus supportable le
reste de la journ^e : quoi qu’il en soit , il ne seroit pas prudent a un
Europeen de s’exposer en plein midi a l’ardeur du soleil , et d’y faire de
longues courses ; bientot il deviendroit victime de son imprdvoyance. .
» Peut-£tre doit-on attribuer les fievres intermittentes et pemicieuses
qu’on voit r^gner trop souvent a Coupang, aux marais du pourtour de
la baie , qui , quoique assez eloign^s , n’y r^pandent pas moins leurs
miasmes dei&£res, a l’aide des brises dont je viens de parier. Ainsi les vents
de N . E. , en passant sur les marais de Babao, emportent avec eux et dissd-
minent au loin le germe de ces fievres meurtrteres , ddplorables Beaux de
ces contr^es.
» Au premier aspect, on ne jugeroit pas la ville de Coupang malsaine,
car les alentours en sont secs et elev^s : c’est en y sejoumant quelques
jours que i’on parvient a connoitre k quel point le voisinage de la riviere
est nuisibie , sur-tout aux Europ^ens qui sont forces de demeurer long-
temps a proximity de ses bords. »
A Dilte, les mar&ages qui entourent la ville sont des foyers, tout aussi
directs et non moins actifs, d’^manations morbiferes. Il n’en est pas de
mime vers l’intdrieur de file, dont les habitans s’accordent a vanter la
salubrite ; suivant eux, les regions littorales sont seules exposes a ces
pemicieuses influences : aussi, des que les colons europeens eprouvent
queique indisposition grave , ils se hatent de s’eloigner des rivages , et
F fff*
He Timor.
De Thomme
comme
individu.
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lie Timor.
De fhomme
comme
individu.
5 p 4 VOYAGE AUTOUR DU MONDE.
parviennent par cette precaution a combattre avec plus de succ£s le mal
dont ils ont ressenti ies atteintes.
Pendant ia courte duree de notre reldche a Coupang , une seule fi£vre
intermittente se manifesta parmi les hommes de notre equipage ; eke
avoit le type tierce. La femme du secretaire M. Tielman , un Anglais
et deux m<kis holiandais, soufFroient, pres de nous, dune fievre du
m£me caract£re.
Peron nous a park ( i ) dune sorte de fievre nerveuse nomm^e febris
limorensis par Bontius , et k laquelle seroient sujets plus particulierement
les individus employes a couper le bois de sandal.
Comme Timor, la plupart des lies du grand archipel d’Asie doivent
aux marais d’eau douce gui communiquent avec lamer (2), cette dispo-
sition fievreuse epidemique qui enleVe annuellement tant de victimes.
Le m£me ph^nom^ne a ete observe au Bresil ; il 1 ’est encore tous les jours
a Madagascar , ou un trop grand nombre de nos compatriotes ont perdu la
vie -par cette cause. L’un des plus interessans sous tous les rapports , leu
J. Albrand , a remarque que le jtraitement de ces fibres intermittentes
par le quinquina ou la quinine donnes a haute dose , ne produit , sur
ce point du moins , de guerison radicale que lorsqu’on s’astreint a suivre
scrupuleusement les quatre conditions suivantes :
i.° Que ce medicament soit donne pendant 1 ’intermittence ;
2. 0 Que le malade garde le remade : I’heureuse decouvert'e de la
quinine reduit a rien cette difficuke,
3. 0 Qu’il soit administre k la. dose 6 ! une once pour le quinquina, et de -
dix grains au moins pour la quinine ;
4. 0 Que cette dose, partagee en autant de prises. qu’on voudra, soit
donnee toute entiere au malade pendant une seule intermittence , c’est-a-
dire, entre la fin dun acces et le commencement dun autre.
L’omission dune de ces quatre conditions , poursuit Albrand , rend
1’efFet du remade nul (3).
( 1 ) Voy. aux Terr, austr. Historiq.
(2) Voyez IeMemoire de M. Gaetano. Giorgini, cite dans le chap. VIII de cette histoire,
t. I,p. 64.
(3) Voyez, sur cette mature, le journal intitule le Globe, du 29 septembre 1827, d’ou cet
article a ete tire.
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t
LIVRE II. — Du Brasil X Timor inclusivement. 595
« En evitant soigneusement de coucher fi terre , les navigateurs , suivant
la remarque de M. Gainiard , seroient beaucoup moins en butte aux ema-
nations deleteres qui s’echappent des marais. La funeste propriete de ces
eaux .croupissantes, connue des la plus haute antiquite, est mentionnfe
dans les poesies galliques ; les chants des Bardes . nous apprennent que
« le marecageux Lano portoit la mort parmi les nations. « ( Fitigal ,
chant i. CT )
Maladies cutane'es. — Les maladies cutaij^es sont tres-communes a Ti-
mor; la malprQpxete et la honteuse incurie des habitans perpetuent chez
eux la gale , les dartres et la lepre . « L’usage salulaire qu’on a remarque
chez les Malais de se frotter le corps avec de 1’huile. de coco, est loin
d’etre general , dit M. Quoy ; il est au contraire negiigd par le plus g^and
nombre d’entre eux.
'» Quoi qu’il en soit, une foule de ces insulaires sont atteints dune.
esp£ce de lepre ecailleuse qui , occupant dabord quelques points sur le
corps, finit par le couvrir presque en entier. Quelquefois des taches
unies ensemble, et semblablesa celies que les auteurs nomment ephelides,
contrastent par leur blancheur avec le fond noir cuivre de la peau de
ces peuples , et la rendent ainsi toute bigarrde. On voit de ces lepres
suppurer : les plafes sont alors bordees dune croute £paisse , en sorte que
rien n’est plus hideux que I’aspect de ces pauvres malades trainant avec
eux leurs maux incurables. Je dis incurables , car les soins prolong^ ct
m^thodiques de medecins instruits seroient indispensabies pour combattre
avec quelque espoir de succes la malignity de ces ulc&res , et il n’existe
dans file aucun m<fdecin de cette espece ( 1 ).
» Pendant la courte dur^e de notre se jour 4 Coupang, de tous cotes il
He Timor.
De i’homme
comme *
mdividu.
( 1 ) On peut dire qu’a Timor tout Ie monde se mele de medecine, et quepersonne n’y entend
rien. Presque toujours ce sont des vieillards, hommes ou femmes, sans aucune education , qui
se livrent a cette profession. Les medicamens dont ils font usage sont tires du regne vegetah
nous en avons cite plus haut un petit nombre. A Coupang, il y avoit un medecin malais a
qui le gouvernement hollandais fournissoit quelques medicamens, tels qu’opium, kina, ipeca-
cuanha, tartrate antimonie et tartrate acidule de potasse, teinture de gentiane, &c. Mais tout
cela etoit administre sans Ie moindre discernement ; neanmoins, comme ces medecins pre-
tendent que Dieu leur inspire Tapplication a faire de tel ou tel remede, selon que fetat du
malade l’exige, ils passent aux yeux des habitans pour des etres surnaturels. On assure toute-
fois qu'ils savent guerir un bras coupe a I'armee et d’autres blessures graves.
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lie Timor.
De Phomnie
% comme
individtf.
55 )6 VOYAGE AUTO UR DU MONDE,
venoit des maiades demander naon secours. J’eus la satisfaction de guerir
ceux qui n’avoient que des fievres intermittentes , et de donner des conseils
et des mddicamens aux personnes dont les affections morbides n’dtoient
pas de nature a obtenir une guerison aussi prompte. »
On croit que la petite verole a dtd introduite par les Arabes dans
i’archipel d’Asie, ou elle exerce d’affreux ravages. Une variole dpidd-
mique, nous a-t-on assurd, occasionna, vers la fin du dernier siecie, une
grande mortality a Coupang.
Syphilis. — « Pigafetta raconte que les compagnons. de Magellan ,
iorsqu’ils firent la decouverte de Timor , trouverent que beaucoup d’ha-
bitans dtoient affectds du mal de Saint- Job : est-ce la syphilis qu’il a en-
tent)u designer par cette expression ou bien laldpre! Ce qui est certain,
c’est que la maladie vdndrienne est fort repandue sur cette lie , ou , comme
on le pense bien, elle n’est.soumise a aucun traitement Iclairl et suivi.
Catarrhes. — « Lair chaud excite une transpiration abondante ; fair
froid et humide des nuits ferrne les pores de la peau : il en r&ulte que
les humeurs, ne pouvant trouver leur issue par i’organe cutand, se portent
sur les parties les moins rdsistantes; de la naissent les catarrhes, la.
phthisie pulmonaire , la diarrhde , la dysenterie et autres infirmitds plus
ou moins graves. » ( Gaimard. )
Maladies des enfans. — Selon Pdron (i), les enfans de Coupang
sont souvent attaquds de scrofules et du carreau, dont presque tou jours
ils deviennent les victimes.
Crawfurd affirm e , au contraire ( 2 ) , que le vice scrofuleux est rare dans
i’archipel d’Asie; il attribue les maladies les plus frdquentes et les plus
dangereuses des enfans dam ces parages , 4 des vers intestinaux, dont la
production est due k un trop grand et trop constant usage de vdgdtaux
et de fruits crus.
Dysenterie. — « Notre sdjpur & Coupang, dit M. Gaimard, quoique
de courte durde , a dtd funeste a 1’dquipage de fUranie. Quelque temps
aprds notre ddpart de cette station, nous avions k bord douze hommes
affectds de la dysenterie : chez six d’entre eux elle s’dtoit ddclarde pen-
( 1 ) Voy. aux Terr, austr .Historiq.
( 2 ) Hist . of the Jnd , archip, 1. 1.
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LIVRE II. — Du Brasil a Timor inclusivement. 597
dant la relache , et chez trois autres , deux ou trois jours apr£s que
nous eumes remis en mer. Heureusement cette crueiie affection ne prit
pas un caractere contagieux.
» On ne peut disconvenir que la dysenterie de Timor, qui attaque
en peu de temps une si grande quantite d’individus, ne soit, pour ies
Europ^ens particuli£rement, un fleau aussi funeste que ie typhus et la
fi£vre jaune.
» Cependant Peron (1) , ayant remarque que les naturels du pays sont
rarement en proie A cette maladie, a cherche A se rendre compte des
moyens A l’aide desquels iis s en pr^servent ( 2 ). Cet observateur a cru
reconnoitre que la methode prophylactique des Timoriens consistoit A se
frotter le corps avec l’huile de coco et A faire usage du b^tel. Les frictions
huileuses, en effet , ont l’avantage <l’emp£cher les transpirations excessives ,
qui afibiblissent promptement les habitans des contr^es Iquatoriales ,
tandis que Ie betel, excitant puissamment les organes salivaires et gas*
triques, ainsi que tout le tube intestinal, les preserve de cette dange-
reuse atonie , cause essentielie d’une nutrition imparfaite. Peron conseille
1 ’emploi du m&me regime aux Strangers. Parmi ces derniers, ceux qui
viennent fixer leur s^jour dans cette lie feroient peut-£tre bien d’imiter
ces peuples; mais i’Europeen qu’une courte relache appelle A Timor,
pourra-t-il facilement se resoudre A adopter l’huile de coco et Ie bltel;
ce dernier sur- tout, qui rend si d£goutant l’aspect des Timoriens!
Des conseils plus faciies A suivre et non moins utiles seroient de ne
pas imprudemment s’exposer A l’ardeur du soleil et A la fraicheur des
( 1 ) Loc. cit.
(2) Les reflexions suivantes de Crawfurd porteront peut-etre quelque lumiere sur Fobjet qui
nous occupe. « Ce qui doit Ie plus frapper les Europeens, dit-il, c’est le peu de disposition du
peuple (de Farchipel d’Asie) pour les maladies inflammatoires, pour cette longue suite de
maux si frequens et si funestes dans ce qu*il nous plait d’appeler climats temperes : ils en sont
preserves par la flexibility de Ieurs fibres. La difference de leur constitution et de la notre est
frappante, lorsquon remarque les effets produits sur les uns et sur les autres par des accidens
violens ou des operations chirurgicajes. Ils se retablissent parfaitement d’affections aigues, sous
lesquelles un Europeen eut succombe; mais si le m£me accident, tel, par exemple, qu’une
operation chirurgicale , arrive aux deux lorsqu’ils sont affbiblis par la maladie et que la
tendance inffammatoire n’est plus k craindre pour FEuropeen, alors la vigueur de constitution
de^ce dernier lui permettra souvent de supporter une blessure qui, certainement, eut ete fatale
•au naturel d’un climat si chaud. » (Hist, of the Indian archip, t. I.)
lie Timor.
De Fhomme
comme
individu.
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• VOYAGE AUTOUR DU MONDE,
lie Timor, nujts; d eviter le moindre ecart dans la maniere de vivre , de s’interdire ia
De Fhomme jouissance m£me' moder^e des plaisirs de f amour ; de s’abstenir de ia
individu. plupart des fruits, des limonades, orangeades, d$s liqueurs fortes, pris
en trop grande quantite, de i usage habituei du the chaud; en un Ynot,
de fuir autant qu’ii est possible tout ce qui peut debiiiter fappareii
digestif*, et donner lieu & ces suppressions de transpiration dont nous
avons plus haut signal^ le danger. Ii faudroit encore joindre a une
nourriture fortifiante et prise en quantite mod&^e , des bains froids et
des soins excessifs de propret<L
» La reunion des causes que j’ai indiqu^es , et de quelques autres peut-
£tre que l’imperfection de nos instrumens mdteorologiques nous emp£cha
d’apprecier, cette reunion, dis-je, me paroit n^cessaire pour la produc-
tion de ia dysenterie. On conviendra faciiement que ia haute tempera-
ture seuie de fatmosph£re ne ia determine pas , puisque , dans i’etablis-
sement portugais de Dilie, on ne connoit presque pas cette redoutabie
maiadie. II est done bien important , dans un examen etioiogique , de se
defaire de tout esprit de systeme , de toute manure de voir exclusive,
d’etudier avec soin ies iocaiites, et de suivre enfin rigoureusement Ies
conseils que nous donne I’immortei auteur du Traite de fair, des eaux
et des lieux. »
REMARQUES ET REFLEXIONS
SUR LA DYSENTERIE QUE L’EQUIPAGE DE L’ UR AN IE A CONTRA CTEE
k TIMOR (i).
*
« Distraits par I’aspect riant des cotes verdoyantes de Timor , nous
eumes bientot perdu ie souvenir de ia triste baie des Chiens-Marins et
de ses sables. Mais nous n’ignorions pas que , si nous ai lions trouver das
■ vivres frais & Coupang, nous avions av^psi a nous pr^munir contre
ies desastreuses maladies qui sont propres a ces contr^es. Invoiontaire-
ment, nous nous rappeiions ce qu’evoient souffert de la dysenterie f expe-
dition de Baudin et ies navires que ia necessity avoit forces de rei&cher
dans cette iie ; nous nous flattions qu’en n’y demeurant quun temps
(i) Par M. Ie docteur Quoy.
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LIVRE II. — Du Br£sil X Timor inclusivement. 55*5)
fort court et en prenant des precautions minutieuses, nous pourrions
tous echapper a ce 'terrible fleau : vain espoir !
Insurance des avertissemens 'donnes. — « On ne sait que trop combien
les matelots font peu de cas des avis quon ieur donne pour ia conserva-
tion de Ieur sante , iorsque , soustraits momentanement X une rigoureuse
discipline ils ont la liberty de se livrer k ia fougue de ieurs penchans ; on
sait aussi combien plus encore il est difficile de contenir un equipage
dans un etat de moderation convenable, sur-tout si des travaux de-
mandent ia presence de piusieurs individus a terre.
Precautions prises. — » Au nombre des precautions qui furent prises,
on eut le soin, autantqu’ii etoit possible, que les grands travaux du bord
cessassent k dix heures du matin et reprissent seuiement a quatre heures
du soir. Dans cet intervalle, qui etoit ceiui de la grande chaleur, le ser-
vice des embarcations demeuroit aussi suspendu. Mais les maladies
semblent se jouer de la prevoyance humaine, et sevissent parfois aussi
bien contre i’homme temperant qui met toute son application k les
eviter, que contre ceiui qui brave avec temerite leurs atteintes. Cette
desesperante verite , reconnue des medecins , et dont nous allons encore
fournir des preuves, ne detruit cependant pas le principe d’hygiene ,
mais fait que beaucoup de personnes s’abandonnent k une esp£ce de
fataiisme sur Ieur sante.
Examen topographique. — » Les details contenus dans les paragraphes
qui precedent , nous dispensent de revenir ici sur la disposition physique
et topographique de Coupang , et sur les causes d’insalubrite qui y exercent
Ieur influence. Ajoutons seuiement a ce qui a ct 6 dit que nos corps
etoient bien plus vivement impressionn^s par la chaleur que ne le mar-
quoient les instrumens m^ttforologiques. Nous ne pouvions faire un pas
sans £tre baign^s de sueur, et une soif inextinguible , entretenue par le
defaut de s^cr^tion des glandes salivaires , nous tourmentoit continuelle-
ment. Exposes depuis X Taction de temperatures non moins ^levies,
jamais nous n’avons ressenti le malaise insupportable cause par cet etat
permanent de secheresse de la bouche.
- Plan de ce me'moire. rr- » Mon intention n’est point d’entrer dans des
details journaliers d’une maiadie aussi connue que la dysenterie. Je tra-
Voyage de rUranie, — Histortyue. G ££ £
He Timor.
De ITiomme
comme
individu.
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lie Timor.
De fhomme
comme
individu.
600 VOYAGE AUTOUR DU MONDE,
cerai seulement , d’une manure rapide , les symptomes que les latitudes ,
jointes aux localitds , developpent. Ii en sera de m£me du traitement ,
que ces memes causes font varfer ; et Ton verra combien , dans les con-
trdes djuatoriales , ies r&ultats de cette affection peuvent £tre fiinestes.
Debut de la maladie. — » La dysenterie commen^a de se manifester
4 bord le lendemain de notre arriv^e a Coupang, et attaqua en rade
un homme de notre Equipage qui n’dtoit point ail6 k terre. Bientot
piusieurs individus en furent atteints.
Symptomes. — » Chez ies uns I’inflammation fat tr^s-vive des ie dlbut :
des douieurs aigues dans Ie colon, des seiles frdquentes contenant
beaucoup de sang, des dpreintes continuelles, tourmentoient ces ma-
iades ; Tun deux rendoit Ie sang presque pur , qui lui couloit invo-
lontairement Ie long des cuisses; d£s Ie deuxieme jour, 1’abattement
et la foiblesse etoient extremes. Chez Ies autres, Ies symptomes se
montroient moins aiarmans, et cependant ii est a remarquer que cette
circonstance doit particuliere a ceux qui succombdent ou qui furent
tr£s-Iong-temps a gudrir : alors un flux de matures jaunatres , sans qu’il y
eut de sang, des douieurs sourdes mais toldrables dans Ie bas-ventre,
fatiguoient ceux qui en etoient atteints , piutot qu’ils ne Ies faisoient souf-
frir ; aussi piusieurs eurent-ils I’imprudence de supporter leur mal sans en
avertir, malgr^ Ies recommandations faites express^ment k cet dgard.
N ombre de malades. — » Nous mimes k la voile avec six dysentdriques;
de nouveaux se ddlardent a la mer, et de ce nombre doit un de nos o Ai-
ders (M. Labiche). Nous cotoyames Timor, et, parvenus dans Ie d&roit
d’Ombai , nous ^prouvames cette longue suite de contraries dont ii a
deja etd rendu compte.
Situation dans le canal d’Ombai. — » Entoures de tout cotd par
des terres elevees, n’ayant devant nous qu’une droite ouverturepar laquelle
nous devions sortir ; portes alternativement , par nos manoeuvres, tantot
sur la cote de Timor et tantot sur celle d’Ombai ; accablls par une
chaleur qui depassoit quelquefois 3 o d centigrades ; fatigues par des caimes
et des torrens de lumiere , nous etions 14 comme dans un four, et
certes la comparaison n’a rien d’exager^ : nos corps, abattus par des
sueurs excessives, pouvoient 4 peine se soutenir; une plus longue
§
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LIVRE II. — Du Brasil a Timor inclusivement. 601
durde de cet dtat eut pu avoir pour nous les suites les plus funestes. He Timor.
» Toutes ces causes contribuoient a exaspdrer ia dysenterie, dont De I’horame
douze personnes etoient atteintes. Une reiache de queiques jours k individu.
l’^tablissement portugais de Dilid , ndcessitde par le besoin de renou-
veler ies vivres frais que nous avions consommes, n’apporta aucun sou-
iagement k ia position de nos malades ; seulement ie nombre n’en aug-
menta pas.
Situation apres notre depart de Dille. — » Pendant cette courte station ,
les symptomes inflam matoires se maintinrent &-peu-pr£s au m£me degrd
de force chez queiques -uns, et empir£rent chez d’autres. Tous ies
moyens que nous employames pour les gu^rir au commencement, et
ies combattre lorsqu’iis devinrent plus in tenses, ne ies emp£ch£rent pas
d’avoir une issue funeste pour trois personnes , qui succomb&rent peu de
jours apr£s notre depart de DiHe. De ce nombre fut le jeune Bernard ,
bon matelot, qu’un exces de z£ie porta a taire son mai et a continuer son
service : il fut meme une fois envoys dans un canot , par une tr£s-grande
chaleur, sur la cote d’Ombai. Enfin , sa maladie s’aggravant , il s’alita, pour
mourir bientot en ^prouvant des douleurs intoilrables.
» Nous n’avions point a espdrer de retour A une temperature moins
chaude et plus favorable; car, nous dirigeant vers f^quateur, il faiioit
s’attendre k des chaleurs augmentdes par Ies calmes qui r^gnent dans
cette saison pres des lies Moiuques. C’est k une telle influence qu’il faut
attribuer la prolongation du caract^re inflammatoire que conserva ia ma-
ladie. Les selies dtoient toujours fr^quentes , sanguinoientes et plus ou
moins douloureuses. Cet etat, qui se maintint pendant plusieurs mois
chez cinq personnes , nous indiqua que i’di^vation de ia temperature avoit
fait passer la maladie k l’dtat chronique. En effet , quelles que fussent les
douleurs abdominales qu’occasionnoient des ecarts de rdgime ou des
variations atmospheriques , les malades dtoient tourment^s par une faim
devorante; et leurs corps, d’une maigreur excessive, se recouvroient
habitueliement, malgre les bains, de cette croute terreuse qui est un des
caract£res de la maladie parvenue k ce point.
Situation apres I’arrive'e d Rawak. — » Enfin, apr£s une traversde de
25 jours, nous arrivames aux ties des Papous. Rawak, sur laqueile nous
Gggg*
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lie Timor.
De 1’homme
com me
individu.
602 VOYAGE AUTOUR DU MONDE,
mouill&mes, est plac^e sous l’lquateur. Sa rade, entour^e de collines boi-
s6es, s£p^r£es par un petit marais , est humide et foiblement abritle des
vents du large. Ce lieu, si malsain d’aiileurs, ne pouvoit qu'£tre favo-
rable & nos dysentfriques. Un seul, M. Labiche, d'une constitution tr£s-
dllicate et profond^ment atteint , ne s’en trouva pas bien ; nous eumes ia
douleur de le perdre quelques jours apr£s avoir remis sous voile.
*» Quant aux autres, dont le rltablissement flit retard^ par notre
longue navigation presque sans cesse sous la ligne Iquinoxiale, ils gu£-
rirent tous apr£s diverses alternatives de mieux et de pi£. Mais ce n’est
qu'apr^s notre relache aux lies Mariannes qu’il ne resta plus 4 bord de
traces de cette maladie , c’est-^-dire , sept mois et au-deld apres son inva-
sion. Sur 12 malades qu’il y eut a soigner, nous en perdimes 4*
Traitement employ — « D£s le dlbut, le traitement glnlral s’accom-
moda ila nature des symptomes : les emolliens a 1'interieur, les bains,
les lavemens, les fomentations, fiirent d’abord employes pour apaiser
les vives douleurs. On ne se servit point de la saignle , parce que les ma-
lades, affoiblis d^ja par les fatigues de plus dune annee de navigation, tom-
boient le second jour, & la suite d evacuations excessives , dans une extreme
prostration. A ces moyens £toit joint l’opium, comme sp^cifique sous forme
de laudanum, et en lavemens, puis en frictions sur l’abdomen. Nous en
obtinmes de bons effets ; il procura entre autres la gulrison inesp^r^e
du nomm£ Hamelin, ouvrier d’artillerie, dg^ de 48 ans, d'une consti-
tution maigre, et usl par un long s^jour dans les pays chauds et par
l’abus des liqueurs alcooliques. Le lendemain de notre arrivde a Cou-
pang, et sans £tre alle k terre, il fut atteint d’une diarrhee qui, le
troisieme jour, prit tous les caract£res d’une violente dysenterie. De
vives douleurs se manifesterent dans la region colique, et des selles frd-
quentes affoiblirent conside'rablement le malade. L’inflammation aug-
menta , la fifcvre se d&lara , et le sang qu’il rendoit par les selles
couia presque pur et involontairement le long des cuisses.
» Cet homme fut mis k l’usage de l’eau de riz gommde; des potions
ou extraits de laudanum, a la dose de six a huit gouttes, lui fiirent
administrles sept ou huit fois le jour, et on lui fit des frictions opiacdes
sur le bas-ventre. Insensiblement les sympt6mes s’amendcrent ; et le
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LIVRE II. — Du Brasil X Timor inclusivement. 603
vingtteme jour depuis I’invasion de la maladie , Hamelin fut convalescent.
>• Tous n’eurent pas le bonheur d’eprouver ainsi de bons efiets de
I’opium : quelques-uns ne purent le supporter; et quoiqu’il produisit
toujours du calme pendant son action , une fois qu’elle etoit achev^e ,
les symptomes reparoissoient avec la m£me force, quelquefois m^me
avec plus de violence , par la propria qu’on connoit a ce medicament
d’exciter le syst^me sanguin. On fut done oblige d’en cesser momenta-
nement l’usage, et defaire lamedecine des symptomes ,*en ne l’adminis-
trant que comme palliatif lorsque les douleurs devenoient intoierables.
» Cependant, toutes les fois que le permit l’idiosyncrase des individus,
il devint la base du traitement, tant dans les premieres periodes de la
maladie, que lorsqu’elie passoit il'&at chronique. Dans ce dernier cas,
f opium supprimoit presque entierement les selles de la nuit , si fatigantes
pour les malheureux qu’eiles privent du sommeil , en les formant d’etre
k tout moment sur le siege.
Situation avant d’arriver aux Mariannes. — » Pendant la traversee de
Rawak aux iles Mariannes, nous avions encore quatre dysenteriques qui
eprouverent les anomalies les plus bizarres, par diverses causes : la plus
ordinaire etoit les indigestions, qu’on nepouvoit gu£re emp£cher, parce que,
comme on sait, il res te toujours, dans un navire, des vivres apr£s le repas
de l’equipage, et que les matelots ne savent pas en refuser a leurs cama-
rades malades. Les variations de l’atmosph£re, les calmes, les chaleurs,
les grains subits et les brises variables , modifioient aussi la maladie ,
1’exasperoient ou la diminuoient tour k tour, sans que les medicamens
y apportassent un changement fixe en mieux; souvent m£me on les
cessa, pour en reprendre l’usage quelque temps apr£s.
Terminaison de la maladie. — » Notre s^jour k terre aux iles Ma-
riannes, dans un pays sain; 1’usage de legumes frais et de quelques frufts
du pays (1), joints k des prises d’opium en decoction, terminerent enfin
cette redoutable' maladie.
•
( i ) M. Quoy permit 4 ses dysenteriques de manger de la creme de coco et des oranges
bfen mures ; 4 Timor meme il ne crut pas devoir refuser a quelques-uns I’usage des mangues.
C’est ie fruit le plus saiubre qu’on y puisse trouver; il y est d’aiileurs dune bonne quality :
son odeur balsamique, constante dans tous les fruits de Farbre, est moins variable dans ce
lie Timor.
De Fhomme
comme
individa.
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lie Timor.
De Fhomme
comme
individu.
604 VOYAGE AUTOUR DU MONDE.
Observation d! une dysenterie suivie d' entente, augmented par des causes
locales, et terminee par la mort . — » Lenok, matelot, agd de 30 ans,
eprouva une diarrhde qui lui fit rendre , plusieurs fois en vingt-quatre
heures , des matures jaun&tres sans apparertce de sang : il fut plusieurs
jours dans cet &at , sans se plaindre, et m£me, lorsqu’il vint au poste des
malades , ses souffrances dtoient mod^rdes ; cependant il ressentoit des
dpreintes au fondement. Quinze jours se pass^rent sans que le mal aug-
mentat ; mais il ne diminua pas non plus par i’administration de 1’opium
a l’int^rieur et en frictions sur le bas - ventre. Ce jeune homme n’dtoit pas
trop abattu, et il se Ievoit dans le jour. On ajouta de la decoction de
quinquina k sa tisane de riz , sans que ce moyen produisit quelque effet :
le mal augmenta peu apr£s notre sortie du d^troit d’Ombai. Les dou-
leurs abdominales sur-tout se firent frequemment sentir; elles se cai-
rn erent un peu d’abord par I’effet des lavemens opiac^s, mais pour
revenir plus fortes ensuite.
» Le trente-deuxi^me jour de la maiadie , la foiblesse etoit extreme , ‘
accompagnee de fi£vre et de vomissemens de matieres vertes et ameres ,
qui dur^rent jusqu’au lendemain. La douleur occupoit tout le bas-ventre
et setendoit jusqu a la region h^patique. Les selles ^toient devenues
sanguinolentes , pourries et ff tides.
» Le trente - cinquieme jour, le pouls etoit petit et vif; les douleurs
cess^rent ; une sueur froide couvrit la face et la poitrine. Le malade avoit
la parole br£ve , et disoit ne plus souffrir. Les selles dtoient toujours
nombreuses ; et c’est en sortant de dessus le siege pour rentrer dans son
lit, que ce pauvre jeune homme expire.
» L’autopsie , faite le lendemain , montra le colon traverse enflamme a
1’ext^rieur , et adherent aux parois de l’abdomen , qui avoit aussi parti-
cipd a la phlogose de 1’intestin : celui-ci , beaucoup augment^ de volume ,
etoit sphac&d et rempli de matures noires et pourries. L’il&im , qui
paroissoit sain, contenoit cependant un mucus noiratre. On n’a pu
etendre les recherches jusqu’au rectum , qu’on a aussi supposd £tre affect^.
» Le scalpel qui servoit k faire l’ouverture , changea de couleur et
pays qu’aillenrs ; on a reconnu , par exemple, qua Hle-de-France il nose rencontre quel-
quefois pas , sur le meme manguier , deux fruits qui se ressembient pour ie gout et pour 1’odeur.
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LIVRE II. — Du Brasil a Timor inclusivement. 605
devint noiratre, ce qui tient probablement au ddgagement dun gaz lie Timor.
hydrogend. De I’homme
J ° . , . > „ / t» comme
Dysenterie chronique, compliquee danasarque et a ascite, guerie. — » Bour- individu.
dier, matelot, ag 6 de 25 ans, d’une constitution assez forte, quoique
pile de figure, demeura plusieurs jours a terre a Timor, et se livra
avec excds aux plaisirs vdneriens. Ii revint k bord avec une dysenterie
qui se manifestoit par des symptomes assez graves ; ies selles dtoient nom-
breuses et contenoient beaucoup de sang. D’abord on employa, pendant
quelques jours , i’opium uni aux antiphiogistiques , qui n’apporterent
presque point de soulagement, ce qui ndcessita ia cessation du premier
moyen et ia continuation du second.
» Aprds un mois de cet dtat, ia maladie devint chronique : ii failut
aiors revenir a I’empioi. de i’opium , de ia thdriaque , du diascor-
dium, ou bien de ia ddcoction de quinquina, seion l’occurrence.
C’est a-peu-pr£s a cette dpoque que ie maiade commen^a a commettre
des intemperances, souvent rditerees , dans Ie manger. De ia Ies varia-
tions en bien ou en mai qui eurent lieu dans son etat, depuis I’invasion
de la maladie jusqu’i I’instant ou, regards comme gueri, ii sortit du
poste (1), apres y 6tre reste iop jours. Mais peu de temps aprds ii y
rentra de nouveau , en rendant du sang par Ies selles.
Ii suffit de dire enfin que, par suite de sa voracitd , Ies pieds iui enflerent,
ainsi que la figure et successivement tout Ie corps. Le bas-ventre con-
tenoit piusieurs pintes d’eau iorsque nous arrivames aux lies Mariannes.
II souflroit horriblement , et plusieurs fois je crus qu’il n’avoit que peu
de jours a vivre : malgrd ceia , iorsque ses douieurs iui donnoient queique
trdve , ii ne s’occupoit qu’i se procurer des aiimens , disant Iui-m£me
que, puisqu’ii n’avoit aucun espoir d’en rechapper, ii ne devoit rien se
refuser. Son caractdre irascible n’ecoutoit aucun avis saiutaire. Durant
ies premiers jours de notre reiache aux Mariannes, ii eut de frdquentes
indigestions, ce qui ne i’empdcha pas de supporter assez bien ies divers
changemens de place qu’il failut iui faire subir. Maigrd son dtat mise-
rable, maigre tout ce qu’ii faisoit constamment pour en augm enter ia
gravitd, ies eaux du bas-ventre s’dcouidrent peu a peu; l’anasarque dis-
( 1 ) On appelle ainsi Hiopital provisoire etabli sur un vaisseau.
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lie Timor.
De l’homme
eomme
individu.
606 VOYAGE AUTOUR DU MONDE,
parut aussi de la fti£me manure ; les seiies redevinrent natureiies , et
Bourdier recouvra la sante 146 jours apr£s sa premiere sortie du poste,
c’est-A-dire, en tout, apres huit mois et demi d’hopital.
® L’observation dont nous venons de rendre compte prouve com-
bien la nature a de ressources ; car certes , je n’ose pas attribuer une
gue'rison aussi inesp^e k 1 ’usage de I’ac&ate de potasse, m£ie k de
l’eau de pourpier , qui fut administre durant quelques jours dans le
dernier temps de la maiadie , quoiqu’on ait reconnu , en plusieurs cas ,
ies bons effets de ce medicament. II faudroit plus dun fait du m£me
genre pour y reconnoitre le seul agent dune pareille cure.
Non-contagion de la dysenteric. — » Heureusement pour notre equi-
page, la dysenterie ne fut point contagieuse; car comment pouvoir s’en
preserver k bord dun navire ou Ies Hommes sont presque toujours en
coittact, et ou le service medical, pour £tre bien fait , exige des per-
sonnes qui en sont chargees les plus grands soins et une presence con-
tinuelle parmi les malades , ne fut-ce que pour surveiller Ies infirmiers.
Tout cela ne peut se faire sans £tre expose k de frequens attouchemens
et aux miasmes qui se degagent du lit des malades. S’il y avoit eu la
moindre disposition k la contagion , f infirmier eut ete des premiers atta-
que; car, oblige chaque jour de vider et de nettoyer les bailies d’ai-
sance, il le faisoit, quoi qu'on eut pu lui dire, constamment sans user
d’aucun moyen preservatif. Moi-m£me je ne laissais passer aucun jour
sans verifier, par l’etat des digestions , quels etoient Ies progr^s du mal ,
neprenantd’autre precaution que d’avoir un mouchoirdevant Ies organes
de la respiration , et encore pas toujours. Cependant la maiadie ne m’a
point atteint.
- Peut-£tre ce que nous avons ete & meme d’observer pourra-t-il servir
un jour k la solution de la question , encore indecise , de la contagion
ou non-contagion de la maiadie qui nous occupe.
» Nous ajouterons que , bien qu’on ne doive rien negliger pour
rechercfier Ies causes prochaines de la dysenterie, soit dans les loca-
fites auxquelles elles appartiennent , Ies latitudes , fair , les eaux, Ies ali-
mens , &c, , soit dans le temperament des individus , leur mani^re de
vivre, &c. , nos observations ne sont encore ni assez avancees, ni
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LIVRE II. — Du Brasil a Timor inclusivement. 6oj
assez profondes, et nos instrumens de physique pas assez perfectionn^s,
pour nous d^voiler, a cet egard , les secrets de la nature.
Causes de la dysenterie. — « Si quelqu’un etoit jente d’admettre la cha-
leur corame seule cause occasionnelle de la dysenterie dans les regions
equatoriales, nous lui dirions qu’aux lies Moluques, aux lies des Papous,
placees sous la ligne , la chaleur et fhumidite sont aussi fortes qu a
Timor, et que cependant nous n’y eprouvames aucun symptome de cette
phlegmasie ; qu’il en a ete de m£me aux Mariannes , ou nous times
un long s^jour, et ou plusieurs de nous, obliges de faire a pied et k
1’ardeur du soleil de grandes courses , n’eprouv^rent aucune indis-
position.
» Lorsque nous quittames les ties Sandwich pour nous rendre au
Port -Jackson , des pluies frequentes entretinrent k bord beaucoup
d’humidite : c’est k cette circonstance que j’attribue la ^apparition
de la dysenterie , dont trois hommes de l’dquipage furent attaqu^s.
Pour cette fois, la temperature peu elevee de I’atmosphere , jointe a
des vents assez forts , rendit la maladie b^nigne ; et cependant , au
debut, les symptomes inflammatoires parurent assez graves; les.selles
glaireuses, accompagnees de sang, s’evacuoient avec de vives epreintes
et des douleurs abdominales tr^s- fortes. L opium et les mucilagi-
neux firent avorter et guerirent radicalement cette maladie en peu de
temps , quoique les personnes qui en etoient attaquees eussent eu l’im-
prudence de taire leur mal pendant trois ou quatre jours. Le tempera-
ment sanguin d’un seul individu ndcessita l’emploi des bains entiers
et des fomentations. II est a remarquer que tous etoient des jeunes gens,
dont le plus age avoit a peine 1 8 ans.
Marche d suivre dans le traitement de la dysenterie. — « La dysenterie ,
quoique bien reconnue depuis long-temps pour une inflammation de la
partie inferieure du tube intestinal , n’avoit pas ete neanmoins soumise 4
un traitement plus rationnel. Aussi est-ce seulement depuis qu’un homme
de genie (M. Broussais ) a jete un si grand jour sur les inflammations
en general, que celle-ci a pu £tre combattue par des procedes vraiment
methodiques. Avant cette dpoque, en effet, que de vacillations dans les
idees sur I’emploi de telle ou telle substance, sur I’epoque de la maladie
Voyage de VUranie. — Historique. t H hllll
He Timor.
De rhomme
comme
. individu.
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He Timor.
De rhomme
comme
individu. .
608 VOYAGE AUTOUR DU MONDE,
ou ii convenoit de le prescrire ! Et tout cela parce qu’aucune regie sure ,
aucune theorie physiologique satisfaisante , n’etoient venues eciairer le
praticien sur ia cause reelle d’une affection dont ie syst£me curatif se
reduit maintenant a quelques formules simples.
» En Europe , lorsque la dysenterie n’est pas compliqu^e , c’est-a-dire ,
iorsqu’elle se borne a l’inflammation du colon et ne devient pas ente-
nte,, i I est rare qu’elle resiste aux moyens que l’art peut lui opposer :
mais il n en est pas de m£me dans les ciimats brulans qui avoisinent
l’tfquateur ; la souvent la maladie fait des progres si rapides , qu’en peu
de jours , au lieu d’une colite qu’on croyoit avoir a traiter , on a une
vraie enterite. C’est ce qui nous est arrive , au moins pour la moitil des
homines que nous avons eus A soigner.
» Quoi qu’il en soit, la modification qu’on doit apporter au traite-
ment dans les pays chauds, consiste a agir avec plus d’action et de per-
severance, k ne perdre jamais de vue et a faire surveiller avec soin des
malades toujours insoumis lorsqu'il s’agit d’une diete rigoureuse , diete
qu’il est si facile d’enfreindre a bord des vaisseaux.
» Nous disons qu’il faut agir avec ^nergie ; d’abord a cause de la dispo-
sition du.mal a devenir intense, et parce qu’il est rare qu’un matelot,
malgre les recommandations les plus fortes, vienne sen plaindre d£s
i’origine. Cette sorte d’amour - propre mal entendu a 6 t 6 plus d’une
fois funeste k ces hommes pr^cieux ; il en r&ulte que c’est presque tou-
jours une colite de plusieurs jours qu’on a a traiter.
» Le malade sera mis a la diete la plus rigoureuse ; les tisanes seules
tiendront lieu d’alimens pendant tout le temps que les sympt6mes inflam-
matoires se maintiendront eleves : ces tisanes doivent £tre celles d’orge,
de riz, d’eau gomm^e ou sucr^e, sans addition d’aucun acide, si ce n’est
vers la fin de la cure , qu’on pourra en faire usage pour diminuer la fadeur
des boissons. Il faut en m£me temps appliquer a l’anus un plus ou moins
grand nombre de sangsues , selon I’intensit^ du mal et la force du sujet ; y
joindre la saign^e au bras , si l’homme est robuste et d’un temperament
sanguin. L’action de ces premiers moyens sera favorisee, i.° par des
bains seulement tiedes { ii est des parages ou l’eau de la mer a une
temperature convenable, sans qu’on prenne la peine de 1a chauffer);
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LIVRE II. — Du Brasil a Timor inclusivement. 609
2. 0 par des fomentations de graine de lin sur l’abdomen , dans 1 ’inter- lie Timor,
valle des bains ; 3 .° enfin par des demi-Iavemens prepares avec la m£me De rhomme
com me
substance. individu.
» Comme il est rare que i’irritation qui se fait sentir au fondement
ne s’etende pas dans la region du colon , on appliquera , en m6me temps
qua I’anus, 8 ou 10 sangsues sur les points douloureux de I’abdomen.
C’est ainsi qu’on pr^vient souvent une inflammation generale des intes-
tins. Si ces moyens apportent du soulagement, on s’abstiendra le lende-
main de toute medication, pour la reprendre les jours suivans, plus ou
moins forte , dans le cas ou la maladie , n’etant pas enray^e , continueroit
de s’accroitre; et A moins quelle ne soit tres- grave, il sera toujours
bon de mettre un jour d’intervalle entre les saignees. Ce precepte, ap-
plicable principalement aux pays chauds, est motive par les sueurs
" abondantes qui, jointes aux boissons aqueuses, jettent promptement le
malade dans une debilite et un malaise fort penibles a supporter.
• » La saignee au bras ne doit 6tre pratiquee qu’une fois dans les sujets
robustes, et tout au plus deux; maisil convient que les sangsues a l’anus
et sur le trajet du colon soient appliques tant qu’il y aura des symp-
tomes d’irritation. 11 est un cas cependant ou Ion doit s’en abstenir,
m^me au debut de la maladie; c’est lorsqu’elle se juge d’elle-m£me par
une crise hemorrhagique , et que le malade rend du sang pur et coulant
par les selles : si, apr£s cet ecoulement de bon augure, il y avoit encore
de l’irritation au colon, on devroit se servir de sangsues.-
» Ne pouvant donner ici qu’un aper^u du traitement general de la
dysenterie, qui, k I’epoque oil nous sommes, demanderoit un ouvrage
ex professo fait selon les principes de la medecine physiologique, nous
nous bornerons a dire que la diete et les saignees locales ne doivent
£tre continuees qu’autant qu’on entrevoit I’espoir d’enlever la cause de
la maladie; car si, par feffet de ces moyens, de mortelle qu’elle eut ete,
elle passe k I’etat chronique , il faut alimenter le malade et cesser les
saignees, pour essayer de les reprendre, mais moins fortes, quelque temps
apr£s.
» L’alimentation se fait d’abord par de legers bouillons ; puis on donne
du riz, .des panades, des confitures, enfin du poulet, que maintenant
Hhhh*
6 io VOYAGE AUTOUR DU MONDE.
He Timor. on peut toujours avoir a bord des vaisseaux , k i’aide des preparations
De I’homme d’Appert. Au nombre des fruits des tropiques qui peuvent £tre permis,
individu. nous ne connoissons que latte, la cr£me de coco et la mangue.
» Cette seconde pdriode de ia dysenterie , ou la maladie est parvenue
a i’etat chronique, est celie pendant laquelie l’alimentation maintient
assez long-temps les forces, et repare les pertes occasionnees par les
selles , en general frequent es et toujours plus ou moins sanguinolentes.
Un tel etat ne peut durer; car, par suite de 1’irritation de l’extremit<£ du
tube intestinal, les alimens, ne faisant que passer par l’estomac, sont*
rendus k moitie digeres , d’ou resulte une faim insatiable. Levacuation
augmente, et le malade meurt etique ou hydropique.
» Lorsqu’on a, pendant un temps, suspendu toute medication, on peut,
comme nous i’avons dit, essayer quelques sangsues a 1’anUs, 4 ou 5
seulement, pour ne pas causer trop d’affoiblissement; on les reappliquera
peu de jours apres, si les selles diminuent et que le malade sen trouve
bien. C’est alors qu’il faut faire usage de I’opium en lavement ou e»
potion. II calme, diminue les selles, et donne ainsi plus de repos au
patient; car la necessite d’aller si souvent a la selle est un des plus ter-
ribles tourmens causes par cette cruelle maladie.
» Si l’on juge que le mai est limits a une petite surface du colon
ou du rectum , on essaiera aussi I’emploi des rubefians appliques sur
I’abdomen ; des bains froids , et , a lexterieur, des preparations legere-
ment astringentes , dont il faudra gtudier les effets avec soin. On pourra
permettre alors l’usage de quelques-uns des fruits astringens des colo-
nies intertropicales.
» Cet etat chronique de la dysenterie , si bien marqud dans les cli-
mats temperas, et qui peut durer un an et plus, est souvent k peine
indiqu^ dans les regions ou de tr^s- fortes chaleurs se joignent a une
excessive humidity pour faire avancer la maladie vers une terminaison
quelconque. Ces causes la rendent toujours redoutabie sous les tropiques,
et Ton aura plus de chances de succes a mesure qu’on s’en eloignera.
» Malheureusement on ne peut se flatter de posseder toujours , k bord
des vaisseaux, le remede le plus energique et le plus efficace pour la
' guerison de ia colite : nous voulons dire les sangsues. Lorsqu’on est
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LIVRE II. — Du Brasil A Timor inclusivement. 6 1 1
arrive dans les lieux ou cette maladie s^vit , ces animaux sont morts , ou
bien ils ne sont plus en assez grand nombre pour fournir aux besoins ;
car, bien que la dysenterie ne soit pas contagieuse , il est rare que plusieurs
individus n’en soientpas atteints en m£me temps. Et ce qui nest pas moins
facheux , on n’a pas encore trouv^ ces annelides en grand nombre dans les
regions ou la dysenterie est le plus commune. Nous avons 6t£ dans ce cas.
L’opium alors est le medicament qui, au debut de la maladie, nous a paru le
plus efficace (i): dans deux circonstances , iia m£me completement enray£
le mal; nous &ions k la v^ritd alors, comme nous i’avons d^j& dit, par une
latitude assez froide. Mais d£s qu’on s’aper^oit que 1’opium augmente
les symptomes inflam matoires , il faut en cesser i’usage, et se borner 4
la di£te , aux bains, aux boissons, aux fomentations dmollientes, &c.
»» Quoique les prdceptes que nous presen tons ici ne soient que g&id-
raux, toute personne, m£me dtrangere a la m^decine, peut en suivre la
liaison, en appr^cier jusqua un certain point la justesse, et voir com-
bien ils different de ceux qui avoient-'ltl proposes jusqua ce jour, ou
Ton ne trouvoit qu’incohHrence et incertitude. Le fondateur de la m^-
decine physiologique , en faisant mieux connoitre le caract^re et la
marche des phlegmasies intestinales , a done naturellement aussi £clair£
leur traitement. »
» Refutation du systhme de Peron. — « On ne peut assez 6tre en garde
contre les fausses theories ; et lorsqu’elles ont de i’influence sur la vie
des hommes , e’est un devoir de les combattre. Par ces motifs , nous ne
saurions passer sous silence le moyen que conseille, pour se preserver
de la dysenterie des pays chauds, un savant au "m^rite duquel nous nous
plaisons a rendre d’ailleurs la plus eclatante justice. Peron , dans son Md-
moire sur cette matiere ( 2 ) , dit que les naturels de Timor se preservent
de la dysenterie par l’usage du bdtel, des bains et des frictions d’huile
de coco; il laisse croire m£me que e’est au premier de ces deux moyens
qu’il a du de ne pas en £tre atteint: mais la chaux vive, le tabac, le
poivre-b^tel , le gamber et la noix d’arec, qui entrent dans la composi-
tion de ce masticatoire , sont les styptiques et les astringens les plus
( 1 ) Je pense que Ie magnetisme animal pourroit etre utilement employe. L. F.
(2) Voy. aux Terr, austr. His tor.
He Timor,
De Thomme
-comme
individu.
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He Timor.
De Thomme
comme
individu.
6 12 VOYAGE AUTOUR DU MONDE,
violens que Ton connoisse : comment done peut-on conseiller de porter
de telles substances sur la muqueuse intestinale de personnes qui n’y
sont pas habitudes, et par une latitude sur -tout ou la chaleur la plus
intense viendroit encore en augmenter les eflets inflam matoires et des-
tructeurs. Heureusement qu’un instinct plus fort que toutes les theories
repousse naturellement I’emploi dune telle pratique chez les Europ^ens
qui arrivent dans ces regions. Bien plus , nous pensons que ce moyen est ,
pour ainsi dire, impossible; car, d£s qu’on essaie de faire usage de ce d£-
goutant masticatoire , la bouche se contracte, et Ton croiroit quelle va
se fermer tout-a-fait sous la violente influence de son astringence et de
sa rudesse.
» Relativement aux frictions huileuses , elles ne sont rien moins que
generates a Timor, ainsi que nous avons pu nous en assurer. L’usage
des bains, frdquent chez les personnes riches, nest pas non plus com-
mun chez le peuple.
» P^ron se trompe done lorsqu’il attribue en partie au b&el l’^tat de
sante des habitans de cette ile. Sans doute on peut £tre entraind a en
croire l’usage indispensable pour exciter la secretion du canal intestinal ,
lorsqu’on n’a vu que Timor: mais les habitans des Mariannes, qui n’usent
que fort peu d’un masticatoire presque semblable , ne craignent pas
la dysenterie; ceux des iles Carolines, si joyeux, si bien portans,qui
ont de si belles dents , ne connoissent pas plus cette maladie que le bltel ;
et cependant ces peuples habitent sous des latitudes bien chaudes; les
Carolinois sur-tout , dont la plupart des lies sont madr^poriques et peu
(flevees au-dessus du niveau de 1’Oc^an : on peut ajouter que I’eau qu’ils
boivent est saumatre. Je pourrois citer aussi les naturels des lies Sandwich,
de Tai'ti, et de tant d’autres archipels du grand Ocean qui habitent en
dedans des tropiques.
» Enfin j’accumulerois au moins autant de preuves pour convaincre
de l’inutilite du betel comme preservatif de la dysenterie, qUe Peron
en a cite pour soutenir son systeme. Disons plutot que ce bizarre
usage tient autant a la perversion du gout qua I’oisivet^ des peuples
indiens, et qu’il s’est insensiblement repandu en Orient, comme le tabac
en Europe. On ne sauroit trop cependant attaquer la faussete de la
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LIVRE II. — Du Bresil X Timor inclusivement. 6 13
theorie que Peron a emise , et qui a pu porter naguere le chirurgien-
major dune frigate fransaise a faire distribuer du betel a Equipage ,
comme moyen prophylactique de la dysenterie.
» Si, moins maiheureux que I’expedition du capitaine Baudin, qui a
vu p£rir presque tous ses dysenteriques , ^1 n’en est mort que quatre sur
douze k bord de I’Uranie , nous ie devons sur-tout au sejour moins long
que nous avons fait dans ces parages meurtriers ; et nous osons croire
que si , plus favoris^s , nous eussions pu franchir tout de suite le ddtroit
d’Ombai et nous eloigner rapidement de ces lies, aucun de nos ma-
lades n’eut peut-£tre succombe. »
S. VI.
De I’homme vivant. enfamille.
La sobriete des habitans de Timor a deja '6t& remarquee. Les vdg 6-
taux, ie mai’s sur-tout et le riz, font la base de leur nourriture : ils
y ajoutent du poisson , presque toujours sec ou sale , des coquillages
ou d’autres productions marines, de la chair de buffle, des volailles,
des singes et meme des chauves-souris , &c. &c. ; et ceux qui ne
sont pas mahomdtans , du sanglier et du pore : en general cependant
ils recherchent peu les viandes; ils leur p referent ' plusieurs piantes pota-
g^res, accommod^es en bredes , e’est-a-dire , cuites a I’eau , salves et
piment^es seulement. Le coco , la banane , la mangue , les oranges , sont
les fruits dont ils font le plus d’usage; I’ananas est moins r^pandu, et se
trouve place de preference sur les tables des Europ^em ou celles des
voluptueux Chinois. Enfin diverses racines nutritives , Ie sagou et d’autres
veg^taux dont la liste a 6t6 deja donn^e , competent leurs richesses
alimentaires.
Plus sensuels et plus habiies dans les preparations culiiiaires , les colons
chinois accommodent leurs mets de beaucoup de manures aussi recher-
chees qu’agreables; les confitures, les sucreries, les liqueurs, et les divers
ingrediens qui irritent I’appetit sans ie satisfaire , se voient toujours
abondamment chez eux. On sait que leur boisson favorite est ie
He Timor.
De Phomme
comme
individu.
Nourriture.
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ile Timor.
De 1’homme
en famille.
6 1 4 VOYAGE AUTOUR DU MONDE.
th£; ils en font un tr£s-fr£quent usage, ainsi que de diverses liqueurs
alcooliques.
La cuisine , quoique assez 6pic6e , est plus modeste chez les indigenes ,
car l’art des ragouts ne s’est point encore introduit dans leur regime.
L’eau , le lait de coco , et parfcds ie sue fermente ou m^me non ferment^
de quelques palmiers , composent , sous les noms de kalou , de touak , &c.,
leurs boissons habituelles. M. Paquet a vu appr£ter un mets favori
des naturels. Apres avoir concasse du mai’s et l’avoir mis sur le feu
avec de I’eau , dans une marmite en terre , ils y ajoutent de la rapure
et du lait de coco; puis, quand le melange a suffisammeut bouilli, ils y
versent une sorte de m^lasse ,provenant du sue epaissi de palmier; le
tout, bien melang^, est servi ensuite sur de petits plateaux tisses en feuilles
de latanier. « Cette preparation , dont on voulut me regaler, dit M. Paquet,
me parut affreuse; a peine en eus-je introduit dans ma bouche une petite
quantity, que je la crachai, en donnant tous les signes du plus profond
d^gout. » Je n’ai pas pris de cette friandise une opinion plus favorable
que la sienne.
Maniere de servir les mets. — Chez les Timoriens , la manure de servir
les mets est aussi simple que celle de les preparer. Le riz, les viandes
roties , dresses sur des plateaux semblables a ceux dont on vient de parler,
ou laissls dans les vases m£mes qui ont servi a la cuisson , sont disposes
sur des nattes , autour desqueiles chacun s’accroupit , l’usage des tables
n etant admis que dans les maisons de m^tis europ^ens et de quelques
rajas. A leurs repas de c&^monie , les Chinois d^ploient plus de magni-
ficence : ils ont des chaises , des tables , et leurs mets , coupes en petits
morceaux , sont contenus dans une multitude de petits bols en porcelaine,
ou chacun prend ce qui lui convient , en faisant usage des baguettes bien
connues qui remplacent chez eux nos fourchettes et nos cuillers. Leurs
femmes mangent a part.
Nombre des repas. — Rien ici n est r6gi6 ni sur le nombre ni sur l'^poque
des repas; on mange quand l’app&it aiguillonne, et, comme on s’accom-
mode de peu , i’appr^t des mets n’a jamais besoin d’etre caicule long-temps
d’avance. On peut dire cependant que la plupart des Timoriens font
trois repas par jour, mais plus ordinairement deux, savoir, a ii h du
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LIVRE II. — Du Br£sil a Timor inclusivement. 6 1 5
matin et k j h du soir ; ils mangent seuls avec leurs femmes et leurs
enfans , et n’admettent leurs fibres et leurs proches parens k ces reunions
qua I’occasion des fttes qui ont lieu de temps k autre dans I’intCieur
des families. ■
Vetemens des indigenes. — II paroit que les peupies de Timor vivoient
jadis dans un etat de nudit^ a-peu-prC complete. Lorsque les compagnons
de Magellan abor derent aux environs d’Atapoupou , ils virent encore ,
ainsi que le rapporte Pigafetta (1) , les hommes et les femmes enticement
nus : celles-ci avoient aux oreilles de petits anneaux dor suspendus avec
des fils desoie, et aux bras plusieurs bracelets dor et de cuiyre qu’elles
multipiioient parfois depuis le poignet jusqu au coude ; les hommes por-
toient autour du cou des ornemens dor de forme ronde , et a la t£te des
peignes en bambou, garnis ^galement de ce prdeux mltal ; il y en avoit
qui s’attachoient aux oreilles des morceaux de calebasse seche. Quelque
precis que soit le texte de Pigafetta, j’ai peine k croire qualors les
Timoriens des deux sexes ne se couvrissent pas au moins de I’Coffe en
ecorce de figuier dont les tribus les plus sauvages des lies d’Asie se
ceignent genCalement le milieu du corps, et que l’on connoitdans nos
colonies sous le nom de langouti.
Aujourd’hui l'usage des Coffes tissues est r^pandu chez les peuplades
plus civilisCs qui habitent k peu de distance des rivages, ou qui ont
des relations commerciales avec celles-ci. A Coupang, le principal v£te-
ment des Malais consiste en une piCe d’etoffe de coton qu’iis appellent
sarung, et que nous nommons pagne (2) : elie a six k huit pieds de long,
sur environ trois de large ; quelquefois les deux extremitC , cousues
ensemble, forment une espCe de jupon que portent ^galement les hommes
et les femmes ; seulement le sarung de celles-ci descend plus bas. Ce
v£tement n’est retenu par aucun cordon; on le plie et on le contoume
simplement 4 la hauteur des hanches. II y a des sarungs de diverses cou-
leurs, fabriquls tant a Timor que dans les lies voisines ; quelques-uns sont
melanges de soie et fort agr^ables sous ies rapports du dessin et du tissu.
( 1 ) Voyez Primo Viaggio intomo al globo.
( 2 ) Nous appliquons le nom general de pagne a toutes les ItofFes fabriqu^es, de quelque
maniere que ce puisse etre , par les peuplades non civilisees.
Voyage de V Uranic. — Historique. 1 1 1 1
lie Timor.
De Fhomme
en famiile.
Vetemens.
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He Timor.
De Thomme
en famiile.
616 VOYAGE AUTOUR DU MONDE.
Les pagnes noires , entour^es de larges hordures de couleurs vives ,
ordlnairement rouges , nous ont paru £tre plus particulierement affectees
aux guerriers. Une autre pagne, d’environ 4 pieds de largeur, dont ies
extremities sont egalement cousues, forme la seconde piece du costume
timorien : les hommes s’en drapent de diverses manieres , selon qu’ils ont
chaud ou froid , ou quils veulent se garantir de la pluie; on la voit ainsl
tantot jetee elegament en echarpe , tantot d^veloppee en guise de man-
teau, ou bien encore relev<*e au-dessus de la t£te. Quelques-uns, au lieu
du sarung, ont adopts une sorte de caie^on , a l’instar peut-£tre des Euro-
plens-, mais dont ies plus longs ne descendent que jusqu’aux genoux.
( Voye% pi. 21 . ) Les enfans vont nus jusqua I’ age de p ou 10 ans.
Presque tous les hommes se suspendent a 1 epaule gauche un mouchoir
en forme de sac, dont les quatre bouts reunis sont li& ensemble, et
decores , soit avec des anneaux decaille de tortue, soit avec d’autres
bijoux plus ou moins riches (1), suivant le gout ou les facultes de chacun.
C’est la que l’on serre ies diverses substances propres 4 la preparation
du bdtel.
Des quantites plus ou moins grandes d’anneaux d’ivoire, de cuivre,
d’argent et m£me d’or, aux bras et au bas des jambes, sont un ornement
commun aux deux sexes. ( Voy. pi. 1 8 et 20. ) Mais ce sont les hommes
seuiement qui ont a la ceinture l'espece de poignard nomme kris, ou
du moins le couteau a gaine qui en tient la place : cet usage est general.
La plupart relevent leurs cheveux en toulfes bizarrement ebouriffees ,
et'les maintiennent avec un peigne en bambou et un mouchoir, ou bien
avec un ligament ieger en feuille de palmier : ceux qui sont mahometans
preftrent le premier moyen, qui figure le turban. ( Voyei pi. 1 8, 2 1 , 22
et 28.) Les Timoriens qui vont k la guerre, ou qui sont exposes k Tester
long -temps au soieii, ont coutume de se coifier de bonnets tisses en
feuiiles de palmier, dune forme variable. ( Voy. pi. 16 et 23.)
Les femmes portent aussi, comme Ies hommes, une seconde pagne,
dont la pose varie a ieur gre, mais qui, pour i’ordinaire, leur entoure
le corps au-dessus de la gorge , de maniere a iaisser Ies ^paules et ies
bras entierement nus. ( Voy. pi. 1 6, 1 8 , 20 et 2 1 . ) Cette seconde pagne
( i ) Sur la pi. 18, on voit un sac de ce genre suspendu k la muraille.
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^ogle
LIVRE II. — Du Br&sil X Timor inclusivement. 617
se fixe absolument comme le sarung. A la maison , les femmes restent
habituellement le sein ddcouvert , k moins.qu’un etranger ne soit present:
leurs cheveux, qu’elles aiment aorner de fleurs odoriftrantes , relevds et
tourn^s en spirale derri£re la t£te, sont assujettis avec un peigne en come
ou en ecaille; elles vont toujours nu-t£te. Les esclaves des riches m&is
ajoutent, Ies jours de c^rdmonie , A leurs v£temens ordinaires, une sorte
de camisole dont notre pianche 19 offre le module; mais Ies males seule-
ment portent avec celaun pantalon. Le gouverneur de Dill<f avoit affect^
aux siens le costume qu’on peut voir pianche 31.
. Le v£tement habituel des rajas n’a pas une forme distincte de celui
des gens du peuple; dans les occasions d’apparat, ils mettent en outre
une camisole blanche , une ceinture noire ray^e de rouge , et par-dessus .
le tout, une grande robe d’indienne k fleurs. Pr£s de Dill<f , on eh voit
qui ont adopte le costume portugais , ou au moins quelques-unes de ses
parties , telles que le pantalon et le chapeau, objets qui coutent cher
parmi eux, et qui par consequent sont fort recherch^s. ( Voy. pi. 1 7
et 30.) Les rajas de l’int<£rieur s’oment le front dune sorte de diademe
en nacre de perle et en lames d’or, artistement travailie ; d’autres ont des
croissans aussi en or, de 12a 15 pouces d’ouverture, places sur un des
cot^s de la t£te , ou bien encore des plaques circulates de la m£me matiere,
mais de 8 cl 10 pouces de diam£tre seulement, qui leur pendent sur la
poitrine; enfin, il en est qui portent en guise d’echarpe des serpens d’or
en filigrane , d'un travail remarquable pour ces contrees.
L’usage d’aller nu-pieds est general pour Ies deux sexes parmi toutes
ies classes d’habitans; cependant Ies personnes qui sont obligees de faire
de longues routes par des chemins pierreux , se tressent des especes de
sandaies en feuiiles de iatanier, qu elles attachent avec des lani£res de
m£me substance.
Vetemens des Chinois. — Le costume des Chinois timoriens se compose
de pantalons et de longues jacquettes en coton, presque toujours blanches,
car le bianc, dans toutes les lies d’Asie, est leur couleur favorite ( voyei
pi. 2 1 ) : il y en a qui ont aussi des vestes noires , fermdes, soit a l’aide de
cordons , soit avec de petits boutons , qui sont en or pour les riches
[voy. pi. 20). Leur t£te est ras^e, et il y reste seulement au sommet une
mi*
lie Timor.
De fhamme
en famille.
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6 iS VOYAGE AUTOUR DU MONDE.
Timor. m£che de cheveux, iaquelle, £tant tressee, peut descendre jusqu’A la
farnlSr 6 c ^ ute ^ es re ^ ns * et ni£me beaucoup plus bas (i) , ce qui est consid£r<*
comrae un agr^ment naturel. ( Voy. pi. 20 f 21 , 22 , 23 et 27. ) Pour
se preserver du soleil , ils se coiffent de chapeaux tiss^s en feuilles de
latanier, qui ont assez de ressemblance avec les notres , mais a bords tr£s-
larges, et qui d’autres fois figurent un cone tres-^vase a la base, de ma-
nure a remplir facilement i’office de parasol ou de parapluie , seion
le besoin. Les chaussures , tant au logis qu au dehors , sont pour eux dun
usage habituel; mais eiles ont une forme particultere, et sont fabriquees
avec diverses substances ou la peau et le cuir ne se trouvent pas tou-
jours.
Les femmes chinoises, les jours ordinaires, se coiffent et s’habillent
&-peu-pr£s comme les autres Timoriennes; pour se parer, eiles mettent
par-dessus leurs pagnes de grandes robes ouvertes , en mousseline ou en
indienne, nominees kabaya, et qui descendent plus bas que les genoux,
airisi quon peut le voir planche 25.
Vetemens des metis europe'ens. — L’habillement ordinaire des personnes
riches , parmi les m^tis europeens de Coupang, consiste en un cale9on ou
une belle pagne qui les couvre depuis les reins jusqua la moitie des
jambes , et en une robe d’indienne. La mise de c^rdmonie est pour les
hommes le costume a l’europ^enne , rehauss^ , en signe de luxe, par des
boutons d’or ou d’argent.
Leurs femmes different fort peu de celles des Chinois dans la manure
de se v£tir. En g^n&al , eiles ont sur une de leurs dpaules un mouchoir
rouge, k fun des coins duquel sont fixees, avec une petite chaine, les
clefs de leurs coflres , et qui leur sert & s’essuyer les levres sans cesse
rougies par une salive impr^gn^e de bdtei. Elies restent pieds nus chez
(1) C’est a tort que quelques voyageurs ont cru voir dans cette singuliere coiffure un objet
de superstition. Voici ce que du Halde, dans sa Description de la Chine (t. II), nous apprend
a ce sujet : « Autrefois ils (les Chinois) soignoient fort leurs cheveux, et ils etoient si jaloux de
» cet ornement, que lorsque les Tartares, apres la conquete de leur pays, les obligerent. de se
» raser la tete a la maniere des Tartares, plusieurs aimerent mieux perdre la vie que d’obeir en
» ce point aux ordres de leurs conqu£rans, quoique ces nouveaux'maitres ne touchassent point
»aux autres usages de la nation. Ils ont done maintenant la tete rasee, excepte par derriere,
» oil au milieu ils laissent croitre autant de cheveux qu’il en faut pour faire une longue queue
» cordonn£e en forme de tresse. »
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LIVRE II. — Du Brasil a Timor inclusivement. 6 ip
elles ; mais faut-il aller 4 une flte, rendre ou recevoir des visites de c 6 r 6 - lie Timor,
monie , elles s’empressent de chausser des bas et des souliers a talon. De I’homme
' en famille.
Les Atones de soie brochees en or et les mousselines brodees ne sont
pas exclues de leur toilette; cependant elles preferent les tissus dont le
fond est rouge laque ou tout -A- fait noir. ( Voy. pi. ip.) A ces parures
il faut ajouter des colliers d’or , des bracelets, des boucles d’oreille et des
bagues, fabriques quelquefois dans le pays, mais plus ordinairement
tirds de Batavia , qui est le Paris des lies d’Asie.
Les usages suivis a Coupang en ce qui concerne le vetement et la pa-
rure, ne nous ont offert d Dilie aucune difference notable. La fig. 4 de
la planche 1 7 donnera une idde du costume d’apparat des dames de ce
dernier lieu qui appartiennent k la classe eminente. Ici les principaux
employes du gouvemement ont une tenue en g£n4ral plus reguliere et
plus soignee.
Les habitations du peuple ne sont k Timor que de simples cabanes Habitations,
basses et miserables , reposant presque toujours directement sur le sol.
Des bambous, des tiges et des feuilles de palmier, tels sont les matdriaux
quils mettent en oeuvre, et qui ont du moins 1’immense avantage de
mieux isoler de la chaleur que la pierre et la brique que recherchent les
Europ^ens. Aux dimensions pres, les demeures des rajas sont construites
de la mime maniere : elles se composent presque toujours de diverses
constructions agglomlrles. Une galerie exterieure couverte, ou, comme
on le dit dans l’lnde, une varangue , entoure le corps-de-logis principal;
c’est Id qu on se tient pendant le jour : quelquefois on se met aussi sous
de vastes hangars ou la circulation de fair est plus libre et plus facile. En
general les cuisines sont placles dans un bailment isold, ainsi que le
logement des esclaves et celui des Strangers. ( Voy. pi. 18, 20, 21 , 22
et 28. )
Dans les parties les plus humides de file, ou fon a davantage k re-
douter f invasion des reptiles, les maisons timoriennes sont construites
sur des pilots qui lllventfle plancher depuis 2 jusqua 10 pieds et plus
au-dessus de terre. On y monte alors par une Ichelle , qui se retire la
nuit; et les habitans, tout-d-fait isoIls par cette precaution, y reposent
comme dans un asyle inaccessible. Les piliers ou poteaux qui la sou-
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lie Timor.
De Thomme
en famille.
610 VOYAGE AUTOUR DU MONDE,
tiennent sont plus ou meins forts , plus ou moins multiplies , selon
l’dtendue de i edifice et la richesse du proprietaire. Le seul etage dont la
maison se compose a pour base un parallelogram me rectangle , dont la
longueur est &-peu-pr£s double de la largeur. On le divise en trois
compartimens : celui du milieu sert de salon ; c’est aussi oil se trouvent
les portes d’entrde principales. Aux deux extern ites , les chambres a
coucher ne re^oivent le jour que par la piece centrale , qui elle-mCne
n’a point de fen£tre. Quelquefois, k l’extremite dune des galeries ext<£-
rieures, on remarque un cabinet destine a serrer divers objets de me-
nage. Les distributions que nous venons d’indiquer ne sont pas au reste
tellement constantes que chacun ne puisse les varier selon ses caprices ou
ses besoins.
Maisons des colons chinois. — Mieux construites et plus solides que
celles des indigenes, les maisons chinoises ont presque toutes des fon-
dations en pierre elevees jusqu’i la hauteur de 4 a 5 pieds au-dessus du
60I , et terminees par une batisse en torchis , en clayonnage de bambou
ou en c6tes de feuilles de palmier. La plupart sont couvertes en tuiles,
et entour&s d’une varangue, ou les marchands etalent ce qu’ils ont k
vendre. On n’en voit point d’Cevfos sur pilotis, et elles se composent
toutes dun rez-de-chaussfo unique , k moins qu’on ne veuille considered
comme un Cage cette sorte de soupente ou de galetas qui se remarque
aussi dans quelques maisons timoriennes. ( Voy. pi. 18 et 21.)
Alaisons des colons europe'ens. — Teiles sont encore, a peu de chose
pr£s , les habitations des colons et des mCis europeens riches. Les Edifices
en pierre n’appartiennent guCe qu’aux premieres autoritds du gouverne-
ment colonial; et m£me nous avons vu k Dille celui qu’occupoit le
capitad m6r, enticement construit k la maniere du pays.
La plupart de ces maisons sont prdcCfoes d’une cour entourde d'arbres.
Deux larges galeries ouvertes , dont le toit est soutenu par des poteaux
ou par des colonnes , r^gnent sur le devant et k la partie postCieure de
l’ddifice. Elevees quelquefois de plusieurs marches au-dessus du sol ,
ces galeries sont terminees k chaque extremity par un cabinet qui sert de
magasin ; trois pieces , dont celle du milieu est la plus grande , com-
posent I’intCieur.
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LIVRE II. — Du Brasil X Timor inclusivement. 621
La galerie antdieure est considdd com me la piece principale; c’est lie Timor,
celle en efiet ou se recoivent ies visites , ou ion mange , ou la famille I’homme
.... \ , , 6 en famIUe.
se reunit: elle est aussi la plus omee.
La chambie du milieu , entouree de canapes en canne recouverts de
nattes , sert a faire la mdidienne ; les maitres de la maison couchent
dans les chambres latdales, et Ton reserve la galerie postdieure pour
Ies ouvrages relatifs au service.
Cette dernide donne presque toujours sur un jardin ou sur une cour,
ou sont baties les cuisines et Ies cases des esciaves.
L’ameublement des maisons timoriennes ne se fait distinguer ni par Meubles.
la diversity ni par ie nombre des objets : quelques bancs , des nattes ,
rarement des fauteuils , m£me dans Ies parties de file que les Europdns
frdjuentent ; tel est i-peu-prd tout ce qu’on y trouve. Les personnes
adultes et ies enfans couchent presque toujours a terre sur des nattes, sur-
tout dans Ies maisons construites sur pilotis ; dans ies autres , on dite
i’humidite pernicieuse du sol en dressant contre Ies parois de la maison,
et a un pied et demi de hauteur, des especes de couchettes en bambou,
recouvertes de plusieurs nattes poshes Tune sur I’autre , en ayant soin
que celle du dessus soit la plus fine. L’oreiller nest commundnent aussi
qu’une natte rould sur elle-mdne ; mais on remplace quelquefois celle-ci
par des traversins fort minces, en coton ou en ouate. ( Voy. pi. 18.)
Le berceau des petits enfans se compose d’un cadre en bois , fonci en
rotin ou en toile , et suspendu au moyen de quatre cordons qui , partant
des angles du ca^re, se reunissent ensuite par leurs extdmites. {Voy. pi. 20.)
Les pagnes (font on s’est v£tu pendant Ie jour, sont ies seuies cou-
vertures dont on fasse usage la nuit. Les tables sont rares, et celies que
Ion remarque dans quelques maisons, ne sont autre chose que des
planches simplenjent degauchies , que supportent quatre pieux fiches en
terre.
Les colons chinois et europeens tirent de Canton, de Macao ou de
Batavia, une partie de leurs meubles ies pitis dlgans et ies plus com-
modes , tels que chaises, fauteuils et canapes fonds en rotin, tables,
gudidons , coffres , rarement des miroirs et des cristaux. Ces demiers
objets sont uniquement possedes par les gens opulens : c’est aussi sur leurs
lie Timor.
De I’homme
en famille.
Ustensiles
de menage.
622 VOYAGE AUTOUR DU MONDE,
canapes que ceux-Ii se font dresser des lits , qui consistent en une simple
natte , ou en un mince coussin de ouate , toujours egalement recouvert
dune natte pour intercepter la chaleur qu’il feroit ^prouver : de petits
traversins ou oreiiiers , que chacun dispose a sa convenance , competent
la garniture de la couche ou ie riche va gouter les douceurs du sommeil.
L’usage des moustiquaires en mousseline nest pas non plus Stranger a
plusieurs.
On peut diviser en cinq especes les ustensiles domestiques qu’em-
ploient les habitans de Timor :
i.° Ustensiles propres a la cuisson des rnets. — De ce nombre sont les
poteries grossi£res qu’on fabrique dans le pays. Elies ont la forme dune
bombe dont fouverture ou la lumi£re seroit extr£mement agrandie, et
par cette raison elles ne peuvent s’employer devant le feu qu’en les
posant sur trois pierres disposes en tr^pied ; quand on les destine a
dautres usages, comme a mettre du miel , du sirop , &c. , il faut qu’elles
aient 6 t6 pr^alablement et convenablement garnies en rotin ou en feuilles
de Jatanier. ( Voy. pi. 18.) On se sert aussi, pour cuire les mets, prin-
cipalement pr£s des bords de la mer, dune sorte de bassine k deux
anses, en fer extr£mement mince, apport^e de Chhie, et nommde tatchou
a Coupang ; elle tient lieu i-Ia-fois de nos ponies et de nos casseroles.
On peut en voir la forme sur notre planche 20.
2. 0 Ustensiles oil l’ on sert les alimens. — Quelques soucoupes ou bols
en porcelaine , Egalement de Chine ; des vases en bois et en coco ; des
plateaux de diverses formes, tissls en feuilles de latanier; des cuillers
faites en corne de buffle , en Scales de coco et en coquillages : tels sont
les objets qu’emploient les Timoriens pour servir leurs alimens.
3 Vases destines d conserver I’eau. — De petites jarres en terre cuite ,
des frontons de bambou , des vases d’une capacity parfois assez grande ,
faits avec une seule feuille de latanier, artistement pli£e et assujettie
{voy. pi. 18, 21 et 22); des baquets cylindriques creuses dans un seul
morceau de bois, les valves gigantesques du coquillage nomme be'nitier,
sont les ustensiles ou se conserve la provision d’eau nlcpssaire aux be-
soins domestiques.
4. 0 Ustensiles pour l’ eclair age. — Chez les personnes riches, la bougie
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LIVRE II. — Pu Brasil X Timor inclusivement. 6 23
est le principal moyen d’^clairage : celies d’une fortune plus modeste
bqilent de I’huile de coco dans une fraction de la noix elle-m£me, ou
dans des especes de lampes en fer introduces par les Portugais ; les
m£ches sont faites avec I’ecorce intdrieure d’une esp^ce d’arbre(i),
ecorce qu’on emploie aussi pour le caifatage des navires. Mais le vul-
gaire se procure gen^raiement de ia clarte ia nuit dans ses habitations,
en bruiant des eclisses de bambou entourdes de coton trempe dans
la substance huileuse du damar (2) et du koussambi : ces eclisses, d’en-
viron un pied de longueur, peuvent durer une demi-heure; mais il faut
les moucher souvent. Cette pratique rappelle la simplicity des socidtes
primitives , et Ton reporte involontairement sa pensde sur un expe-
dient encore plus simple employe , de temps immemorial , par nos
montagnards de quelques contrees de France : « La chaumiere ,' dit un
•» auteur moderne (3) , etoit edairee par la flamme des morceaux de
» sapin qu’une vieille faisoit bruler dans une petite niche creusee dans
» le mur, et dont elle rejetoit ensuite les charbons sur le foyer voisin. »
On con^oit qu’un tel luminaire est loin de donner une clarte tires -egale
et tr^s-intense. Les Timoriens, lorsqu’ils sont en marche la nuit, s’e-
clairent avec des torches composees des feuilles s^ches du latanier.
5 .° Ustensiles divers. — Les mortiers et les pilons en bois , destines a
depouiller le riz de sa bale ou glume , sont , darfc tous les nonages , un
ustensile. de premiere necessity : il en est de m£me des plateaux qui servent
k le vanner, et des sacs en vacois ou on le recueille apres cette opera-
tion. La planche 20 de notre atlas fera connoitre la forme de ces objets;
et Ton verra, sur la planche 22, le moulin grossier, mais simple, qui
sert a moudre le mais.
La feuille de vacois et celle de latanier , colorees de diverses fa^ons ,
ou conservees a leur etat naturel , servent k tisser une multitude de nattes,
de chapeaux, de bonnets, de boites , de coffrets , de paniers , de sachets, de
plateaux, dont on trouvera une enumeration detailiee et de nombreux
( 1 ) Peut-etre Tecorce du melaleuca ou du kayou-pouti.
(2) Ou peut-etre du damar-inde ; dans ce cas, ce seroit le palma-christi ou ricin, ( Voy . les
Tableaux, p. 581, au mot Ricin.)
(3 ) Marchangy, dans Tristan le voyageur , t. VI, p. 338.
Voyage de V Uranic. — ■ Historique. Kkkk
lie Timor.
De Thomme
en famille.
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lie Timor.
De Thomme
en famille.
Occupations
domestiques.
624 VOYAGE AUTOUR DU MONDE,
dessins dans la relation du Voyage auxTerres australes (1). Le bambou
sert k faire de petits dtuis , qui , ornes de sculptures et de dessins
liers assez agr^ables , sont employes a renfermer ia noix d’arec, le
gamber , ia feuille de b^tel , &c. , qui entrent dans ia composition du
masticatoire connu Iui-m£me sous le nom de betel', de petites caiebasses
servent enfin a contenir ia chaux qui fait egalement partie de ce melange.
« A en juger par ia grande affluence des individus qui , du matin
au soir , encombroient ia cour de notre observatoire , et qui, pour des
epingles, des aiguilles, des boutons, de petits couteaux, &c. , alioient
nous chercher au loin des oiseaux , des coquiiies , des lizards , des in-
sectes, ou autres objets que nous ieur demandions, ii paroitroit, dit
M. Gaimard, que ies occupations ordinaires des Timoriens sont peu
etendues. » Lorsqu’iis ne sont mus ni par un sentiment de curiosity,
ni par i’aiguiiion de la vengeance , iis donnent ia plus grande partie de
Ieur temps au repos, qui est, on peut ie dire, Ieur inclination domi-
nate; inclination que la chaieur excessive du ciimat rend en efFet con-
cevabie : c’est sur ieurs femmes qu’iis laissent peser ies embarras et ies
travaux du manage; ce sont eiies qui font Ies paniers et Ies nattes, qui
battent ie riz , qui vont chercher i’eau A ia rivi&re , pr^parent Ies ali-
mens , tissent Ies ^toffes , &c. &c. Les hommes , ii est vrai , fabriquent
exciusivement ieurs armes et Ieur coiffure guerriere; on en voit m£me,
de temps en temps, quelques-uns s’occuper nonchaiamment a faire des
etuis, des sachets pour ie bltel, ou d’autres menus ouvrages.
Les personnes riches, Ies rajas, et particuli£rement Ies metis europeens,
portent encore i’indoience k un plus haut degrd : tout ce qui est un peu
plnible reste abandonnd au soin des esciaves. Les femmes m£mes dun
certain rang s’occupent peu ; on Ies voit sans cesse chiquer Ie betel avec
une langueur et un flegme qu’un Europeen a de la peine a concevoir. Ja-
mais elles ne se livrent ci I’exercice de la promenade, si ce n’est, le soir,
pour aller au bain , devoir prophylactique indispensable ici , et qu’elles
mettent beaucoup d’empressement a remplir. Le nombre considerable de
Ieurs esciaves rend d’ailleurs tout-A-fait superflus Ies soins qu’elles seroient
tent^es de donner a Ieur menage. #
( i ) Voyez Peron, Voyage aux Terres australes , Historique , 2. e edition.
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LIVRE II. — Du Brasil a Timor inclusivement. 6 25
La manure d’etre des Ghinois et ieur grande activity forment le con- lie Timor,
traste le plus singulier avec I’apathie du reste des habitans. Forgerons , De
charpentiers , orfevres , cuitivateurs , commer^ans , brocanteurs , &c. ,
appartiennent presque tous a cette population infatigable et industrieuse.
Leurs femmes sortent fort peu , et sur-tout ne se montrent que rarement
aux Strangers.
Meridienne. — Pour depenser le temps, non moins peut-£tre que
pour se soustraire aux fatigues du jour, les habitans de toutes les classes
ont en general l’habitude de faire la meridienne, depuis midi jusqu’A
trois heures. En revanche, ils se couchent tard et se ievent matin, seuls
instans ou i’on puisse jouir de la fraicheur de l’atmosph&re.
Proprete. — C’est un usage universe! chez tous les habitans de i’ar-
chipei d’Asie de se baigner journeilement, usage conseilld non moins
par la propretd que par i’hygiene. Les hommes en particulier ont grand
soin de se faire iaver frequemment les cheveux avec une eau de lessive ;
a cet effet, iis se piacent sur le dos, ainsi qu’on I’a‘ repr&ent^ pi. 20;
et quand [’operation est finie, ils se frottent la t£te, et souvent m£me
toutle corps, avec la rapure huileuse dune vieiile noix de coco.
Longueur des ongles. — Quelques personnes riches ont emprunt^ des
Chinois I’usage de iaisser croitre leurs ongies a une longueur demesur^e ,
ce qui est regard^ comme un agr^ment : il est permis de douter que e’en
soit un ; mais on ne sauroit se dissimuier que ces excroissances superflues
et incommodes doivent rendre presque inhabiies a tout travail les doigts
qui en sont arm^s.
Dents dor. — A cette bizarre coutume, nous ajouterons ceiie qu’ont
adoptee certains rajas de rev£tir une ou plusieurs de leurs dents
incisives dune lame d’argent ou d’or. Deja P^ron (1) i’avoit remarqu^e;
mais n’ayant pu decouvrir par quel proc^dd le m^tal £toit plaque, ii crut
qu'un mastic particulier, dont il regrettoit de n’avoir pu connoitre la
composition, servoit a l’assujettir sur I’email m£me de la dent. D’apr^s
M. Gaimard, tout le secret se borne & percer la dent et le mltal, et a
fixer celui-ci avec de petites goupilles de la m£me mature , dont
oh rive les pointes par derriere. M. Duperrey, sans s’appuyer sur
( 1 ) Voy. aux Terr, austr. Historiq. t. I, p. 322.
Kkkk*
4
4
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Timor.
fhomme
famille.
6x6 VOYAGE AUTOUR DU MONDE,
aucune observation qui lui soit propre, rEvoque en doute la perfora-
tion de ia dent , et pense qu’on peut obtenir plus simplement ie m^me
rEsuItat, en introduisant ies goupiiies entre cette dent et ies deux latE-
raies.
Te'moignages d’amitie. — Une des plus grandes marques d’amitiE qu’une
femme puisse donner k celui qu’elle affectionne , c’est de detacher soit
ia guirlande de fleurs odorantes qui orne ses cheveux, soit Ie collier ou
iecharpe de m£me nature dont elle a parE son sein , et de lui en faire
present.
Peron (i) a retrouve ici I’usage de changer de nom, qui est en vogue
dans un si grand nombre d’iles du grand Ocean.
Non plus que dans Ies autres parties de I'archipel d’Asie, Ie baiser, tel
que nous Ie donnons en Europe , n’est point usitE k Timor ; Ie tEmoignage
d’aflection Equivalent consiste & s’appliquer nez contre nez , en aspirant
avec force, ce qui revient, en quelquQ. sorte , a se flairer mutuellement.
Betel. — Mats fe penchant Ie plus irresistible et Ie plus rEpandu ,
que Ies habitans passent une grande partie de leur vie k satisfaire, c’est
celui de chiquer Ie bEtel. Hommes , femmes et enfans savourent avec
dEIices ce singulier mEIange, qu’ils regardent comrfie un prEservatif contre
ies maux de dents, quoiqu’il paroisse , en rEalitE , produire un eflet tout
opposE. Ce masticatoire se compose de feuilles de bEtel; de noix
d’arec, de tabac, depuis I’Epoque ou cette plante a EtE introduite
dans i’archipel d’Asie, de chaux vive et de gamber. Les proportions
approximatives de ioo parties de ce mEIange sont, d’aprEs M. Gaudi-
chaud , ainsi qu’il suit :
Tabac 50.
None d’arec. . ! a j.
Poivre- bEtel 20 .
Chaux .* 3.
Gamber 2 .
100.
formule qui se modifie nEcessairement suivant Ie gout et Ies habitudes de
chaque individu.
( 1 ) Voy. aux Terr, austr. Historiq. 1. 1.
(
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LIVRE II. — Du Brasil X Timor inclusivement. 627
Le masticatoire de merae nom , dont on fait usage a Dille , ne differe
de celui de Coupang qu’en ce qu ici on se sert des feuilles du poivrier-
bdtel , tandis qu’X Dille on prefore ses fruits encore verts>
« Ce compost bizarre est tellement astringent, dit M. Quoy, que je
ne pouvois le supporter qu’avec peine dans ma bouche; il colore la sa-
live et les i&vres en un rouge de sang, noircit les dents d’abord, et finit
par les detruire tout-a-fait. » Le tres -petit nombre de Timoriens qui
ne chiquent pas le betel ont les dents fort belies ; quelques jeunes filles ,
entre autres, paroissent £tre persuades 'que des frvres colordbs par la
simple nature sont un attrait plus piquant qu’une bouche sanguinolente
et qui exhale une odeur infecte.
Par suite de i’habitude dont il s’agit, chacun porte on fait porter par
les gens de sa suite, soit le sac k betel, soit la cassette ou sont con-
tenus les divers ingr&Iiens qui entrent dans cette preparation. Les tou-
mougoms ou premiers officiers des, rajas, et les esclaves des riches, sont
charges de cette fonction.
Cigares. — Les cigares que quelques hommes foment a Dille, car nous
n’avons pas remarqud que cet usage fut encore introduit k Coupang,
sont faites de tabac pur, entoufo d’un morceau de feuillede bananier;
le bon genre veut que i’esclave ailume la cigare, et qu’il en fome deux
ou trois gorgees avant de la presenter a son maitre.
lie Timor.
De rhomme
en famille.
s. VII.
De riiomrrie riuni en sociiti.
Si Ion excepte un nombre peu considerable de maisons de campagne Villes
baties dans le voisinage des villes , et presque toutes occupies aujourd’hui et v,,lag<
par les colons europdens , on ne voit guere k Timor d’habitations iso-
l^es : presque toutes sont groupies en villes et en villages , ainsi que
l’exige, dans ce pays a demi civilise, le besoin de se prater un mutuel
secours contre I’invasion subite d’un parti ennemi.
Ces habitations agglomerees conservent entre elles de larges espaces ,
et sont disposees sans aucune symetrie; presque toujours elles sont en-
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IleTimor.
De I’homme
en society.
Population.
62 8 VOYAGE AUTOUR DU MONDE.
tremel^es de plantations d’arbres, qui ofFrent a-Ia-fois d’agr^ables om-
brages et des fruits utiles k la consommation journalise.
Coupang et Dilld, quoique batis suivant le meme systeme, se rap-
prochent cependant, k quelques ^gards, des villes de nos climats , par
le trace grossier d’un petit nombre de rues, et par les fortifications, non
moins grossiSes , qu’on y remarque et que nous examinerons ailleurs.
Quelques maisons plus &£gantes s’y font aussi apercevoir; ce sont celles
des principaux colons , des employes du gouvernemen , des Chinois les
plus aises ; ces demises sont reunies dans un quartier particular, re-
marquable par sa proprete et l’ordre qui y r£gne. Nous parlerons bien-
tot des eglises et des temples , dont i’architecture d’ailleurs n’a rien que
de fort simple.*
Coupang renferme environ quatre cents maisons ou cabanes , jet&s
sans aucune r^gularit^ sur un sol indgai. Quelques murs en pierre seche
sdparent les propriltls Tune de Fautre ; d’autres fois les aspSites seules
du sol marquent ces limites , ou bien ce sont des palissades en bambou , ou
encore des haies vives qu’une riche v^g&ation entretient sans cesse. II n’y a
qu’une seule rue dans le quartier chinois qui ne soit pas ainsi palissadle.
La riviere partage la ville 4 -peu-prS par le milieu. « Deux ponts k
bascule, dit M. Lamarche, servent k communiquer dune rive k fautre;
ils sont exclusivement en bois, m£me les gonds et les rosettes des
panneaux : a cet effet, on a m&iagd dans les madriers sur lesquels s’opSe
la rotation, une saillie employee dans fun & former les gonds, et dans
fautre les rosettes ; ces ponts neanmoins sont assez solides : leur meca-
nisme est le m£me que celui de la plupart des ponts-Ievis de nos places
fortes ; on les leve chaque fois qu un navire entre en riviere ou en sort. »
Nombre d’indmdus. — Jamais aucun recensement exact et regulier
n’a 6 t6 fait de la population de Timor; ce qu’on raconte m£me du
nombre des guerriers que file peut foumir, loin de m Writer une entire
cr^ance, n’est au plus qu'une grossiSe estimation. Voici ce que nous
pouvons conclure de nos propres recherches.
D’apres le t^moignage que j’ai recueilli de fun des principaux rajas de
Rottie, file de ce nom est partagS en 1 7 royaumes, i4desquels pourroient
mettre sous les armes 13 3 00 guerriers ; en les portant proportionnellement
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LIVRE II. — Du Brasil X Timor inclusivement. 629
4 1 6 150 pour les 1 7 royaumes , je ne crois pas m’ecarter beaucoup de la
v6rit£. La surface de file Rottie etant k celie de Timor (1) comme
1 : 23 ,6, si i’on veut admettre que les guerriers y soient entre eux dans
le rapport des surfaces des lies, nous aurons 16 150x23,6=381 i4o
pour le nombre de ceux que Timor peut fournir.
Or, le nombre d’hommes propres k porter les armes etant donn£,
quelle doit £tre la population de la contr^e? En France, on compte
a-peu-pr£s 4 pour 1 ; mais il est probable quid ce rapport seroit trop
grand ; en adoptapt celui de 3 : 1 , qu’il est facile de montrer £tre
plus convenable (2), nous aurions , pour la population generate de Rottie,
48 4 5"0 ames, et pour celle de Timor, 1 143 4 2 °*
Ce dernier nombre, comme on voit, vient d’etre deduit en proc^dant
du petit au grand, en sorte que la moindre erreur sur Testimation des
guerriers de Rottie a du en produire une considerable sur celle de la
totality des habitans de Timor. Essayons une autre combinaison.
L’Histoire de Java , de sir Stamford Raffles , nous apprend que , d’apres
un recensementfait, par ordre du gouvernement anglais, en 1815, la po-
pulation de cette ile s’elevoit a 4 396 6 1 1 indi vidus. Sa surface, d’apres la
m£me autorit^, est de 44 1 °4 statute-miles carr^s , ^quivalens & 5 775? lieues
moyennes ( de 25 au degre ) carries : ainsi , en supposant que la popu-
lation de Java soit ^gale a celle de Timor pour un m£me ddveloppe-
ment de surface , nous trouverons , pour le nombre d’habitans de cette
derntere ile, 1 178 039 individus (3), quantity a laquelle nous nous
tiendrons d^finitivement , mais qui est un peu plus forte que celle qui pr^-
c£de ( 4 ). On voit done que e’est 760 individus y par lieuemoyenne carrtfe.
(1 ) Voytz plus haut, pag. 557.
(2) Sur un nombre donne d’habitans, on admet, en France, que la moiti£ a-peu-pres est
du sexe feminin; partageant encore cette moitie en deux portions egales, Tune contiendra les
enfans et les vieillards, et Pautre les hommes propres a porter les armes.
A Timor, en raison de la chaleur du climat et de la rapide croissance des enfans, moins du
quart de la population doit etre affecte aux vieillards et aux enfans non adultes; si Ton admet
que la difference soit le I2. e du total, on aura justement les A ou le j pour celui des guer-
riers, ainsi^que nous avons cru convenable de Padmettre dans notre calcul.
(3 ) Nous avons dit ci-dessus ( pag. 547 ) que la surface de Timor etoit, en nombres ronds,
de 1 548 lieues moyennes carrees; elle.est plus exactement de 1 j 48 u *,44 ( lieues moyennes
carrees.)
(4) La surface defile Rottie, ainsi que nous Pavons vu, etant de 65 u -, 625 (lieues moyennes
lie Timor.
De Thomme
en societe.
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6 j o VOYAGE AUTOUR DU MONDE.
He Timor. La ville de Coupang contient 2 750 habitans, classes ainsi qvi’ll
De fhomme suit •
en societe.
M£tis <TEurop 4 ens et MaJais chr 4 tiens 550.
Malais musulmans ou idoiatres 5 00.
f. Chinois 200.
Esclaves , pour la plupart idoiatres 15 oc.
et celle de Babao ,1500 ames seulement , savoir :
Malais ou Timoriens Iibres 1 000.
Esclaves 500.
1 500.
Nous ne savons rien de precis sur la population de Dilll , si ce n’est
qu’il s’y trouve quelques habitans blancs, tandis que nous n’avons vu
sur les autres points de Timor que des gens de couleur.
On assure que la population est plus considerable et les individus
doues dune constitution plus robuste dans les montagnes que pr&s des
bords de> la mer. On attribue cet avantage au bon air quon y respire
et A la purete des eaux.
Classification des habitant. — La population g^nerale de l’ile peut
se partager en deux classes principals : les partisans de la maisott de
Louka et ceux de la maison de Veale (1). Les premiers ont tant de
veneration pour les rois de la famille antique de Louka , qu’ils conser-
veroient predeusement un fauteuil ou un banc sur iequel un des rois
de cette race se seroit assis; les autres reverent, et adorent en quelque
sorte comme des dieux, les rois de la famille de Veaie. Cette division,
purement morale, indique un etat politique de file qui n’existe plus
aujourd’hui.
carrees) , on aura pour sa population deduite de celle de Java y 49 9*7 individus; le nombre total
des guerriers de ses dix-sept royaumes sera tE-pz = 16 642. J'avois con cl u (pag. 557 ) qu’il s’y
en trouvoit 16 150 seulement; d’ou Ton voit en definitive qu’au lieu de jupposer qyp les trois
royaumes de Boikay, Denkadale et Lobe, peuvent armer 2850 hommes, c’est probablement
3 342 qu’il eut fallu dire, ou 492 hommes de plus : par-la nos deux calculs sur la population
de Timor eussent ete d’accord.
( 1) Voyez ci-dessus pag. 533.
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LIVRE II. — Du Brasil X Timor inclusivement. 6 3 1
En revenant a Itetat actuel des choses, nous partagerons la popula-
tion en quatre classes de personnes. Dans la premiere sont les datos,
comprenant les rajas ou rois, etles toumougoms ( 1 ) , parmi lesquels ces sou-
verains choisissent leurs ministres, ainsi que les chefs de villes et de vil-
lages : tous les datos , dans les royaumes soumis aux Portugais , prennent
le titre de dom.
La deuxieme classe est celle du peuple : elle fournit les soldats , soit
des rdgimens du roi , soit de la milice ou des auxiliaires ; ces derniers
ne marchent que quand le souverain ou leur colonel immediat le leur
ordonne ; mais , a cet egard , le roi prend toujours ptealablement conseil
des datos, des toumougoms et des anciens du peuple (2). Les hommes
de cette categorie paient le tribut ou les impots.
La troisieme classe comprend les etrangers et les habitans qui sont
dune origine dtrangere , tels que Malais (3), Chinois, Portugais,
Hollandais et les personnes venues des lies voisines. Les gens de cette
classe ne sont pas obliges de payer le tribut ; mais ils doivent d^fendre le
roi en cas d’attaque. Des kapitans ou capitaines splciaux sont les chefs
immediats de ces divers fragmens de la population.
La quatrieme classe est celle des esclaves. Ceux-ci peuvent , dtant
affranchis, passer soit dans la deuxieme, soit dans la troisieme classe.
A regard des datos et des toumougoms , quand ils sont faits prisonniers
& la guerre , ils deviennent esclaves ; et s’ils recouvrent ensuite leur
liberty , il ne leur est plus possible de rentrer dans leur caste primitive ;
ils redescendent dans la deuxieme classe, c’est-a-dire , dans celle du
peuple ou des soldats payant tribut.
Ind^pendamment du malais , qui n’est parl£ que sur quelques points
des cotes par les Strangers, on distingue & Timor deux langues prin-
cipales : celle des Bellos, dans la partie Nord-Est de file, et celle des
Vai’kenos , dans le Sud-Ouest ; mais il y a une multitude de dialectes, et
lie Timor.
De Thomme
en societe.
Diversite
des langues.
( 1 ) En malais toumanggoung et toumanggong.
(2) Je penseque ce sont ces anciens du peuple qui portent le titre de labo . ( Voyez ci-dessus
jag- J 4 1 *)
{3) II existe des Malais a Coupang, a Okousse, a Manoutoutou, et probablement aussi sur
un petit nombre d’autres points de la cote Nord-Ouest de Timor : il n’y en a pas k celle du Sud,
ainsi que nous Tavons annonce plus haut, pag. 590.
Voyage de V Uranic, — Historique. lIII
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He Timor.
De Fhomme
en societe.
Caractere
et moeurs
des habitans.
632 VOYAGE AUTOUR DU MONDE.
Ton peut dire, k la rigneur, que chaque royaume a le sien (1) : quelques-
uns , dit-on , different beaucoup entre eux. Nous ne nous Itendrons pas
davantage ici sur ce sujet.
Qualite's morales des Timoriens. — Bons, craintifs et hospitaliers ,
quoique voisins inquiets et turbulens, tel est le caractere des habitans
de l’interieur de Tile , a l’exception toutefois de ceux de la partie
orientale, et probablement encore des montagnards du centre et du
Sud-Ouest, qui sont rlputls medians et peu sociables. Le Timorien est
au reste barbare dans ses inimitils; trompeur habile k la guerre, quoique
en glnlral il aime la vlritl. « Son courage cdnsiste plutot a soudrir avec
patience qui braver le danger. Mais le desir de la vengeance, passion
innee chez tous les hommes, et qu’une civilisation perfectionnle peut
seule aflbiblir, est le trait le plus saillant du caractere de ces insulaires.
A peine sont-ils capables de pardonner une injure , et Je ressentiment
qu’ils en nourrissent est toujours de longue durle. Dans un Itat de
sociltl ou il n’existe aucune administration rlgulilre de la justice,
ou la sauve-garde de la vie , de la propria , de i’honneur mime
de chaque homme , depend a un haut degrl de son propre bras ,
nous hlsiterions presque k prononcer si cette passion est une vertu ou
un vice; en effet, sans ce moyen nature! de repression, cette society ne
pourroitpas subsister. Toutes les tribus du grand archipel d’Asie, sans
exception , sont plus ou moins dominies par ce penchant funeste (2). »
Leur jugement est sain, quoique borne , et leur intelligence remar-
quable. Le jeune Timorien (pi. 31) que le gouvemeur de Dilll me
for^a d’embarquer avec moi, avoit environ huit ans lorsqu’il vint 4 bord
de I’Uranie; il n’entendoit alors pas un mot de fran9ais, ni de portu-
gais , ni mime de malais. Il s’accoutuma promptement a la vie du vais-
seau , et tlmoigna peu de regret de quitter son pays. II montroit le plus
grand zele pour apprendre & servir, et il y arriva trls-vite. La facilitl avec
laquelie il parvinta parierfran^ais est surprenante; mais il oubiia sa langue
matemelle avec non moins de promptitude , ce qui est peut-ltre plus
surprenant encore. Ses dispositions pour les art;s d’imitation Itoient pro-
«
( 1 ) Le capitame Dampier avoit deji fait la mfme remarque.
( 2 ) Voyez Crawfurd, op. cit. 1. 1.
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LIVRE II. — Du Br£sil X Timor inclusivement. 6 33
digieuses ; on lui montra a dcrire en queiques jours, et il eut pu devenir un He Timor,
excellent dessinateur. Malheureusement , des qu’il fut en France, des ^> e I’homme
, . f en societe.
gens fort empresses, et qui, j imagine, ne sentoient par la portee du
mal qu’ils faisoient, iui firent comprendre qu’etant libre , ii pouvoit a son
gre faire tout ce qui lui passeroit par la t£te. Sa mort , en le preservant
de bien des fautes , m’a epargne k moi d’affligeantes contrariety.
Qualites morales des Malais. — Le Malais de Coupang est mefiant ,
courageux , guerrier intr^pide et feroce ; fort attache X ses usages , il
supporteroit difficilement un maitre qui forceroit ses habitudes et
feroit' peser sur lui un joug trop lourd a supporter ; mais paresseux et
sans ambition , il s’est faciiement plie au joug des Hoilandais , qui
n’exigent de lui ni impot direct , ni corvee. La nonchalance et presque
la haine du travail , i’amour de la vengeance , la cruaute poussee parfois
jusqu’X 1’anthropophagie ( 1 ) , un fort penchant au vol , sont les traits
les plus caracteristiques de leur naturel. « Lorsqu’ils ne peuvent
atteindre leur ennemi le jgur , ils lui portent souvent des coups dans
l’ombre et a la derobee. Nous avons vu, a Coupang, un enfant de treize
a quatorze ans ne pas prendre ces demises precautions, et plonger le *
couteau qu’il portoit a son cote dans le sein d'un,homme qui le me*
na^oit ( voyei pi. a 1 ). Ces sortes de crimes ne peuvent £tre juges qua
Batavia , oh Ton envoie le coupabie. » ( M. Quoy. )
» Quant aux qualites de l’esprit , dit M. Pellion , les Malais m’ont
paru posseder une finesse de jugement et de conception qui m’a sur
pris, dans quelqWs circonstances ou j’ai ete en position de les etudier. »
Peu portes en general aux piaisirs de l’amour , ils le sont fortement
a la jalousie : les Mahometans sur-tout. Aussi est-il fort difficile d’etre
admis a la societe des femmes ; c’est au moins ce que MM. Duperrey
et Paquet ont remarque.
Qualite's morales des Chinois. — De tous les peuples etrangers, les
Chinois sont ceux qui se sont etablis en plus grand nombre dans 1’ar-
chipel d’Asie ; ce qui doit s’entendre des hommes settlement , puisque ,
d’apres les lois de la Chine , il est defendu aux femmes d’emigrer. « Ces
( i ) Voyez Peron , Voy. aux Terr, australes, 1. 1 , 2. e Edition.
lIII* •
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lie Timor.
De Thomme
en societe.
Education.
6)4 VOYAGE AUTOUR DU MONDE.
colons, selon Crawfurd (i) , peuvent £tre signals a-la-fois commeentre-
prenans, fins, laborieux, luxurieux, sensuels , debauches etpusiilanimes. »
Ils sont pour la plupart livr^s au commerce, dans lequel ils se montrent
intelligens, experts et judicieux. Leur capacity sup^rieure et leur ac-
tivity ont mis entre leurs mains le recouvrement des revenus publics ,
dans presque toutes les portions de 1’archipei placees sous la dependance ,
soit des naturels , soit des Europ^ens : ce sont eux encore qui se chargent
dune grande partie du trafic avec les ytats eloign^s qui environnent ces
parages (2).
S’il est vrai qu’ils fournissent les meilleurs ouvriers et les plus expeditifs
pour les ouvrages en bois et en fer , il faut dire aussi que nulle part on ne
sauroit trouver des gens moins consciencieux. Le constant appat du gain
ou dun avantage Evident doit indispensablement leur etre oflert lorsqu’on
veut qu’ils remplissent leurs engagemens, sans quoi ils cherchent toujours
a leseluder (3). On les a souvent compares auxJuifs; eneffet, on d^couvre
en eux la m£me cupidity , la merae astuce , la na£me propension a tromper ;
aussi sont-ils ygalement meprises des habitans , dont ils escroquent l’argent
ou les denizes , et des Hollandais , qui leur font payer presque tous les
frais des ytablissemens qu’ils administrent. Malgry les hypocrites dymons-
trations de politesse qu'ils affectent , leur physionomie est gyneralement
empreinte de ce caract£re indyfinissable qui inspire la mefiance.
Les femmes des Chinois se montrent peu en public. « Celles que j’ai
vues, dit M. Paquet, avoient un air toucRant de candeur et de bonty;
timides et ryservyes , elles tenoient constamment les yeux baissys ,’ en
prysence des ytrangers qui les regardoient; enfin, toutes leurs manures
dynotoient la vertu. »
En 1 8 1 8, il existoit , a Coupang , trois ecoles : une de Chinois , ou l’on
instruisoit vingt ycoliers ; une ycole chrytienne de Malais , avec dix dco-
liers : on leur apprenoit a lire et a ycrire, et particulierement le haut-malais,
qu’on leur faisoit ytudier dans la Bible. La troisi^me ycole , consacree
aux mytis hollandais, n’avoit que huit ycoliers. La rytribution exigye
( 1 ) Op. cit. 1. 1 .
(2) Ibid.
(3) Ibid.
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LIVRE II. — Du Brasil a Timor inclusivement. 6 35
des el&ves doit trd-peu de chose; et m£me ceux qui appartenoient lie Timor.
k des parens pauvres etoient instruits gratuitement. I’homme
r r 0 en societe.
Ind^pendamment de ces ^tablissemens d instruction primaire , il y
avoit encore dans la ville un maitre de harpe; c’etoit un homme^Iibre
de Macassar qui avoit 6 t 6 instruit lui-mdne a Banda.
Les personnes les plus distingu^es, parmi les mdis hollandais, vont
ordinairement finir leur Education a Batavia ; 1 ^ elles prennent une tein-
ture I<?gde de calcui , de commerce et de musique. Plusieurs d’entre
elles, & Coupang, jouoient passablement de la guitare, de la harpe et
du piano. Parmi ies esclaves des maisons opulentes se trouvoient encore
quelques joueurs d’instrumens , formas soit a Java, soit & Timor m£me.
Plusieurs doles dementaires existent aussi k Dill^ ; ordinairement ce
sont les pretres catholiques qui les tiennent.
Croyance. — La religion la plus gdidalement r^pandue k Timor n’est Religion
qu’un pur paganisme. L’extr£me crddulite de ces peupies , et le defaut ^ es Timor,ens
absolu de culture et destruction , les rendent superstitieux au degr£ le
plus donnant; mais, ainsi que ie dit S. Augustin, la superstition est un
instinct religieiix qui ne se trompe que dans son objet, et non pas dans sa
croyance. Les Timoriens croient aux songes, aux augures, aux jours
heureux et malheureux, aux sorts jetds a la naissance, aux dons d’un
talent surnaturel , aux sorciers , aux enchantemens , aux charmes ,
aux talismans et aux amulettes. II n’y a pas une ford, une montagne,
un rocher ou une caverne, qui ne soit supposd dre la demeure de .
queique dre invisible. Selon eux encore, les bois, les eaux et fair sont
peupld de bons et de mauvais esprits , objets de crainte ou d’ado-
ration (1); quelques -uns sont rdputd habiter dans le corps de certains
animaux, tels que le crocodile, par exemple, auquei, a Coupang, on
rendun culte superstitieux.
Avant farrivd des Arabes et des Europdns, la religion des peupies de
I’archipel d’Asie avoit par-tout un meme caractde. IIs ne connoissoient
point le vrai Dieu, mais soutenoient que chaque province a ses
demons charges d’en tourmenter ou protdger , selon leur bon plaisir,
les habitans, et dont, pendant le danger ou 1 affliction, ceux-ci ne
(1) Voyez Crawfurd, op . cit . t. I.
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Timor.
1 ’homme
societe.
6$6 VOYAGE AUTOUR DU MONDE,
manquoient jamais d’invoquer i’assistance (i). En parlant des indigenes
de Java, qui ont une religion toute sembiabie, Crawfurd entre dans
des details qui font exactement connoitre la mesure de leur cr^dulit^.
« Les Banaspati, dit-il (2), sont de mauvais esprits qui habitent de
grands arbres, et qui errent tout autour, pendant la nuit, pour
faire du mal; les Barkasahan , de mauvais g^nies repandus dans
fair, et allant 9a et 14, sans avoir aucune habitation fixe. Ils nomment
Dammit de bons genies qui, sous forme humaine, sont les protec-
teurs tut^laires des maisons et des villages; Prayangan, d’autres g&iies
qui, prenant la forme de belles femmes pour ensorceler les hommes,
produisent la folie ; ceux-ci habitent les arbres, et se plaisent sur-tout
au bord des rivieres. Les Kabo-Kamale sont de mauvais genies du sexe
masculin : ils se montrent ordinairement sous la forme d’un buffle , mais
prennent aussi , quand ils le veulent , celle des maris pour t^omper leurs
femmes. Ils ont encore de malins esprits, portant le nom de We'we , qui,
sous faspect de femmes gigantesques , enlevent les enfans. Les Dadun-
gawan enfin prot^gent les habitans des for£ts, et particulierement les
animaux fifroces et les chasseurs.
On regarde comme sorciers , a Timor, tous les Strangers qui ont les
cheveux rouges , et on leur attribue la plus grande puissance. Les vieiiles
femmes qui se m£lent de donner des rem^des , sont aussi r^p ut^es
habiles dans fart des mallfices et des conjurations. N’est-il pas singulier
de voir, dans tous les temps et chez presque tous les peuples , les vieiiles
femmes en possession dune pareille renommee? Les Malais de Cou-
pang appellent ces sorciers swangghi , du chinois souan-ki [ supputer le
v bonheur] , et fon a pour eux une v^ndration m£I£e de crainte.
PIusieursTimoriens ont des fetiches, ou divinites tut^Iaires, auxquels ils
adressent leurs voeux : une pierre, un arbre , tel est ordinairement fobjet de
ce culte. D’autres portent sur eux certains colliers ou certaines combinai-
sons de substances, capables, disent-ils, de les preserver de tout malheur,
et auxquels, par consequent, ils attachent un tr^s-haut prix. Ordinai-
( 1) Voyez Valentyn, Beschryvinge van Amboina &c P
(2) Crawfurd, op . cit . t. I.
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LIVRE II. — Du Brasil X Timor inclusivement. 637
rement ces amulettes se composent de morceaux d’^toffe ou de fer , d’os
d’animaux, de cheveux , &c.
Selon Pigafetta (1), les naturels croient que, lorsqu’ils vont couper du
bois de sandal , le demon leur apparoit sous diverses formes, pour leur
demander les choses dont il a besoin , et qu’^pouvantes de cette apparition ,
ils en restent ordinairement malades pendant plusieurs jours. Des gens
moins pr^venus eussent pu prosumer, sans doute, que leur maladie n’&oit
occasionn^e que par les miasmes ddet^res m£mes qui s’exhalent de cette
esp£ce de bois.
Une concretion dure et solide qui se forme quelquefois dans l’in-
terieur des noix de coco, est consider^ par eux comme un talisman
precieux , capable de rendre inaccessible aux voleurs la maison qui en
est munie. La m£me superstition est attachle aux calculs biliaires du
corps humain : protege par un pareil tr&or , le guerrier peut impu-
nement s’exposer dans les combats; il est sur que sa pierre le met au-
dessus de tout danger (2).
Culte. — Les pr£tres timoriens , X-la-fois devins et aruspices , sont au
nombre de quatre dans chaque ville : le plus ancien est le chef. Ils
lisent larvenir dans les entrailles des victimes; les poulets sont les ani-
maux qu'ils consuitent le plus souvent, mais ne sont pas les seuls. Les
devins sont consults dans toutes les affaires de queique importance ; avant
de declarer la gueire, de livrer une bataille, comme aussi pour en con-
noitre Tissue , &c. &c. Leurs fonctions sont h^rdditaires. Quand le grand-
pr£tre monte k cheval, l’usage des selles est interdit a tous ceux qui
l’accompagnent , lui seul ayant alors le droit de monter un cheval
seile. Ce cas except^, 1 ’interdiction des selles, m’a-t-on assure, n’existe
jamais k Timor (3).
Temples. — Dans chaque ville un peu importante, on remarque une
maison de forme conique, recouverte en feuilles de palmier, et sou-
tenue par des poteaux dont les extr^mit^s inftrieures reprt* sen tent, gros-
lie Timor.
De Thonime
en societe.
( 1 ) Primo Viaggio intomo al globo, &c.
( 2 ) Voytz Peron, Voy. aux Ter. austr., t. IV, 2.® edition.
(3) Je dois avouer que Implication qui m’a donnee & ce sujet ne m'a Jamais paru fort
Intelligible.
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Got le
lie Timor.
De I'homme
en socrete.
6)2 VOYAGE AUTOUR DU MONDE,
sterement sculptd, l’animal principal de 1’adoration (i) : on la nomine
rouma pamali [maison sacree]. Elle est a-Ia-fois la demeure des arus-
pices , et le lieu dans lequel est d^posd le tr^sor du roi ; c’est la aussi
que se font les ceremonies d’un intent general : l’entr^e en est habituelle-
ment ferm^e au public , except^ aux pretres et au raja. Les t£tes des prison-
niers pris les armes a la main , se d^posent encore dans ce temple ; la on
en retire la cervelle , on les suspend a des arbres , et cet horrible trophee
decore parfois le tombeau des rajas que Ion veut honorer. Dans le pre-
mier cas , ces t&tes sont exposes pendant neuf jours a la rouma-pamali ,
et le peuple , qui alors a le droit d’y entrer, se livre , durant ce temps-
ia , a des divertissemens outrageans pour les vaincus.
Est-il question dune entreprise tres-importante , on consulte les en-
trailles des victimes, cer^monie k laquelle les rajas seuls sont admis a
assister. De m^me , quand I’armee revient dune expedition heureuse , elle
se rend au temple; le raja la precede, et y presente l’oflrande des t£tes
de prisonniers qu’il a rapport^es. Dampier avoit deja remarque cet
usage , et il en fait mention dans ses voyages.
Ceremonies aux grandes epoques . de la vie. — II est assez ordinaire que
les enfans des rajas soient portes a la rouma-pamali a I’instant de leur
naissance ; ils y re^oivent un nom qui est bien rarement le m£me que
celui de leurs parens : on ne manque pas , a cette occasion , d’interroger
les entrailles des victimes, pour savoir que! sera le sort futur du nou-
veau-ne.
De m£me lorsque un raja meurt , il est porte a la rouma-pamali , oil
il reste expose pendant plusieurs jours a la veneration du peuple.
Nous ignorons si les unions conjugates sont consacr^es par quelque
pratique religieuse ; mais quoi qu’il en puisse £tre , il n’est pas douteux, selon
Cfawfurd ( 2 ), que {’institution du mariage est universellement repandue
dans l’archipel d’Asie. C’est sans exception & prix convenu qu’un homme
s’achete une compagne : cependant les femmes ne sont trait^es ni avec
rudesse ni avec dedain ; elles mangent avec leurs maris et vivent avec
( 1 ) A Coupang ce sont des crocodiles.
(2) Op* cit. t. I et III.
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LFVRE II. — Do Brasil X Timor inglusivement. 639
eux sur le pied d’une egalitt: parfaite , qu’on a peine a concevoir en
consid&ant f^tat de civilisation peu avanc£ de ces peuplades.
« Toutefois , la polygamie et le concubinage sont tol^res , et ce sont
les personnes titles ou opulentes qui ont coutume d’user de cette licence.
Dans le cas de polygamie, la femme du premier mariage est toujours
de fait et de droit la maitresse de la famille. Personne ne voudroit
donner sa fiile pour qu’elle devint la seconde ou la troisieme Spouse
d’un homme de sa condition ; d’ou il suit que , g^n^ralement parlant ,
aucune femme que la premiere n’est d’un rang £ga 1 k celui de son mari.
». Outre le concubinage licite, dans lequel la concubine est une per-
sonne de.bas £tage et la simple servante de la femme legitime, il y a
g^n^ralement trois sortes de mariages en usage. Le premier, et le plus
commun , se conclut en payant au p£re ou au protecteur de la jeune femme
une somme convenue dont le montant varie selon les usages locaux et ia
fortune des parties. Dans quelques tribus , lorsque Tender acquittement
des stipulations d’int^r£t est accompli , la femme devient explicitement la
propria, ou, en d’autres termes, Tesclave du mari, qui peut la vendre
et disposer d’elle ainsi qu’il le juge a propos. Mais elle a droit d’etre consi-
der 6 e cortime legale de celui-ci , et peut m£me demander le divorce , s’il
a n£glig^ de satisfaire de tous points k ses engagemens, ou s’il survient
entre les deux families quelque motif s^rieux de divisions et d’ininjiti^s.
» La seconde espece de mariage est aussi une affaire de n£goce. Cest
un homme qui sacriffe sa liberty personnelle pour devenir le mari d’une
fiile dont la condition est plus relev^e que la sienne. En alienant de la
sorte son ind^pendance , il est re$u dans la famille de son beau-p£re ,
qui peut disposer de lui comme il lui plait, et m£me le vendre comme
esclave.
» Quoique la troisieme sorte d’union , fr^quemment observe chez les
Malais , les Javanais et les peuplades civilis^es de Celebes , ait encore pour
base un prix d’achat, payd au prdalable par le mari, 1’^galite des rangs
en etablit naturellement une entre lui et sa compagne dans le partage de
i’autorit<f conjugate. »
Les habitans chr^tiens ou idolatres de Coupang ne prennent en ge-
neral qu’une seule femme; mais Textr&ne condescendance de celle-cila
Voyage de l’ Uranic, — Historique. M m III III
lie Timor.
De Thom me
en societe.
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He Timor.
De Phomme
en societe.
640 VOYAGE AUTOUR DU MONDE.
porte 4 ne s’inquieter nuliement du commerce habituel dii mari avec
ses esclaves.
Les alliances , amsi que nous ie verrons ailleurs , sont un des 616-
mens principaux de la force des rois timoriens, et Ton y proc&de de la
maniere suivante. Quand un raja a pris la resolution d’envoyer demander
pour lui ou pour son fils la main de la fille d un raja voisin, il en fait
publier l’annonce dans tout ie royaume. Le message est accompagne
d’un present, qui consiste en une lance, un sabre et un croissant de bon
or. Aussitot que l’union est conclue , on rassemble dans les Itats du
mari une grande quantity d’or, des sabres, des lances et des buffles, qui
doivent £tre donnas en cadeau au pere et aux parens de i’^pouse. Ceux-
ci offrent a leur tour au mari et 4 ses proches quelques pagnes du
pays, des pores, et les esclaves qui doivent suivre la princesse. Lorsque
ie mariage a lieu entre des souverains de royaumes considerables , on
voit fr^quemment le nombre des buffles s elever 4 plus de cent.
Le lien du mariage nest pas indissoluble , et le mari qui a des griefs
contre sa femme a le droit de la renvoyer k son p£re ou k ses parens,
qui peuvent k leur tour la remarier 4 un autre : cependant les cadeaux
donnls de part et d’autre ne se restituent point.
II est rare que les hommes du peuple aient plus d’une femme; mais
ies formalins preliminaires , 4 la somptuositd pres , sont les m£mes pour
eux que pour les riches.
Sepultures. — Au nombre des diverses coutumes qui sont communes 4
tous les insuiaires du grand archipei <fAsie, il n’en est pas de pius uni-
verselle que la vdn^ration pour les tombeaux des anc£tres. Le corps des
personnes opuientes est ordinairement renfermd dans un cercueii en bois
de tek ou de c£dre , dont tous ies joints sont exactement bouchis avec
un mastic dune composition particuii^re. S’agit-il d’un roi ou d’un autre
grand personnage, on peut, si on le juge convenabie, garder dans une
chambre de la maisori les d^pouilles mortelies du d^funt ainsi ense-
velies , jusqu a ce que ie temps les ait consumes. Celui qui les feroit
porter en terre, fut-il roi Iui-m£me, seroit oblige de faire ies frais des
largesses d’usage atoute la parent^, frais dont l’importance y fait regarder
4 deux fois. En effet , nul homme mari£ ne peut 4tre inhume sans que
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LIVRE II. — Du Brasil a Timor inclusivement. 6 4i
tous ses parens aient 6t6 invites 4 venir pleurer sur sa tombe. Tous
se font un devoir de s’y rendre ; et ies parens de la veuve y sont en
outre conduits par un motif d’int£r6t ; car s’ils sont tenus d’apporter des
pagnes et des pores , la famille du mort doit en revanche un tribut
de buffles et d’or, pareil a celui quelle avoit deja fait a i’epoque du
mariage. S’il arrivoit que la c&lmonie fun^bre eut lieu sans que tous les
parens fussent rassemblls , on sans que du moins ils y eussent donnl
leur consentement , il faudroit payer, en forme d’amende, une certaine
quantite d’or et de bullies 4 ceux qui se seroient trouves absens , faute
d’avoir 6x6 pr^venus. L’or et ies pagnes sont distribuls aux assistans ; les
bullies , Ies pores , les voiaiiles , &c. servent 4 ies regaler. La cherts tou-
jours excessive de ces funerailles fait qu’il se passe souvent plusieurs
annles avant qu’elles puissent avoir lieu. La m£me chose se pratique
parmi le peupie , c’est-4-dire qu’on y est libre dgalement de conserver
chez soi le corps d’un membre de la famille qui vient 4 deceder , ou de
ie faire inhumer en se r&ignant 4 supporter des dispenses relativement
fort iourdes aussi.
Les morts sont enterr^s , tan tot pres de la cabane qu’ils habitoient de
leur vivant , tantot en pleine campagne ou dans un cimetiere commun. II
y a des rajas sur la fosse desqueis on &£ve des tombeaux en pierres seches,
m£me en ma^onnerie dans les iieux ou les Europeens et Ies Chinois ont
transport^ leur industrie. A Coupang, quelques personnes ont des ca-
veaux uniquement r&£rv£s 4 leur famille. Mais Ies monumens funebres
ies plus ordinaires consistent en un petit tertre dressesur la fosse, figu-
rant au sommet un paralidogramme, et que quelques pierres soutiennent
tout autour. Des olirandes de riz, de mais et d’eau sont faites sur ces
tombes, et renouvelees 4 de certaines ^poques, sans doute dans la per-
suasion que ie malin esprit , rencontrant 14 une pature facile, ne cherchera
point 4 tourmenter fame du defunt. Nous avons vu sur quelques-uns de
ces tombeaux des vases remplis de cendres , dans lesquels on bruioit des
parfums de temps 4 autre.
La plus grande partie des Maiais de Timor qui n’ont pas embrassl Ie
christianisme , sont musuimans , si 1’on peut appeler de ce nom des
hommes dont la croyance est bas£e sur un melange absurde de dogmes
Mmmm*
lie Timor.
De I’homme
en societe.
Religion
des Maiais.
Digiti; * by VjiUI
He Timor.
De I’homme
en societe.
Religion
de$ Chinois.
642 VOYAGE AUTOUR DU MONDE,
empruntes aux seotateurs de Mahomet, aux chr&iens, aux Chinois, et
m£me aux anciens idoiatres du pays ; qui boivent sans scrupule des
liqueurs enivrantes, et qui n’observent avec quelque ponctuaiitd aucun
des pr^ceptes de i’islamisme, si ce n’est ceiui qui prescrit l’abstjnenee
de la viande de pore.
M. Lamarche a remarqud que les Malais venus de Tile Solor sont
de tous les habitans de Coupang ceux dont les principes religieux
s’ecartent le moins des lois du Koran; et cependant, entre autres supers-
titions, ils ont une confiance aveugle dans des esp^ces d’augures et
d’aruspices qu’ils consultent sur leurs plus chers intents. M. Tielman
nous a assure qu’il n’y a point aujourd’hui de mahom^tans dans l’intdrieur
de Timor.
Le culte de ces Malais se borne k quelques priires r^cit^es par rou-
tine , principalement apres la mort et lors de renterrement de quelqu’un
de leurs co-religionnaires.
La polygamie existe parmi eux , et e’est encore la un des prdeeptes du
Koran auxquels ils sont fiddles. Les rajas ont autant de femmes qu’ils
peuvent'en nourrir; et les particulars en ont aussi en raison de ieur
fortune. Quoiqu’elles se tiennent renfermees dans des espices de harems,
il ne parent pas qu’on les y soumette k une cloture rigoureuse ; nous en
avons vu sortir quelquefois sous la surveillance de leurs maris, sur-tout
pour aller au bain.
Ils ont pour les morts une veneration dgale k celle des autres classes
d’habitans de Timor ; comme ceux-ci ils ont des cimeti£res dans le voi-
sinage des villes , et des monumens funeraires d’une forme analogue , qui
se distinguent seulement par certains morceaux de bois de la hauteur
d’environ deux pieds , fichus en terre a chaque extr^mite du tertre 6rig6
au-dessus de la fosse , mais sans que nous ayons pu deviner 1’objet de
cette espece de decoration.
Quoiqu’il y ait de fort nombreux details k donner sur la croyance et
le culte religieux des Chinois, je suis tellement borne par le cadre de
cet ouvrage, qnon me pardonnera de ne traiter ici qu’avec rapiditd un
sujet plein d’interet.
Sans rappeler que la religion chretienne fut pr£chee en Chine, lors du
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LIVRE II. — Du Brasil a Timor inclusivement. 64 3
premier si£cle de notre ere , par ies disciples de I’apotre S. Thomas ; lie Timor
que , plus tard , elle fut r^introduite dans cet empire a la suite des succes- Ue 1’homme
seurs de S. Francis Xavier; sans parler non plus du petit nombre de
musulmans et m6me de juifs qui s’y trouvent comme perdus au milieu
dune population immense , nous nous bornerons 4 relater ce qui , dans
cette portion de 1 ’Asie, porte un type plus particulier et plus digne de
remarque.
Trois sectes principales divisent les opinions religieuses des Chinois :
la secte des lettres , qui tient le premier rang et conserve la plus an-
cienne idolatrie ; la secte des sorciers, qui s'occupe principalement de la
gudrison des maladies par des pratiques magiques ; erifin celle des adora-
teurs de Fo , la plus nouvelle de toutes, et principalement repandue
parmi le peuple.
Confucius (1) est regard^ comme le fondateur de la premiere secte ,
dont i’origine remonte k cinq cents ans environ avant la naissance du
Christ^). L’idde de ce philosophe et de ses disciples (3) est que toutes
choses sont produites par le ciel , comme premier principe , ce qu’on
ne doit point entendre du vrai Dieu, mais du ciel m£me, ou de sa vertu
particuli&re. Outre cet esprit supreme, ils reconnoissent les esprits du
soleii, de la lune, des dtoiles et de la terre; ensuite, plus secondaire-
ment, ceux des quatre saisons de i’annde , du froid , du chaud, des vents,
de la piuie, de i’eau, de la slcheresse, des montagnes, des fleuves, des
col lines, des lieux dev<fs, des plaines, ainsi quune multitude d’esprits
inf<frieurs auxquels, comme k tous les autres, ils rendent un culte (4).
(1) Ce nom est une corruption de la phrase Koung fou-tseu , qui signifie litteralement le
docteur Koiing. ( Voyez YEssai surla langue et la litterature chinoises , par M. Abel-Remusat. )
(2) Confucius, en effet, vint au monde jyo ana avant Jesus-Christ, et vecut 73 ans; il etoit
contemporain de Pythagore.
(3) Ces details sur la religion des Chinois sont tires, en tres~grande partie, (Tun manuscrit
inedit, intitule Opusculum de sectis apud Sinenses et Tunhinenses , autore Adriano h Sanaa-
Thecla, missionario apostolico in regno Tunkini; septembre 1750. M. Abel-Remusat , membre
de Finstitut , et celebre professeur de chinois , a bien voulu me preter cet important ouvrage ,
et me permettre d’en faire quelques extraits.
( 4 ) Le culte des esprits, chez les Chinois, derive d’une tradition fort ancienne, perp 4 tuee
par la secte des lettres, qui professa le culte des esprits, des genies ou des anges, sans cepen-
dant F avoir institue dans Forigine.
cc Quand je vois dans ies prophetes , dans FApocalypse et dans FEvangile meme, dit
t
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Timor.
I’homrae
societe.
644 vo age autour du monde.
Les lettr^s ont aussi un culte special pour leur maitre ; le premier sa-
crifice qui eut lieu en son honneur date de deux stecles avant l’4re chrd-
tienne : iis adorent encore soixante-douze de ses disciples. Le culte des
morts, plus modeme, ne fut dtabli qu’en 1 168.
Ils r£v£rent en outre un esprit tutdaire et r^gulateur du lieu qu’ils
habitent; cet esprit est ordinairement celui dun personnage que ses ser-
vices ont teilement ^lev^ , qu’on l’honore com me le protecteur et le maitre
du pays. Quelquefois cependant c’est un homme fameux par son im-
piltl, ou bien quelque animal, des arbres m£mes, ou d’autres objets ina-
nim^s , auxquels se rattache le souvenir dun ^vdnement extraordi-
naire. Ainsi Ton voit des villes qui adorent l’esprit d’un tigre ; c’est pour-
quoi , quelques jours avant le sacrifice , on fait eniever secr£tement un
pauvre , que Ton tue ensuite au jour fix£ , pour offrir sa chair 4 l’esprit ,
parce que les tigres tuent, dlchirent et d^vorent les hommes : aiileurs
c’est l’esprit d’un chien qui jouit de cet honneur, &< i. Enfin il n’est pas
rare que 1’esprit tutdiaire soit celui de quelque femme ou fille qui s’est
rendue celebre.
Les artisans et les marchands, qui ne forment qu’une seule corporation
en Chine, adressent des voeux communs a i’inventeur du commerce et
en particulier 4 celui qui le premier exer$a leur profession : l’image de
1’un et de l’autre est conserve, peinte sur du papier, sous la figure d’un
vieillard.
Les femmes ont une v^n^ration particuliere pour un esprit nomnru*
roi de la cuisine , reprdsent^ , selon leur croyance , par les trois pierres
»le savant de Maistre, cet ange des Perses , cet artge des Grecs , cet ange des Juifs , Vange
» des petits enfans qui en prend la defense.,,,. ; Vange des eaux , Vange du feu 9 iXc., je re-
« connois dans ces paroles une espece de mediation des saints anges : je vois meme le fon-
» dement qui peut avoir donne occasion aux paiens de distribuer leurs divinitls dans ies ele-
» mens et dans ies royaumes pour y presider ; car toute erreur est fondee sur une verite dont on
** abuse , et dont elle n’est qu’une vicieuse imitation
»On s’en apercevra sur-tout en meditant sur le paganisme, qui 4tincelle de verites, mais
» toutes alterees et deplacees ; de maniere que je suis entierement de Favis de ce theosophe qui
« a dit , de nos jours , que Vidolatrie etoit une putrefaction.
» Quant a ceux qui s’obstineroient a voir, ici comme aiileurs, des imitations raisounees, il
»n*y a plus rien a leur dire : attendo ns le reveil ! (J, de Maistre , Eclaircissemens sur Us sacri*
fees, )
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LIVRE II. — Du Brj£sil X Timor inclusivement. 64 5
ou briques qui soutiennent la marmite ou se pr^parent Ies aiimens.
Eiles lui presentent une offrande , le premier jour de chaque annle, et
iui demandent son assistance pour la cuisson et ia preparation des mets
de toute ia familie.
Elies adorent encore des esprits en dif&rens iieux ou s’eievent, soit un
monticule , soit un arbre extraordinaire par sa forme ou ses dimensions.
En passant devant le premier , elles I’invoquent sous le nom de maitre de
la petite montagne, et Iui promettent une offrande pour obtenir qn’il leur
fasse faire des marches avantageux ; promesse qu’elles effectuent a leur
retour, en deposant sur cette eminence une motte de terre et quelques
cahiers de papier dore ou argente. Si c’est un arbre, qu’elies croient anime
par un esprit feminin , elles lui demandent protection pour ieurs affaires
ou leur salut, suspendent des couronnes de fleurs k ses rameaux, et
laissent a sa base des cahiers de papier dore ou argente, des vases , des
baguettes de parfufn, &c.
En Chine, il n’existe qu’un temple qui soit dedie k i’esprit du del,
L’empereur et un petit nombre des premieres personnes de sa cour sont
ies seuls q\ji puissent y entrer, et qui soient juges dignes d’y offrir des
sacrifices (1). Ce prince sacrifie aussi a la terre dans un temple parti-
culier; et, par l’entremise des ministres et des plus grands dignitaires
de l’empire , aux montagnes et aux fleuves , aux quatre saisons de I’an-
nee, au froid et 4 ia chaleur, au vent, a la pluie, &c. , ou phitot aux
divers esprits qui y president, et dans Ieurs temples differens.
' Ceux des esprits tuteiaires qui occupent le rang le plus distingue ont
un temple particuiier; Ies autres n’en ont point, mais se piaisent dans
un endroit commun qui leur est assigne.
Chaque ville ou bourgade offre aux esprits protecteurs et maitres du
pays , au moins trois fois par an , un sacrifice qui s’accomplit les pre-
miers jours de 1 ’annee , et que ion nomme offrande des premices. Dans le
onzieme mois, l’offrande prend le nom de priere du bonheur, et on ia
considcre comme un acte de reconnoissance pour Ies bienfaits re^us dans
lie Timor.
De l’homme
en societe.
(1) Cependant Fempereur n’est pas le seul qui sacrifie au del; ses sujets le font eux-memes
une fois fan; seuiement, le lieu du sacrifice est par-tout ou il leur plait , mais jamais dans
un temple.
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646 VOYAGE AUTOUR DU MONDE,
lie Timor le courant de Fannie. Mais lorsqu’une vilie est en proie a une £pid&nie,
De I’homme G u qu’elle souffre d’autres calamity , on oflre a Fesprit tutdiaire un sacri-
fice appell I'eloignement du malheur; on iui sacrifie encore, iorsqu’on a
besoin de pluie, et que Ion craint pour ies productions de la terre, &c.
Ne pouvant parfer en detail ici du cuite accord^ a tous ces esprits ( i ) ,
nous nous bornerons a presenter sur ce sujet un petit nombre de re-
marques.
Les sacrifices que les iettres font 4 Confucius , aux esprits tutelaires et
aux autres esprits , ainsi qu aux morts , se ressembient g&i&alement quant
aux dispositions principales. Dans tous , on voit un autel , une table carr^e,
un pr£tre officiant , quelques aides , des pr£tres charges des details , et
d’autres personnages qui prennent part k la cdr^monie. On offre de la chair
d’animaux tu£s et d’autres mets ; on verse sur une poign^e de paille du
vin ou de la liqueur de riz distillee; on fait des libations, on se prosteme,
on lit la formule de l’offertoire ; les parfums fiiment { 2 ) , des cahiers de
papier argent^ ou dor£ sont brules ( 3 ); enfin on assiste 4 un festin joyeux.
Les Chinois croient que les esprits sont pr&ens k ces sacrifices , et qu’4
cet effet ils se placent dans les tableaux qu’ils emploient la .plupart du
temps , et qu’ils appellent la demeure de l' esprit; ils accompagnent son
arriv^e et son depart de certaines ceremonies. Une autre croyance, c’est
que les esprits agr^ent les offiandes et en jouissent; ils pensent enfin
qu’ils ont le pouvoir de distribuer des biens a ceux qui les invoquent
et qui leur sacrifient.
Les animaux ne sont point immolls pendant la celebration m£me de
(1 ) Le manuscrit du P. de Sainte-Thecle contient, a cet egard, de fort grands developpemens,
dans lesquels je regrette de ne pouvoir entrer.
(2) C&s parfums sont fixes a depetites baguettes, plantees elles-memes dans un vase, soit
rond, soit carre, place devant fidole. Doit-on voir dans ces vases , ordinairement en iahon, le
type de ces trepieds sacres fameux dans l’ancienne Grece comme objets d’un cuite particular !
ou bien faut-il fapercevoir dans la table d*or h quatre pieds , qui se trouve dans le temple
unique, en Chine, oil fempereur sacrifie a fesprit du ciel,_et dans Iequel, ainsi que le dit
le P. de Sainte-Thecle , ne se voit aucune autre image, aucun tableau. ( Voy . Hager, Pantheon
chinois. )
(3) Ils s’imaginent que ces papiers dores et argentes se changent en or et en argent dans
Tautre monde , dans finteret de ceux qui les ont brules et sacrifies en f honneur des esprits,
( Voy. du Halde , Descript, de la Chine , tom. III. )
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LIVRE II. — Du Brasil X Timor inclusivement. 647
ia solennitl; on les egorge d’avance, sans aucune ceremonie , et on ies lie Timor,
apporte en cet etat , ou souvent meme .coupes en morceaux : ce nest De I’homme
• r , , en societe.
done point un sacrifice proprement dit, mats une simple oblation. Le
cheval, le buffle, la ch£vre, le pore, le coq et le chien sontles seuis ani-
maux dont la chair soit habituellement ofFerte dans ces grandes occasions.
Les lettr& sont divises d’opinions sur la presence des esprits dans les
sacrifices. Les uns pnftendent que la presence est r<felie , les autres ,
quelle est seulement allegorique et figurative ; ceux-ci s’appuient sur le
temoignage de leur maitre Confucius, qui dit, dans un de ses ouvrages,
qu’on sacrifie aux esprits comm e s’ ils etoient presens. Mais e’est une croyance
commune que les esprits sont pr^sens aux sacrifices ; e’en est une encore
non moins generate , qu’ils se rejouissent des offiandes, et qu’ils en
savourent la substance ( 1 ).
Parmi les sacrifices , il faut compter aussi ceux qu’on adresse au sou-
verain et au gouverneur, de leur vivanr. A I’dgard du premier, les Chi-
nois s’acquittent plusieurs fois dans l’annee de ce devoir religieux, avec
toute la solennit^ convenable. Cette ceremonie devroit , a la rigueur , avoir
lieu a chaque nouvelie et pleine lune ; mais souvent on n’y procede
qu a des Intervalles plus eloign^s.
Des offiandes simples ou accompagnees dun sacrifice ont lieu en
I’honneur des morts. Celldfc de la premiere espece se rep^tent chaque jour,
depuis le moment du deces jusqu’a celui de {’inhumation du corps, qu’on
a coutume de tenir a I’^cart, durant plusieurs mois, dans un coin de la
maison. Les memes offiandes recommencent ensuite aux trois premiers
jours des annees suivantes et au renouvellement de chaque saison : elles
consistent alors en mets dont on invite une seule fois fame du ddfunt a
se repaitre; il ne s’y fait aucune sorte de libations , on s’abstient de rdciter
le chant sacre, &c. Si le corps est dans 1a maison, on joint aux offiandes
une bandelette flottante de $oie blanche , fixee k un morceau de bois ; s’il
a ete porte en terre, elles sont mises devant un tableau ou le defun test
figure, et ou 1’on se persuade que son ame est presente. Ainsi, au retour
(1) Plusieurs de cm usages sont analogues a ceux des Hebreux, dans Tancienne loi; il me
suffit de fixer Tattention sur ce point, iaissant a ceux qui voudront s’occuper de. ces matieres,
a faire les rapprocheniens quils jugeront a propos. /
Voyage de VUranie. — Historiquc. N 11 II 11
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64 8 VOYAGE AUTOUR DU MONDE,
lie Timor, des funerailles, c’est devant un pareii tableau pompeusement ome, qu’on
De Thom me fait une oblation accompagn^e .d'un sacrifice , dont nous sommes encore
forces de supprimer ici les curieux et nombreux details.
La ceremonie terminee , tous les assistans , et en premiere ligne les
parens du mort , vont prendre place a des tables disposes d’avance ; une
table distincte pour le d^funt est servie devant son tableau. Les convives
font ensuite honneur au festin.
Un philosophe chinois, ne 5 65 ans avant Je'sus-Christ , et nomme
vulgairement Lao kiouti [le vieux prince] (1), fut le fondaleur dune
secte assez semblable, a-t-on dit, k celle des epicuriens (2). Quoi qu’il
en soit de cette ressemblance , ses disciples se livrent a la magie et a fart
de guerir par des sortileges. Its pretendent que les morts et certains
esprits malfaisans envoient aux hommes des maladies et des infirmites.
H se vantent de pouvoir evoquer les uns et chasser les autres , afin de
mettre obstacle aux effets de leur maiveillance. Pour y parvenir, une
foule de pratiques superstitieuses sont mises par eux en oeuvre. Tan tot
on offre des mets a ces etres fantastiques , on brule en leur honneur du
papier dore et argente , en prononqant des prieres a grands cris ; tantot ,
pour les contraindre a prendre la fuite, on cherche k les eflrayfcr par des
vociferations et des clameurs , en invoquant contre eux les tigres noirs.
Suppose-t-on que c’est fame d’un d^funt qui vient tourmenter le fils ou le
neveu qu’il a laisse sur la terre , et ce dans le but d’etre deiivree par lui
des-peines de l’enfer, une conjuration sp^ciale a lieu en pareii cas.
Enfin , toutes les operations magiques , telles que fart de jeter ou de
detourner les malefices , la composition des philtres , les differentes
branches de la divination , sont du ressort de. cette secte de sorciers. On
compte aussi parmi eux des esp£ces de pythonisses : les fonctions de
celles-ci sont quelquefois remplies par des hommes, qui pour ceia
prennent des habits de femmes, exigent qu’on leur en donne le nom, et
s’arrachent la barbe jusqu’a la racine.
(1 ) On lui donne encore, presque indistinctement , les noms suivans : Lao tsee> Lao tou , ou
Lao tseu [ le vieiHard ] , Lao tien [ le vieux ciel ] , Lao tan [ vieiiiardfcaux longues oreiHes ].
Cette demiere qualification fait allusion a la grandeur ceelle de ses oreilies.
(2) Cette comparison est du P. du Halde ( op . cit. tom . Ill ).
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LIVRE II. — Du Bresil X Timor inclusivement. 64p
. « Quelques sorciers, dit le pere Adrien de Sainte-Thecle, peuvent lie Timor.
» donn^r des details sur i’etat des tr^pass^s. Pour ceia ils placent un De l’homme
» homme ou une femme au milieu du lieu ou ils sont , les tourmentent par
» des fumigations et diffe'rens gestes, jusquau point de leur faire perdre con-
» noissance, et de les laisser en quelque sorte pour morts. La personne soumise
» a ces pratiques , recouvrant les sens apr£s un certain laps de temps ,
» raconte tout ce que le secours du demon lui a fait voir dans le tombeau,
» dans I’enfer ou dans le ciel , relativement a la condition du defunt ;
» elle dit quels lieux ont le partage de lame au ^prjir du corps,
» quel usage elle a fait en route des cahiers de papier d#re ou argent^
» qu’on lui avoit mis a la main. Rendue d elle-meme, cette personne se sent
»» fatiguee, defaillante et epuisee par son extase. Or, on voit dans cette extase
» une image de celle qui saisit les serviteurs de Dieu par la puissance
» de la grace."
Les Chinois de la secte des sorciers croient, comme les lettres, aux
esprits tutelaires , et leur rendent un culte ; ils adorent aussi , de toute
antiquity, d’autres esprits. Le principal objet de leur veneration est Lao
kioun, qu’ils regardent comme leur maitre, et X qui ils donnent encore le
titre de roi vertueux , roi le plus antique. Une fois par an , sans epoque
fixe , ils c&ebrent a son honneur un service solennel , sur un autel eleve
dans leur maison , sans tableau ni image quelconque, et en observant les
c^r&monies qui accompagnent l’un des sacrifices a I’esprit tutelaire; ou
bien ils passent toute la. nuit et tout le jour X prier , font une simple
offrande , et se conforment du reste aux rites usit^s dans le culte de Fo.
Dans la legende qu’ils recitent pour le sacrifice , ils iouent Lao kioun de
son intelligence, de sa prudence dans les choses spirituelles ; lefeiicitent
de ce qu’il reside dans tout le monde et le gouverne tout entier ; de ce
qu’il ^tend sa puissance sur les esprits et leur donne ses ordres. Ils lui
oflfrent des mets et toute sorte de pr&ens ; lui disent qu’ils attendent
avec respect qu’if mange , et travaHIe k Eloigner le vent et la pluie ; enfin
ils le prient d’dearter loin d’eux tous les maux, de leur accorder le bon-
heur, la reussite dans les afiaires et une bonne reputation.
Ils reverent aussi beaucoup douze esprits, qui occupent tour k tour,
chaque annee , le premier rang , et se succedent dans le gouvernement
Nnnn
lie Timor.
De Thomme
en societe.
6 50 VOYAGE AUTOUR DU MONDE.
des choses humaines, comme dans le pouvoir de nuire, ce qui leur a
fait donner le nom de gouverneurs malfaisans.
Plusieurs autres esprits sont encore i’objet de leur culte, et re^oivent
une offrande de mets , deux fois par mois , les jours de nouvelle et de
pleine June.
Les tireurs d’horoscope , appeles souan ming [ qui supputent ia des-
tinee j (i), tiennent un rang considerable dans la secte des sorciers. Leur
principale occupation consiste a determiner i’heureuse ou ia fiineste
situation d’ua pdifice , et sur-tout dune sepulture. Si par hasard ou
mechamment «i arrive qu’un voisin batisse sa maison de mantere qu’un
angle du toit soit dirige vers le flanc de celle d’un autre habitant, il n’en
faut pas. davantage pour que celui-ci se figure que tout est perdu ; le
ressentiment qu’il en con^oit est porte k un degre d’exasperation qui ne
peut etre calme que par la destruction du fatal edifice, et qui edate
d’abord par un proems. Si les juges ont assez de sens pour ne point donner
gain de cause au plaignant , il pense alors qu’H n’a rien de mieux a faire,
pour neutraliser en partie les maux qu’il croit pr£ts a fondre sur les srens
et leur posterite , que de placer au haut du comble de sa propre habita-
tion un monstre ou dragon en terre cuite, qui jette un regard terrible sur
l’angle maudit, ouvre une gueule &iorme, enfin se tient en attitude de
devorer le mechant esprit qui doit venir de ce c6t£-l& (2).
On consulte aussi les devins sur les ^venemens futurs de la vie, sur la
mort, sur la sant£ , les maladies, la richesse ou la pauvret^ , et sur les
emplois que I’on postule. Lorsqu’on perd quelque chose par un vol, on
va demander au devin ou s’est enfui le voleur ; si e’est du cot£ de
I’Orient ou de l’Occident , du Midi ou du Nord ; en sorte que , parmi
ceux que Ion soupfonne, malheur k celui dont la maison se trouve situle
dans la direction indiquee par le devin!
(1) Nous avons vu plus haut (pag. 636 ), que les Malais de Coupang appeilent les leurs
souangghis [qui supputent le bonheur], expression tout 4 -fait synonyme, et empruntee evidem-
ment des Chinois. Ce n’est pas le seul rapprochement qu^I y auroit a faire des usages et des
preceptes religieux chinois, avec ceux des Timoriens: mais ces similitudes devant resuiter dela
simple comparaison des faits que nous avons relates ou que nous relaterons encore, je n’ai
pas cru devoir m’appesantir davantage sur cet important objet.
(2) Du Halde, op . cit . tom. III.
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LIVRE II. — Du Brasil a Timor inclusivement. i
Certaines lignes trac^es dune maniere bizarre , des pieces de monnoie He
qu’ils jettent en 1’air pour avoir croix ou pile, les cinq sens de la per- De
sonne qui consulte, les Kidmens, les noms de douze animaux destines &
(fnum^rer les ann^es , les jours et les heures , telle est la matiere des
principaux themes d’ou ils pr^tendent d^duire les causes des sympathies
ou des antipathies des choses etdes personnes. Parexemple, ils observent
quels jours sont nes 1’homme et la femme deja unis ou destines a l’£tre;
et , voyant que le premier est n<£ le jour du chat et la femme le jour du
rat , ils prononcent qu’ils ne doivent pas s’unir ou qu’ils doivent se se-
parer , parce que le chat prend le rat et le mange. Mais si 1 ’un <koit n£
le jour du buffle et i’autre le jour de la chevre, comme ces animaux sym-
pathisent, 1’union des consultans ou leur cohabitation pourroit avoir
lieu. Ils font des raisoimemens semblables pour la divination par les
elemens , &c.
La secte de Fo , qui prit naissance dans l’Inde au onzi£me siecle
avant J^sus - Christ , eut pour fondateur le cbibbre Bouddha (i), nomm£
Pat ou Pehdt chez les Anamites ou les Cochinchinois , et Fo en Chine.
Sa doctrine ^crite, dit-on, sous la dictee de deux esprits, demons ou
g^nies , ne s’introduisit chez les Chinois que 1 ’an 70 de notre ere. Ses
sectateurs professent deux doctrines : l’une ext^rieure., relative au culte
des idoles ; i’autre,' qui est interieure, contient I’explication de la pre-
miere , et n’est au fond qu’un pur ath&sme : celle-ci n’est rdvd^e qu’&
un tres- petit nombre d’adeptes.
Ils enseignent aussi la m&empsycose (2). Dans tout £tre humain , il y
a, disent-ils, troisames : une seuie accomplit la metamorphose; laseconde
reste dans le tombeau; la troisi£me descend aux enfers, et, apres y avoir
subi sa peine , eile monte au ciel et se r^unit a d’autres.
Les esprits tutdaires (3), et un nombre prodigieux d’idoles, divisees
(1) Cette secte de Bouddha , persecutee par les brames, modifia plus tard sa doctrine; mais
c’est de sa religion primitive qu’il est ici question.
(2) Les disciples de Fo persuaderent sans peine a un peuple simple et credule que leur
maitre etoit ne huit mille fois , qu’il avoit passe successivement dans le corps de differens ani-
maux, et paru sousles figures de singe, de dragon , d’elephant , &c. : aussi ces differentes betes
furent-elles adorees en plusieurs endroits. ( Du Haide, ibid . t. III. )
(3) Les sectateurs de Fo regardent les esprits tutelages, dit du Haide ( op . cit . ), comme
Timor.
Thom me
societe.
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lie Timor.
De rhomme
en socrete.
6yi VOYAGE AUTOUR DU MONDE,
en trois hierarchies , en t£te desquelles se trouve celie du fondateur ,
sont fobjet de ieur veneration. IIs rendent aussi des devoirs religieux k ce
qu’ils appeiient ies ames orphelines abandonnees , ames qui , seion eux ,
sont si foibles, que, ne pouvant descendre k terre , elles demeurent sur
Ies plantes et ies arbustes ; pour qu’elles puissent se conforter un peu ,
on asperge ces vegetaux deux fois par mois avec du bouillon de riz ;
bouillon qui est toujour* tr^s-leger , sans quoi ces ames, qui ont le gosier
extr£mement etroit, ne pourroient sen nourrir.
Par-tout on voit en Chine des temples consacres k Fo ; chaque bourg a
fe sien, et les villes un peu considerables en ont deux. Les autels sont
ornes d’idoies en bois peint ou dore ; au milieu est une table ou f on bruie
des baguettes odoriferantes placees dans un petit vase. Une cloche sus-
pendue en fair est frappee a coups de marteau sur sa surface exttfrieure,
a l’epoque des ofirandes solennelles , aux nouvelles et sur - tout aux
pleines lunes.
Quantite d’hommes et de femmes consacres au culte de Fo habitent
dans le temple des idoles; les femmes se vouent au ceiibat. Le v£te-
ment des uns et des autres est brun ou noir; tous ont la t£te rasee, et
ne vivent que de riz et d’autres productions de la terre , s’abstenant m£me
de manger du poisson et des oeufs. Cinq pr^ceptes doivent £tre obser-
ves : ne point tuer d’animaux, ne point voler, ne point commettre d'im-
purete, ne point mentir et ne pas boire de vin. C’est, comme on voit,
moins ce qu’il faut faire que ce qu’il faut ne pas faire.
Les offrandes aux idoles se font , dans ieurs temples respectifs , aux
epoques des nouvelles et pleines lunes ; elles se composent de riz cuit ,
de differens fruits, et sur-tout de petites figure* de couieur jaune, mars
jamais de viandes. Devant Ieurs statues br&Ient un grand nombre de
baguettes odoriferantes et queiques bougies ; on place sur Ies marches de
l’autel des cahiers de papier dor^ et ai^gite , qu’on bruie ensuite dans le
vestibule du temple.
les peres nourriciers du people; Hs les distinguent en diffe rentes classes : ii en est qui president
au soin des campagnes et des terres cultivees, et qui reqoivent des offrandes de grains; d’autres >
charges de la tuteile des villages, doivent veiller a ia sant£ des habitans, et maintenrr la pair
parmi eur : l’interieur des maisons , les contrees desertes et montagneuses , les villes env ; ronnees
de murailles et de fosses, sont aussi places sousia protection d’esprhs speciaux.
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LIVRE II. — Du Bresil A Timor inclusivement. 6 53
Apr£s avoir mis sur I’autel tous les comestibles dont i’offrande ; se com-
pose , on bat ie tambour et ion joue ties instrum ens dans le but d’en-
gager les esprits dont les idoles sont ie symboie, k descendre dans ieurs
statues pour assister k la ceremonie.
Deux fftes principales out iieu chaque annee pour ia deiivrance des
ames qui sont en enfer, ce que les Chinois des autres sectes regardent
a-ia-fois comme ridicule et meprisable; car , selon eux, ceiui qui a
recours a de semblables prices pour son pere ou pour sa m£re , le6
deshonore, puisqu’il les croit pecheurs.
Ainsi que nous l’avons dit plus haul (p. 49 1 ) > nous assistimes pen-
dant notre s^jour a Coupang a une ceremonie qui eut lieu an temple
chinois, ie jour de la pleine iune (1); mais, avant de donner le detail
de cette soiennite , il est a propos de jeter un coup d’oeil sur Ie temple
lui-m£me.
Bati sur une plate-forme , pres des bards de la mer, il offre un d£ve-
ioppement de 3 5 pieds de large sur 60 pied6 de cote. La porte principale
s’ouvre k deux battans , et fait face au rivage , sans affecter d’orientation
selon un des quatre points cardinaux (2). En dehors, et du meme cote,
regne une galerie ou varangue de 4 pieds de largeur.
Lorsqu’on entre dans le temple par cette porte, on rencontre d’abord , a
gauche, les tamtams et les tambours (3) dont on joue pendant les cere-
monies. Devant soi, et k 15 pieds au delade lentree, est un espace qua-
drangulaire, ayant 8 pieds dans le sens de la longueur du batiment, et 14
dans la direction perpendiculaire a ceile-ia. Un grenadier y est plants ;
et pour que cet arbre puisse profiler des influences atmosph&riques , le
toit est ouvert au-dessus de lui. Un petit temple en porcelaine, figure
(.1) La pleine June y eut lieu a i h 43' de Tapres-midi, le 14 octobre 1818.
(2) Ce fait est remarquable , puisque , d’apres ce que nous apprend du Halde ( op. cit. ) ,
aon-seulement la maison sacree , mais toutes les maisons chinoises en general , doiyent toujours
regarderie midi. ( Voy . aussi Hager, Pantheon chinois .)
La porte du temple de Coupang est sensiblement tournee vers le Nord-Ouest. On peut voir
la disposition generale du batiment dans le plan particuiier contenu sur la carte n J° 2 de
notre Atlas Jbydrographique.
( 3 ) Ces tambours se composent d’un cylindre en bois de Jatanier, creuse interieurement, et
recouvert d’une peau parcheminee, sur laquelle on frappe avec les mains. Le son qu’ils rendent
est sourd, et point harmonieux.
lie Timor.
De rhomme
en societe.
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Timor.
Fhomme
societe.
6 5 4 VOYAGE AUTOUR DU MONDE,
sur un rocher de m^me substance , est suspendu a une de ses branches ;
c’est la demeure de l’esprit auquel I’arbre est consacre. Plus loin , en face
de cet arbre , est erige l’autel principal , a droite duquel se trouve un autel
plus petit , que nous designerons sous le nom d’ autel de droite ; un autre ,
plus petit encore, vient a la suite de celui-la et tout au fond du temple;
enfin on voit derriere i’ autel principal une niche fort ornee , dans la-
quelle est logee une statue de femme grossierement sculpt^e. Le dessin
que M. Arago a donne (pi. 2 6 ) de l’int^rieur de ce temple, suppose
I’observateur place au bord du terrain ou est plante i’arbre; les trois
autels et la niche dont il vient d’etre question, les fanaux, les candelabres
et les lustres servant a l’eclairage y sont assez visibles.
L’autel principal est double; et lors du sacrifice, une table carree se
pose encore en avant du plus petit des deux, qui est en meme temps le
plus avance du cote de la porte. L’autel de droite, au contraire, est
unique; n^anmoins, pendant la celebration du sacrifice, on place de
m£me une table carree en face de celui-la : c’est sur ces tables que sont
deposes les mets consacrtfs ; des nattes deployees sur le sol en avant
de ces tables servent de tapis de pied aux officians.
A droite et a gauche de i’arbre, deux portes lat&aies communiquent ,
l’une au logement des bonzes , et l’autre a une ecole destinee k l’instruc-
tion litteraire des enfans chinois.
Les d^ux autels du centre se touchent imm^diatement : l’un et I’autre
support ent des vases et certaines figures en porcelaine, parmi lesqueiles
on remarque celle d’un homme qui tient un serpent dans sa main ; les
autres. rep resen tent des lions , ou plut6t des chiens , semblables a ceux
qui sont dessines sur la planche du Pantheon chinois de Hager. Derriere
ce double autel, un chassis de peu de largeur, place horizontalement
et garni de pointes en fer , est destint; a recevoir les cierges ou bougies.
Sur l’autel de ^roite , on voit aussi le simulacre d’un chien et celui
d’un coq en porcelaine ; mais ce qui paroit £tre ici I’objet principal de
l’adoration , c’est un tableau qui occupe le centre de I’autel , et repr£-
sente un vieillard accompagne d’une jeune fiiie : c’est , sans aucun doute ,
d’apres les details qui precedent, le tableau consacre a I’esprit protecteur
de la corporation des artisans et des marchands. Un vase mis ,en face
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LIVRE II. — Du Brasil X Timor inclusivement. 655
de ce tableau , sert k recevoir les baguettes odoriferantes qu’on brule
pendant ies c£r£monies.
Sur I’autel qui occupe Tangle droit du temple , et se trouve par con-
sequent derriere I’autel de droite , un tableau beaucoup plus grand est
charge de caracteres chinois, dont malheureusement nous n’avons pas
eu la copie exacte ; des inscriptions sont tracees a droite et k gauche de ce
tableau : en face , sur I’autel meme , il y a un vase carre pour Ies baguettes
odorantes , un vase rond qui doit contenir d’autres baguettes garnies de
petites banderoles , et une espece de falot recouvert en papier : Ies autels
du centre et de droite sont ornes de grands flambeaux garnis de cierges.
La decoration de la niche pratiqu^e au fond du temple, est, comme
nous l’avons dit , tr£s-soignee : cette niche n’est separ^e de I’autel du milieu
que par fespace n^cessaire pour qu’on puisse circuler avec facilite. La
statue qu’elle renferme est celle d’une femme tres-grosse, assise sur une
espece de trone elevd ; tout annonce que c’est Timage d’un esprit tutelaire t
ies pr£tres chinois me font designee sous le nom de gnogna deos, mot a
mot , en malais , dame dieu ou deesse; mais le kapitan chinois m’a assure
que matche'ou-po en etoit le veritable nom. Devant cette figure se trou-
voient aussi places deux vases en cuivre, Tun carr£ et I’autre rond, ayant
la meme destination que ceux dont nous avons dejX parl£.
Differens cadres renfermant des inscriptions , et des tablettes chargees
de legendes ou sentences, sont places 9a et IX au pourtour du temple,
ou Ton voit aussi quelques figures de dragons ; sur la gauche est un
grand coffre ou Ton serre Ies objets du culte. Enfin , au plafond , et au-
dessus du double autel du centre, est tracee une inscription chinoise. en
gros caracteres, dont nous regrettons de ne pouvoir presenter le sens:
La phrase suivante, tiree d’une des inscriptions, m’a 6 t 6 dictee dans le
temple par un des pr^tres chinois : Be'o meou tchouk tiane he'ou kioun , ce
que notre celebre sinologue M. Abel Rdmusat pense devoir 4 tre restitu^
ainsi : Miao miao tchou thian heou kium, c’est-a-dire: le prince du del, habitant
dans un temple excellent.
Passons mairitenant aux details de la c£remonie (1) dont nous avons
(1) Les habitans Iui donnent le nom de sambadjan, par corruption du malais sambayang,
qui signifie priere ou ceremonie religieuse.
V V a g e <k l’ Uranic. — Historique. OOOO
lie Timor.
De i’homme
en societe.
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656 VOYAGE AUTOUR DU MONDE.
lie Timor, ete les temoins. Les preparatifs en commencerent ie 13 octobre ausoir;
De I’homme Ie temple resta illumine toute la nuit; et Ie lendemain, k quatre heures
et. soci<-.e. mat j n> un p eu avan t Ie coucher de la lune, la fete commen^a. Dix
a douze Chinois seulement et un petit nombre de Malais y assisterent;
mais il n’y vint aucune femme. Sur les tables placees en face des autels du
centre et de droite, furent places, comme offrande, des coqs et des
cochons de lait bouillis, des gateaux, des confitures, &c.
Deux bonzes a genoux sur des coussins poses sur la natte devant 1 ’autei
du centre, firent une courte adoration; ils ailumerent des baguettes odo-
rantes et en mirent dans la gueule des figures de chiens ou de lions piacles
sur cet autel et devant la statue de la deesse ; ils en port&rent aussi sur
i’arbre du milieu du temple, ainsi qu’au-dehors sur 1’esplanade.
A cette premiere adoration en succede une autre, toute sembiabie,
devant I’autel de droite. Des libations de the sont faites ensuite avec de
petites tasses placees sur les deux autels ; suivent des genuflexions et des
prices articul^es a demi-voix, tant devant I’autel du milieu que devant
ceiui de droite. On porte des cahiers de papier dore au pied de l’arbre
sacre ; les officians vont faire de nouvelles genuflexions devant i’autei
du milieu et devant ceiui de droite, toujours au bruit du tambour. Les
libations recommencent aux deux autels , et Ton fait sur ceiui du milieu
une offrande de papier dore que Ton va porter immediatement k Tun des
- angles gauches du carre ou est piante i’arbre. La m£me offrande se rdp£te
a I’autel de droite, avec la seule difference que les papiers dords sont
port^s a l’un des angles du cote droit du carrd : le feu est mis ensuite, au
son du tamtam, a tous ces papiers : c’est Ie moment ou I’on dit l’offertoire,
qui se recite avec nombre de genuflexions devant les deux autels. A tout
cela succedent des libations de liqueur sur les cendres des papiers brulds
a gauche , et de quelques gouttes de the sur I’autel du milieu. Les pr£tres
font les m£mes libations du cote droit, et re viennent enfin devant l’autel
du centre pour y prier k diverses reprises , tantot debout , tantot a genoux ,
ce qui se repete encore devant l’autel de droite.
Ainsi se termina la c^remonie : elle nous laissa fort surpris de la froide
indifference avec laquelle tous les assistans avoient regard^ les simagrees
qui s’executoient sous ieurs yeux; les bonzes eux-m£mes n’avoient pas
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LIVRE II. — Du Brasil X Timor inclusivement. 657
montre le moindre recueillement, et tout annon^oit qu’une routine ma- lie Timor,
chinale seule les avoit fait agir. De I’homme
Les mets qui avoient figure sur les autels des esprits ayant <*te retires ,
on les servit sur d’autres tables plac^es pres de la porte d’entree , et les
bonzes qui avoient officii se disposerent k faire honneur au repas. Avant
tout, ils eurent la politesse de nous inviter a y prendre part; mais sur
notre refus , ils se mirent a manger eux-m£mes et a boire du th£. Le
reste des viandes fut partag£ insuite, et porte chez chacun d’eux sur de
grands plateaux.
L’un de ces pritres chinois me donna deux bouts de bougie rouge, restes
de cierges qui avoient bruli pendant la cerimonie , et m’assura qu’en les
ailumant en cas de danger, cela me porteroit bonheur. La mime pensee
a germi dans nos contries europiennes. En Provence , a i’ipoque de
la Chandeleur , « chaque mire de famiile , dit Marchangy ( 1 ) , revient
»> de leglise avec une bougie allumie , et f on regarde comme un pronostic
*» facheux si elle vient a s’iteindre dans le trajet. Cette bougie binite
» reste suspendue au coin du lit, et on i’aliume aux temps d’orage, aux
» accouchemens et dans toutes les circonstances difficiles. »
Independamment de la cirimonie dont nous venons de rendre compte,
nous vimes encore, ie mime jour, un Chinois dresser un petit autel
pres du rivage, bruler des baguettes odorantes, des cahiers de papier
dori; puis, de trois tasses de thi qu’il avoit rempiies sur cet autel, en
jeter deux et boire la troisieme: cela fait, il iteignit les flambeaux, et
remporta chez lui tout 1’attirail dont il s’etoit servi.
II risulte du pricis que nous venons de presenter des trois princi-
pales religions des Chinois, et des cirimonies dont nous avons rendu -
compte, i.° que le sacrifice isole au bord de la mer s’adressoit a
i’esprit du ciel ; 2. 0 que la cirimonie plus pompeuse qui eut lieu dans
le temple, se fit en I’honneur de plusieurs esprits tutilaires, dont fun,
bien ividemment, itoit, ainsi que nous en avons dija fait la remarque,
I’esprit protecteur des artisans et des marchands. Si je ne m’abuse , tout
tend k nous prouver que la religion professee par le plus grand nombre
(1) Tristan le Voyageur , t. VI , et Statistique du departement des B ouches- du-Rhone , x. III.
•= 0000*
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Timor.
Thomme
societe.
6 58 VOYAGE AUTOUR DU MONDE,
de Chinois de Coupang est celle des lettr^s. Nous avons d^crit le seul
temple qu’on y trouve; ainsi Ion ne peut admettre que quelques-uns
d’entre les habitans suivent la secte de Fo, qui, comme on i’a vu, ne
sauroit admettre pour offrandes que des productions veg&ales.
Mais nous ne somfnes pas aussi surs que la secte des sorciers n'ait
point ici un certain nombre de partisans; nous avons trouve chez les
Malais une partie des idees des Chinois sur les devins et sur les en*
chanteurs, qu’ils designent par un nom tovft- 4 -fait chinois. Nous n’oserions
en dire davantage sur cette mature, que le temps et les circonstances
ne nous ont pas permis d’approfondir autant que nous i’eussions
desird.
On sait , d’apres le P. du Halde (op. cit. ), qu’on ne donne point de dot
aux filles k la Chine : les parens du mari futur conviennent avec ceux de
l’epouse, dune certaine somme qu’ils paieront pour arr£ter le mariage ; et
cette somme s’emploie a acheter les habits et les ustensiles que la jeune
femme emporte le jour de ses noces : c’est ce qui se pratique sur-tout
parmi les gens du peuple ; car les grands et les personnes riches depensent
beaucoup plus que ne valent les presens qu’ils ont re^us. L’argent donne
ainsi est cependant destin^ a 1’achat de la femme.
Selon les lois , dit 1 ’auteur qu’on vient de citer, et pour ne pas man-
quer de post£rit<* , il est permis , en cas de sterilite de I’epouse , de
prendre des concubines , sorte de femmes subalternes et subordonnees a
la premiere (1). II est probable, quoique nous n’ayons pu recueillir au-
cune donnde ^ cet £gard , que les Chinois de Coupang suivent la m^me
regie, si conforme d’aiileurs a ce qui se pratique chez les Timoriens.
Nous glisserons rapidement sur les sepultures, sujet qui pourroit
nous entrainer dans des details prolixes. Le respect des Chinois pour les
morts est bien connu : les tombeaux qu’ils leur eleven t A Coupang ont
deja ete decrits et dessines dans la partie historique du Voyage auxTerres
australes , et nous en donnons nous-m£mes, sous le n.° 27 de notre atlafc,
un dessin du au crayon de M. Arago. A Coupang, comme en Chine,
(1) On connoit, ainsi que le fait remarquer J. h de Maistre, le prejuge des Hebreux sur
i’importance du mariage, et Tignominie attachee a la sterilite; on sait que, dans leurs idees,
la premiere benediction etoit celle de la perpetuation des families.
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LIVRE II. — Du Brasil k Timor inclusivement. 6 59
les inhumations dans la ville sont interdites , elles ont lieu , autant qu il
est possible , sur des Eminences voisines.
Dans le choix qu'un fils fait du terrain pour la sepulture de son
pfcre (i), il doit prendre garde qu’il y ait la moindre probability qu un
chemin passera un jour sur ce terrain , ou qu’on puisse jamais y batir
une ville , y creuser un canal pour I’<fcoulement des eaux , &c. Mais une
attention qu’on se fait un devoir rigoureux de ne point n^gliger, c’est de
faire constater si 1’emplacement a preffrer est dans une exposition heu-
reuse , si le jour ou i’on se propose de procyder a l’enterrement sera un
jour propice ou malencontreux. Selon 1’avis des experts en ce genre , on
maintient ou 1’on change les dispositions qu’on avoit faites d’abord.
Les cercueils des personnes aisles ( 2 ) sont faits d’un bois dpais capable
de se conserver long-temps, et si bien enduits de resine et de bitume en
dedans, et de vernis en dehors, qu’ils n’exhalent aucune mauvaise odeur.
La famille est libre de les garder plusieurs mois et meme plusieurs anndes
a la maison, sans qu’on piysse 1’obliger a les inhumer. Lorsque enfin le jour
des obs£ques est fixy, on en donne avis k tous les parens et amis du
dyfunt, qui s’empressent d’y assister : la c^remonm, toujours tres-pom-
peuse, se termine par un repas splendide. II est facile de remarquer
combien encore en cela les usages des Chinois different peu de ceux des
Timoriens.
A Coupang, les tombeaux chinois sont construits avec un soin
extreme sur un coteau voisin de la ville : ils se composent d’un caveau
fermy par une pierre unique couverte descriptions gravyes dont les lettres
ensuite sont revetues de diverses couleurs ou de dorures. De tr^s- grands
tamariniers et des lianes nombreuses ombragent ces monumens, pres
desquels se voient frequemment suspendues a des branches , et ordinai-
rement dans des paniers de feuilles de latanier , les offrandes faites par
les parens a 1’esprit ou a fame du dyfunt. Ce cimetiere, a f instar de
ceux des Timoriens, n’est point enclos de murs.,
J’ai fait copier trois des ypitaphes qui dycorent ces tombeaux; on les
trouvera k la fin de ce volume. Quoique leur lecture ait offert de grandes
lie Timor.
De Thomme
en societe.
(1) Du Halde, op. cit. t. III.
(2) Ibid.
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He Timor.
De 1’homme
en societe.
Religion
chretienne.
660 VOYAGE AUTOUR DU MONDE,
difficultes , provenant pour la plupart, a ce qu’ii paroit , de I’incorrection
de la. copie, M. Abel-Remusat, qui a bien vouiu les examiner, les a
trouvees curieuses, en ce qu’elles portent une date prise des ann^es du
regne des empereurs de ia Chine; ce qui prouve, contre l’opinion re^ue,
que l’autoritd de ces souverains n’est pas mdconnue des colons chinois
de Timor.
« Les couleurs dont sont marquees les differentes parties des phrases
» ont rapport aux objets signifies : le bleu , aux defunts ; le jaune ou Tor,
» aux choses relatives au gouvernement ; le rouge , aux personnes vivantes ;
>• et, suivant toute apparence, le vert k des iddes astrologiques (1). Voici
» ce qu’on a pu dechiffrer d’essentiel :
» N.° 1. Hoang thsing, auguste dynastie Thsing (celle des Mandchous).
» Khian-loang , keuei mao : (1783), au milieu de I’automne, un heu-
reux matin.
» (Tombe d’une femme de la famille Kouo , &c. Le reste ne peut se
lire. )
» N.° 2. Huitteme ann6e Kia-khing : ( 1803 ), au commencement du prin-
temps, &c.
» (Tombeau d’une femme, &c. , 4 rig 4 par son gendre , &c. )
» N.° 3. Dix-huiti£me annee Kia-khing : ( 1 8 1 3 ), en 4 t 4 , un heureux matin , on
a enseveli, &c.
» ( Tombeau cTun lettre , dont on ne peut lire le nom. )
» On voit, par ces ^pitaphes , que le nom de la dynastie chinoise occupe
» la partie sup^rieure n.° 1 ; le nom du regne, lannee, le mois et le jour
» des funerailles , la premiere ligne i droite.
» Le titre, le nom et le surnom du d^funt , avec un court dloge , la
» partie moyenne, en un signe ou deux; et les noms et qualitds de ceux
» qui ont ^lev^ le tombeau , la derniere ligne ( a gauche ) , laquelle est
» toujours phis courte par respect. » Je dois ces explications a l’indpui-
sable complaisance de M. Abel-R^musat. .
La religion chretienne, arriv^e a Timor avec les Portugais, etendit jadis
sa doctrine dans tous les royaumes ou ces intr^pides conquerans p«fn^-
trerent. Le zele des ecclesiastiques qui les accompagnoient r^pandit
( 1 ) Les parties qui portent une autre teinte sur le dessin, repondent aux Iettres dont la cou-
leur etoit effacee.
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LIVRE II. < — Du Bresil A Timor inclusivement. 66 1
chez . les neophytes i’instruction avec les principes de la foi. Les mis- lie Timor,
sions etoient desservies par un moine dominicain dans chaque petit De I’homme
royaume , et par deux dans les plus grands. Le nombre des eglises qui
furent baties , dans ces temps de ferveur, s’eleva X plus de cinquante;
quelques-unes , etcelle de Coupang entre autres, changerent plus tard de
destination , par suite des conquetes des Hollandais. Mais ce qui porta
sur-tout un notable dommage au catholicisme , ce furent ces mesures,
fatales sous tant de rapports, qui, ayant mis I’administration portu-
gaise sous la dlpendance immediate de la colonie secondaire de Macao,
firent refluer k Timor une multitude de gens avilis et degrades , comme
nous I’avons dit plus haut. ( Voy. pag. 535.)
La debauche et les mauvaises moeurs devinrent la suite inevitable
de ce syst£me : bientot l’erreur se m£la k la v^rite ; les superstitions,
long-temps combattues, reprirent leur empire; I’instruction fit place k
1’ignorance; la foi se corrompit; les pratiques absurdes du paganisme
remplacerent , chez le peuple, cedes d’un culte £pur£, qui parvint rapi-
dement a cet odieux et ridicule melange qui ne montre presque que
I’idolatrie sous l’ecorce du christianisme.
Jadis un ^v£que r^sidoit a Timor, et avoit avec lui un grand nombre
d’ecciesiastiques ; mais , en 1 8 1 8 , il ne restoit plus qu’un seul de ceux-ci
a Dilld; les autres etoient morts, et il ne s’en trouvoit aucun dans I’inte-
rieur de 1 ’ile. Combien est loin le temps ou la plus grande punition que
les gouverneurs pouvoient infliger aux rajas revokes, etoit de ne pas leur
envoyerles missionnaires qu’ils redamoient d’eux avant toutes choses!
Cependant les metis portugais de Timor se montrent encore tres-forte-
ment attaches X la religion catholique. Heureux si cette lueur, quoique
vive, ne finit pas bientot par s’eteindre tout -k -fait au milieu des
tenures de 1’ignorance et de la contagion du mauvais exemple !
Les Hollandais, comme le remarqua jadis Peron (1) , s’occupent moins
de religion que de leur commerce; et quoiqu’ils aient une sorte de temple
k Coupang , il ne paroit pas qu’ils le fr^quentent avec assiduity.
Ce lieu de reunion des religionnaires bataves n’est autre chose qu’un
des anciens magasins de la Compagnie des Indes , etabli dans le fort Con-
( i ) Voyage aux Terres australes.
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He Timor.
De Thomme
en societe.
Amusemens.
66 2 VOYAGE AUTOUR DU MONDE,
cordia. Autrefois il existoit un temple plus nfgulier; mais un tremblement
de terre I’ayant detruit , ii n’en reste plus maintenant que les mines.
Comme I’eglise catholique de Dilie, dune architecture fort simple, n’a
point de clocher, la cloche destin^e k appeler les fideles k la priere
est posee sur des poteaux a hauteur d’homme, de maniere a pouvoir
etre tintee extdrieurement avec un marteau : on a vu que la m£me pra-
tique est suivie en Chine par les sectateurs de Fo.
Les mariages , chez les metis holiandais riches , sont accompagnls de
f£tes brillantes, ou beaucoup de luxe est deploye ; festins somptueux,
reunions bmyantes, danses, rien n’y est epargn^. L'usage veut qu’avant la
celebration de la noce, le mari fasse construire une maison : chacun
de ses amis lui envoie, a cette occasion, une branche d’arbre ornee de
fleurs et chargee de presens, qui consistent pour l’ordinaire en pagnes,
mouchoirs, gateaux de riz, noix d’arec, feuilles de betel, &c. Ces
branches se plantent devant la maison nouvelle , au son des instrumens ,
et Ton execute alentour plusieurs danses. Celui a qui ces prdsens sont
offerts donne en retour une ftte , ou un grand nombre d’individus des
deux sexes sont invites!
Ainsi qu’ii etoit anciennement d’usage en France , les dames metisses ,
portugaises prennent le deuil a dater du dec£s de leur epoux, et le con-
servent tant qu elles ne se remarient pas ; on en voit m£me qui font le
voeu de ne jamais contracter d’autre alliance, et qui en consequence
portent k leur cou, meme du vivant de leur mari , une medaille defde'Iite
de veuve : Dona Joachim (pi. 17) etoit de ce nombre.
Jungor, Paule, tuo, sic discessura cubili.
In lapide hoc uni nupta fuisse legar.
Properce, eleg. xi, lib. iv.
Nous placerons les reunions de societe au nombre des passe-temps
les plus recherches des habitans de Timor. Les metis europeens se visitent
le soir. Chiquer le betel, boire du the , causer de choses futiles ou d’aven-
tures amoureuses , teiles sont les occupations qui retiennent souvent les
convives jusqu'au milieu de la nuit. Quelquefois les esclaves chantent en
chceur en s’accompagnant du tambour timorien et du tamtam chinois. II
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LIVRE II. — Du Brasil X Timor* inclusivement. 663
n’est pas rare non plus que certains jeux de cartes ou de combinaisons
viennent ajouter k la diversity des amusemens. La reunion a lieu habi-
tuellement sous la grande varangue qui sert de peristyle X leur demeure.
Le charme des communications families n’a pas moins d’attraits pour
les indigenes; c’est sous i’<?pais feuiliage d’un grand arbre quails ont cou-
tume de se rassembier. Des danses de divers caract£res , des chants lan-
goureux , ies combinaisons du tchonka, sont Ies recreations qu’ils pr£-
ftrent et auxquelles iis se livrent avec le plus de Constance. Mais la comme
ailieurs, sans betel le piaisir ianguiroit.
C’est au betel, je i’ai dejX dit, que semble attachee toute leur exis-
tence. Parmi les preuves du grand cas qu’ils font de ce regal de predi-
lection, bomons-nous k en citer une : quelque degout quelle soit ca-
pable d’inspirer, je i’ai jugee trop caract&istique pour la passer sous si-
lence. Un superieur veut-il donner k son subordonne une marque si-
gnaiee de sa bienveiilance , il lui presente un reliquat de chique , qu’il
retire desa bouche ; et celui-ci le met avec empressement dans la sienne,
en temoignant par ses demonstrations combien i| se tient honore dune
telle faveur ( 1 ). La jeune fille envoie un semblabie cadeau , enveloppe
d’une feuille de bananier, au jeune homme quelle preftre; une esclave
fid&ie est chargee du niessage; et celle-ci rapporte en echange a sa
maitresse un gage d’amour du m£me acabit.
Danse. — - Les Timoriens ont pour ia danse un gout decide : cet exer-
cice, sur iequel iis savent repandre les agremens de la diversite, consiste
bien moins pour eux dans le mouvement cadence des jambes , que dans
celui des bras et du corps. La plupart de leurs danses sont lentes et graves ;
quelques-unes represented certaines actions de la vie , comme des guerres ,
des chasses , &c. ; toutes ont de la grace , de la noblesse , et exigent parfois
beaucoup de souplesse, ou m£me, ce qui est ici plus rare, de la vivacite.
Tantot c’est la voix qui r£gle I’execution des figures, tantot c’est le son
bruyant du tambour maiais et du tamtam , &c. Nous avons 6 t6 temoins
d’une danse de caractere : d’abord , tous les figurans se tiennent par la
main et sur une seule file ; la personne qui est k la t£te chante des paroles,
dont le refrain est r£p£t£ en choeur; une autre, armle d’un bambou, a
lie Timor.
De i’homme
en societe.
( 1 ) Voyez Crawford , op . cit .
Voyage de VUranie. — Historiquc.
pppp
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lie Timor.
De Thom me
en jociete.
664 VOYAGE AUTOUR DU MONDE,
i’air de remplir les fonctions de chef d’orchestre et de coryphee, et
frappe rudement ie danseur qui trouble I’harmonie de I’ensembLe: success
sivement la file se replie en differens sens autour des tambours places au
centre; les pas, d’abord peii precipites, sont bientot accompagnls d’une
agitation convulsive et burlesque du corps et des bras , agitation tellement
fatigante , que les acteurs finissent par demeurer haletans et couverts de
sueur.
Les jeunes Elies aiment beaucoup certaines rondes monotones pendant
iesquelles les danseuses ne font qu’une demi-r^volution pour revenir
ensuite sur elles-m£mes. Ces rondes, quoique moins anim&s que celles
de la Basse-Bretagne, qui ne le sont cependant guere , ont au reste avec
elles beaucoup de ressemblance.
Peron (i) donne la description de plusieurs pantomimes timoriennes
fort agr&ibles , que nous ne reproduirons pas ici. Parmi celles que nous
avons vues, nous nous bornerons it citer un petit drame ^rotique ou tout
est gracieux et decent. « Une jeune fiancee re^oit en dansant les voeux
successifs de plusieurs pr^tendans qui lui expriment la violence de leur
amour, lui offrent pour la s^duire divers objets prdcieux, et finissent par
jeter surelle lemouchoir quits ont tenu j usque-la a la main : ce mouchoir,
s’ii n'est pas de la personne aim^e , est aussitot repoussd avec d&lain. Leur
fortune rival arrive enfin : il d^bute par les m£mes demonstrations ; mais
combien est different l’accueil affectueux qu’ii re$oit ! Le reste du drame
n’est qu’une sorte de repetition des premieres scenes; seulement les -rivaux
s’y montrent alors ensemble ; la jeune fille cherche parmi eux ie bien-aim^ ,
et le combie des marques de sa tendresse; elle repousse au contraire avec
mepris et meme avec coiere ceux qui i’obsedent encore d’un amour qui
n’est point partage. Signes du plus grand ddsespoir de la part des amans
rebut^s , transport d’ivresse, ravissement de I’amant heureux : tel est Ie
denouement, » ( M. Gaudichaud).
Musique. — La musique timorienne , en general d’une facture simple
et peu rapid e, porte le caractire de la nonchalance inn^e des habitans.
Ils ont des airs a plusieurs parties, ou ies voix; d’hommes et de femmes
sont agr&blement marines. Ceux qui accompagnent lews danses sont
( i ) Voy. aux Ter. austr. t. IV, 2. e edition.
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LIVRE II. — Du Brasil X Timor inclusivement. 66 5
parfois fort raeiodieux. J’ai entendu en r8oi, des guerriers, group^s en
rond , chanter dune voix grave etlente, tandis que.des femmes reunies
au centre chantoient aussi 4 des intervailes notes , en faisant entendre
de$ accens plaintifs qui contrastoient par la vitesse du mouvement : la
finale se composoit de fortes acclamations des hommes , dont i’harmonie
mile produisoit un bet effet. Je regrette de n’avoir pu alors noter cet air ,
dont il ne me reste aujourd’hui qu’un souvenir imparfait. L’ Atlas du
Voyage aux Terres australes , a. e Edition, contient queiques modules de
musique timorienne. Les habitans, lorsqu’ils travafllent , chantent presque
sans cesse , sur-tout si i’occupation a iaqueile ils se iivrent exige le concours
de piusiieurs individus et une sorte de simultaneity d ’action , comme quand
il leur faut pagayer dans une pirogue , porter en commun de lourds
fardeaux, battre le riz, &c. , de mime aussi pour s’encourager i’un I’autre
a 1 ’ouvrage. Nec solum in its operibus , in quibus plurium conatus , praeunte
aliqua jucunda voce, conspirat ; sed etiam singulorum fatigatio quamlibet se rudi
modulatione solatur. (Quint. Inst. orat. lib. 1, cap. 10.)
Queiques violons et des basses fabriqu^s dans le pays m£me; des
harpes apportees de Batavia, et dont la forme particuiiere se trouve
indiquee dans notre atlas (pi. 19); queiques flutes traversi£res ; des
espcees de clairons venus peut-itre de Chine ; un petit nombre de pianos ,
de fabrique anglaise, et des guitares : tels sont les instrumens qui se voient
ici chez les riches metis europeens. Les indigenes ont le tambour timorien
et.le tamtam chinois ; une sorte de flute k bee, dont I’embouchure est sin-
guliere et le son fort doux ; un instrument a cordes, en bambou ,
nomme sousounou a Coupang, et akadou k Dille ; une sorte de guimbarde
aussi en bambou, et des mirlitons en feuilles de latanier; enfin l’instru-
ment appeie bobre k I’He-de-France, espece de monocorde consistant en
un arc en hois tendu par un fii metailique ; on joue de ce dernier en frap-
pant sur la corde avec une petite baguette, cequi produitdes sons foibles,
dont on peut cependant accroitre un peu ou varier i’intensite, soit en
modifiant la force du coup, soit en faisant agir la baguette tan tot au centre,
tantot aux extremites de la corde. Cet instrument sert a feire danser et
mgme k accompagner le chant , dont il dessine bien le rhythme.
Jeux. — Nous ne dirons rien ni des combats de coqs, et des paris qui
pppp’
lie Timor.
De i’homme
en societe.
4
1
1
1
1
4
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666 VOYAGE AUTOUR DU MONDE.
lie Timor.
De Phomme
en societe.
en sont ia suite, ni des jeux de cartes ou autres imports de i’Europe ou
de ia Chine. L’espace qu’il nous est permis de consacrer a cette matidre,
sera convenablement rempli par ia description d’un jeu de combinaison
fort en vogue a Timor, ou ii est appeid tchonka ou tjonka. Connu dans
Unde et m£me a file - de - France, ou ies Maiabares qui fy ont introduit ie
nomment panangouni , ce jeu est aussi rdpandu, je crois, dans certaines
provinces russes.
L’instrument qui sert k ie jouer consiste en une table ou en tin petit
meubie de bois qu on peut piacer sur ses genoux ; plusieurs cases hdmi-
sphdriques y sont creusees , et sont destinies a recevoir des bilies ou
de petites coquilies. On donne au tchonka des formes pius ou moms
dldgantes; mais un paralldlipip£de en bois pourroit suffire.
Void ceiie qui est ia pius ordinaire :
Deux grandes cavitds dgaiement hdmisphdriques , A et B, nommdes
roumas ou magasins, se trouvent placdes k cbaque extrdmitd du tchonka;
ia capacity doit en £tre caicuide de manure que fune et f autre puissent
contenir ia totality des biiies dont on fait usage. Chacun des joueurs a son
rouma a droite ( i), et devant iui une sdrie de cases pius petites, dh
nombre arbitraire, que, pour fixer Ies idles, nous supposerons dtre de
sept (2).
Chacune de ces petites cases est garnie d’un nombre de biiies Igai a
ceiui de la slrie (3). Les deux partners commencent iapartie en mime
temps* A cet effet, iis prennent dans ia main droite toutes Ies biiies qui
( i ) Voyez dans TAtlas Ies planches n. os 18 et 2 j.
(2) Nous avons vu des tchonkas ou Ie joueur n’avoit devant Iui que six cases, (Tautres ou
il en avoit neuf ; mais, ainsi que je Tai dit, ce nombre est tout-i-fait arbitraire. Cependant*
comme il sera facile de Ie concevoir, Ies combinaisons du jeu sont d’autant plus difficiles qu’il y
a une plus grande quantite de cases.
(3 ) Ces biiies ont environ 3 Iignes de diametre.
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LIVRE II. — Du Br£sil X Timor inclusivement. 667
sont dans une de leurs cases propres , ad libitum, en exceptant toutefois la
case de I’extrXme gauche : on en verra plus tard la raison. Partant ensuite
de cette case , ie joueur depose, en allant de gauche X droite , une bille dans
chaque case qu’il rencontre, y compris son rouma, et il continue de ia
m£me manure dans les cases de son adversaire, qu’il parcourt alors de
droite & gauche , jusqu’X ce qu’enfin sa demiere biiie ait 6t6 posde. Arrive
X ce point , il relive toutes ies bilies qui se trouvent dans la case ou est
cette demise bille, et il continue k parcourir, dans Ie sens prescrit, Ie
reste des cases de son adversaire , puis Ies siennes propres , et ainsi de suite.
II faut remarquer qu’on ne doit point, en passant, mettre des bilies
dans Ie rouma de son adversaire.
Lorsqu’ii arrive qu’un des joueurs place sa demiXre bille dans une case
vide, il doit s’arrXter et rester IX comme en prison; mais pour se d&Iom-
mager, il prend, X titre de consolation, toutes Ies bilies qui se trouvent
vis-X-vis de celle-IX , et Ies met dans son rouma. L’autre joueur alors con-
tinue seul la partie, jusqu’X ce qu’un has^rd pareil Ie constituant prisonnier
X son tour et aux m£mes conditions , son adversaire recouvre la liberty.
Dans cette lutte prdiminaire, on a marchd en aveugle; il s’agit main-
tenant d’avoir recours aux combinaisons. Pour recommencer X jouer , il
vous est ioisible de prendre ies bilies dans celle de vos cases qu’il vous
plait; mais si, en distribuant ces bilies ainsi qu’ii a 6t6 dit, la demiere
tombe dans votre rouma , comme vous ne devez pas relever Ies bilies qui
s’y trouvent , vous Xtes en droit de recommencer X prendre des biiles dans
une autre case X votre choix, Cette circonstance de finir sa distribution
dans son rouma, est une des plus avantageuses du jeu; aussi I’ habile te
consiste-t-ejle X la faire naitre Ie plus souvent possible. EHe peut survenir
au commencement de la partie , c’est-X-dire, avant que fun des partners ait
6t6 obligl de suspendre son jeu : elle donne lieu aux m£mes consequences.
AprXs tout, il n’est pas toujours facile de placer sa derniXre bille dans
Ie rouma: y arriver directement est rare; Ie faire par une suite de coups
tient X un calcul fort compliqul : aussi est-ce IX que la routine du joueur
et sa sagacite doivent venir X son aide. En thXse gen<£rale , lorsqu’on recom-
mence X jouer, il est avantageux de prendre des biiles dans celle de ses
cases ou elies sont ie plus amoncelees.
lie Timor.
De Hiomme
en societe.
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lie Timor.
De Thomme
en societe,
668 VOYAGE AUTOUR DU MONDE.
Quand vous devenez prisonnier une seconde fois , votre adversadre
reprend le jeu ainsi que vous I’aviez fait vous-ra£me, et vous vous rele-
vez ainsi successivement jusqu’a ce qu’ii n’y ait plus de billes dans, Les
cases, et que toutes aient passe dans les roumas. Alors celui.qui a le
plus de. billes a gagn£ la partie; et si I’on est convenu de jouer a taut la
bilie , on regie son compte en consequence.
Tel est le jeu de tchonka a partie simple. On peut aussi le jouer en
parties liees , et voici comment. ,
Nous avons suppose que chaque joueur avoit sept cases devantlui,
non compris son rouma; par consequent on aura mis, en coramen^attf le
jeu, sept billes dans chaque case, ou quarante-neuf devant chaque joueur.
Admettons qu’& la fin de la premiere partie , le joueur M ait gagne vingt
billes au joueur N, celui-ci n’aura plus que vingt -neuf billes dans sOn
rouma; a la seconde partie, N ne pourra done charger que cinq cases,
en mettant cinq billes dans chacune , et il en restera quatre dans , s©n
rouma. Cette nouvelle disposition oblige alors a ne regarder le tchonka
que comme compose de cinq cases de front au lieu de sept. Le joueur M
chargera done de son cote cinq cases a cinq billes chaque , et Ton c©m-
mencera le jeu sans faire aucune attention aux cases vides. Pour le reste
on se conforme aux regies donntfes pour jouer la premiere partie.
Si le joueur M a continue d'etre favoris^ , et qu’ii ait encore gagn£ neuf
billes au joueur N , celui-ci n’en aura plus que vingt dans son rouma.
Veut-on continuer le jeu? Le joueur N ne pourra charger avec ses
vingt billes que quatre cases a quatre billes chaque. M en fera autant
de son cat6 , et fon continuera le jeu comme si le tchonka n’avoit que
quatre cases de front. On voit comment on pourroit continuer en ne
chargeant que trois cases, &c.
II y a une trois i^me maniere de jouer le tchonka, qui suppose plus
d’habilet<f encore que les deux autres ; mais elle exige que chaque joueur
ait son tchonka particulier. Le but qu’on se ^propose alors consiste a
relever toutes les billes du jeu, dans le plus petit nombre possible de
coups , et en suivant les regies donnees plus haut, a [’exception toute-
lois d’une seule que I’on viole des le d^but , en commen^ant par lever
les billes devant soi, dans la case la plus d gauche, ou ici dans la case
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LIVRE IlL — Du Bresil a Timor ihclpsjvrment. 66p
n.° 7. Si on les distribue selon I’ordre prescrit , la premiere sera mise dans He Timor,
la case n.° 6, et la derni£re tombera dans le rouma: vous 6tes done en De 1’homme
dro\t de lever les bilies dans celle de> vos cases qu’il vous convient. Mais
id ie talent du joueur consiste a combiner ses coups de maniere, ,i. 0 a
ne se mettre jamais dans i’impossibiiite de jouer (ce qui auroit lieu si la
derni&re bilie qu’il a dans la main arrjvoit dans une case vide); z.° k
eviter de suivre une fausse marche qui , lui faisant jouer un trop grand
nombre de coups, tourneroit a I’avantage de son adversaire.
II est a propos de dire que, dans cette partie comme dans les deux
autres, on ne doit point mettre de bilies dans le rouma de gauche.
Cette demi&re maniere de jouer au tchonka rentre tout -a -fait dans
le domaine des combinaisons , et peut £tre soumise a un caicul num^-
rique. Je donne plus bas un tableau qui contient le r&ultat de ce caicul.
On a affect^ un numero a chacune des cases du tchonka ; et i’on voit,
dans ies chiffres du tableau, l’indication de la case o£i il faut puiser
chaque fois qu’on a mis dans son rouma la derniere bille qu’on avoit en
main. Ainsi les chiffres qui font face au nombre 7 de la premiere coionne,
donnent a connoitre qu’on doit lever, en commenpant le jeu, ies bilies de
la case n.° 7; au second et au troisteme coup, celles de la case n.° 1 ;
au quatrieme, celles de la case n.° 3, et ainsi de suite.
J’ignore comment ce tableau a 6te forme; mais les personnes accoutu-
mees au caicul de ce genre de combinaisons pourront facilement con-
cevoir la manure d’en dresser un semblable. Celui-ci m’a 6t6 commu-
nique ci Coupang; j’en ai'plusieurs fois fait usage, et j’ai trouve qu’il
repondoit bien au but. Malheureusement la copie qui men reste a ete
faite avec peu de soin ; et j’ai lieu de croire ou plutot je ne puis douter
qu’il s’y est glisse des erreurs. Tel qu’il est cependapt >; ii m’a p^rn propre
i en faire connoitre les elemens, et a mettre sur la yoie ceu|c,qui aurpjent
envie de le rectifier. J’ai neglige. moi-m^tne d’ecrir^ snr^e^^otesj.qe q,^,
signifient ies chiffres qui sotnt portes dans la premiere cplqpne de. gauche .
et j’ai eu tort en-cela.de compter sur m3, memoire; if est possible que
quelques meditations sur cet objet le fassent concevoir a ceux qui ^urpnf
a leur disposition plus de loisirs que je p’enai; ^qji-mfrj^., r •,
-> j . . -i : v. - 'Ml 'ii: . : •"I’! ;r> •>
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VOYAGE AUTOUR DU MONDE.
lie Timor.
De i’homme
en societe.
Agriculture.
6 70
TABLEAU indie atif de l' or dr e dans lequel les bides du tclionka doivent
Hne successivement levees , pour arriver a la jin du jeu avec le plus
de promptitude possible.
INDICATION
NUMEROS DES CASES
DU
TCHONKA
REMARQUES.
DES TOURS l
DONT LES BILLES DOIVENT ETRE SUCCESSIVEMENT LEVEES.
7 djalan (*).
7
1
1
3
3
5
3
1
1
4
5
5
4
j
3
7
(*) Ce mot djalan , qui
cst maiais , signific
1
2
5
1
1
3
7
4
1
alter, marcher , partir
6
4
;
3
7
2
4
d
4
S
4
3
pour un voyage , et
peut-etre ici, par ex-
tension , un tour (au
6
7
2
4
6
2
4
2
1
3
5
2
3
6
2
2
j
4
jeu).
2
7
2
1
2
3
1
6
4
5
1
.
2
1
2
1
7
1
4
1
3
1
6
2
1
1
4
1:2:312
► Je crols me rappeler
r
2
4
6
3
j
1
* : y
6
7
4
1
6
2
4
2
| que ces chiffres , sc—
pares I’un de 1 autre
T
< •
I
2
2
7
2
I
1
1
4
1
3
1
7
1
par deux points, in-
diquent qu'on peut
indistinctcment lever
2
I
6
3
4
1
6
1
les billes dans l'une
ou dans 1’autre des
4
7
4
6
4
1
1
3
y
/
j
Cd$ci ouc ic numcro
repr^ sente ; ce pen-
3
<7
s
4
S
2
4
3
1
6
6
dant, je ne voudrois
)
/
j
pas I’aflirmer.
2
*
4
c
1
4
3
1
5
6
‘
2
6
2
3
,
j
1
1 ........
7
6
/
=
_
_
-
%. VIII.
Industrie agricole et manufacturiere.
Quelque grossiers que soient ies proc^des de culture chez les peuple6
les moins civilisds, ils offrent toujours a l’observateur des points de com-
paraison dignes de son int<:r£t; il se plait a m^ditersur l’enorme distance
qui se trouve entre les expddiens que le genie encore brut de I’homme
parvient a lui suggerer, et ces inventions admirables qu’il est capable de
produire lorsqu’il a acquis tout son d^veloppement au sein d’un etat
social perfectionn^. Les habitans de Timor, ainsi que nous l’avons dit,
composent en grande partie leur nourriture de produits vegetaux; et ce-
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LIVRE II. — Du Brasil X Timor inclusivement. 671
pendant on va voir que ies moyens qu’iis consacrent k leur reproduction lie Timor,
sont bien loin d’etre parfaits. De I’homme
* soci^tc
Outils. — Un simple piquet de bois dur, mediocrement gros, et pointu
a I’une de ses extr^mit^s , est le seul outil qu’on empioie pour fa^onner ies
terres de i’int^rieur, m^me celies qui sont destinies a recevoir ia semence
des c&daies. II fait aussi fonction de pioche. A Coupang et dans les en-
virons, la houe k long manche, que Ies Europ^ens y ont introduite,
sert a-Ia-fois pour la culture du riz et pour celle des plantes potageres ;
cependant D. Jose Pinto, gouverneur de Dilie, a fait venir de Macao, et
m£me confectionner a Timor, pour l’usage de ses domaines, d’autres
instrumens aratoires semblables a ceux d’Europe.
Engrais. — Les colons chinois, qui dirigent ici la plupart des cul-
tures Ies plus productives, emploient quelquefois comme engrais le fil-
mier de cheval et celui de buffle , sur-tout dans les plantations de tabac ,
qui se font regulierement en juillet ou en aout : mais rarement, dans un
pays ou le terrain propre k 1’agriculture est surabondant ( 1 ), se donne-t-on
la peine d’amender le sol ; on aime mieux defricher un nouveau champ.
Les terrains destines a la culture du riz de marais , eaygeant des con-
ditions d’arrosage difficiles a rencontrer, sont, avec Ies jardins potagers,
les seules propri<£t& particulieres ; pour le mai's , chacun est libre d’en-
voyer ses esclaves en semer ou bon lui semble ; jamais , fl cet £gard , il n’y
a de contestation.
Travaux de culture. — Les procdd^s de defrichement sont k Timor
d’une extreme simplicite; ils ont seulement l’avantage d’etre expeditifs.
Dans Ies terrains bois^s, on fait consumer par le feu, apres Ies avoir
coupes , ies arbres et leurs racines ; dans Ies autres , on a recours au mcme
expedient pendant la s^cheresse, pour les debarrasser des herbes et des
broussaiiies qui couvrent leur surface. Telle est la disposition unique
donn^e aux champs qui , k la saison humide suivante , doivent recevoir
ies plantations de mai's. On procede k ia preparation des rizieres avec
plus de soin ; des troupeaux de buffles sont avant tout envoy& syr le ter-
( i ) II n’y a pas une fie dans I’archipel d’Asie tout entier, dont la cinquieme partie soit oc-
cupee; et dans la plupart, la centieme partie des terres n’est pas encore en culture. (Crawfurd,
op. cit. t. 111. )
Voyage de VUranit. — Historique.
Qqqq
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He Timor.
De Phomme
en societe.
6 7 2 VOYAGE AUTOUR DU MONDE,
rain, pour y ecraser par ieurs pietinemens les piantes et les mauvaises
herbes; le so! est nettoyd ensuite avec la houe, avant d’y semer ie riz (i).
Quand celui-ci est assez grand, on Ie transplante; operation qui se fait
ordinairement quarante jours apres Ie semis. Trois mois plus tard encore,
ieriz macassar est bon a couper, tandis que le riz bpugis exige un mois
de plus. On commence k semer cette graminee dans la saison pluvieuse,
c’est-a-dire, en janvier.
Dans toutes les parties de I’archipel d'Asie (2) , on rdcolte deux especes
distinctes de riz : Tune croit sans I’immersion prealable de la semence
dans i’eau ; cette immersion est indispensable pour I’autre. Ces especes
different tr^s-peu , soit quant a la configuration du grain , soit quant a la
qualite : cependant Ie riz de marais se vend generalement plus cher; Ie
grand avantage qu’il y a de Ie cultiver ne vient done que de ce qu’il rap-
porte plus de grain. A Java, on distingue deux varietes importantes de
chacune de ces especes : Ie grain de Tune est gras, productif et deli-
cat , mais n’arrive & une complete maturite qu’au bout de sept mois ; le
grain de 1’autre est plus petit, moins agreable et moins abondant, mais la
moisson sen fait deux mois plus tot; on cultive constamment celle-ci
dans des terres substantielies , ou 1’on ne retire qu’une recolte dans l’an-
nee; celle-la en donne deux, et vient dans des terres bien arrosees, et de
qualites superieures. Ces varietes, mais plus particulierement le riz de
marais, sont partagees en un grand nombre de sous-varietes , telles que
celles dont le grain est rond ou long , celles dont la couleur est noire ,
rouge ou blanche, &c.
J’ignore si toutes ces qualites de riz croissent a Timor; nous n’en
avons observe que de deux sortes , Ie rij macassar, qui est oblong , et Ie
rii bougis , dont Ie grain est arrondi.. ( Voyei pag. 580.)
Apres les Chinois, les Malais sont, de tous les habitans de Timor,
ceux qui entendent le mieux' les travaux agricoles, quoiqu'ils s’en oc-
cupent avec. leur indolence accoutumce. Mais, a proprement parler, ce
( 1 ) II m’est demontre que Peron avoit eu des renseignemens inexacts sur Ie mode de culture
du riz, dont il parle dans Ie troisieme volume du Voyage aux Terres australes f pag. +oj #404,
2 / edition). ' :
(2) Voy. Crawfurd, op cit. 1 . 1 .
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LIVRE II. — Du Brasil a. Timor inclusivement. 67$
sont les esclaves , chez les uns comme chez ies autres , qui supportent le
poids du labeur; ies femmes de cette classe sur-tout en ont dans leur lot la
part la plus p&iibie; ies hommes se chargent tout au plus de conduire
ies bestiaux qui doivent donner ia premiere fa9on au soi (1).
Recoltes. - — Le mais , qui est une des ressources ies plus importantes
de Timor, y est cependant confte k des terres d’un tr£s-foible rapport.
Selon Crawfurd , on’pourroit, dans un bon terrain, obtenir quatre cents
et m£me cinq cents pour un ; tandis que, dans un mauvais soi , on ne retire
queiquefois pas au-deii de soixante a soixante-dix fois la semence.
Quand' ie riz a £te coupe, ies femmes ptetinent dessus ou le battent
pour en extraire le grain, que l’on conserve ensuite sans le d^pouilier
de sa glume, qui ie preserve contre ies atteintes de ia chaleur et de i’hu-
midite de fair. On sait en effet qu’en cet ^tat, ie riz est, pour ainsi dire,
inalterable , et qu’on peut le garder tres-sain pendant un grand nombre
d’annees. Le depouiiler de cette enveioppe et Ie vanner font partie des
attributions des femmes, qui sen occupent dans ieur menage au fur et a
mesure du besoin. Un piion et un mortier en bois sont ies ustensiies con-
sacr^s A cet usage : deux et queiquefois trois d’entre eiies proc^dent a la
trituration des capsules du grain , en frappant en cadence. ( Voyei pi. 18.)
Le riz, cultrvte dans un soi vierge dont on a brute Ies arbres, Ies
broussailies et Ies mauvaises herbes , peut , dans de favorabies circons-
tances , rendre de vingt-cinq k trente pour un ; celui de montagne , dans
une terre arable ordinaire, quinze pour un, et c’est ce qu’on regarde
comme une bonne r^coite. Quoi qu’il en soit, diverses causes, teiies
que la constitution atmosphlrique , ia quality du soi , ie soin donne a la
culture, i’espece ra^me du grain, concourent a rendre cette donnee fort
douteuse (2).
Les plantes tegumineuses , qui forment une partie essentieiie de ia
nourriture des habitans , le tabac , qui a pris rang parmi leurs plus pressans
besoins , sont soumis k des proc^des agronomiques dont ia simplicity rus-
( 1 ) Les travaux de la charrue , de la herse et de la beche , ainsi que tout ce qui se rapporte a
Pimportante operation de Pirrigation , sont executes , a Java, par Ies hommes; mais Ies travaux
plus lagers de semer, de transplanter, de moissonner et de battre Ie grain, appartientient presque
exclusivement aux femmes. ( Crawfurd , op. cit. 1. 1. )
( 2 ) Voyez Crawfurd , ibid.
Qqqq*
He Timor.
De Thom me
en sOcreter
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lie Timor.
De Phomme
en societe.
Chasse.
Peche.
6 74 VOYAGE AUTOUR DU MONDE,
tique seroit peu propre A piquer ia curiosite. Des details sur.la culture
du cafe offrirQient sans doute plus d’infefet , mais les circonstances ne nous
ont pas permis de I’etudier. Nous nous bornerons done A rappeler que les
premiers plants de ce precieux arbuste, introduits a Timor en 175)5, Y
furent deposes en terre par les mains de dona Francisca Varquem, Spouse
du major Joa5-Baptista Varquem, alors gouverneur portugais de Timor;
ils provenoient de Rio de Janeiro , et existent encore tres-grands et tres-
vigoureux, a Dille, dans le jardin du gouvernement.
Education des bestiaux. — II seroit peut-£tre exact de dire que la
nature se charge ici de tous les frais et de tous les soins qu'une telle
industrie comporte. A Coupang comme a Dilfe, i’incurie des habitans
est, acet egard, complete. Les abeilles m£mes, dont le produit est si
important et si utile, vivent a l’etat sauvage et nichent dans les bois. Aussi
la recolte n’exige-t-elle des habitans que la peine d’aller chercher le miel
et ia cire qui y abondent.
Le buffle (1) et le cochon sauvage, le cerf, et peut-£tre aussi le
babi-roussa , sont les animaux a la chasse desquels les Timoriens se
iivrent le plus ordinairement : des lances et des gourd ins d’un bois tres-
dur, sont les armes qu’ils emploient sur-tout & cet efFet. La chasse des
singes et ceiie des oiseaux sefont avec ia sarbacane et les fleches de bam-
bou, dont les habitans se servent avec beaucoup d'adresse. Ils tuent aussi
de grandes chauves-souris en les frappant avec des batons , dans les re-
traites ou elles se refugient la nuit : cette derniere chasse se fait aux
flambeaux.
En general , les habitans de Timor ne sont pas fepufes £tre de fort
habiles p£cheurs. Quelques hommes cependant, venus de Solor et de
Macassar, sont des marins assez experiments, et se Iivrent A la p£che
avec plus de succ£s ; il nest pas rare m£me de les voir attaquer la
(1) Dans le quatrieme volume du Voyage aux Terres australes, Peron adecritla maniere
dont les Timoriens chassent Ie buffle. Trente ou quarante hommes se mettent en campagne a-
Ia-fois; chacun est arme de plusieurs batons gnos et courts , avec lesquels ils assomment fanimal
qu’ils attendent dans une embuscade; etourdi de tant de coups , il tombe, et ce moment est saisi
pour lui percer les naseaux, et y fixer" une corde double fort longue> qui, attachee aussi aux
comes, sert aux chasseurs a se rendre facifement maitres de lui, quoiqu’il devienne furieux
aussitot qu’il a repris ses sens.
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LIVRE II. — Du Bresil a Timor inclusivement. 675
baleine, genre d’industrie que leur disputent, avec une activity si grande He Timor,
et si soutenue , ies Anglais et les Anglo-Am&icains. Le moyen grossier I’homme
qu’iis emploieht pour I’extraction de I’huile doit necessairement entrainer
la perte dune grande quantity de cette substance : ii consiste k couper ie ■
c^tac^ par morceaux , que Ton suspend ensuite au soieil a des arbres ; des
vases places en-dessous r'e^oivent la partie fluide qui en d^goutte.
La p£che des tripangs leur fournit un resultat plus avantageux et plus
certain. Ce sont Ies Macassarais et Ies gens de Coupang qui s’en occupent
avec Ie plus dassiduit^. Cent navires de vingt Acinquante tonneaux quittent
Cd^bes toutes ies ann^es pour se livrer k cette p£che importante. Dans
ce nombre, vingt font la p£che sur Ies rivages de Timor, de Simao,
de Rottie et de quelques lies ou bancs voisins; plus de quarante s’a-
vancent, pour Ie m£me objet, jusques aux cotes septentrionales de ia
Nouvelle-HoIIande. Macassar ensuite est Ie marche ou viennent se r^unir
tous Ies produits de ce genre qui ont 6 t 6 recueillis , et on les exporte de la
presque en totality en Chine. Un navire de vingt tonneaux, arm<f de vingt -
cfnq hommes d’^quipage, est con si d^ comme ayant fait un bon voyage,
dit Crawfurd (op. cit ), lorsqu’il rapporte 7 000 pounds weight [3173 kilo-
grammes] de tripangs (s£ch£s).
Sur Ies cotes de Timor, et par-tout ou Ies localites Ie permettent, Ies ha-
bitans ont &abli des enceintes ou pares (i)pourretenirlepoisson qui y entre
avec la maree. Iis font usage aussi d eperviers , sur-tout a I’embouchure
des rivieres ou pres des plages sablonneuses , de la seine, du filet a deux
batons , et enfin du trident , sur Ies fonds vaseux et peu profonds , ou se
prennent Ies poulpes et Ies raies. Les habitans r^ussissent mal a la peche
avec la ligne , sans doute parce qu’il leur est difficile d’avoir de bons ha-
mefons. La plus grande partie du poisson qu’ils p£chent est sdche , et
plus rarem^nt sal£ , seuls moyens quils aient de Ie conserver pour I’ap-
provisionnement de ieurs maisons, de leurs navires et de leur commerce.
En g^n^ral on mange ici peu de poisson frais ; Ie poisson sec, au con-
(1) « Quelques-uns de ces pares sont constructs en pierres seches, Iaissant entre elles de nom-
breux interstices; d’autres sont faits avec des pieux, rapproches Ies uns des autres et disposes de
maniere que Ie poisson ait Ia facilite de penetrer dans l’enceinte et beaucoup de peine a en
sortir. » ( M \ Lamarche . )
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G005
He Timor.
De i’homme
en societe.
Arts chimiques.
6 7 6 VOYAGE AUTOUR DU MONDE.
traire , est dune consommation aussi universelle , parmi les insulaires
indiens, que lest la viande dans nos contrees (i).
Leurs procdd^s pour la p£che de la tortue , des crustac^s et des co-
quillages , ressemblent a ce que nous pratiquons nous-m^mes.
Vin de palmier. — Le vin de palmier, nomm^ kalou et touak & Timor (2) ,
et toddy par les Anglais , s’extrait assez g^neralement de tous les arbres de
la famille des palmiers , mais plus particulterement du cocotier , du l^tanier
et du gomouti , auquel , dans le pays , on donne m£me aussi quelquefois le
nom de touak. Pour obtenir cette liqueur, d£s que les bourgeons de la
fructification commencent a paroitre , on les frappe pendant trois jours suc-
cesses avec un petit baton , dans la vue de determiner I’afflux de la seve
vers la partie bless^e (3). Le bourgeon est alors coupe k peu de distance de
sa base, etla liqueur qui en decoule est re^ue dans des pots en terre cuite ,
des bambous ou d’autres vases. Dans le principe , elle est ciaire et a une
saveur douceatre qui plait assez , et lui fait donner alors par les Malais le
nom de manis [sucree]; peu de temps apres , elle devient trouble, blan-
chatre, aigrelette, et tourne promptement k la fermentation vineuse, fce
qui lui communique aussi une propri^te enivrante : dans cet etat, on
en consomme de grandes quantity a Timor. Cette liqueur n’est pas
desagreable k boire, mais l’usage en est dangereux, sur-tout pour les
Europ^ens , qu’ii predispose & la dysenterie et k la fifevre. Au bout de
tr^s-peu de temps, le kalou tourne a l’aigre tout-i-fait, et fournit un
vinaigre mediocre. Si l’on distille la liqueur avant cette alteration , on en
obtient un alcool recherche des habitans , quoiqu’il flatte moins le gofit
que le tafia ou l’arack.
Les liqueurs spiritueuses de ce dernier nom s’obtiennent ordirtairement
par la distillation de la canne k sucre ou de ses produits. Mais les Chi-
nois de Coupang les denaturent en y incorporant de l’anis r c’est alors
une sorte d’anisette, dont la vente est pour eux 1’objet d’un privilege
important et exclusif.
Arack de Batavia. — Le fameux arack de Batavia, qui est aussi un
( i ) Voyez Crawfurd , op. cit.
(a) Touak est le nom malais.
(3) Voyez Crawfurd, op. cit. 1 1.
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LIVRE II. — Du Brasil X Timor inclusjvement. 6 77
produit des alambics chinois, se fait avec un mdlange de melasse, de vin
de palmier et de riz reunis, dans les proportions suivantes (1); savoir:
Melasse
Vin de palmier
Riz
62. )
f lesquelles 1 00 parties en donnent
5 ‘ j 25 i d’arack.
35. ) J 1
lie Timor.
De i’homme
en societe.
100.
Le proc&le de fabrication consiste a faire d’abord bouillir le riz dans
de Feau ; apres I’avoir Iaiss£ refroidir , on y ajoute une certaine quantity de
levain , et Ion presse le tout dans des paniers places a cet effet sur une
oV plusieui’s cuves pendant huit jours, afin d’en extraire le liquide qui
flue abondamment. Celui-ci est ensuite retire , et m£I£ avec la melasse
et le vin de palmier qu’on a d’avance combines ensemble. Le melange
reste dans de petits vases un jour seulement, puis est transvase dans de
larges cuves ou on le laisse fermenter pendant sept jours. La fermentation
terming , on place la liqueur dans Falambic, et, selon le degre de dis-
tillation quelle subit, on obtient en definitive les aracks des premiere,'
seconde et troisieme qualites du commerce.
Biere. — Les habitans de Coupang font encore une boisson spiritueuse
nommee larou, avec la racine d’un arbre qui, dit-on, est le kayou-amboin.
On commence par enlevet lecorce de cette racine ; puis on la coupe en '
morceaux de trois a quatre pouces de longueur, qu’on met dans un vase
rempli dune suffisante quantity d’eau ; on y ajoute une certaine dose
de sirop ou de sucre de palmier : le tout reste k fermenter Fespace de six
a huit heures. La m£me racine peuit servir pendant plusieurs mois de
suite; il en faut environ deux poignces pour faire sept & huit pintes de biere.
La premiere semaine, la liqueur qu’on obtient est trop forte, et n’est
point potable; on la jette ordinairement : mais elle acquiert ensuite un
gout vineux legerement amer. Les matelots la preferent a notre biere
d’Europe. Pour conserver long-temps cette racine, on doit, apris l'avoir
ratiss^e , la mettre en petits paquets et la tenir k Fair ou dans un endroit
tr^s-sec. Cette espice de bi£re seroit dune ressource precieuse po» flos
Equipages europeens ; car on la dit £tre un fort bon antiscorbutique.
Quand on la laisse fermenter plus de sept & huit heures, elle s’aigrit; et si
(1) Ibid.
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ile Timor.
De i’homme
en societe.
678 VOYAGE AUTOUR DU MONDE.
on ia met au soieii, elle fournit, au bout dune semaine, d’assez bon
vinaigre.
Sucre. — Le sucre et la melasse dont ies Timoriens font usage, et
qu’iis apellent goula (1), se retire du vin de palmier par faction du feu.
On a d’abord un sirop noiratre ou mllasse dune saveur particuliere,
mais qui nest pas desagreable ; et Ion peut la r^duire par un plus fort degr 6
de cuisspn, en un sucre t res -b run, ayarit ia consistance de ia graisse, et
un gout assez approchant de ceiui du sucre d’orge. C’eslt uniquement ia le
sjucre dont ia population indigene fait usage, car on ne connoit point 4
Timor le sucre de canne , quoique ia plante qui le procure n’y soit pas
rare. Quand I'Uranie relacha a Diil£, ie gouvemeur portugais venoit
de reussir 4 faire du rum, et ii attendoit k chaque instant de Macao,
disoit-ii , Ies appareiis necessaires 4 ia manipulation m^thodique de ce
pr^cieux roseau ; projet sur iequei ii fondoit de grandes esperances.
Huile de coco. — Pour faire fhuiie de coco, ies babitans de Timor
commencent par gratter, avec un instrument fait expr£s, ia chair de la
noix s^chee ou complement mure. A Coupang , cet instrument se
nomme garou-kahpa [ grattoir de coco ] : ii se compose d’une pi£ce de
bois , ayant ordinairement seize pouces de longueur , six de large et
cinq de hauteur, sur iaqueile fouvrier peut se placer comme 4 cheval.
A I’une des extremites est un col de deux pouces environ de longueur,
auquei est adapt^e une moiette etoilee , e$p£ce.de rape destinee 4 mettre
en poudre i’amande de coco : une des figures de notre pianche n.° 20
montre la position de la personne qui se iivre 4 ce travail. On consoit
qu’il faut commencer par fendre la noix en deux, ce qui se fait 4 l’aide
de l’esp^ce de couteias dont ies Timoriens sont ordinairement arm^s.
( Voyci pi. 28.)
La confection de fhuiie exige encore trois ustensiles : une s^biie
en bois, de dix pouces de diam£tre, nominee passo ; une passoire ou
chausse \kakoussang\ t tissue en feuiiles de iatanier, et dont la forme est
co«<£ie ; enfin , fesp£ce de bassine dont nous avons parie plus haut (S. vi).
Apr^s avoir gratte une quantity suffisante de noix de coco , on en met la
rapure, avec de I’eau, dans la slbiie, et ion comprime tr&s-fortement cette
( i ) Ce mot, qui signifie sucre , est Sanskrit.
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LIVRE II. — Du Brasil X Timor inclusivement. 679
ripure avec la main ; il en resulte une eau laiteuse que fon verse dans la
bassine ; on y joint tout le sue qu’une nouvelle et forte pression du rEsidu
peut encore fournir. La bassine, placEe alors sur le feu, est soumise a une
Ebullition de cinq heures : l’eau s’evapore en partie , et 1’on ramasse avec
une cuiller la substance oleagineuse qui surnage. On peut de la sorte
recueillir a-peu-prEs une demi-pinte d’huile a chaque cuisson, qu’on sup-
pose contenir le produit de cinq cocos. Cette huile , lorsqu’elle est rEcente,
n’a aucun mauvais gout.
Huiles essentielles. — L’huile de kayou - pouti s’obtient en distiilant
ia feuille de farbre de ce nom, qui est, ainsi que nous favons dit , le
melaleuca leucadendron des botanistes ; les Chinois qui se mElent ordi-
nairement de cette fabrication , y emploient des alambics en cuivre.
Iis retirent aussi du bois de sandal une huile trEs-parfumEe ; mais
je n’ai pas une connoissance prEcise de leur maniere d’opErer. Pigafetta (1)
a observe que les Timoriens ont soin de ne.couper le bois de sandal
qu’a une certaine epoque de la lune, d’apres I’idEe qu’ils ont que ce
bois subiroit une sensible altEration s’ils le coupoient dans un autre mo-
ment. Un prEjugE semblable subsiste dans plusieurs provinces de France :
les paysans y sont persuadEs que, pour que des bois quelconques con-
servent leurs bonnes qualitEs , il faut en faire l’abattage en vieille lune ,
e’est-a-dire , lorsque cette planete est arrivEe k son dernier quartier ; des
bois coupEs lorsqu’elle se montre sous ses autres phases , ne tarderoient
pas , selon eux , a Etre attaques des vers.
Teintures. — Les principals couleurs dont les Timoriens font usage
pour leurs teintures , sont le rouge sombre , le jaune et le bleu. Ils retirent
1 a premiEre de l’Ecorce du lobak , arbre qui croit plus abondamment entre
Dille et BatouguEdE. Le jaune leur est fourni par le curcuma. Pour le bleu ,
iis emploient la feuille d’un arbre appelE taron a DillE , et taouk a Cou-
pang, que i’on mele avec de la chaux : ces mEmes substances , employEes a
forte dose , servent aussi pour teindre en noir.
Sel. — La fabrication du sel, branche intEressante de Tindustrie timo-
rienne , s’opEre en faisant Evaporer l’eau de mer dans de petits pots en
terre cuite. Ce mode de procEder, connu des insulaires depuis un temps
(1) Primo Viaggio intomo al globo.
Voyage del* U rank. — Historique. RlTr
lie Timor.
De Thomme
en societe.
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lie Timor.
De Hiomme
en societe.
Arts
mecaniques.
6 Bo VOYAGE AUTOUR DU MONDE:
immemorial , a lieu pur un grand nombre de points des rivages de I’ile ,
mais sur-tout a Osapa-Kitk.il , dans la baie de Coupang,
Viandes et poissons secs. — L’operation de sec her le poisson ou la viande,
n’est pas dune moindre importance. D’apres le capitaine Dampier, ia
dessiccation se fait sur des especes de boucans ou grilles en bois, placees
assez haut au-dessus du feu pour que la cuisson des substances qu’on y
pose ne puisse s’effectuer ; bien souvent aussi on les met s&her au soleil,
en les saupoudrant dune tres- petite quantity de sel. La viande ainsi
prepare se nomrae dendeng en malais.
Charpentage. — Avant l’arrivee des Europeens sur ces bords , Les
Timoriens, egalement etrangers a Tusage de la vrille et de la scie, ddbi-
toient un arbre pour en faire une table. Les colons chinois seuls pos-
sedoient toute l’industrie mecanique, qui seroit aujourd’hui encore presque
exclusivement entre leurs mains, si un petit nombre de Malais ne s’dtoient
lances sur leurs traces pour s’occuper des travaux les plus grossiers. Ceux-
ci ne sont pas, il est vrai, des concurrens fort redoutables ni tres-actifs;
I’art du charpentier et celui du forgeron sont les seuls auxquels ils se
livrent. L’existence de ce dernier, a Timor, paroit pourtant dater d’assez
loin , et sans doute le besoin de se fabriquer des armes i’y a fait naitre :
quoi qu’il en soit , la grossi£rete du travail n’annonce pas que les ouvriers
en ce genre aient fait de rapides progres. Les Chinois et les Europeens
ont introduit l’usage de la scie ; mais la manure dont les scieurs- de-long
placent leurs pieces differe esstfntiellement de celle que suivent nos
ouvriers. On peut en voir des exemples sur nos planches 22 et 23.
Forges. — Les soufflets de forge sont simples et inge'nieux : ce sont
ordinairement des cylindres en bambou , places verticalement , et dont
un piston remplit 1’orifice ; la soupape placee au bas de la machine se
trouve en face d’un tuyau beaucoup plus etroit , allant a angle droit
du bambou principal a une grosse pierre percee d’outre en outre ,
laquelle emp^che que ce petit tube ne soit brule par le feu. Lorsqu’on leve
le piston , la soupape s’ouvre ; le bambou se remplit d’air , qui est re-
foul^ ensuite avec force par la descente precipitee du piston. Mais afin
d’avoir un courant d’air continu , on place deux cylindres du m£me genre
i’un a cote de l’autre; le seul homme qui suffit pour les manoeuvrer, a soin
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LIVRE II. — Du Brasil a Timor inclusivement. 68 1
de baisser toujours un des pistons quand il relive l’autre. Je crois cet
appareil d’origine indienne, et je me fonde sur I’examen dun des bas-
reliefs des mines du temple indien de Soukouh sur file Java, dont Craw-
ford dorine ie dessin ( i ) : le soufflet timorien s’y trouve exactement re-
present^. On trouvera un dessin aussi tres-soign^ du soufflet dont il
s’agit , dans 1 ’ Atlas du Voyage aux Terres australes, i. e edition (pi. 46.)
Rarement les forgerons timoriens ont-ils une enclume ; une grosse
pierre dure en fait fonction : les etaux sont encore moins communs chez
eux. Les ouvriers chinois sont beaucoup mieux montes en outils : inde-
pendamment de ces pieces essentielles , ils ont des bancs a tirer les
metaux , des marteaux, des limes, des estampilles, &c. Le charbon de
bois est ie seul combustible dont les uns et les autres fassent usage pour
les travaux de leur profession.
J’ai vu , chez un orfevre chinois , k Coupang , un soufflet de forge
constmit sur les m£mes principes que' Ie prudent, mais plus simple a
quelques egards. 11 se composoit dune seule caisse prismatique en bois ,
de cinq pouces en carr£, sur un pied et demi de longueur; elle etoit
placde horizontalement, et de maniere que son milieu correspondit a
un conduit creus^ dans un massif ^pais en briques, communiquant avec
ie foyer. Ce tuyau s’ajustoit encore avec Ie milieu de la boite. Une sou-
pape etoit plac^e aux deux extremity's , tandis qu’un piston , mobile sui-
vant sa longueur, tantot vers un bout, tantot vers I’autre, produisoit, a
l’aide du jeu alternatif des soupapes , un courant d’air presque continu.
Oifevres. — Ce sont les Chinois seuls qui travaiilent for a Timor ; du
moins navons nous pas oui dire que les natureis du pays se livrassent
a cette occupation , malgre I’usage qu’ont les rajas de l’inferieur de porter
parfois en ^charpe des serpens d’or en filigranes. Il n’en est pas de m£me
sur fife Dao, voisine de Rottie ( voye 1 pi. 15), dont les habitans sont
en ce genre des ouvriers tres-renomm^s; les chaines et les bracelets
k jour qu’ils fabriquent sont d’une ddicatesse et dune perfection sur-
prenantes.
Thsage des e'toffes. — L’art de tisser les etoffes de coton , ou m^l^es
de coton et de soie, est parvenu k Timor a un degr£ de perfection qui
(1) Op. ch. t. II.
x Rrrr*
lie Timor.
De fhomme
en societe.
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Timor.
Thom me
societe.
682 VOYAGE AUTOUR DU MONDE,
porte a croire qu’il s’y exerce depuis des temps fort recurs : j’ai rapportd
plusieurs pagnes de cette ile, non moins remarquables par la r^gularite
du tissu que par I’heureux choix du dessin et des couleurs. La soie qu’on
y emploie vient de Chine a l’^tat brut , et ce sont encore les femmes qui
ont la tache de'Ia mettre en oeuvre, comme elles s'occupent aussi de tous
les details du tissage. Elies ne fabriquent aucune etoffe leg£re, mais seu-
lement celles qui sont ^paisses et durables.
Les pagnes de Coupang ont ordinairement le fond blanc et la bordure
rouge; celles qui se fabriquent a Rottie et a Savu, sont noires, ou du
moins dun bleu extr£mement fonc£. C'est a Rottie , selon M. Lamarche,
que l’on fait les plus belles pagnes de couleur de ces contr^es. II est
possible que les ^toffes soign^es de Timor soient plus rares ; mais j'ai
peine a croire qu’aucune de celles de Rottie puisse les surpasser pour
fagr^ment et le fini du travail.
D’apres les recherches de Crawfurd, les habitans du grand archipel
d’Asie auroient poss&te fart de tisser les ^toffes bien avant qu’ils eussent
communique avec les Indous; il regarde m£me comme probable que cet
art a du faire partie des connoissances dune tribu particuli£re d’indig£nes.
En effet , remarque-t-il , les mots filer et tisser, ceux qui expriment le metier
de tisser and, la navette, la frame et la chain e , sont tous des mots ou des ex-
pressions indigenes, et 4 -peu-pres les m£mes dans toutes les langues de
f archipel; par- tout du moins ou fon connoit fart de fabriquer les ^toffes
par le tissage. Le metier a tisser des insulaires differe essentiellement de
celui des Indous, quoique les rouleaux pour separer le coton de sa se-
mence, et le rouet i filer, soient exactement les m£mes. Ce dernier,
aussi bien que Iqs materiaux employes a cette manutention , sont connus
sous les noms Sanskrits de j antra et de kapas; et il est remarquable que,
dans cette langue m£re , jantra soit le nom gen^rique applique a la md-
caniqiie. Combien peu avance etoit done fetat des arts parmi les habitans
de farchipel indien , puisque leurs instructeurs ont du leur faire present
dun nom qui tient k une des plus anciennes inventions manufacturieres !
Fabrication de cordages. — Diverses substances textiles servent aux
indigenes a fabriquer les cordages dont ils ont besoin, soit pour la ma-
rine , soit pour les usages domestiques. Ils emploient aussi au m£me objet
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LIVRE II. — Du Brasil a Timor inclusivement. 6 83
des lanieres de peau de buffle, qui font des cordes dune force extra-
ordinaire.
Filets de peche. — « Mais fart dans iequel les habitans de Cou-
pang d^ploient le plus de talent et d’adresse , c’est la confection de leurs
filets, et particuli£rement de leurs ^perviers. Les mailles en sont tr£s-
serrdes , tr£s-£gales et dun fii fin et fort. Ces ^perviers different de ceux
d’Europe en ce qu’ils n’ont pas de contremailles, en sorte que les p^cheurs
ne peuvent les jeter que sur une plage unie , ou fon puisse les tirer k
sec, et dans un endroit peu profond , ou il soit possible d’envelopper avec
la main le poisson dans le filet, avant de le tirer de l’eau. Les piombs se
touchent presque tous; ce qui est indispensable, car, s’ils dtoient plus eloi-
gn &, les petits poissons pourroient passer sous le cable entre deux. A la
v^rit^ , ces piombs sont moins pesans que les notres , et quelquefois m£me
ce sont de simples fragmens du coquillage nomm^ cone qui remplissent les
intervalles, lorsque la garniture de metal est trop espac^e. Les piombs, au
lieu d’etre ronds ou ovoi’des comme nous les faisons , ont a-peu-pres la
forme dun fer a cheval , perc^ , aux deux extremity, de trous par lesquels
passe le cable de f^pervier : ce cable est menu , quoique fort aussi. »
(A/. Lamarche.) Les filets et les lignes de p£che sont tous en coton.
Poteries. — Les Timoriens se bornent k la confection des vases les plus
grossiers ; ils ne connoissent m£me pas fart de les vernisser. Les usten-
siles de ce genre qui sont d’un travail plus recherche , viennent de Chine
ou d’Europe. Les tuiles m£mes dont quelques Hollandais font usage pour
la couverture de leurs maisons, sont apport^es du dehors.
Nature des navires. — On construit a Timor des navires et des bati-
mens de mer de differentes dimensions, depuis la pirogue, creus^e dans
unseultronc d’arbre, jusqua des corocores et k des champans capables
de faire le grand cabotage.
On appelle corocore et plus rarement caracore, dans ces parages, un
vaisseau k car£ne fine , du port de huit a trente tonneaux , pouvant aller
4 rames et a voile , et portant un seul mat. Le champan , dont le nom
est emprunt^ duchinois, est en g^n^ral dune plus grande capacity il
peut aller aussi k rames (1) et k voile; mais les mats y sont multiples,
( 1 ) On en voit qui arment jusqu’i soixante avirons.
lie Timor.
De rhomme
en societe.
Construction
navaie.
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684 ' VOYAGE AUTOUR DU MONDE,
lie Timor, et places dans une position verticaie. Les corocores ont quelquefois des
De I’homme balanciers, comme on peut le voir sur notre planche 4 y> d’autres fois ,
ainsi que la planche 3 7 i’indique , eiies n’en ont point Quant aux pirogues
grandes et petites, elles ont presque toujours un balancier sur i’un et
I’autre bord , lorsque sur-tout elles doivent alier a la voile.
« Ordinairement ces embarcaiions ne sont point pontees ; mais pour
mettre a couvert les hommes qui les montent, ainsi que les effets qu’eiles
transportent, on construit une espece de toit ou de tugue en bambou,
dont les montans, qui reposent sur les traverses des balanciers , r^gnent
dans toute leur longueur, ou s’elevent au centre jusques a quatre pieds ou
quatre pieds et demi au-dessus du piat-bord. Des feuilles de palmier su-
perposees ou entreiacees terminent la partie superieure de cette espece
de plate-forme, assez solidement construite d’aHleurs pour supporter le
poids des vingt-cinq a trente hommes qui, dans les grandes corocores, se
placent frdquemment par-dessus. ( Voy> pi. 37 et 45 -)
» La rarete du fer a porte les habitans a n’en pas faire usage da tout
dans leurs constructions civiles et navales , et ils sont venus a bout de
s’en passer.
•» Au lieu de clouer , comme nous le faisons , leurs bordages sur une
membrure disposee d’avance, ils suppriment cette carcasse et assujet-
tissent les pieces coritigues avec des especes de gournables ou cheviiles
en bois qui les pendtrent en partie sur le champ (*oy. pi. 23 ). Mais, pour
emp^cher que les flancs du bateau ne se rapprochent par la pression de
l’eau , on etabiit des baus d’espace en espace : leurs extrdmites reposent
sur des taquets menages pour cet objet sur la face intdrieure de deux
bordages latdraux opposes, qui, en consequence, ont dte tail ids plus
dpais que les autres (voy. pi. 24 )• Ces taquets, perces de haut en bas,
ainsi que le sont les extremites correspondantes du bau qui repose dessus ,
sont reunis parun fort lien de rotin ou-de quelque autre substance
textile, bien souvent tiree du brou du coco.
» Cette maniere de maintenir les bordages dans la position que le
constructeur leur assigne, rend 1'emploi de la membrure moins ndcessaire
chez ces peuples que chez nous ; aussi presque tous les bateaux de Timor
et des lies voisines n’en ont pas.
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LIVRE II. — Du Brasil a Timor jnclusivement. 68 5
» En g<fndral , les formes de l’avant et de l’arrrere des oorocores ne
different gu£re I’une de l’autre , et sont parfois teliement sembiables , qu’on
ne peut les disringuer qu’en faisant attention aux gouvernaits places a la
poupe. Les graces corocores , en effet, en ont deux disposes latdrale-
ment, de la maniere suivante : une planche un peu ^paisse, fixee sur le
plat-bord , est perc^e dun trou assez grand pour que la l£te du gou-
vernail puisse y passer ; cette ouverture fait l’office de jaumiere ou d etam-
brai ; un gond pris dans la m£che mime entre dans une peiiture menagde
sur I’etambot , et sert a fixer le gouvernail dans la position convenable.
Une sauve-garde en corde, semblable a celle de nos canots, a pour but
aussi de retenir le gouvernail , dans le cas ou un coup de mer, ou bien un
echouage, viendroit a le d&nonter. Pour la commodite du timonnier,
une barre ou une forte cheville en bois^ traverse la t£te du gouvernail
d’outre en outre , dans le sens de la largeur du batiment , et sert 4 le
manoeuvres
Voilure. — « Les corocores n’ont ordinairement qu’une voile rectan*
guiaire, dont le grdment consiste en une drisse et deux bouts de corde
placds aux deux points inferieurs, destines a servir alternativement d’ecoutes
et d’amures. Le mat est en bambou, quelquefois vertical et maintenu par
des cordages: d’autres fois, il est incline de favant d l’arri£re, de maniere d
pouvoir remplir en mime temps les fonctions d’etai ; mais dans ce cas *
deux autres bambous , places latdralement , font l’ofiice de haubans , et se
reunissent au sommet en forme de bigues avec celui qui figure le mdt.
( Voyei pi. 37. ) 11 est rare, mais non pas sans exemple , qu’il y ait quatre
bambous reunis.
» La voile se compose quelquefois d’une pagne , ou dune dtofie gros*
sidre du pays; mais elle est plus ordinairement en natte, c’est-d-dire
tissee en feuilles de palmier. Quand elle n’est pas deployee , on la roule
sur sa vergue, et on lelonge de I’avant a l’arriere du bateau.
» Sur toutes les corocores que nous avons vues , le mat dtoit place a un
tiers de l’avant a l’arridre du navire. Les balanciers , qui sont fort longs ,
touchent constamment d l’eau, ce qui doit un peu nuire d la marche de
ces embarcations; il est vrai qu’elles ont besoin de tels contre-poids , car
leur largeur est en general fort petite. J’en ai vu une qui dtoit construite
lie Timor.
De Thomme
en society.
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lie Timor.
De f homme
en jociete.
686 VOYAGE AUTOUR DU MONDE.
au cinquieme , encore dtoit-ce une de celles qui , comparativement a ieur
longueur, avoient le plus de bau.
Aucres. — « Les ancres sont en bois , et n’ont, comme nos corps-
morts, qu’une seule patte. Celle-ci entre dans une mortise pratiqu^e a
Tune des extr^mit^s de la verge ; et pour empecher que ces deux pieces
ne fassent entre elles un angle trop ouvert , on les maintient , Tune par
rapport k l’autre , dans la position convenable , a l’aide dune forte liga-
ture, soit en cordage, soit en rotin. Souvent on profite de la forme
bifurqu<fe dune pi£ce de bois pour avoir i’ancre et sa patte dune seule
pi£ce : pour ajouter a la stability de I’appareil , on charge de pierres ses
deux extremity. Les cables, le plus commun&nent faits en kair, le sont
quelquefois aussi avec une esp£ce de liane particuliere a ces contrdes. »
( M. Lamarche. )
Calfatage. — Les colons europdens emploient pour le calfatage , a
Timor , une r&ine exotique qu’ils m^lent avec de la chaux , afin de la
rendre plus resistante aux impressions des fortes chaleurs. Les coutures
sont prealablement remplies, soit avec 1’^corce dune espece de m^Ia-
leuca [kayou pouti]^ soit avec de la filasse de coco ; un coin de bois dur
et une pierre en place de maiilet sont les outils qui servent a cette ope-
ration. Ceux des naturels qui n’ont point de resine , enduisent les cou-
tures de leurs embarcations avec un mastic compose ainsi qu’il suit:
une provision suffisante de mousse ramassee dans les bois, et nettoyee
avec soin,*est placee, par petites parties a-la-fois, dans des cavites
creusees , en nombre plus ou moins considerable , dans une forte piece de
bois, ou plusieurs hommes l’y triturent avec des pilons. Quand cette
mousse commence a se reduire en pate , on y ajoute de la chaux , et
1’on a soin d’humecter le melange jusqua ce que, par une trituration
continuee , elle ait atteint la consistance d’un mortier.
Approvisionnemens. — Les provisions de bouche des marins de ces
contrees se composent principalement de noix de coco, de mai’s, de riz,
de poissons secs et de quelques tranches de buffle boucane; rarement
embarquent-ils un petit nombre de volailles ; quant a I’eau , ils la con-
served dans de grosses tiges de bambou.
Ordinairement ce sont des Chinois, des Mdlais de Macassar, ou des
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LIVRE II. — Du Brasil a Timor inclusivement.- 687
gens provenant de cette derniere race, qui commandent les embar-
cations destinees aux voyages lointains ; les Timoriens proprement dits
n’ont que peu de gout pour la navigation.
Les champans, destines principalement au commerce avec ia Chine,
ont les oeuvres mortes en general tres-enhuchees , ce qui nuit beaucoup
a leur stabilite : on en voit dont la capacity approche de cent tonneaux.
Le systeme d’instailation de leur voilure et de leur gr^ment se rap-
proche tantot de celui des Europ^ens, tantot de celui des Chinois.
A f epoque de notre relache a Coupang , les Hoiiandais avoient sur
ie chantier un sloup construit par un charpentier anglais domicilii dans
le pays. Le gouverneur destinoit ce navire, qu’on devoit armer de dix
canons, a agir hostilement contre les contrebandiers de file Savu, parce
qu’ils apportoient de ia poudre au raja d’Amanoubang , avec lequel,
comme nous- favons vu ( chap, xvn ) , il itoit en guerre. Ce navire , nous
a-t-on assure, devoit couter 15 000 piastres [81 4 50 francs environ].
s. IX.
Industrie commerciale.
Si nous voulions ne parler ici que de f^tat actuel du commerce a
Timor , notre tache seroit aussi prompte que facile ; mais nous pensons
devoir examiner les choses sous un- point de vue plus etendu, et mon-
trer le but qu’il seroit possible d’atteindre, si Ton vouloit un jour donner
a cette importante branche d’industrie fextension dont elle est sus-
ceptible.
Au nombre des objets les plus int^ressans d’exportation , doivent £tre
places for et ie cuivre, dont on sait qu’il existe a Timor des mines
abondantes, et cependant peu exploiters.
Le r£gne vegetal offre en premiere ligne aux sp&ulateurs Ie bois de san-
dal , dont il existe trois varies , classes en plusieurs categories qui de-
pendent de la grosseur des bilies. Les Hoiiandais tirent principalement
ce bois dj la cote meridionale de file. Ce qui , en 1801, valoit 7,25
Voyage de P Uranic. — Historitjue. SSSS
lie Timor.
De Fhomme
en societe.
Marchandises
d’exportation.
%
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6 S 8 VOYAGE AUTOUR DU MONDE.
He Timor, et 3 o piastres le pikol , se vendoit 5 o piastres a Canton ( 1 ) , c’est-a-dire
De I’homme pr£s du double. En i 799 , une cargaison envoy^e de Dilie a Macao pro-
en societe. un benefice de 27 pour un ; enfin , lors de notre sejour a Coupang ,
vers les derniers mois de 1818, ia premiere quality de sandal s’y ven-
doit 1 5 piastres ie pikol, la seconde 9 piastres , ia troisieme 6 , et la racine
de ce bois 7 piastres -j- : mais ces prix ne sont pas invariables.
« Le sandal des lies indiennes est regarde comme inferieur & celui
du Malabar; cependant on netablit aucune distinction a ce sujet dans
les marches de Chine. Le bois le plus parfume est celui qui tient ie
plus pres a ia racine de i’arbre ; c’est pourquoi les plus grosses biiies
se vendent ie plus cher. A Timor et dans les lies plus a i’Est, d’ou,
pour la convenance des trafiquans , ie sandal est importe a Java , ii coute,
en raison de sa quaiite , depuis 8 jusqua 1 3 piastres ie pikol. A Timor,
sans dgard toutefois a {’inferiority de quality , ii est de 4 5 p- 0/0 moins
cher que celui du Malabar; mais en Chine, ou est Ie plus grand depot
de cet article, on Ie partage en trois classes, dont les vaieurs res-
pectives peuvent £tre represenfees par les nombres 2 4 , 22 et 1 7. La
quantite quon en importe chaque annee du Malabar en Chine est
d’environ 3000 pikois [181 32 6 kilogrammes]. Nous n’avons eu
jusquici aucun moyen de determiner la quantity de sandal qui s’ex-
porte annuellement des lies indiennes; mais a Timor seul, les pro-
duits n’en sont pas au-dessous de 8 000 pikois [483 536 kilo-
grammes ] (2). »
D^s aujourd’htii, on peut ranger le riz , le mais, ies haricots, Ie
tamarin, &c. , parmi ies objets d’exportation ; cependant le commerce
de ces denr^es est fort limite , et se‘ borne presque uniquement a
I’approvisionnement des vaisseaux qui relachent a Timor. Le coton ,
ia ouate, Ies bois d’^benisterie, Ie cafe, Ie sucre, l’arack, les epices,
Ie kair, et un petit nombre d’autres produits v^gdtaux dont nous don-
nerons bientot la liste, seroient. susceptibles d’offrir dejii d’interessans
benefices , si l’on vouloit se livrer a leur exploitation d’une maniere plus
(1) D’apres P 4 ron , Ie bois de sandal ne coutoit , en 1 803 , que 2j piastres le pikol en Chine,
mais ii y auroit valu autrefois jusqu’a 60 et 80 piastres. ( Voyage aux Terres aust rales . )
(2) Crawfurd, op. cit . t. 111 .
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LIVRE II. — Du Bresil A Timor inclusivement. 68 c?
active ; la petite quantity qui s’en rlcolte est absorbs presque entire- lie Timor,
ment par la consommation interieure. De l’homme
« On peut en dire aiitant de la plupart des ties d’Asie, en ce qui con-
cerne le coton en laine *. celles seulement ou la culture a fait le plus
de progr^s , telles que Java, Bali, Lombok, Mangarai ou Floris, Bou-
tong, &c., en exportent chez leurs voisins. Or, on remarquera que cesiles
appartiennent 4 la grande chaine qui forme comme la barrtere m^ridionale
de l’archipel, depuis Java jusquaTimor-Laot; en un mot , que la produc-
tion un peu en grand de cette precieuse substance est confin^e dans cette
portion des lies indiennes dont la constitution g^ologique se compose
de roches secondaires (i).»
On exporte de Timor au Ben gale et en Chine de grandes quantite's de
cire : son prix , en 1 8 1 8 , etoit a Dill£ de 20 , 25 et 30 piastres le pikol »
[180, 225 et 270 francs les cent kilogrammes] : la blanche valoit le
double. Parmi les lies d’Asie , ce sont Timor et Floris qui en fournissent
le plus ; il s’en exporte chaque annee , de Dilie seulement, selon Crawfurd ,
20 000 pikols [ 1 208 840 kilogrammes], livr^s au bas prix de 5 piastres
le pikol [45 francs les cent kilogrammes] ; tandis que, lorsque les na-
vires de Celebes i’apportent vers l’Ouest, elle y est vendue, a cause de
sa puret£, au taux de 2 6 a 3 6 piastres le pikol [de 234 a 323 francs
les cent kilogrammes]. Au Bengale, le prix courant en est cote 4 45 rou ~
pies par maund, c’est-a-dire , k un peu plus de 36 ~ p. 0/0 au dessus du
prix d’achat.
Pour preserver cette substance de I’attaque des insectes et des souris,
les habitans ont coutume de creuser en terre, dans leurs magasins, des
trous de huit pieds de profondeur et de forme carr^e, dont on a soin
de paver le fond; les parois en ma^onnerie, qui ont dix-huit pouces
d'epaisseur , sont elev^es au-dessus du sol d’environ un pied ; et lorsque
la cire a ete deposde dans ces trous, on finit d’en remplir la capacite
avec de i’eau.
Le commerce des tripangs, qui abondent sur les cotes des Timoriens,
seroit pour eux une source importante de richesses , si , au lieu d'avoir re-
cours 4 1 ’entremise des sp^culateurs de Ctd&bes , ils apportoient eux-m£mes
( 1 ) Crawfurd , op. cit . t. Ill
ssss*
1
r
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lie Timor.
De Phomme
en societe.
6 9 o ' VOYAGE AUTOUR DU MONDE.
k la Chine ces mollusques si recherch^s. T outes les lies de I'archipel d’Asie,
depuis Sumatra jusqu’i la Nouvelle-Guin^e (i) , en poss£dent desp&che-
ries. Les tripangs, qui se piaisent sur ies recifs de coraii, fuientau con-
traire les rivages piats et vaseux : ies plus considerables de ces etabiis-
semens de p£che, du cote de i’Est, sont done repartis depuis Celebes
jusqu’a ia Nouveile-Guinee et la Nouvelle-Holiande , dont la constitu-
tion physique convient le mieux k leur developpement. Les lieux les plus
productifs en ce genre sont Ies lies Arou et le goife de Carpentarie , ou
piutot toute la cote Nord-Ouest de la Nouvelle-Holiande, nommee
Afaredje par Ies Bougis (2) , et Lam-ha 't par Ies Chinois.
II y a des tripangs qui atteignent jusqu’a la longueur de deux pieds
et k une circonfifrence de sept k huit pouces : mais un palme de longueur
et deux a trois pouces de contour en sont Ies dimensions ordinaires. La
quality ou la valeur de ce mollusque ne depend toutefois point de son
volume , mais de certaines propriltls sp&ifiques dont il n’est point donne
de reconnoitre les signes k quiconque n’a pas acquis sur ce point une
experience consomm^e; les marchands chinois sont presque Ies seuls qui
passent pour la poss^der : aussi est-ce & eux que ies p£cheurs indigenes,
qui n'y entendent rien eux-m^mes , laissent toujours , en revenant au
port, le soin de trier et d’assortir & leur fantaisie Ies dif&rentes parties de
la careaison. Cette classification est curieuse et singuliere. Dans le mar-
ch^ d^Macassar, ou se trouve le plus grand ddpot de cette denr^e ,
on ne distingue pas moins de trente varies de tripangs, qui se vendent
depuis 5 jusqu’a 70 piastres le pikol [ de 45 k 6 i 9 francs Ies cent ki-
logrammes ] , et dont chacune est designee par des noms bien connus.
Voici quelques-unes de ces varies, avec leurs prix ordinaires.
( 1 ) Tous ces details sur le commerce des Tripangs sont tires de Crawfurd ( op. cit. t. Ill ).
Depuis 1820, ces pecheries ont ete portees encore plus dans i’Est.
(2) Bougis , nom d’un peuple defile Celebes.
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LIVRE II. — Du Br£sil X Timor inclusivement. 69 1
He Timor.
De Phomme
en society
On voit, par ce qui precede, que le commerce des tripangs est une
industrie dans laquelle aucun Stranger ne peut s’immiscer avec quelque
sdcurite ; il reste done presque enticement , d’apr&s de vieilles habitudes ,
entre les mains des Chinois. Cependant la pdche n’en est faite que par
les indigenes, qui prennent ces mollusques sur des bancs de corail,
ordinairement 4 la profondeur de trois i cinq brasses. Lorsqu’il y a peu
d'eau , on pique quelquefois les individus de la grande espCe avec une
sorte de lance; mais la maniere la plus usitee est de plonger comme pour
la p£che des perles , et de prendre Fanimal avec la main. La quantity de
tripangs qu’on envoie chaque ann^e de Macassar en Chine, est d’en-
viron 7000 pikols [42.3 op 4 kilogrammes]. Les prix, dans les mar-
ches de Chine, varient depuis 8 piastres jusqu’a 20, 50, 75, 110 et
m£me 115 piastres le pikol [de 72 k 1 033 fr. les 100 kilogr.].
AprC le commerce des tripangs, les Chinois attachent un trC-haut
prix au dendeng, qui est , ainsi que nous I’avons dit plus haut , de la chair
de cerf, de buffle, de boeuf ou de cochon, sChC et trC-l^gerement
salee : on en prepare de grandes quantity , tant i Coupang qu’i Dilld ,
qui sont ensuite exporters en Chine. D’apres Crawfurd , le meilleur
dendeng peut Cre achetd au prix de 6 piastres le pikol, ou 54 francs
les cent kilogrammes.
NOMS
PRIX ORDINA 1 RES
NOMS
PRIX ORD 1 N AIRES
DES VAR’ETES
DU PIKOL.
DES CENT
KILOGRAM.
DES vari£t£s
de tri pangs.
DU PIKOL.
DES CENT
KILOGRAM.
de tri pangs.
En piastres.
En francs.
En francs.
En piastres.
En francs.
En francs.
Tatcheritang
62 .
) 6 9 ( >H c
6ll.
Djapoo
1 2 .
6? , i6 c
108.
Batou-basar. .....
J 4 -
293 ,22.
483.
Mosi
4
48 ,87.
81.
Batou-tangah
22.
119 46.
198.
Kawasa
*7 »' 5 -
4S-
Batou-katchil
14 .
76 ,0*.
I 2 6.
Patch ang-goreng . .
5 -
*7
4 S-
Ttam-Ka snr
3 °.
l S*
8.
24.
l62 ,90.
270.
l 3 $-
7 2 •
216.
Gama
1 2
67 ,87.
73 » 3 °*
io 3 »* 7 *
141 ,18.
in.
Itam tangah
Itam-katchil
Toudang
8, AS-
43 , 44 -
130 ,3a.
Taikongkong
Maredj 6
Kayou-djawa
■j ;•
• 9 *
26.
121.
'7 1 •
234.
Kounyit
Donga
9 *
7 -
N ~
o°. 9 *
00 00
81.
63.
Bankouli
20.
108 ,60.
180.
%
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6 9 2 VOYAGE AUTOUR DU MONDE.
He Timor. Un article non moins avantageux pour le commerce de ces contrees,
De rhomme c ’ es t l’ecaille de tortue. L’animal qui la donne se p£che sur les plages
0fl SOCICtC ^ * i o
sablonneuses de Timor , et plus generalement encore dans les locality ou
les tripangs abondent (i). La tortue est plus petite vers les parties occi-
dentals de I’archipel que dans celles de l’Est ; son <fcaille y est aussi plus
mince, et par consequent de moindre valeur. Les personnes engages a
la p£che des tripangs s’occupent en m£me temps de celle de la tortue :
cette derni^re produit annuellement environ 200 pikols [ 12 088 kilo-
grammes] d’ecaille, qui, entreposes a Macassar, sont ensuite exp^dies
de la pour la Chine, ou le prix courant va de 300 k 350 piastres le
pikol [2 dp 5 a 3 1 44 francs les cent kilogrammes], c’est-a-dire , a
70 \ p. 0/0 de moins que dans le marche de Londres. Cette meme
^caille est , en partie , r^exportee pour i’Europe.
Les nids d’alcyons et les ailerons de requins , dont les Chinois font
des gel^es qu’ils estiment etre un mets delicieux , se recueillent aussi ,
mais en petite quantity , a Timor. Les peaux et les cornes de bufHes , qu on
exporte peu maintenant, pourroient devenir l’objet dun commerce im-
portant; et les chevaux eux-m£mes, quoique petits, seroient entre les
mains d’hommes actifs, d’intdressans objets de speculation.
Dans l’etat actuel de 1 ’industrie timorienne , les matures manufactu-
res que Tile pourroit offrir au commerce d’exportation , ne sont pas en
quantite suffisante pour fixer serieusement i’attention ; tout se reduiroit
en effet a un petit nombre de pagnes, k quelques bougies, que les
Chinois pr^parent principalement pour I’usage de leurs temples , k un
peu d’arack, a du sucre, des nattes, des cordages de kair, &c.
Le tableau suivant montrera, dans un ordre alphabetique, la nomen-
clature des marchandises qu’on retire aujourd’hui ou qu’on pourroit
retirer de Timor.
*
( i ) Crawford , op . cit. t. III.
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LIVRE II.. — Du Brasil X Timor inclusivement. 693
TABLEAU des marcliandises propres a Itre exportees de 1’ile Timor.
**
3
tn-
ii
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Vt
0
0*
5
SO
r 5
NOMS
DBS OBJETS
d'exportation.
REMARQUES.
let cent kilogrammes] ; en 1818, les prix etoicnt variables
de ao a 30 piastres [ 180 fir. a 27 0 fr. les 100 kilogr. ].
Cordages . • • •
Ii nc s*en fabrique qu’unc petite quantitc a Coupang ; mais
on pourroit e tend re cette Industrie , sur-tout pour les cor-
dages de kair ou de filasse de coco.
1 6
Cornes de buf-
fles.
Elies scroient precieuscs dans les arts, a cause de leurs
grande* dimensions.
'7
Coton .....
Jusqu’a present, ce qui sc reeolte de cette denree est consommi
dans le pays ; peut-ctre cette production n’est-elle pas asset
abondante pour fixer encore 1’attention des sp&ulateurs.
18
Cuivre
Les Portugal s dc Dille cn exponent ordinairement unc cer-
taine qua n tit e a Macao.
*9
Dendeng
C’est ainsi, avons-nous dit, qu’on appelle en malais les
muscles dc buffle, de cer f et de pore sech£s; scion
Crawfurd , le dendeng de premiere qualitc ne vaut dans les
marches de I’archipet indicn que 6 piSstres le pikol [ $4 fr.
les too kilogrammes].
20
Drogues m^di-
cioales.
La casse dont nous avons parle ailleurs, la racine de frangi—
panier , le bois du clerodtndrum intrme ou kayou-oular,
l'huiie essentielle dc kayou-pouti, cclle de palma-christi, &c,
pourroient probablement sc repandre avec avantage dans le
commerce.
21
Ecaifle de tor-
f tue.
Cette substance est recueillie avec soin , et se vend blen.
22
Epices
En 1799 , la cannelle de Timor se vendoit, 1 Goa, 360 sera-
ph ins lecandil [ j 859 francs les 100 kilogrammes] ; cclle
du Malabar n'y valoit, alors, que 80 sera phi ns [ 1 300 fr.
les too kilogrammes]. — A la memo ipoque, on vendit
a Goa un candil de tnuscades timoriennes au prix de
300 seraph ins [ 4 883 francs environ les 100 kilogrammes ].
— Le giroffc se recolte encore id cn trop petite quantity
pour etre consider^ com me un objet de speculation inte-
rcssant.
2 3
Enclaves
Le prix des homines faits varie de 30 a 40 piastres [ 163 a
217 francs] ; les femmes, que Ton paie en raison de leur
beaute, valent quelquefois jusqu'a too piastres [543 fr. ].
2 4
Etoffcs
A un tres- petit nombre pres, elles se consomment routes dans
1c pays.
2 S
fetoupes pour
calfatage.
La filasse de coco , l’ecorce de kayou-pouti d^*Muvet du
goumouti , servent a cct usage. 11 me paro^^^Hprobable.
que quelques-unesdecessubstancessontexf 3 Hmdeja par
le commerce: je n’ai cependant a cet egard aucune donnee
positive. ,
26
Feuilles de la-
tanier.
On cn exporte annuellemcnt une certaine quantitc.
2 7
Fruits
11 s'en vend bcaucoup aux vaisscaux qui relachent dans Hie.
M
OO
Haricots. ....
Independamment de ce qui se consomme dans le pays, et dc
ce qui est foumi pour le ravitailien\ent des navircs etran-
gers , jc crois qu'on cn exporte encore une certaine quantitc.
2 9
Huitfes
L'huiie de coco, cedes de palma-christi ou de ricin , de pis--
tache dc terre et de pctrolc, pourroient faire un intcressant
objet d’expomtiooi pcut-ctrc en scroit-il de mime des
huiles essentielles de sandal, de kayou-pouti , et m£me
de cannelle.
3°
Li ones
Le rotin , utile a un si grand nombre d'ouvrages, est exporte
par lesChinois, peut-£trc aussi par les Hoiiandais.
X
c
3C
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Si
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NOMS
DES OBJETS
d’exponation.
REMARQUES.
■
Ailerons de re-
Le nombre considerable des requins qui frequentent les
I
quins.
cdtes dc Timor, rendroit facile l’extension dont est suscep-
tible ce genre de commerce, suqud les habiuns de Cou-
pang impriment peu d'actlvite.
1
Arnbre gris. . .
Substance rare , qui se trouve dans le corps de certains ca-
chalots ; parfois on en rencontre cependant aussi sur les
cotes de Timor et de Solor, ou elle est jetec par la mer.
3
Arack
On recherche cette liqueur, lorsqu 'elle est fabriquee avec le degre
de perfection que lesChinois de Ratavia savent lui donner.
4
Arec(nofcx <T).
La grande consommation qui se fait de ce fruit dans tous les
pays de i'Inde , permettroit d'en faire une avantageusc ex-
portation.
S
Bambou
Plante tres-commune a Timor , et tr£s-utilc dans toutes les
contrees de I’Est. Les Chinois en exportent chez eux.
6
Bestiauxen vie.
La liste de ceux qu'on pourroit exporter se reduit aux bceufs,
buffles, chevaux, cochons, chevrcs ct poules. Nous avons
pay£ dc petits buffles une piastre la pi£ce ; et les gros de-
puis a jusqu'a 3 piastres, selon 1c caprice des Hoiiandais
qui nous les vendoient. Quant aux chevaux , il s'en cnvoic
annucilement un petit nombre i Java. En 180), pour peu
qu’ils fussent passables , iis valoicnt, a Coupang, 10 ris-
dalcs [ 24 francs] ; on pouvoit cependant en avoir pour une
piastre : mais les plus beaux ne s’y vendoient pas moins de
30 risdales [ 7a francs]. 11 nous scmbleque ces prix, dans
un pays ou I’argent est si rare, sont un peu exage res. 11
paroitra sur-tout surprenant qu'a la meme epoque et sur
le mhn« point, de gros cochons aient ete taxfs a a et 3 pias-
tres [de n'a 16 francs], cc qui est cher cn comparaison
des buffles; il est vrai que les pores sont bcaucoup plus
rechcrchcs par les matins , comme etant plus faciles a
nourrir ct moins encombrans a bord des vaisscaux.
7
Boh d’6b£nis-
Les bois de rose, de citron, d'ebene, de kamouni , le kayou-
terie.
mera, le kayou-pcle et le sandal, sont deja employes ou
pourroient l'etrc avec avantage par les ebenistes.
8
Bois de char*
Nous comprendrons dans cette classe le bambou, le cassier ,
pente.
lecedrc, le champaka, Ic drasse, le jambolana , le ka-
nanga , ic kapot , le latanier , le muscadier et le tsianpalca.
9
Bois de cons-
Les plus rcmarquable^ sont Ic ben, le bonak, le casuarina,
truction.
1’eucalyptus , les figuiers , le foula , le kabessak , Ic kayou-
pouti, le manguier, les mimosas, le ukamahaka, le ta-
marinier et le tek.
10
Bougies
Il scroit facile d'en confectionner bcaucoup a Timor, oit la
mature prcftfierc abonde ; mais jusqu'a present on ne s’en
est guerc occUpe que pour la consommation interieurc , qui
est peu considerable.
1 1
Cachalot. ....
Les Anglais et les Anglo- Americains sont ceux quiexpioitent
le plus sujourd'hui cette branchc d'industrie , qui donne
pour resultat l'huiie dc baleinc et l’adipocire.
1
Cafe
La culture de cet arbuste reussit si bien a Timor, qu’il seroit
facile dc lui donner unc extension favorable au com-
merce; jusqu'a present ce n’a etc qu’un objet de pure
curiosite.
D
Camphre. . . .
De mediocre qualite; les Hoiiandais en exponent en petite
quantity.
B
Cire (d’abeiile).
Selon des renseignemens rccueillis a Coupang, la cire jaunc
valoit, en 1803 , sur ce point, aj piastres le pikol [ 115 fr.
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6p4
VOYAGE AUTOUR DU MONDE
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NOMS
DES OBJETS
({’exportation.
REMARQUES.
4 !
Riz
Nous avons achete du riz. en paiile a Timor i environ xiae
demi- piastre ie pikol. Celui qui etoit pile et depooillr
de sa glume , valoit de 1 a 3 piastres le pikol [ de 9 a xj fr.
les 100 kilogrammes ]. Ce qu’on ne vend pas decent den-
rec pour rapprovisionnement des vaisscaux , et cc qui neat
pas utHe a la consummation interieure des habitant, e*t ex-
porte a Bauvia ou en Chine; mais e’est tou jours en petite
quantile.
44
Sagou
Cette substance est peu employee pour la nourriture des
habitans ; 1’extracuon qui s’en fait n’est done pas consi-
derable.
45
Saipetre
Je n’ai pas out dire qu'aucune portion du saipetre qu’oo troove
dans cette tie ait etc jusqu’i present repanduc dans le
commerce , quelque a vantage qui cut pu en rcsulter pour
les habitant.
4 6
Sandal
11 s’en exportc annuellement d'enormes quantises, dost It
plus grande partie va en Chine.
47
Scl
Le sel qui sc fabrique a Timor, et celui que la nature y foandt,
sc repandent depuis long-temps dans le commerce : j’ignoie
quelle peut etre l’importance de cene branche de specula-
tion.
48
Soufrc
11 ne paroit pas que les habitans aient encore exploit* anew*
mine de soufre.
49
Sucre
On exporte un peu de sucre de palmier : si les ctsait que faitoat
le geuverncur dc Dille ont etc continues, pcut-ctre les ha-
biuns de Timor onuils trouve, dans la vente du sucre dc
canne, dc nouvea ux svantages pour ie commerce.
5 °
Tabac
11 ne sen cultive gucreque pour la consommadon, et pour
fournir aux demandes des vaisscaux qui viennent sc ravi-
uillcr a Timor.
5 1
Tamaim. . . .
Le fruit du tamarinier est exporte, soil conftt, soiten nature.
5 *
Tripangs ....
Les habitans dc Coupang recucillent une petite quantile de ce
prccicux mollusque.qu'ils joignent a leurs cargai sons pour is
Chinc.Ona vu plus ha u t quel s etoient les prixde cette dearie.
53
Vcg^tauxfrais.
Nc se vendent , a 1 ’cxtericur , qu’aux navi res qui rriachem
a Timor pour s’y ravitaiiler : les plus important de ces vc-
getaux sont les choux-palmistes , les giraumons et autre*
cucurbitacees, les ignames , les melons d’eau, les ognoas,
Tail , la patate douce ct ie ptment.
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9 B
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30
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NOMS
DES OBJETS
d 'exportation.
REMARQUES.
3 *
Mai's
Exporte principaiement par les vaisseaux ct ranger* et pour
leur approvisionnement ; nous l’avons pay c une piastre i/a
ie pikol [ 9 fr. les 100 kilogrammes.]
3 a
Miei
On en exporte beaucoup.
33
Nacre dcperlc.
J'ignore quelle importance pourroit rccevoir ou possedc
deja le commerce de cette precieuse substance. Crawfurd
nous apprend qu’clle sc vend en Chine 14 piastres le pikol
[a-peu-pre* 1 16 francs les too kilogrammes ].
34
Nids gilati -
neux.
Cette denreg valoit , en 1818, a Macassar, 40 piastres le pikol
[359 francs les 100 kilogrammes ]. Je dois cc renseigne-
ment a M. ie capitaine baleinier Haramat.
.35
Or
Une petite quantitc de ce metal entre dans la composition des
cargaisons qu’on expedic en Chine.
36
Parfums
jl scroit possible de redrer , par la distillation des ffeurs
suaves qu’on recueille a Timor, d'int£ressans parfums.
37
Peaux de bul-
fle.
Maticres qw’ij scroit fort utile d'expotter ; je ne sais si les n£go-
cians de Timor en font I’ohjct de leurs speculations.
vaa
OO
Peries.
•
Genre de commerce presque entiirement nul , peut-6tre a
cause de la rarete ou des qualites inferieures de cette pro-
duction.
39
Plantes textiles.
Lc coton ci la ouatc pour les etoffes ; 1 ’abaca 1 le bahou , le
cocorier, et lc gomoud pour les cordages ; tellcs sont
les plantes textiles les plus importantes que llle Timor
puissc oflrir.
Q
Plantes tincto-
riales.
Dans cette dasse viennent se ranger lebois rouge, une sorte de
bois de camp£che, Its bois dc fok , dc lobak , de morinde ,
de tarou et le curcuma.
1
Poissons s£eh6$.
Grand objet d’exportation dans I’etat actucl des choses, maigre
la consoramation que l’on fait de ccttc denree dans Tile
mtme. Nous avons vu, vendre lc pikol dc poisson sale i
Coupang 7 piastres [63 francs les 100 kiiogramm. ] ; cepen-
dant Crawfurd [op. cit. t. Ill), assure que le prix
ordinaire , dans les marches de 1 ‘archipcl d’Asie, n’est
que de a piastres par pikol [on environ 18 francs les
100 kilogrammes] : il paroit que nos marchands nous
favorisoient peu.
B
Poteries
Si Ton mettoit plus d'art dans la confection des poteries, il se-
roit facile d en faire ici un objet intltessam dc commerce.
L’empressement des insuiaires indiens a se procurer les objets Strangers
de luxe , d’utilit<* et de simple agrement , n’a d’autres limites que les
moyens qu’ils possedent de les acquerir ; aussi, dit Crawfur# (i), le
trafiquant bien au fait des petits besoins locaux et des fantaisies
de ces insuiaires , sera sur de faire ayec eu* un commerce facile
et avantageux. Parmi les principaux articles d’importation , les etoffes
de coton tiennent le premier rang. La vajeur des tissus de ce genre
provenant de I’lnde et consommes dans ces lies depuis deux siecles,
s’eleve a 200 000 piastres [ 1 086 000 francs]. L'importance du corti-
merce des tissus de coton europ^ens , date de la capture de Java en 1 8 1 1 ,
( 1 ) Op. cit. t. III.
Marchandises
d’importation.
Digitized by ^ 3Qie
LIVRE II. — Du Brasil X Timor inclusivement. 69.5
et sur-tout de i’affranchissement donnd au commerce en 181,4. Les
progr^s de ce genre de speculation, dans le petit nombre d’annees qui
se sont ecouiees depuis lors , ont 6 t6 d’une rapidity remarquable. Avant
1 8 1 1 , la consommation entiere des marchandises de coton euro-
peennfes n’excedoit pas 5 000 pieces.
« Les principaux tissus de coton qui reussisent ici sont les indiennes
ou toiles imprimis, les toiles blanches, les cambrics [toiles de coton un peu
fortes], les mouchoirs etles velours: les indiennes sont principalement a
f usage de la population indigene , et fournissent par consequent au debit
le plus considerable. Le choix de ces etoffes n’est pas chose indiff£rente ;
carle gout que montrentles naturels, tant pour certaines couleurs que pour
un genre particulier de dessins , doit paroitre aux etrangers aussi fantasque
que bizarre, quoiqu’il soit universel. En general, tous ont une aversion
deddee pour le noij* ; et aucune etoffe oh cette couleur domine ne
pourra se vendre, quelque fin d’ailleurs quen soit le tissu. Les couleurs
favorites sont le rouge et le vert, puis le jaune et le brun. En un
mot, ces couleurs doivent 6tre brillantes, et les dessins occuper, autant
quit est possible, la plus grande partie du fond, sans £tre neanmoins
amonceies et confus, ni meme trop larges; ceux que les insulaires pre-
ftrent sont les jleurs courantes (sorte d’arabesques dont nos planches
n. 0S 25 et 3 1 pourront donner une idee). La quality qui les satisfait le
mieux est en general celle qui coutoit a Manchester, en 1820, depuis
1 shilling jusqu a 1 shilling 7 par yard, [ou dans nos fabriques de Rouen
depuis i f ,3o c jusqu a 1 f ,p 5° le metre], Les tissus grossiers ne sont point
demands ; mais lorsqu’un certain degrd de finesse de I’etoffe a 6 t6 obtenu ,
les couleurs et le dessin sont de plus grande consequence que sa contex-
ture : souvent les indiennes qui reunissent ces conditions se vendent
50 p. 0/0 de plus que celles qui ne sont pas conformes au gout des
naturels. Une tr£s-petite quantite de tres-belles indiennes pourra aussi se
placer de temps k autre. Les etoffes dont il sagit sont employees pour
robes de femmes et d’hommes : quant aux v£temens de dessous, c’est-h-
dire ceux qui, nomm^s sarong, sont destines a couvrir les hanches et
les parties inferieures du corps , nos fabriques n’en produisent actuelle-
ment ( en 1820) aucune qui soit propre a cet usage : cependant les
Voyage dt l’ Uranic, — Historiquc. ' Tttt
lie Timor.
De Thomme
en societe.
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lie Timor.
De Phomme
en society.
6 9 6 VOYAGE AUTOUR DU MONDE.
natureU emploient nos calicots et nos cambrics de coton blancs, mais
ils les peignent de leurs couleurs et de leurs dessins de predilection.
Cette branche de commerce , enticement nouvelle encore , pourra
plus tard prendre un d^veloppement considerable. Les madapolams
[perkale trC-fine et tr£s-serr£e] , et sur - tout les toiles de coton de
Glascow, sont des objets trC - recherches sur le marche de Java : les
Chinois, dont la couleur favorite et nationale est le blanc, en font
principalement usage.
» Un article dont les demandes vont toujours croissant parmi les
insulaires indiens , ce sont les e'toffes de laine. Ce seroit une erreur
grossiere d’imaginer que les tissus de ce genre ne sont point appropries
au climat et aux habitudes des peuples de ces contrdes. Et ce qui Connera
peut-Cre ,. c’est qu’elles satisfont plus encore aux besoins des naturels qui
vivent sous l’^quateur ou dans son voisinage, que de ceux qui habitent
prC des tropiques : chez ces derniers, en effet, la moitte de l’annde
appartient a un hiver doux , pendant lequel les vCemens de laine peuvent
etre un objet agre'able, tandis que l’autre moitid se compose dun etd &ouf-
fant, qui les rend intolCables; sous I’dquateur, au contraire, ils con-
viennent en tout temps , a cause de la frequence des pluies , du retour
pdriodique et r^gulier des brises de terre et de mer , et du voisinage des
terres elevdes qui rafraichissent lair. »
Apres les etoffes, le fer et les objets de quincaillerie tiennent sans
contredit le premier rang; puis les armes et la poudre de guerre, et
quelques munitions navaies assorties aux besoins des naturels. Le th£ (i),
le sucre candi, et la porcelaine commune, sont principalement im-
ports par les Chinois. Mais ces details et quelques autres seront plus
( i ) « Le the a ete introduit dans Tarchipel d’Asie depuis I’epoque la plus reculee de ses
relations avec la Chine; Timportation annuelle en est tres-considerable : mais fe the noir
est jprtsque le seul qu’on y consomme , et seulement celui des qualites inferietires.
» Dans les premieres periodes du commerce du the avec les Europeens , tout celui qu’ils
consommoient Ieurvenoit par 1 ’intermediaire des iles indiennes. Les HoIIandais, qui paroissent
avoir pris des Chinois de Bantam Pusage de cette boisson, furent les premiers a Pintroduire.
Les Anglais sont aujourd’hui les plus grands consommateurs de cette denree.
y> On consomme annuellement aujourd’hui en Europe environ 27 obo 000 de livres pesant
[ 1 1 332 863 kilogrammes] de the; PEurope etPAmerique, ou la race europeenne toute entiere,
32000 000 de livres [ 14506065 kilogrammes], Quand nous parlons de la consommation
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LIVRE II. — Du Br£sil X Timor inclusivement. 697
convenablement places dans le tableau suivant , qui completera en
mime temps ce que nous avons a dire sur ie commerce d’importation
dans ces contrdes.
HeTimor.
, De Thomme
en societ6.
Tableau des marchandises qui pourroient itre importees avec avantage sur Hie Timor.
7 t
e
3 t
S'
0
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O
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3B
0
SB ~
m
NOMS
•
OES OBJETS
d’importation.
REMARQUES.
1
Ancres
Elies doivent £tre propres a des navires de petite dimension,
ct du poids de 6 a 1a quintaux ; mais en petit nombrc , a
cause du pcu de debit qu’il y auroit a en faire. Des grapins
d'un poids equivalent pourroient remplir Ic mime objet.
1
Bassmes en fer.
Ce sont les Chinois qui , depuis un temps immemorial , sont
en possession de foumir aux Timoriens ces utiles ustcn&iies,
connus des Chinois sous Ic nom de kwali t et a Coupang
sous celui de tatchou ; il est probable que les Europeens
n’entreroient qu’avcc desavantage en concurrence avee cux.
3
Bijoux
Des chatncs en or, des pendans d’orcille, des bracelets et
des bagues pour les femmes, seroient sans contredit bien
accueillis.
H
Canons
En cas dc guerre, un petit nombrc de canons de campagne
pourroient 6trc re^us avec empressement par les naturels.
1
Clous
II faudroit plutot un choix de gros clous propres a la cons-
truction navale et aux charpcntcs, que des clous de trop
petite dimension.
1
Cordages*. . . .
L’industrie manufacturiere des Timoriens n’itant pas encore
fort avancee, quelqucs cordages pour drisses , amures et
ieoutes de petites embarcations , com me aussi pour le
grement de navires de 40 a 50 tonneaux , seroient vus
avec interct.
H
Cristaux
J*cntends par-la des verres, des caraffes, et autres verreries
taillecs ; (‘usage commence a s’en introduire a Timor chcx
les personnes Ics plus riches ; mais ce sont les Anglais qui,
jusqu’ici , out fait ces speculations.
8
Etoffes en coton
On a vu plus haut ce qu’on pouvoit attendre du commerce
de ces etoffes, ct quels etoient les couleurs ct les dessins
capables d’en assurer le debit.
Etoffes delaine.
Le drap rouge est, jusqu’ici , en ce genre, ce qui paroit etre
le plus du goQt des habitans.
1
Fer
Les barres de fer, depuis a jusqu’a 3 pouces i/a de largeur*
et pas au-dcla de 2 pouces 1/2 d’epaisseur, sont cedes
qui convicnncnt le mieux aux besoins des insulaires in—
diens.
I I
Fusils
Les armes a feu seront toujours fort recherchees des rajas
timoriens.
1 2
Hame^ons . . .
Un assortiment d’hamcqons de grosseurs variecs, sans etre 1
trop petits, pourroit fort bien se placer.
•3
Houes
On en fait, ainsi que nous 1 ‘avons dit aillcurs, un usage asses
borne pour la culture du ris ct cede dcs jardins.
X
e
a
tn.
O
M
d
o*
SB
O
50
m
NOMS
DES OSJETS
d’importation.
REMARQUES.
*
*4
Lunettes cTap-
proche.
Un petit nombre de ces instrumens, d’un prix mod£r£ , mais
bons cependant et bien construits, sc vendroient faci-
lement.
'S
Mlroirs
II faudroit quelqucs miroirs de petite et de moyenne dimen-
sion , mais d'une fabrication soignee , pour soutenir la
concurrence que presenteroient les produits anglais.
1 6
Porcelaine com-
mune.
Probablement il seibit difficile aux Europeens de donner les
porcelaines a un aussi bas prix que le font les Chinois , et
de connoitrc aussi bien qu’eux les formes et les dimensions
, qui convicnnent aux habitudes et aux besoins des naturels.
'7
Poudre
. de guerre.
C’cst un dcs objets le plus vivement demands par les rajas
de Timor, ct que les colons europeens leur accordcnt avec
le plus de repugnance.
.8
Quincaillerie .
II faudroit sur-tout quelques outils de charpentier , de me-
nuisier et dc fotgeron ; dc la coutelleric fine et grossiere;
quelques serrures , chamiercs, vis assorties , &c.
l 9
R^sine
Le brai sec convenable au calfauge des navires auroit proba-
blement un asses bon debit.
20
Sabres
Si la construction des fames et des poignees de sabre se
rapprochoit de ce qui est depuis long-temps en usage dans
I'archipel indien, peut-etre la vente en seroit-elle plus
assurec. ( Voyr^ , pour ces modcles, the History of Java, by
Stamford Raffles, tom. II.)
2 1
Savon
Quelques Timoriens et Chinois de Coupang ont accueilli
avec empressement le savon que nous leur avons donn£, et
dont ils comprenoient bien l’usage.
21
Sole brute ....
La consommation de cet objet a Timor est pcu considerable ;
Ics Chinois, d'ailleurs, sont depuis fort long-temps en
possession de le foumir.
2 3
Sucre candi.. .
Les personnes riches seufement en font' usage pour ie the.
24
The
Les colons europeens et les Chinois sont les sculs qui cm-
ploient cette denree, dont ie trafic par consequent est
assex. limitc.
1
Verroteries. . .
i
1
Les peries dc verre , de couleurs assorties , tant compactes que
soufflees, plaiscnt beau coup aux naturels, qui en font des
colliers et des pendans d’orcille.
II N. B. Jc n’ai pas porte 1 'opium sur cette listc, parce que les Timoriens , contra!- 1
|| rement aux autres pcuples de I’archipel d’Asie, n’en font aucun usage. La connois- 1
sance de cette drogue a
dans ces contrees. 1
et£ introduce par les Arabes, lors de leurs premiers voyages
de TEurope , la Grande-Bretagne est le pays qu’il faut considerer principalement, parcequ’elle
consomme, a die seule, 22 000 000 de livres [ 9 972 919 kilogrammes] de tous les thes vendus
en Europe, et les -fr ( ou a-peu-pres les j) de tout celui qui est employe par la race euro-
peenne. » ( Crawford, op. cit. t. III. )
Tttt *
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He Timor.
De Phomme
en societe.
Transport
des
marchandises.
Commer^ans
et commerce.
6 9 8 VOYAGE AUTOUR DU MONDE.
Dans un pays ou sont k peine traces quelques sentiers etroits , on
doit concevoir que I’usage des voitures a roues pour la circulation des
marchandises est enticement inconnu. Les chevaux et ies bceufs servent
ordinairement pour le transport des grands fardeaux , tandis que ies petits
sont portes sur la tCe ou les dpaules des esclaves. Nous en excepterons
toutefois les objets qui, recueillis pres des bords de lamer, sont de pre-
ference confiC a des pirogues ou k des batimens dun foible tonnage ,
dont on voit un grand nombre tout le long de la cote. Chaque soir
on retire sur la gr£ve les embarcations legeres dont on s’est servi pen-
dant le jour; les autres restent & I’ancre dans le voisinage, ou bien
entrent , lorsqu’il y a lieu , dans les petits ports natureliement formas a
i’embouchure des riviCes.
Les Chinois, avons-nous dit, sont d’infatigabies brocanteurs; Ies
HoIIandais mettent plus d’habiletd dans leur n^goce; mais, spdculateurs
non moins instruits , Ies Portugais nous ont mis sur-tout a portae d’ap-
precier leur rondeur en affaires , et, quelquefois mCne, leur d<fsintdres-
sement. Dilie est le centre des operations commerciales de ces der-
niers. Autrefois leurs missionriaires Cablis dans I’interieur de Timor
engageoient les indigenes a porter les plus precieux produits de leur sol
dans Ies magasins du gouvecnement colonial; aujourd’hui moins sur-
veilies, et solIicitC d’ailleurs par les Chinois, qui ont des emissaires de
tous cotC , ils preferent envoyer leurs marchandises a la viile maritime
la plus voisine , ou ies HoIIandais , les Malais et Ies Chinois eux-m£mes
viennent les chercher, pour ensuite les porter a Coupang, d’ou elles
sont expddiees plus tard a Batavia.
Commerce des Portugais. — Depuis que Dilie ne correspond plus di-
rectement avec Goa , toutes les exportations annuelles de la premiere de
ces places ont lieu k l’aide de quatre navires , dont un est portugais et
va directement & Macao (i), deux autres sont anglais et ie dernier anglo-
americain. Les cargaisons de ces navires se composent de cire , bougie ,
sandal , tripangs , or , cuivre , tamarin , esclaves , & c. II seroit facile d’y
ajouter du sagou , du cafe, du sucre, du rum , du tabac sur-tout, qui se
( i ) Autrefois, deux vaisseaux portugais de 300 tonneaux alloifnt annueilement de Goa a
Dilie, pour y faire leur chargement.
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LIVRE II. — Du Brasil k Timor inclusivement. 699
recolte en si grande quantity a Dill^ ; des comes et des peaux de buffle , lie Timor,
de la casse , de ia cannelle et des muscades : cest a quoi Ion pourra arriver rhomme
un jour. Le vaisseau de Macao donne en retour des etoffes de coton de
l’lnde, des instrumens en fer, ainsi que quelques autres menues mar-
chandises ; et, apr£s un sdjour 4 Timor de deux mois ou deux mois et
demi , il en repart avec son chargement. Jadis on prescrivoit k ce navire
de passer a Tile Floris; mais, depuis I’annee 175)0 environ, cette escale
n’a plus lieu. Les vaisseaux que le commerce appelle a Dille commencent
£ y arriver a la fin de mars , et aucun n’y demeure plus tard que ia fin
d’aout, 4 cause de la violence des vents pendant la mousson du Nord-
Ouest , dont les calmes precurseurs se font sentir des le mois de sep-
tembre.
II nous a semble que les. Portugais navoient pas un nombre suffisant
de petites embarcations pour aller le long de la cote chercher les pro-
ductions indigenes qu’on peut s’y procurer; cest done principalement
par terre que leurs arrivages ont lieu. Les Hollandais et les Chinois
savent habilement profiter de cette p&iurie de transports maritimes pour
developper a leur profit un genre d’op&ation qui n’est pas moins facile
que lucratif. ''
Commerce des Hollandais. — Un seul brig de 120 & 130 tonneaux
transporte toutes les annees de Coupang a Batavia les diverses marchan-
dises indigenes qui ont ete reunies pendant le cours de I’ann^e dans les
magasins de la compagnie. De m£me que le vaisseau portugais, celui-ci
arrive a Timor 4 la fin de la mousson du Nord-Ouest, et profite de la
fin de celle du Sud-Est pour faire son retour k Java. Sa cargaison se
compose de bois de sandal , de cire , d’esclaves , de nids gelatineux , de
tripangs, d’ailerons de requins, de chevaux, bambous, rotins, feuiiles de
latanier, &c.
Commerce des Chinois. — Plusieurs champans ou jonques de la Chine
font annuellement le commerce de Timor avec Canton, et partent di-
rectement, soit de Coupang, soit de Dille, soit de tout autre point de la
cote septentrionale de file. Les marchandises qu’ils exportent sont les .
m£mes qu£ celles dont les Portugais et les Hollandais composent leurs
chargemens; mais ils donnent en ^change du thd , du sucre candi , du fer,
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7 oo VOYAGE AUTOUR DU MONDE,
lie Timor, des outils , de la porcelaine commune, de la soie , et quelques objets d’une
De I’homme moindre importance. L’jntroduction de la poudre et des armes a feu
par cette voie , e$t prohib^e par ies Hollandais et sdv^rement surveilfee.
Mesures Mesures de longueur. — Les Timoriens , comme presque tous Ies peuples
et monnoies. . . , f ,
connus, emploient pour mesures de longueur des quantites pnses des
di verses parties du corps humain, telles que la brasse, le pied, le doigt,
&c. : mais aucune de ces mesures nest fixe ; chaque individu , chaque
ouvrier en invente pour son usage et ies subdivise & sa guise, en sorte
qu’ii est tout-4-fait impossible d’etabiir entre elies et les notres aucun
rapport constant.
On a i’habitude de compter ici les mesures g^ographiques , ou de
grandes distances, par jounfees de marche d’homme ou de cheval. Ainsi
de Coupang k Amanoubang, par exemple, o.n estime qu’ii y a trois jours
de marche a pied et deux jours de marche a cheval ; il faut done en con-
clure que la journde k pied est de huit lieues a-peu-pfes , et celle a cheval
de douje. Crawfurd ne compte la premiere que de six k sept lieues :
rien, comme on voit, n’est plus vague.
Mesures de surface. — S’il est vrai que la mesure des surfaces ait pris
naissance chez Ies peuples agriculteurs , on sera peu dtonn<£ que ces
sortes de mesures soient tout-a-fait inconnues k Timor, ou la proprfete
territoriale est tellement incertaine, qu’ii seroit permis d’en recon-
noitre tout-a-fait l’existence.
♦
Mesures de capacite'. — Ordinairement les peuples europ^ens portent
avec eux , dans ieurs colonies , Ies usages de la mere - patrie ; mais
la n^cessife de se faire entendre des populations indigenes doit leur faire
adopter aussi ies id^es qui , depuis un temps immemorial , sont suivies
par les nations qu’ils fr&juentent: telles sont, par exemple, celles qui,
dans i’archipel d’Asie, se rapportent aux mesures' de capacity et aux poids.
Nous citerons, A I’^gard des premieres , le tchoupa , le koulah et le gantang,
qui servent a mesurer ies matures s£ches et Ies liquides. Peu d’exacti-
tude regne dans leur determination, ainsi que nous 1’ont appris Ies re-
cherches auxquelles nous nous sommes Hvr^s pour avoir leur valeur
relative en mesures frdn^aises.
Marsden , dans son Dictionnaire malais , assure que la capacity du
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LIVRE II. — Du Biuesil X Timor inclusivement. 701
tchoupa est presque exactement £gale au quart du gal on anglais (de
celui sans doute qui sert en Angleterre k mesurer les matieres seches ) ;
nous en avons conclu que la capacity du tchoupa est d’un litre et 10
centilitres.
Le koulah se compose dune branche de bambou , que Crawford dit
£tre d’une capacity ^gale a celle du galon anglais (1), valant cons^quem-
ment, d’aprfcs ce qui pr£c£de, 4 litres 4° centilitres; et puisque le m£me
auteur veut que le gantang soit double du koulah, celui-ci vaudra done a
son tour 8 litres 80 centilitres.
Poids. — L’incertitude qu’on remarque dans les mesures de capacity
se retrouve en grande partie dans les mesures de pesanteur, qui sont en
gdndral d’origine chinoise. Le bongkal, nomme plus fr^quemment par les
Chinois tahil, est la dixteme partie du kati, egai Iui-m£me & la cen-
time partie du pikol (2); il faut enfin 30 pikols pour faire un koyan.
D’apres Crawford ( 3 ) , le pikol est egal a 133 livres j anglaises ,
avoirdupois , ce qui revient en mesures fran9aises a 60 kilogrammes
442 grammes : cette valeur, et les rapports exprim^s plus haut, nous
ont servi a determiner celle du tahil, du kati et du koyan.
Mais ce seroit une erreur de croire que ces differens poids ont dans
toutes les parties de Farchipei la valeur rigoureuse que nous leur don-
nons ici ; des differences souvent fort grandes s'y remarquent : celles du
pikol et du kati cependant sont les moins sujettes k variation.
La valeur du |>ikol, que nous venons de fixer, difl£re un peu de celle
( 1 ) Marsden , au contraire ( op. cit. ) , veut que Ie gantang soit la meme mesure que le koulah,
et que leur capacite commune soit egale a la huit-centieme partie du koyan , qui est une mesure
de pesanteur dont nous parlerons bientot.
II dit encore que la quatrieme partie d’un koulah , d’un bambou et d’un gantang , mesures qu’il
considere toutes les trois comma egales, sont equivalentes a un poids d’environ une Iivre etdemie
de riz, poids anglais ( sans doute avoirdupois); le koulah, selon lui,peseroit done 6 livres, poids
anglais, ou 2 kilogrammes 720 grammes. Or, pour que cela fut d’accord avec ce qui precede,
il eut fallut que ces 6 livres ou 2 kilogrammes de riz , pussent occuper une capacite de
8 litres ce qui est evidemment impossible , puisque, par une experience facile h re peter, on
trouve que 8 litres de riz de la Caroline pesent au-dela de 7 kilogrammes au lieu de 2 kilo-
grammes et, si I’on suppose qu’il s’agisse du riz de Piemont, pres de 6 kilogrammes 1/2.
(2) Nous verrons plus bas que 5 pikols valent 500 livres hollandaises; il nousfaudra done en
conclure que la Iivre hollandaise et le tahil sont la meme chose , du moins dans les possessions
hollandaises de I’archipel d’Asie.
(3) Op. cit. 1. 1 .
lie Timor.
De Thomme
en societe.
Digitized by ^jOoq le
lie Timor.
De Thom me
en societe.
702 VOYAGE AUTOUR DU MONDE,
que nous avions conclue nous-m£mes pendant notre sejour a Coupang;
M. Requin, en efiet, ayant compart le poids dun nombre determine de
pikols de riz, avec leur valeur en poids fran9ais, s’assura que ie pikol
£toit exactement de 5 6 kiiogrammes, c’est-a-dire, d’environ 4 kilo-
grammes 1/2 de moins que la valeur donn^e plus haut. Mais les pes^es
de part et d’autre ont-elles 6te faites avec la m£me exactitude ! c’est ce
dont nous n’oserions repondre.
Dans une relache pr^cedente k Coupang, lors du voyage de Baudin aux
Terres australes, nous avions trouv<f que le pikol valoit 125 livres, poids
de marc, c’est-a-dire, 61 kilogrammes 188 grammes, quantity qui ne
diftcre plus que d’environ — de kilogramme de celle que nous avons d 6-
finitivement adoptee.
Le pikol £tant ainsi fix6 a 60 kilogrammes 4 4 2 grammes, nous
conclurons de ce qui pr£c£de que la valeur du koyan est 4 gale a 1 8 1 3
kilogrammes 260 grammes. Cependant rien n’est moins fixe, puisque, en
effet, il y a des koyans de 20 pikols, d’autres de 27, de 28 et m£me
de 4° ‘ la valeur que nous avons donnee tient le milieu entre ces ex-
tremes. Nous ferons remarquer encore que les Hollandais, aimant beau-
coup k ^galiser les mesures des indigenes avec les leurs propres, regar-
dent volontiers le koyan comme ^quivalant k un last&e la Compagnie (1),
qui est lui-m£me de 3 000 livres hollandaises ou 1 8 1 3 kilog. 260 gram.
D’apres Marsden encore (2) , ie koyan est particuli£rement employ^ pour
i’estimation des cargaisons de navires , et sa valeur differe selon les localites.
Sur la cote occidentale de Sumatra, il est de 800 koulah (3) ou d’un nombre
£gal de galons anglais, en quoi Marsden est d’accord avec Crawfiird.Mais
k Palembang, le koyan de riz est de 48 pikols = 6 4 °° livres d’Angle-
terre (avoirdupois) = 2901 kilogrammes 213 grammes. Divisant ce
dernier nombre par 48 , nous retombons justement sur 60 kilogrammes
442 grammes, valeur adoptee plus haut pour celle du pikol.
Quelquefois on se sert , pour peser le poivre , du bahara , qui est un
poids arabe dont la valeur propre est indetermin^e. Il vaut, (J^ns quelques
parties de I’archipel, 396 livres (avoirdupois), ou 179 kilogrammes
( 1 ) Voyez Valentyn, Beschryvinge van Amboijxa,
(2) Diction, malais,
(3) Voyez plus haut le mot koulah, aux mesures de capacite.
Digitized by boogie
LIVRE II. — Du Bresil X Timor inclusivement. 703
513 grammes; et dans d’autres 560 iivres, ^quivalentes a 253 kilo- lie Timor,
grammes 85 6 grammes. A Timor et a Amboine, d’ap_r£s Valentyn (1), De Thomme
le bahar^ est egal a 5 pikols, ou 500 Iivres hollandaises , c’est-d-dire, a SOCIete •
302 kilogrammes 210 grammes.
Pour peser les grandes masses, les Portugais de Dille emploient le
candil, valant 1 000 Iivres de Portugal, 460 kilogrammes 800 grammes.
ACoupang, on se sert, pour le fn£me objet, du last, qui est, comme
nous I’avons dejk dit, de 3 o pikols =1813 kilogrammes z 6 o grammes,
ou un peu moins de deux tonneaux de mer fran^ais.
« Dans I’op^ration delicate de peser Tor , dit Crawfurd (2) , la seule
des productions indigenes qui ne soit pas susceptible d’etre appreciee
.par nombre ou par blocs , doit se trouver I’origine de 1’usage des poids
chez les indigenes eux-memes. Les grains de riz sont encore employes
quelquefois k peser Tor dans le voisinage des mines de Sumatra; tout im-
parfaits que sont ces moyens , ils n’ont point etc jusqu’ici gdn^ralement
remplaces par les mdthodes plus exactes que les Strangers ont introduites.»
Monnoies. — Les monnoies ayant cours X Timor, du moins dans les
parties de I ’lie que les Europ<fens frequentent , sont la piastre espagnole et
la roupie de 1’Inde : dans les possessions portugaises , on se sert du xerafim
'[stfraphin], monnoie de compte, et du pardaon; les Hollandais font
plus specialement usage de la risdale, qui se prend ici pour 2 f 4o c , cequi
est d-peu-pres aussi la valeur de la roupie; enfin du duit , petite pike
de monnoie reprkentant 1 centime et 1/3 , argent de France.
D’apres I’amiral Rosily, la piastre vaudroit 2 pardaons -f; k ce compte
le pardaon seroit X tres-peu pr£s de 2 f . Le dictionnaire portugais d’^H-
tonio Moraes Silva dit que le pardaon , monnoie de l’lnde , est d en-
viron 3 tostoes [i f 87°, 5]; Goes le fait egal a 300 reis [z { 27°];
et Fernando Mendez croit que 400 000 pardaons valent po 000 cru-
zados, c’est- 4 -dire , qu’un pardaon est egal a o f 6 y c ,$ ; cette demiere
determination etant evidemment erronk, nous prendrons la moyenne
des trois autres, et nous aurons pour valeur du pardaon 2 f o4 c ,8 , ou &
trk-peu pres 2 f .
( 1 ) Op. cit.
(2) Op. cit. t. I.
Voyage de V Uranic. — Historiquc. V V V V
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He Timor.
De rhomme
en societe.
704 VOYAGE AUTOUR DU MONDE.
Nous terminerons ce paragraphe par le tableau general des valeurs
numeriques que nous avons definitivement adoptees.
*
Table A U general des mesures , poids et monnoies employes sur file Timor.
NATURE
DES MESURES.
NOMS
DES MESURES.
VALEUR
EN MESURES
FRANCISES.
REMARQUES.
Dotert
Pied
Ces mesures sont a-peu-pres /gales a cellcs que
Mesures
/ Brasse
mination.
DE LONGUEUR.
j Jour de marche a pied
8 lieues.
)
Mesures
DE CAPACITE.
K Jour de marche a chcval ....
1 Tchoupa *.
10 a 12 lieues.
litre, centil.
I .IO.
l Valeurs approximative*.
»x ... |. ) ictr j**i| i!
Servent pour les matieres seches et pour les li-
, quides ; mais ces valeurs sont sujettes a d’assez
Koulah
4
» 4 °* (
,80.
Gan tang
8
grandes variations, scion les loealites.
Bongkal , ou tahil
kilog.
O
gram.
,060.
/
Kati
O
,60 4.
- 44 1 *
,260.
Egal ici k la livre hollandaisc.
l
Pikoi
60
• 1
Koyan
1813
3°2
460
1813
centig.
2
francs.
7 S
e
Valeur egalc a cclle du last , donnec ci-apres.
Bahara
,2 1 0.
La valcur du bahara est, pourainsi dire , in-
Poids >
Candii
,800.
detinie ; nous indiquons approximativement
cclle qu’on lui donne a Amboinc et k Cou-
pang.
Poids en usage dans les possessions portugaises
de Timor.
Les Hollandais ont egalisc cctie mesure avec cclle
du koyan.
J’ai trouve, par plusieurs experiences, que
too grains dc riz de la Caroline pe&cnt 2 gram-
mes et 365 milliemes dc gramme.
Monnoie employee quelquefois a Dille et dans
les possessions portugaises de I’Inde , au molns
comme monnoie dc compte.
1 1* dnnn# fa va Ini r mnvfnn/ 1
Last ( de la Compagnie ). .
,260.
|
•
Grain de riz ( poids pour Tor ) .
Xerafim , ou s^raphin
mUIi.
. 3 6 5 *
cent.
,00.
♦
Piastre espagnoie.
43 *
,;o.
, 4 °.
,00*
Roupie de I’Inde
j
2
Jv uuimc m yiiwur muYciuiCt
r 1 y ' ' ' t ' ’ r 1
J’ai suppose que e'etoit la roupie sica.
Monnoie dont on ne fait guerc usage que dans
les etablissemens hollandais ; je note ici la
valeur qu'ellc a t Coupang.
Monnoie de I'Inde , particulicrcment connue
a Dille.
Rigourcuscmcnt ce seroit o f ,01 *,3. On ne con-
noit cette petite monnoie que dans les depen-
danccs hollandaiscs dc Timor, telies que Cou-
pang, &c.
Monnoies. . . -
Risdale .
2
[ Pardaon
2
' ' |
1 _ m iiMi/i • j 1 ' jui
Duit
0
.0 I .
» w l*
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LIVRE II. — Du BrIsil X Timor inclusiv£ment.
§. X.
7 ° 5
lie Timor.
De l’homme
en societe.
Gouvemement.
Nous nous ptoposons d’examiner dans ce paragraphe, autant du
moins que peuvent le permettre Ies connoissances restreintes que nous
possldons , ia constitution sociaie des indigenes de Timor, en ce qui est
relatif a I’autorit^ souveraine ou a ses dengues , aux lois , aux chatimens ,
aux finances, a l’etat militaire et politique. Nous jetterons ensuite un
coup-d’oeil rapide $ur I’administration coloniale des Portugais et sur
celle des Hoilandais dans cette contr^e.
Nature dugouvernement. — Le pouvoir supreme a Timor est placd entre Ies h
exercent sur leurs
sujets une autorit^ absolue et presque despotique. Cette dignitd , h6redi-
taire dans la famille de celui qui en est rev£tu , est generalement consid&ee
comme &ant de droit divin et ind^I^bile : de Iti sans doute le respect
extreme que les Timoriens professent pour ces. princes. Quand un raja
passe devant quejques-uns de ses sujets, ils doivent s’asseoir par politesse,
et , s’ils veulent lui parler, mettre la main devant leur bouche pour que
leur haleine ne le souille point ; il en est qui vont jusqu a donner k leur
souverain le nom de fils de Dieu. Les Malais de Coupang, quoique fort
attaches aux leurs, sont moins prodigues envers eux de temoignages
d’humilite.
L’ordre de succession k la couronne n’est pas le m£me pour tous Ies
royaumes. Dans Ies uns, ce sont Ies freres du souverain qui regnent apres
lui, par ordre de primogeniture ; s’il ne laisse point de freres, c’est son fils
ain^ qui succede, ou, 4 defaut de celui-ci, le fils du frere aine du raja.
Dans d’autres £tats, le fils aine du roi defunt herite de la souveraine puis-
sance; et s’il est mineur, la reine gouverne en son nom. Mais si le roi est
dec6d£ veuf, ou que la r^gente vienne k mourir durant la minority, le
trone passe au membre de la famille royale qui est ^lu par le peuple.
Les femmes sont en general exclues de la successibilite a la couronne ;
y v v v*
mains d’un assez grand nombre de rajas ou de rois , qui
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lie Timor.
De I’hom me
en societe.
Legislation.
706 VOYAGE AUTOUR DU MONDE.
cependant il paroitroit que cette r£gle , dans certaines parties de file,
n’est pas sans exception.
La noblesse k Timor est v6ritablement hdr^ditaire dans des families
privilegiees , quoiqu’A la rigueur le titre port£ par les individus soit enti&-
rement a la nomination du souverain. Nous avons d<£j& dit ( S- vii) que
les datos occupent le premier rang, que les toumougoms viennent
ensuite , et que parmi eux Itf* roi choisit tous l.es hauts fonctionnaires
de son royaume, particuli^rement ses ministres, ou plutot ses con-
seiilers, puisque ceux-ci n’ont reellement aucune autoritd politique.
La noblesse inferieure porte, je crois, la denomination particuliere de.
labos ( voye% plus haut p. 6 31).
Selon Crawfurd (1), le mot dato ou datou, dans le sens littoral, veut
dire grand pere, ou, par une legere inflexion , ancien ou dine; pris au figure,
il signifie seigneur et chef. Dans quelques endroits des pays malais, dit
Marsden (2) , ce mot paroit £tre plutot un titre de magistrature , et alors
le nombre des personnes qui le portent est limits k quatre.
Lois et administration de la justice. — Dans un pays ou f^criture n’est
connue que d’un tr^s-petit nombre d’habitans qui appartiennent sur-tout
a la classe des etrangers , *il est naturel que la legislation consiste dans la
tradition des usages et des coutumes locales, modifies peut-£tre par
quelques unes des idees qu’ont introduites les mahometans et les Chinois.
En general les lois (3) et la religion , ainsi que I’a dejA remarque Crawfurd ,
sont toujours ici inseparables. Rarement le souverain administre-t-il la
justice en personne; mais il sen m£Ie quand il le juge propos.
Delits et chdtimens . — Les deiits contre la proprietd sont, parmi
les insulaires de farchipel d’Asie , les plus frequens de tous ( 4 ). La
violation de la foi conjugale est consider comme un crime tr£s-
( 1 ) Op. cit, t. III.
(2) Dictionnaire malais .
( 3 ) Les lois des insulaires iadiens garantissent les depots , prindpalement ceux qu’ont
faits des voyageurs. Quand un etranger arrive dans un village , il doit s’adresser Iui-meme
au chef, et consigner ses marchandises a sa charge. Si elles sont perdues, le village est res-
ponsable. Le proprietaire meme d’une maison est , A vertu de la Ioi ou de la coutume , responsable
des marchandises defetranger qui dort sous son toit, pourvu que ces marchandises aient ete
dument consignees a ses soins. » ( Crawfurd , op. cit. t. III. )
(4) « Si quelqu’un entre dans un village a une heure indue, dit une ancienne loi javanaise,
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LIVRE II. — Du Bresil X Timor inclusivement. 707
grave ( 1 ) : dans ie cas de flagrant delit, le mari peut tuer son Spouse lie Timor.
infidMe et I’homme qui l’a s&luite , sans 6tre passible d’aucune punition : 1)6 1’homme
* ei? societe.
hors cette circonstance , le suborneur est tenu de payer une amende
au mari outrage ; et s’il est dans Timpuissance de ie faire , il devient
son esclave : quant a la femme , libre au mari de la renvoyer chez
ses parens, et de la priver rti£me de ses enfans; il nest pas non plus
sans exemple quelle revive pr^alablement une vigoureuse correction
conjugale.
Tantot le viol est puni de mort, tantot dune amende considerable ou
de la simple fustigation , selon la quality respective de la personne insult^e
et du ddinquant.
Celui qui s’est rendu coupable d’assassinat est condamn^ a payer A la
famiile une somme plus ou moins forte (2); iorsquii est insolvable, on le
vend comme esclave.
Si un homme coupe des arbres appartenant k un autre, sans son con-
sen tement, dit fancien code de Java (3), il sera condamne a Tamende,
et force de rendre Ie double de ce qu’il aura pris ; si Ie delit est commis
de nuit, ie coupable doit 6tre puni de mort.
« Chez les habitans de farchipel indien ( 4 ) , les chatimens ont plutot
ie’caractere dune violence arbitraire que celui dun raffinement de cruaute,
comme on ie voit chez les Indous et les Chinois ; mais on remarque en
m£me temps qu’on y fait bien moins de cas de la vie humaine que ne
paroitroient findiquer les lois des deux peuples que nous venons de cfter, v
et particuli&rement celles des Chinois.
» La x mort est la punition d’une multitude de petites offenses; elle
est mime souvent ordonn^e avec une I<£g£ret<£ et une sorte de badinage
qui sont r^voitans pour les hommes civilises. Lorsqu’un criminel est
et qu’il ne reponde* pas pendant trois fois k l’appel qui Iui est fait, il sera considere comme
un voleur. » (Crawfurd, op. tit. t. III.)
( 1 ) « Excepte parmi les Javanais, dontles moeurs sur ce point, dit Crawfurd, ressemblent
beaucoup a celles des nations qui vivent entre i’lndostan et la Chine. »
( 2 ) Chez les anciens Germains, Ie meurtre s’expioit aussi par une amende, dont partie
appartenort au roi ou a fetat, et Ie reste a la personne offens6e, si elle avoit survecu, ou,
dans le cas contraire, a ses parens. ( Robertson, Hist . of Charles the fifth, x. I. )
( 3 ) Voyez Crawfurd, op . tit. t. III. '
(4) Ibid. \
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lie Timor.
De rhomrtie
en societe.
708 VOYAGE AUTOUR DU MONDE.
apprehend^ , ia premiere chose que i’on fait toujours est de le priver
de son kris.
» La m^thode ia plus commune d’infliger k queiqu’un une mort
vioiente, c’est de le poignarder; et cela se fait mime dans ies execu-
tions legates. La strangulation ou ia decapitation ne se pratiquent jamais.
*> Au reste, ies punitions varient consicterabiement , seion le caractere
et ies habitudes des diderentes tribus ; mais ies amendes et la mort soni
ies chatimens ies plus frequens, et Ies simples punitions oorporelies
le Sont beaucoup moins. »
Les Timoriens libres qui , ay ant commis queique delit , ne sont pas
juges meriter ia peine capitaie , sont faits esclaves; c’est aussi. dans
ies guerres perpetuelies que tant de petits etats se font, entre eux, ce
qui a coutume d’arriver aux prisonniers qui n’ont pas ete pris ies armes
a la main.
Esclavage. — « Dans toutes ies lies de l’archipel d’Asie, Iqs esclaves
peuvent 6tre ranges en quatre categories distinctes : ies prisonniers de
guerre, les ddbiteurs hors d’etat de se racheter (1), les crimineis con-
damnes a la servitude , et des insuiaires Grangers derobes a Ieur famille
iorsqu’iis etoient encore en bas age; nous disons btrangers, car il 6eroit
tres-difficile de garder de tels* esclaves dans ie pays m£me ou ieur enie«-
vement auroit eu lieu. »
Nous avons fait souvent une remarque qui n'a pas echapp^ non plus
a Crawfurd; c’est que les esclaves, chez ies insuiaires indiens (2) , spnt
en general traites avec bonte , m£me avec tendresse , et consideres piutot
comme les enfans de la maison ou des domestiques favorises, que comme
des dres d une condition servile et abjecte.
Successions civ ties .■&—* A la mort d’un homme , sa -succession appartient
( 1 ) « Ce sont des gens qui, volontairement ou d’apres Ies Iois de Ieur pays , hypothequent
leurs services pour, un certain temps ou pour toute Ieur vie, a dessein d acquitter quelques obli-
gations dont ils n’auroient aucun autre moyeo de se Iiberer. Lear condition eft, dansle fait,
une sorte d’esclavage roitige. » ( Crawfurd } HI. )
(2) « Lesclavage, dit encore Tauteur que nous venons de citer, nest pas admis parmi Ies
Javanais; la raison en est qu’on k peu? $’y procurer le service des personnes libres, sans qu’il en
coute sensiblement davantage. II y a cependant des esclaves a Java, mais .ils spnt etijangers a
file. »
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LIVRE II. — r- Du Br£sil X Timor inclusjvement. 70^
de droit a son frere aine', ensuite au second frere, puis au froisieme, &c. ;
apres quoi elie revient au fils ain<* du defunt.On est maitre cependant
de disposer de ses biens eh faveur de qui Ton veut; mais comme il n’y a
point de notaires dans le pays , le testateur doit avoir soin de faire con-
noitre publiquement sa volonte ( t ), precaution qu’il a toujours soin
de prendre de tr&s-bonne heure.
Les monnoies n'ont guere cours a Timor que sur les points centraux
des colonies europ^ennes ; par-tout ailleurs les salaires et les tributs se
paient en nature. Le dixieme du produit des terres est a-peu-pres , chez
toutesles nations de i’Orient (2), la quote-part exigible par le souverain ;
ces taxes ne portent que sur les cultivateurs , et nullement sur d’autres
classes du peuple. On leve aussi des contributions extraordinaires qui
pesent sur la totality des habitans ; c’est , par exemple , a la naissance , au
mariage et au d^ces de quelque membre de la famille souveraine , ou
d'un chef Eminent en dignity.
Les salaires des homines titres consistent dans une quantite d£ter-
min^e de denies ou d’autres productions du sol; il en est de m£me
des tributs que les naturels paient, soit aux Portugajs, soit aux Hol-
landais, et qui consistent principalement en bois de sandal , en cire, en
esclaves, or, cuivre, et, accidentellernent aussi, en denies qui peuvent
£tre demandees pour les besoins de leurs 6tablissemens.
Les taxes de consommation dans ces contr^es sont dune institution
beaucoup plus recente , dit Crawford , fet dues probabjement k l’exemple
des Chinois. La premiere tentative faite pour taxer le commerce etranger
s’est rdduite a en faire le monopole , et ce principe est encore adopte
par la plupart des gouvernemens indigenes de far chi pel, II npus a paru
que les gouverneurs de DiII£ et de Coupang se conduisoient eux-m£mes
d’apres ces principes; la contrebande a du en £tre et en est encore bien
souvent la consequence,
Il seroit difficile de dormer avec exactitude le nombre d’hommes que
( 1 ) D’aptie? le Code Justin ten , la loi roraaiae refusoit d’accepter un ecrit autographs
comme piece de comparison,. dans une verification dec,riture,a moins que i’authenticite n’en
eut ete attestee par des tenyjins«prcsens a la redaction.
( 2 ) Voyez Crawfurd, t. 111.
lie Timor.
De i’homme
en societe.
Finances.
Etat militaire.
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Timor.
Thom me
society.
710 VOYAGE AUTOUR DU MONDE,
chacun des rois de Timor peut mettre sous les armes en cas de guerre;
cette question tient 4 celle de ia population , sur laquelle , comme on
fa vu plus haut, nous n’avons eu que des notions assez incompletes. Les
Portugais croient que la province de Bellos peut au besoin leur foumir
4o 000 guerriers, dont 3 000 arm<£s de fusils, et le reste de sabres (1),
de boucliers (2), lances, sagaies ou javelots (3), arcs et ffcches; celle
des Vai'kinos , 25 000 hommes, dont 2 000 fusiliers, et les autres pour-
vus d’armes du pays (4) : le kris est port^ glnlralement par tous les
soldats. On dit que le roi de Vikike ( 5 ) peut mettre sur pied , pour
son contingent, 6 000 hommes de guerre. Les Vai'k&ios ont une cavalerie
plus nombreuse que celle des Bellos ; ils doivent sans doute cet avan-
tage a 1a disposition moins montueuse du sol de leur province ; mais s’il y
a peu de chevaux chez les seconds , ils y sont bien exerc^s : on y voit en-
core un grand nombre d’ archers tr^s-adroits , dont les arcs et les fl&ches sont
pareils 4 ceux des habitans de file Ombai (voyez pi. 3 5 )., Quelques-uns
de ces cavaliers portent parfois aussi de mauvais pistolets.
A Diite, nous avons dt 6 t^moins d’un simulacre de combat timorien
dont le gouverneur voulut nous donner le spectacle. Les combattans
se montrerent d’abord armls de javelots , qu’ils se lancirent r^ciproque-
ment. Pendant cet exercice, ils furent dans un mouvement continue!,
sautant, gambadant, poussant des cris affreux; tantot se baissant presque
jusqu a terre, puis s’devant en fair, ou s^Ian^ant de cot 6 et d’autre , pour
d&outer leurs adversaires qui cherchoient k les frapper. Leur adresse
et leur agilit^ sont telles , qu’en se tournant vivement de cotd, ils
pouvoient arr^ter-en fair et m£me renvoyer 4 leur ennemi le trait qu’ils
en avoient re^u. Ces mouvemens , au reste, s’ex^cutent avec tant de
(1) Une poigneeen corne de buffle, assez bien travaillee, mais d’une forme bizarre, rend
le maniement de leur sabre fort incommode.
' (2) Ils ont deux sortes de boucliers : les uns sont grands, convexes, ronds, faits avec des
peaux de buffle dessechees; les autres, en bois, forment un parallllogramme convexe.
(3) Ils portent ordinairement avec eux six sagaies. Pour lancer ce projectile, ils le tiennent
de Ia main droite et le posent au-dessus de I’epaule du meme cote, dans tine situation horizon-
tale, le poignet pres de la naissance du bras. A Finstant ou la sagaie doit partir, ils se frappent
fbrtement avec la main gauche vers la region anterieure de Iepaule.
( 4 ) Des gourdins d’un bois dur, especes de casse-tetes, sortt parfois aussi employes.
(5) Voyez pi. 17.
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LIVRE II. — Du Brasil X Timor inclusivement. 7 1 1
promptitude, tant d’action , tant d’ardeur, qu’on leur voit bientot ruis’seler
la sueur sur le corps. Le combat A i’arc s’ex^cute dune manure plus
posde; nous les avons vus atteindre k un but fort doigne sans jamais
le manquer. A la guerre, les fl&ches et les kris qu'ils emploient sont
souvent empoisonn^s.
- L’instrument de guerre pour rtfgler ia marche ou rassembier la troupe ,
est un cornet k bouquin en bois, qui rend un son dur qu’on entend de
fort loin. Un bonnet en feuilles de latanier, et le desordre de leur cheve-
lure, qui ajoute a I’air farouche qu’ils affectent, sont les seuls signes
auxquels on reconnoisse les guerriers.
Par suite du caractde inquiet et turbulent des Timoriens, ils courent
aux armes sur le plus teger prdexte (1). Pour eux la guerre n’est qu’une
occasion de pillage. Jamais ils ne s’attaquent en bataille rangee : se sur-
prendre mutuellement dans des embuscades ; fondre, d£s qu’ils le peuvent,
vingt contre un sur un village; £gorger tout ce qu’ils y trouvent, hormis
les jeunes femmes, dont ils font des esclaves; s’emparer des chevaux, des
troupeaux; bruler les maisons, ddruire les cultures, et retourner enfin
chez eux en desordre et en toute hate : tels sont le but et la conclusion
de leurs exploits.
Si par hasard deux troupes ennemies se trouvent en presence, elles
s’attaquent avec furie, mais sans aucun ordre. Les vainqueurs coupent
les t£tes de tous leurs adversaires restes sur le champ de bataille , et s’en
font de sanglans trophees : les hommes pris vivans hors des combats sont
faits esclaves, et chaque guerrier, en mdnoire de sa victoire,- porte au-
dessus du coude autant de bracelets d’argent ou d’ivoire qu’il a tu^ d’en-
nemis corps a corps.
» A la rigueur , un epi de mais suffit ici a la nourriture d’un soldat pen-
dant trois jours.
Quoique les royaumes timoriens soient en general de peu d’dendue ,
leurs souverains forment fr&juemment entre eux des alliances defen-
sives et offensives. Les relations de famille consolident naturellement
( 1 ) Quoique les peuples de 1 ’interieur soient constamment en guerre entre eux, les habitans
des bords de la mer paroissent y prendre peu de part. (Dampier, Voy. to New-Holi.
ini6pj>.)
Voyage de I'Uranu. — Historique. X X X X
lie Timor.
De rhomme
en society.
j
Etat politique.
Digitized by LjOOQLe
lie Timor.
De I’homme
en societe.
Administration
portugaise.
712 VOYAGE AUTOUR DU MONDE,
ces fortes de traites; aussi cherchent-iis, autant qu’iis ie peavent, 4 ies
multiplier. Ii resuite de ce systeme , que tels rajas dont ies etats n’oc-
cupent pas un grand espace sur ia carte , sont cependant des potentats re-
doutabies. S’iis n'entretiennent pas habitueiiement des ambassadeurs dans
ies autres cours, iis y en envoient quand Ies circonstances fexigent : c’est
ordinairement un toumougom qu’on choisit pour rempiir ces foncdons.
Soit qu’on examine ie nombre des royaumes qui sont allies ou tri-
butaires des Portugais, soit qu’ori ^tudie la forme administrative de ieur
coionie sur ces bords, on est oblige de convenir que ies Portugais ont a
Timor une importance bien plus grande que Ies Hoiiandais ; et cette
importance acquerroit surement plus d’etendue , si Ton pouvoit revenir
sur Ies abus administratifs que nous avons deja signals.
Le gouverneur de Ditie prend Ie ti(re d’illustrissime seigneur, gouverneur et
capitaine general des ties Solor et Timor. L’officier qui occupoit ce poste ,
iorsque nous visitames ces contr^es , £toit D. Jose Pinto Aicoforado
d’ Acevedo e Souza, chevalier profes de i’ordre du Christ, et lieutenant
colonel d’artiilerie. « Sur Ies cinquante a soixante officiers qui etoient
sous ses ordres, dit M. Lamarche, trois seulement avoient ^leg grades
sup^rieurs : I’un , sous ie titre de capital mor, commandoit en chef la pro-
vince de Bellos et la portion de ceiie des VaikenoS soumise au Por-
tugal : c’^toit proprement ia seconde autorit^ de la coionie. Un autre ,
D. Raymundo Jose Cardoso Couttinho , <koit chef du secretariat de
Diiie : habitant de Timor depuis vingt-cinq ans , il en connoissoit par-
faitement 4 a statistique ; nous lui devons plus d’un renseignement pr£-
cieux.
Sur la quantity d’officiers dont il vtent d’etre parle , un petit nombre
resident habitueiiement 4 Diiie ; ies autres sont r^pandus dans ies diverses •
parties de file ou ie besoin du service I’exige. A I’epoque oh nous visi-
tames ces iieux , ies Portugais entretenoient, dit-on , sur la cote , une qua-
rantaine de postes miiitaires , commandes par des officiers ou des sous-
officiers; et 4 queiques iieues de distance dans i’inferieur , iis avoient un
camp d’observation de 2 000 hommes , ou plusieurs officiers portugais
etoient employes. Ce camp, destine 4 tenir Ies Hoiiandais en echec,
devoit aussi repousser au besoin par la force Ies empidtemens continueis
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LIVRE II. — Du Br£sil X Timor inclusivement. 713
qui paroissent faire ici I’objet de la politique femiliere X ces derniers (1). lie Timor.
Nous nous sommes convaincus que le gouverneur portugais exercoit De rhomme
. . , en societe.
une influence beaucoup plus grande sur les rois ses tributaires que ne
ie faisoit le chef de la colonie de Coupang. Chez les premiers , tout
est men^ miiitairement ; les rajas allies sont traitls avec une distinction
que les HoIIandais trop souvent leur refusent. Ici on leur accorde des
grades , des titres , qui , en les honorant X leurs propres yeux , cachent
du moins la dependance dans laquelle on les tient : chacun d’eux porte ie
titre de comte et a Ie brevet de coionei ; sous ses ordres immediats se
trouvent un commandant de la cavalerie, un lieutenant -colonel, un
major, un capitaine-commandant, un capitaine en second , et deux officiers
subalternes ; de plus , quand un des rajas a rendu a I’etat quelque service
signal^, on I’^Ieve au grade de brigadier ou de marshal de camp.
En cas de guerre entre ces princes , Ie gouverneur est I’arbitre n^
des contestations; il condamne I’agresseur a I’amende ou k toute autre
peine, dont la detention dans un des forts de DiII£ est ordinairement
la plus forte. Mais , dans les relations sociales , lorsque les rajas
viennent k Dill^, ils sont re9us k sa table, et entourls de toute la con-
sideration qui est due X leur rang.
Administration de la justice. — Toute I’autoritd civile et militaire est
entre les mains du gouverneur : cependant il y a X DiII£ un magistrat
charge d’examiner et de juger les contestations qui s’devent entre les
particuliers ; il doit surveiller aussi tout ce qui est relatif a la perception
des droits du fisc , et en rendre compte an gouverneur , de qui il tient
sa mission.
Des personnes dignes de foi assurent que Goa est pour les Portugais
un lieu de deportation, et qu’ils sont dans l’usage d’envoyer a Timor
les plus mauvais sujets que Ion expulse de la premiere de ces colonies.
DiH£ , Batougu&Ie et Okouss^ sont plus particuli£rement les points vers
lesquels on les dirige; et, ce qui est malheureux, c’est qu’on est souvent
oblig^ de prendre dans cette classe perverse les personnes qui doivent
occuper les rangs secondaires de I administration.
Finances. — Indlpendamment des tributs qu’ils re^oivent en nature ,
( i ) Voyez, p. 538 , ce qui a ete dit k ce sujet dans Ie chapitre precedent.
xxxx*
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lie Timor.
De Thom me
en societe.
714 VOYAGE AUTOUR DU MONDE,
les Portugais prevent, dans les ports sous ieur d^pendance , certains
droits de douane. Un administrates et receveur de ces droits est oblige
de faire ses versemens au tresor royal de Dilie, de six en six mois, en
prdevant seulement pour lui, en sus des dmolumens de sa place, un
vingti^me du produit total. Cet administrateur doit percevoir 5 p. 0/0
sur toutes les marchandises import^es, et 7 sur celles qui sont exportdes ,
comme sandal , cire , vivres , &c ; on paie pour chaque buffle 2 pardaons
[4 fr. ], et moitie pour une t£te de pore. Mais il arrive souvent, dans
certaines locaiitds , que les droits de douane sont donnes en ferme. L’ad-
judication sen fait ordinairement pour trois ans , et le fermier s’oblige
k verser ses fonds chaque trimestre dans la caisse royale. Si les paiemens
n’etoient pas faits avec exactitude, le bail seroit rompu de droit. Le
gouverneur doit accorder au fermier tous les secours que celui-ci peut
requ^rir dans l’intlrdt de son bail. En i 8 op, la ferme de tous les droits
de douane des villes maritimes de la cote septentrionale de Timor, depuis
Atapoupou, en allant vers l'Est, fut adjugee pour la somme de 800 par-
daons [ 1 600 francs ] par an.
Nous avons dit que les tributs des royaumes vassaux du Portugal se
paient ordinairement en nature ; il est cependant assez d’usage de les esti-
mer en pardaons. Ces esp^ces de contributions ne sont exigibles qu’apr^s
i’annde rdvolue et a I’epoque de Paque. Pour donner une id£e de leur
importance, nous dirons qu’en 1815 le royaume de Fialara paya 50 par-
daons [100 francs] pour son tribut annuel, et celui de Jouanilho,
1 o pardaons [20 francs] i’ann& suivante. Tout cela , comme on voit , est
peu de chose. Je n’ai aucune* 'donnee sur la quotit^ des sommes qui sont
payees par les autres royaumes ; mais je suis convaincu que tout s’y trouve
r^gle avec moderation. Au reste, rien n’est plus ordinaire que de voir
des rajas qui se dispensent de payer cette petite redevance; et peut - etre
est-ce trop dire que, par cette cause, le dixi£me seulement des tributs
arrive & peine dans les coffres du gouvernement colonial.
&tat militaire. — Lorsque la colonie portugaise de Timor relevoit
directement de Goa, le gouverneur avoit toujours 4 sa disposition un
certain nombre de soldats r^guliers , composes en partie d’Europ^ens et en
partie de cipayes de i’lnde; ces troupes formoient la garnison des forteresses
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LIVRE II. — Du Br£sil X Timor inclusivement. 71 5
etabiies principalement sur 4a cote : mais les choses sont aujourd’hui bien
dechues ; et la force arm^e dont le gouverneur de Dilie dispose ne se com*
pose plus que des d&achemens fournis alternativement par les rajas, e des
moradores ou miiices du pays , qui sont une esp£ce de troupe bourgeoise.
Les Portugais avoient jadis un assez grand nombre de fortifications
sur la cote septentrionale de Timor , et ils en ont encore queiques-unes ( 1 ).
Nous ne parlerons ici que de celles de Dilie, les seuies que nous ayons
pu examiner. « La principale defense militaire de cette place est une
batterie etabiie sur le rivage (voy. pi. 30 ); elle presente vingt-deux em-
brasures, dont dix-huit seulement sont garnies de canons dans le plus
mauvais etat; la lumtere de la plupart a deux ou trois pouces de cir-
conference , et les affuts sont en partie pourris : il n’y a que deux de
ces pieces, du calibre de trois, en bronze et montdes sur des affuts de
campagne, qui soient capables de servir; aussi dans toutes les salves
faites a notre occasion , ce furent toujours ces pieces que Ion tira. Les
autres, port^es par des affuts marins, sont pour la plupart du calibre
de 6. Cette batterie, flanqu^e & son extr^mite orientale par trois canons
du m£me calibre, nest pas en meilleur etat que ie reste. L’enceinte forme
un paralieiogramme rectangulaire ayant dans un sens 350 pieds environ et
200 dans I’autre. Des murs en pierre seche ferment cet espace , au mi-
lieu duquel s’eteve une maison k un etage , dans laquelle jadis logeoit le
gouverneur ; elle est plus vaste que celle qu il occupe aujourd’hui , mais
moins commode. Le rez-de-chauss^e est un magasin, et c’est 14 particulii-
rement quese conserventle grement et les ustensiles des canons. Plusieurs
cases adossles au mur meridional de ce fort, servent, les unes de pri-
sons pour les militaires , les autres de cuisines , d’ateliers de forge et de
charpentage, &c.
» Les murs de la partie Ouest de la batterie, prise exterieurement, sont
composes de petit gravier et de sable ; des pieux fiches en terre , et un
clayonnage en cotes de coco tier et en bambous, leur servent comme d'en-
veloppe ; en sorte que cette ligne de fortification a fair d’etre formee par
de grandes caisses cubiques pleines de gravier , entre lesquelies on auroit
place des canons.
4
(1 ) On cite entre autres Atapoupou, Manoutoutou, Fataro et Saro.
lie Timor.
De Fhomme
en societe.
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lie Timor.
De l’homme
en societe.
Administration
hollandaise.
71 6 VOYAGE AUTOUR DU MONDE.
» A i’Est de cette premiere fortification , on remarque un fortin carr<?
qui «ftonne sur-tout par la mature employee a sa construction : c’est uni-
quement de ia boue tirde dune mare ou bauge voisine ou les pores
viennent se vautrer. Quatre mauvais canons en fer du calibre de 4 en
forment I’armement; trois sont diriges vers PEst paralieiement au ri-
vage , i’autre au Nord - Ouest. Le terre-piein de ce petit fort , ou se
trouve un corps de garde ombrag^ par un toit en feuilies de cocotier,
est £ieve de cinq A six pieds au-dessus du sol.
» Plus loin dans 1 ’Est-Sud-Est, se voit un grand earn* palissad£, dans
lequei sont les maisons qu’occupent ies officiers et quelques autres em-
ployes du gouvernement. » ( M. Lamarche . )
Le costume des soidats de Dilie ( voy. pi, 30) consiste en une sorte
de camisole ronde, ouverte en partie sur la poitrine comme nos che-
mises ; une pagne en forme de jupon , fix^e & la ceinture, et qui descend a
peine jusqu’aux genoux ; une seconde pagne, qui sert tantot de manteau, et
tantot se drape aussi autour de la ceinture. Les sergens sont coiffes d’un
£norme chapeau & trois cornes ; les simples soidats se roulent autour de la
t£te un mouchoir bariol^ pour tenir dress^e une grande touffe de che-
veux qu’ils fixent ensuite avec une sorte de peigne en bambou. Les uns
et les autres ont les jambes et les pieds nus. L’arme distinctive des ser-
gens est un long sabre; ies soidats ont des fusils garnis de baionnettes.
A Coupang , i’administration hollandaise se composoit , en 1818, d’un
resident, M. Hazaart (1); d’un secretaire g^n^rai , M. J. M. Tieiman ;
d’un capitaine des burgers, d’un garde-magasin commandant du fort ; en-
fin d’un coiiecteur des impots et des douanes. Ce dernier, presque tou*
jours , est pris parmi ies Chinois dtablis dans Ie pays ; cette place se
donne a i’enchere , et ie tituiaire doit fournir deux cautions prises parmi
les n^gocians de ia viiie ies plus riches.
Ainsi que ceia a lieu chez ies Portugais, Ies rajas soumis a i’influence
europ^enne se divisent en rois soumis ou tributaires , et en simples allies :
mais tous ces souverains n’appartiennent pas A Timor; ia piupart habitent
ies iles voisines. Les Hoiiandais ies tiennent ie plus qu’ils peuvent dans une
( i ) Les appointemens du resident sont de 200 piastres [ 1 086 fr. ] par mois , ou [ 1 3 032 fr.}
par an ; ceux du secretaire, de 40 piastres { 21 7 fr. ] par raois , ou [ 2 606 fr. ] par an.
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LIVRE II. — Du BrIsil X Timor inclusivement. 717
dcpendance s 6 vkre , qui nous a generalement paru avoir quelque chose lie Timor,
d’avilissant. Quand la Compagnie a lieu de se plaindre d’un raja, elle De I’homme
force les autres X s’armer contre lui , et chacun d’eux est tenu d’envoyer
le contingent auquei les traites 1 ’obligent. C’est ce qu’on a fait , ainsi que
nous l’avons vu deja, a l’^gard du raja d’Amanoubang.
Les princes les plus puissans portent, comme marque distinctive, un
jonc a pomme d’or, sur lequei sont gravies les armes de la Compagnie;
les Malais les nomment rad) a rotan mas [rois a canne d’or] : les rois d’un
ordre moins &eve n’ont qu’un jonc a pomme d’argent. T<Tus sont fiers de
cette ^spece de sceptre , dont on cherche a leur faire valoir l’importance.
Administration de la justice. — Lorsque le sujet d’un raja voisin de
Coupang commet un delit, on i’envoie ordinairement au fort des Hol-
landais pour y £tre puni. Le resident ordonne le chatiment, qui con-
siste dans un certain nombre de coups de rotin , qui ne peut pas exceder
cinq cents : le patient , il est vrai , peut les recevoir en plusieurs fois ;
c’est toute la grace qu’on lui accorde; Pour des fautes plus graves ,
le coupable est d^porfo X Solor; mais si c’est un crime punissable de la
peine capitale , i’^ccuse qui I’a encourue est envoye a Batavia : cette der-
nidre formalite est nouvellement exig<fo , car , avant 1812, les condam-
nations de ce genre pouvoient recevoir leur execution a Timor m£me.
Finances. — T outes les taxes sont ordonnees par les Hollandais ; eiles
se paient d’avance et par trimestre , entre les mains du collecteur des im :
pots et des douanes. Les Malais sont exempts de toute imposition per-
sonnelle. Les Chinois seuls , lorsqu’ils ont atteint i’age de 1 4 ans r^vo-
lus , sont obliges de payer au gouvernement hollandais une capitation .
de six roupies [15 francs} par an : les femmes ne paient rien. Laferme
des impots et des douanes rapporte annuellement aux Hollandais de
7 000 k 8 000 piastres [38 010 a 43 44 ° francs]. Ce que le fermier
re^oit en sus de cette somme lui appartient de droit.
La taxe des douanes consiste en 6 p. 0/0 sur les marchandises intro-
duites, et 4 p. 0/0 sur celles qu’on exporte : un pikol de cire, d sa sortie,
paie un droit de 4 roupies ; c’est environ 1 7 francs par cent kilogrammes.
Les embarcations du pays sont elles*m£mes obligees a un droit d’expe-
dition avant de quitter la hide : on ne paie rien pour droit d’an-
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lie Timor.
De I’homme
en societe.
718 VOYAGE AUTOUR DU MONDE.
crage; mais le pilotage d’un brig coute 25 piastres [13 6 francs], et
celui d’un navire k trois mats 37 piastres 7 [204 francs].
La Compagnie s'est aussi reserve le droit d’accorder aux particuiiers
la permission de d^biter en detail de I’arack, de la viande, de la bougie,
et de tenir maison de jeu. EHe met ces privileges k prix , et les Chinois en
sont presque toujours les adjudicataires. La vente d’un navire ou dune
maison entre particuiiers emporte toujours aussi le paiement d’une
certaine somme.
Chacun des rois tributaires est oblige dedonnerannuellement.pour la
nourriture de chacun des soldats de la garnison , un cochon, quatre poules
et le quart d’un buffle. Cette quotite paroitroit peu de chose, si l’on ne
se rappeloit combien les habitans de Coupang consomment peu de viande,
et sur-tout de viande fraiche. II est inutile de dire que les rajas simple*
ment allies de la Compagnie , ne sont tenus a aucune taxe ; les avantages
que les Hollandais retirent de ces alliances resultent done des relations
commerciaies qu’elles facilitent avec eux.
Les revenus dont il vient d’etre fait mention servent & couvrir,
du moins en partie , les depenses de la colonie. S’agit - il de quelque
etablissement utile , les habitans riches sont invites k y cooperer de leur
bourse : cette retribution, tout -a -fait benevole, n’a d’autre mesure
que la generosite de celui qui donne, Quelquefois le resident specule
pour son avantage particular; e’est ainsi que M, Hazaart a fait construire
sur la riviere ,de Coupang , et dans une position avantageuse aux com-
munications, un pont 4 bascule assujetti a un droit de peage, et pou-
vant s’ouvrir pour laisser passer les navires.
£tat militaire. — Il y avoit, en 1818, pour la garde de Coupang,
trois compagnies de milice , savoir , une de burners [ bourgeois ou mili-
ciens], au nombre de 200 : ce sont des volontaires chretiens, pour la plu-
part metis hollandais. Les deux autres compagnies etoient compos&s de
mardykers [soldats volontaires] , envoyes des lies voisinespar les rajas allies
de la Compagnie , ou fournis par ceux de Timor m£me : dans ce nombre
sont compris les esclaves affranchis. En general , les Hollandais n’appellent
que rarement les habitans de 1’int^rieur , dans la crainte que la presence
d’une foule indisciplinee ne soit chez eux la cause de quelque dlsordre.
LIVRE II. — Du Br£sil X Timor inclusivement. 715)
En un mot, ils ne les demandent qu’en cas d’attaque ou d’un danger immi-
nent. Les peuples du dehors, et sur-tout ceux qu’on a pu soumettre de
longue main k une sorte de regime militaire rdgulier , sont prdfdres pour
ia garde habituelle de la coionie.
Lors du sdjour de I’Uranie a Coupang , la garnison du fort Concordia
se composoit de quarante soidats natifs d’Amboine , sous les ordres d’un
sergent. Ce service est quelquefois confix a des soidats bougis, ainsi nom-
mes dune peuplade qui habite la partie Sud-Ouest de Tile Celebes , et
dont les hommes louent frdquemment leurs services en cette quality a la
plupart des dtablissemens europdens du grand archipel d’Asie.
L’uniforme de la troupe du fort hoilandais consistoit en un habit
bleu de roi , avec paremens bleu de ciel, et en un pantalon ordinaire-
ment blanc ; point de chaussure : on en peut prendre une idee sur notre
planche 21; celle du n.° 23 reprdsente la tenue guerridre des corps
irreguliers d’indigdnes. Les armss de ces derniers ne different nullement
de celles dont ils se servent chez les Portugais de Dilid; leur manidre
de combattre est aussi la mdme.
Voici quels sont les appointemens , rdduits en francs, des.militaires de
la garnison du fort.
grades.
TAUX APPROXIMAT 1 F
DES APPOINTEMENS
pour chaque homme.
REMARQUES.
•
Par mois.
Par an.
Serge nt
70 fr.
30.
20.
840 fr.
360.
240.
1
Chaque soldat recoil cn tut, chaque moit, 40 livret de
^ rix, 6 boutcillct d'arack, 2 bouteilles de vinaigre et
| 3 livret de tel.
I
Canonniers
Soidats
« Le fort Concordia , bati a I’embouchure et sur le bord occidental
de la riviere de Coupang , dit M. Lamarche , a une forme trds-irrdguiiere.
La porte d’entree est a I’angle du Sud-Est ; un redan prdsentant trois em-
brasures , aujourd’hui sans canons , etoit primitivement destine a la dd-
fendre. Vers le Nord-Est, a l’extrdmlfd du front oriental, un autre re-
Voyage de VUranie. — Historique. Y V VV
lie Timor.
De Hiomme
en soci&e.
$
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lie Timor.
De Thom me
en societl.
720 VOYAGE AUTOUR DU MONDE.
dan est garni de trois canons de 6 , dont deux sont diriges sur le debar-
cadere , et ie troisieme sur la courtine.
» Le front du Nord, ou piutot du Nord-Ouest, qui est ie mieux arme,
se partage en deux redans qui presentent chacun six canons de 18 et
de 12(1), dont cinq battent ie mouiliage et un defend ie flanc. A l’ex-
ception de trois canons de bronze, tous ies autres sont en fer, montes
sur affuts marins et dans ie pius mauvais etat.
» A i’angie occidental, ou se termine Ie front precedent, on voit deux
canons destines a defendre la plage et une partie de la campagne voi-
sine de ia mer : ces canons ont leur voiee sur ie parapet.
» Enfin, a i’angie du Sud, ii y a encore un bastion, avec huit embra-
sures, mais sans canons.
» Tous ies murs de ce fort sont en pierre’> ma^onnes a chaux et a
sable. II n’y a point de fosse ; et Ies seuies defenses analogues dont la na-
ture ait fait ies frais, sont ia riviere du cote de i’Est, et la mer au Nord.
La partie circonscrite par Ies murs est spacieuse , et offre ies batimens
necessaires pour le logement de 2 a 300 homines: ii, sont encore des
magasins divers , une prison et un temple protestant ; ces Edifices , k la
v^rite, sont assez mai entendus, puisque, etant beaucoup pius devds que
Ies murs du fort eux-m£mes, iis pourroient £tre renverses avant que ies
fortifications qui Ies entourent eussent re£u la moindre atteinte ; mais ii se
peut qu’en construisant ces maisons, on eut eu deja ia pensee que ce
fort n’etoit point en etat de soutenir un siege ; ii seroit bien plus simple ,
en effet, de tenter I’escaiade du cote de I’Ouest, ou ies murs ont a peine sept
pieds de hauteur au-dessus du sol , que de s’amuser a Ie battre en breche.
» D’apres ce qu’on vient de dire , ii est Evident que Ie fort Concordia
ne pourroit oflrir m£me une ombre de resistance que du cote de ia mer ;
encore une fregate qui viendroit s’embosseradeuxencabiures de iacdte, ce
qui est possible, auroit bientot demanteie la place et fait taire son feu :
cette issue du combat seroit necessairement d’autant pius prompte , que ,
Ies parapets etant extr£mement bas , Ies canonniers auroient ete en prise
k tous Ies coups de i’ennemi.
( i ) M. Duperrey, dans Tesquisse qu’il a d^nnee de la ville de Coupang, sur la planche n.° 2
de notre Atlas hydrographique , a jug£ differemment du calibre de ces pieces.
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J_IVRE II. — Du Brasil a Timor inclusivement. 721
» Lorsque j’allai visiter ce fort, je n’y trouvai qu’un petitnombre de sol-
dals qui formoient la garde du jour, et peut-^tre celle de tous les jours;
ils se tenoient dans un corps de garde malpropre, occup^s a chiquer
le betel. Je remarquai cependant que leurs fusils n’&oient pas en mau-
vais etat. Le factionnaire de la porte d’entr^e et un autre plac^ a langle du
Nord-Est ^toient les seuls qiii veillassent a la surety de la place. »
FIN DU PREMIER VOLUME.
Y yyy*
He Timor.
De Thomme
en society.
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(rravr ptrr £. Ofwier ef (bu/a/if
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ot a f++ 0^
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TABLE ANALYTIQ.UE
DES MATIERES
I
CONTENUES DANS LE TOME PREMIER.
PREMIERE PARTIE.
Preface- : Pages v.
Noms des personnes composant Petat-major. . . XI .
Rapport de I’Academie des sciences , fait au retour de I’expedition x 1 1 1 .
LIVRE PREMIER.
TRAVERSEE DE FRANCE AU BRASIL INCLUSIVEMENT.
CHAPITRE I." — Objet du voyage; pr£paratifs et depart. . i — 12.
Composition de V expedition ; choix des instrumens , page 4 . —
Approvisionnemens , 6.
CHAP. II. — Traversee de Toulon a Gibraltar 13 — 23.
Description sommaire de Gibraltar, 1 7.
CHAP. III. — Traversee de Gibraltar a Rio de Janeiro ;
relAche A Teneriffe 24 — 28.
CHAP. IV. — Sejour a Rio de Janeiro (i/* relAche) 29 — 4 o.
%
CHAP. V. — Esquisse historique de la province de Rio de
Janeiro 4 * — 72.
Decouverte du Bresil , 4 ** — Decouverte de ia baie de Rio de
Janeiro, 42. — Iitablissemens des Portugais au Brasil; division du
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7 14 table analytique.
Brasil en neuf capitaineries , 43 * — litablissemens des Fran^ais a Rio
de Janeiro , 44 * — ^ es Portugais viennent Ies y attaquer, 46. — Nou-
velle attaque dans Iaquelle la colonie fran^aise est entierement de-
truite, 47 -
Les Portugais fondent la ville de Rio de Janeiro , 48. — Defaite des
Tamoyos et Tupinembas, qui emigrent a Pinterieur; attaque de Rio de
Janeiro par les HoIIandais, 49* — Gouvernement du celebre Correa
de Sa; les colons portugais vont a la chasse aux esclaves; les jesuites
s’opposent a ces vexations, ce qui leur suscite un grand nombre cTen-
nemis, 50. — Insurrection des colons; elle est apaisee; Rio de Ja-
neiro attaque par le capitaine fran^ais du Clerc, 51. — Prise de cette
ville par du Guay-Trouin, 5 2. - Elle se rachete par capitula-
tion, 53.
Ministere du marquis de Pombal , 54. — Travaux des jesuites en
faveur des Indiens du Bresil; plaintes des colons, 55. — Le frere
du marquis de Pombal nomme gouverneur du Bresil; les jesuites vive-
ment accuses , 56. — Changement notable op£r6 dans les aldees ;
plaintes des jesuites, 59. — Conduite de Pombal , 60. — Expulsion
des jesuites du Bresil, 61. — Nouveau systeme pour la civilisation des
Indiens, 62. — Depopulation rapide des aldees, 64. — Gouveme-
ment remarquable du marquis de Lavradio; exploitation des mines
d’or; guerre contre les Aymures, 66.
La cour de Portugal se retire au Bresil; avenement de D. Jean VI
au trone, 67. — Revolte de Pernambuco; etablissement (Tune colo-
nie suisse dans la province de Rio de Janeiro , 68.
Retour du roi a Lisbonne; D. Pedro nomm6 prince regent; revolte
de Bahia; lois vexatrices de la mere-patrie a Iegard du Bresil; plaintes
de D. Pedro ; il re<^oit Pordre de revenir en Portugal ; les Bresiliens s’op-
posent a ce depart; revolte de la garnison portugaisede Rio de Janeiro,^.
— D. Pedro force ces troupes a se rerabarquer pour ITEurope, 70.
D. Pedro procIam£ defenseur perpetuel , et bientot apres empereur du
Bresil, 71. — Reduction et capitulation de Bahia; projet d’une charte
politique; declaration de guerre contre Buenos-Ayres; reconnoissance
du Bresil par les principaux cabinets europeens; mort de D. Jean VI ;
renonciation de D. Pedro i la couronne de Portugal, en faveur de sa
fille Dona Maria; ouverture des chambres legislatives a Rio de Ja-
neiro, 72.
CHAP. VI. — Description geographique et physique de la
province de Rio de Janeiro 73 — 144.
$. l. cr Limites, dimensions , montagnes 73.
S. 11. Rivifres, lacs et marais 7j.
S. ill. lies, ports et rades 82.
IV. Divisions politiques :villes , villages , &c.* 84 .
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TABLE ANALYTIQUE. 725
S. V. Observations de meteorologie et de physique 92.
Temperature ,*93. — Barometre , 96. — Vents, 97. — Piuie ,
humidite, 99. — Magn£tisme; oscillations du pendule; marees ,101.
S. vi. Geologie et mineralogie 102.
S. Vi I. Fertilite du sol , productions vege tales. . . . 1 1 1 .
Fertilite du sol , 1 12. — Productions vegetales, 1 1 3. — Tableau des
principaux bois ,115. — Proprietes physiques de differens bois , 123. —
Tabeaia des principaux fruits, 125. — Apices; plantes medicinales ,
129. — Plantes propres aux arts, 131. — Fourrages, 133.
S. VIII. Productions animates 133.
Mammiferes, 133. — Cetaces; oiseaux, 136. — Reptiles, 138. —
Poissons, 139. — Coquillages et crustaces; insectes , 140.
CHAP. VII. — Des peuples sauvages de Rio de Janeiro , A
l’epoque de l’arrivee des Europeens i4j - 160.
S. I. €T De rhomme consider^ comme individu 1 4 -J •
Habitans primitifs , 1 46. — Constitution physique ; maladies , 1 47 *
S. II. De I’homme vivant enfamille i 48 .
Occupations; nourriture, 148. — Vetemens, parures , 149. — Ha-
bitations, 15 1.
S. III. De rhotnme reuni en societe . : . 1 5 1 .
Population; caractere; moeurs, 1 51. — Amusemens , 1 52. — Reli-
gion ; ceremonies religieuses , 153. — Mort ; sepulture , 1 j 4 -
S. IV. Industrie 155.
Agriculture; chasse; peche; fabrications diverses, 155.
S. v. Gouvernement 157.
CHAP. VIII. De la colonie portugaise de Rio de Janeiro. . i6\ -323.
S. I. €r Diversite des races ; vie physique ; maladies 161.
Diversite des races; vie physique, 161. — Causes des maladies, 162.
— Nature des maladies , 164. — Variole, 165, — Vaccine, 166. — liry-
sipeles, 167. — Gale , 169. — Lepre; ulceres; syphilis; phthisic tuber-
culeuse, 170. — Dysenterie, 171. — Hydropisie; hydrocele; sarcocele;
manie, 1 72. — Tetanos; coqueluche. £poques et intensite des maladies;
moyens prophylactiques ,173.
S. II. Rapports domes tiques: nourriture , vetemens , habitations , &c . . , . 1 74.
Nourriture, 174. — Vetemens, 177. — Habitations, 178. — Meubles
et ustensiles , 1 80.
S. in. Rapports moraux et sociaux : detail sur les villes et les villages ;
population, moeurs , religion, usages particulars , & c . ..... . 182.
Details sur les villes et les villages: Ville capitale , 182. — Campos;
San-Joao da Praia; Cabo-Frio, 190. — Macahe; Marica; Macacu ;
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G )gle
7 i6 table analytique.
Mage; Porto da Estrella; Parati; Angra dos Reis, 191. — San-Joao
de Marcos; Registo do Parahyba; San-Pedro de Cantagflllo; Nouveau-
Fribourg; aldees des Indiens. Population : Nombre des individus, 192. —
Details particulars, 195. — Caractere et moeurs des habkans , 198. —
Education : Allaitement , 200. — Instruction ,201. — Religion , 204. —
/ ' O ' M.
Couvens, 205. — Etablissemens de charite , 207. — Enterremens,
208. — Usages particuliers ; amysemens, 210. — Luxe, 212.
S. IV. Litterature , sciences et beaux-arts 213.
S. V. Industrie agricole et manufacturiere 217.
Agriculture , 217. — Outils, ustensiles, &c., 218. — Engrais; ope-
rations de culture, 219. ^ Recoltes; clotures; animaux nuisibles; edu-
cation des bestiaux, 220. — Chasse; peche, 221.
Arts , metiers , manufactures : Emploi des metaux et des pierres fines,
222. — Emploi de la pierre et de la chaux ; emploi du verre , 223. —
Emploi de substances vegetales,* 224. — Emploi de substances ani-
males , 226. — Emploi de substances mixtes , 227. — Arts chi-
miques, 228.
S. VI. Industrie commerciale 231..
Marchandises d* exportation : Substances minerales; substances veg^-
tales, 232. — Marchandises tirees du regne animal , 233. — Tableau
des productions Iivrees au commerce, 234. — Tableau du sucre et du
cafe exports, 235. — Tableau de Importation de quelques autres den-
rees; tableau de la valeur des marchandises exportees , 236. — Pro-
ductions, consommations et exportations d’Hha-Grande , 237. — Ar-
ticles exportes a Lisbonne , 238.
Marchandises d* importation / Tableau des marchandises propres a etre
importee$ a Rio de Janeiro, 239. — Tableau de la valeur des mar-
chandises importees, 241. — Traite des negres; halles et marches, 242.
Transport des marchandises : Transports par terre; nature des che-
mins, 243. — Auberges sur les routes; portarias , 245. — Transports
par eau, 246. — Tableau des navires portugais ou bresiliens qui sont
entres dans le port ou en sont sortis , 248. — Tableau des navires
etrangers, idem , 251. — Poste aux lettres et paquebots; vigies de la
cote, 252. — Commenjans; interct de l’argent; transactions commer-
ciales, 253. — Commerce interlope; compagnies exclusives; banque,
254. — Compagnies'd’assurance; meilleur empIoi,a faire des fonds , 2j$.
Mesures et monnoies : Mesures lineaires , 259. — Mesures agraires ou
de surface, 260. — Mesures de capacite et de solidite , 261. — Poids;
monnoies, 263. — Divers tableaux pour la reduction des mesures et
monnoies de Rio de Janeiro en celles de France et reciproquement, 266.
§. VII. Gouvernement. 275
Nature du gouvemement ; chefs , hierarchie : Pouvoirsouverain , 27
Noblesse, 276.—^ Ministres du Roi , 277. — Gouverneurs de provinces;
ancien gouvernement de Rio de Janeiro, 278. — Lois , tribunaux ,
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TABLE ANALYTIQUE.
administration publique : Tribunaux , 279. — Lois, 286. — Chatimens,
287. — Police, 288. — Precautions contre Tincendie, 289.
Finances , 289. — Fonds per^us par le tresor roya!, 290. — Fonds
perils par la douane, 291. — Fonds per^us par la meza da ins-
pec<jao, 292. — Fonds per^us par Ies fermiers royaux; fonds penjus par
diverses administrations, 293. — Recettes extraordinaires, 294. — Im-
pots secondaires ; dette publique ; budgets du royaume du Bresil, 295. —
Tableau comparatif des recettes et des d^penses generates du Bresil
depuis iSiojusqu’en 1827,314*
£tat militaire, 315. — Tableau de !a composition et de la soide
(Tun regiment d’infanterie de ligne, au Bresil, 316. — Loi de recrute-
ment, 317. — Divers abus, 318. — Habillement des troupes; nombre
de soldats; vertus du soldat portugais, 319. — Arsenal de i’armee; for-
tifications, 320. — Forces navales; arsenal de la marine, 323.
CHAP. IX. — Des peuples indigenes actuels de la pro-
vince de Rio de Janeiro. . 324- 34 ■ «
S. I. CT Des Indiens civilisis 325.
Indiens de San-Lorenzo; Indiens de San-Pedro, 325. — Indiens des
bords du Macahe; Indiens de Cabo-Frio, Campos, &c.; Indiens voi-
sins de Mangaratiba, 326.
§. II. Indiens a demi civilisis 327.
$. III. Des Indiens sauvages 330.
$. IV. Riflexions ginerales 335.
deuxi£me partie.
LIVRE II.
DU BRASIL A TIMOR INCLUSIVEMENT.
4
CHAP. X. — TraversEe de Rio de Janeiro au Cap de
BoNNE-EspErANCE; sEjOUR DANS CETTE CO-
LONIE 343 -in-
Remarques sur le Cap de Bonne-Esperance 3 5 o.
Miteorologie : Temperature, 351. — Vents; magnetisme; oscillations
du pendule, 352. — Geologie, 353. — Maladies, 354. — Monnoies;
droits du fisc , 355-
CHAP. XI. — Traversee du Cap de Bonne-Esperance a l’Ile-
DE-FrANCE; SEJOUR DANS CETTE COLONIE 3 5 6 - 363.
Voyage de I'Uranie. — Historique. Z ZZ Z
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728 TABLE ANALYTIQUE.
CHAP. XII. — Remarques sur l’Ile-de-France 364-433-
S. I. er Observations de meteorologie et deqphysique. 364 -
Temperature, 364* — Barometre, 366. — Humidite, 367. —
Vents, ouragans, 368. — Trombes, 371. — Grele ; oscillations du
penduie; magnetisme, 372. — Marees; analyse des eaux, 373.
S. 11. Geologie 375.
S. III. Vie physique des habitans ; maladies * 383.
Qualites physiques, 383. — Age de puberte; duree de ia vie; fecon-
dite, 38J. — Nature des maladies: Affections cutanees, 386. — Flegma-
* sies; ophthalraie; croup; dysenterie, 387. — Hepatite; maladies des
voies urinaires; maladies convulsives, 388. — Affections vermineuses;
hydrophobie, 389.
S. iv. Population, mceurs , usages particulars, &c 390.
* Population, 391. — Caractere des habitans, 393. — Filles pu-
bliques ; concubines; preference donnee aux femmes de couleur, 396. —
Bals,397. — Reflexions sur les mulatresses, 398. — Education, 400. —
Amusemens : Musique, 403. — Danse, 405.
Langage , 406. — Le Chasseur, conte en Iangage creole de rile-de-
France, 407. — Le Iievre et la tortue, fable traduite en creole, 4 * i-
S. V. Industrie commercial . . . 4 * 3 -
Commerce d'exportation : Substances minerales; substances v^getales,
413* — Substances animales; substances manufactures, 415. — Ta-
bleau des produits agricoles de FIIe-de-France, 418.
Commerce d*importation : Tableau des importations qui ont eu lieu
a FIIe-de-France, 420. — Prix de quelques denrees, 4 22 . — Transport
del marchandises, 423.
Monnoies , 4 2 4 * — Commer^ans et commerce , 4 2 ^. — Mono-
poles; interet de Fargent ; credit; compagnies d’assurance; banque,
427. — Balance commerciale, 4 2 8 .
S. VI. Gouvernement de la colonie 43 °-
Attributions du gouverneur, 43 ^- — Administration, 43 *. — Po-
Iice; appointemens des principaux employes, 432. — I m pots; douanes;
* tarif des droits imposes a Fexportation, 433 *
CHAP. XIII. — Travers£e de l'Ile-de-France A l’Ile Bour-
bon; s£jOUR DANS CETTE DERNI&RE COLONIE. 434 ” 447 -
S. I." Rmarqu.es sur Pile Bourbon 435 *
Vents, 435 * — Ras-de-maree; magnetisme; maladies, 436. — Ho-
pitaux; population, 437 - — Portrait des habitans, 438. — Quelques
usages, 439 * — Terrasses, 44 °*' — Cultures colonial es, 44 1 - — Abon-
dance des denrees a Saint-Paul; prix des denies, 443 * — Commerce,
444 - — Tableau des importations, 445 - — Tableau des exportations,
446. — Balance commerciale, 447 *
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TABLE ANALYTIQUE. . 729
CHAP. XIV. — Travers£e de l’Ile Bourbon A la Nouvelle-
Hollande; sejour A la baie des Chiens-
Marins . . . . 448-469.
Arrivee a la Baie des Chiens-Marins; etrange situation ou se trouve
I’equipage; envoi d’une expedition sur Tile Dirck-Hatichs, 44 ®* — ‘
iyiouillage a la rade de Dampier; distillation de I’eau de mer, 449 * —
litablissement d’un observatoire sur la presqu’ile Peron ; entrevue
avec les sauvages, 4 s°* — Nouvelle exploration du havre Hamelin;
details sur I’expedition envoyee a Dirck-Hatichs, 4 j 4 * — On rapporte
a bord une plaque hollandaise, en etain, gravee, 4^7*
Incursion sur la presqu’ile Peron; situation perilleuse de deux de nos
compagnons; on va a leur recherche, 460. — Recit de cette course,
461. — Retour de Tembarcation envoyee dans Ie havre Hamelin,
467. — Depart de la rade de Dampier; exploration de Pile de Qoore;
echouage momentane de la corvette; on remet sous voiles pour
Timor, 469.
CHAP. XV. — Quelques remarques sur la baie des Chiens-
Marins 470 - 486 .
S. I. CT Observations de physique et de gSologie 470 .
Vents; temperature de Fair, 470. — Temperature de la mer; ma-
gnetisme, geologie, 47 1 • * *
S. II. Productions 476.
Productions vegetales : Presqu’ile Peron ; ile Faure , 477 - — He
Dirck-Hatichs, 478. — Productions animales, 479 *
S. ill. Espece humaine 48 o.
S. IV. Inscription hollandaise 48 a.
CHAP. XVI. — Traversee de la Nouvelle - Hollande a
Timor; sejours dans cette ile; incursion
X l’ile Ombai 487-520.
S. i. CT De la baie des Chiens-Marins a Coupang ; sejour dans cette
colonie 487.
Vue successive des ties Rottie, Douro, Dako, Noussa6, Simao et
Timor, 487. — Mouillage a. Coupang, 488. — Etablissement d’on
observatoire fravitaillement de la corvette; reunions du soir, 489. —
Visite a fempereur de Bacanassi, 490. — Chaleurs excessive*; cere-
monie religieuse des Chinois, 492. — Course au village de Names-
sey, 493. — Visite aux rajas de Denka et de Dao, 495 * — Examen
d’une rouma pamali [maison sacr£e], 496. — Course a Babao, 497 * —
Quelques hommes de I’equipage atteints de dysenteric ; depart de Cou-
pang, 498.
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jo TABLE ANALYTIQUE.
s. ii. Traversie de Coupang & Dilli . > 499*
Contrarietes provenam des courans et des calmes, joo. — Incur-
sion a Pile Ombai; rencontre d’un navire baleinier anglais, joi. >
. Details sur la pechede la baleine: Mers oil abonde Ie cachalot, 50 i. —
Nombre de navires employes a cette peche; produit d’un cachalot;
maniere de harponner la baleine, 502. — Extraction de l’huile et du .
blanc de baleine; details du foumeau, 505. — Valeur de la cargaison; *.
benefices, 506. — Remarques sur la force contractile des requins;
passage du detroit d’Ombai, 508. — Mouillage a Dille, 509.
S. III. Ditails de V excursion, sur Vile Ombai J <0.
Visite au village de Bitouka, 510. — Observations sur les habi-
tans, 51 1. — Maisons; productions, 513. — Nouveaux details sur
les Ombayens, 514. — Musique; industrie, 5 1 5.
S. IV. Sejour k Dilli $ 1 6.
CHAP. XVII. — Essai historique sur l’ile Timor 521- j 4 6 .
Obscurite des premiers temps de cette histoire; recherches sur les ha-
bitans primitifs de Timor, 521. — lipoques des premieres relations avec
la Chine, Ie Japon et Plndostan, 522. — Determination precise de
cette derniere epoque; arrivee des Arabes dans Parchipel d’Asie, 523.
Voyage de Marco-Polo; navigation hardie de Vasco de Gama; eta-
blissement des Portugais aux JVIoluques, 524. — Arrivee de Magellan
sur ce point ;*decouverte de Timor, 525. — Les Espagnols font la
conquete des Philippines, et y fondent Manille, 526. — Premiere ap-
parition des Hollandais et des Anglais dans I’archipel d’Asie; prise
des Moluques par les Hollandais ; reflexions sur leur politique, 527. —
Jitablissemens des portugais a Timor; attaque de Floris et de Solor,
puis de Timor, par les Hollandais, 528.
Les habitans de Macassar introduisent, a main arm£e, I’islamisme a
Timor, 529. — Des missionnaires portugais y arrivent peu apres aussi ,
J30. — Le roi de Veale prend a Timor les armes en faveur du mahome-
tisme; il est vaincu par les troupes portugaises envoyees de Laren-
touka, 531. — Prise de Malaca par les Hollandais ; ils batissent un fort
a Coupang, 532. — Transaction entre les parties belligerantes ; Ie
chef-lieu du gouvernement portugais de Timor est etabli k Lefao,
J33. — II est plus tard transfere a Dille, 534. — Mesure deplorable
pour cette colonie; consequences qui en sont la suite, 535. — Les
Hollandais profitent de ces fautes pour aqgmenter la prosperite de leur
colonie de Coupang, 536.
Les Anglais capturent le fort Concordia, 536. — II est bientot repris
par les indigenes, 537. — Revolte du raja cf Amanoubang contre Pauto-
• rite hollandaise ; Coupang pille par une fregate anglaise , 537. — Nou-
velle tentative qui met enfin cette place entre les mains des Anglais ;
elle est definitivement restituee a ses anciens maitres; guerre contre le
raja d’Amanoubang; tentatives des Hollandais pour etendre leur auto-
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TABLE ANALYTIQUE.
rite k Timor, 538. — Protestation da gouverneur portugais k ce
sujet, 539. — Pieces k I’appui, 54°* — Reflexions k ce sujet, j 4 f *
Table chronologique , formant Vappendice de Vhistoire de
Timor . j4 3*
CHAP. XVIII. — Description de Timor 5 4 7-721 •
S. l. eT Details geographiques 547 -
Limites; dimensions; montagnes, 547. — Rivieres, 548. — Marais;
lacs, 549. — Ports et rades, 550. — Divisions politiques, 552. — Ta-
bleau des royaumes de Timor dependant des Portugais, 553. — Ta-
bleau de ceux qui sont soumis aux Hollandais, j$ j.
S. II. Observations de mSteorologie et de physique 558.
Temperature, 558. — Barometre; vents, 559. — Saisons, j6o. —
Humidite; analyse des eaux, 561 . — Magnetisme; marees, 562.
S. Hi. Geologie et minSralogie 563.
Geologie, 563. — Mineralogie : Or-, 566. — Cuivre, 568. — Fer;
soufre; sel gemme, 569. — Salpetre; huile de petrole; eaux minerales ;
terres argileuses : 570. *
S. IV. Fertiliti du sol ; productions 571.
Fertilite du sol, 571. — Productions vegetates, 573.— Plantes ali-
mentaires, 577. — Plantes medicinales, 580. — Bois de construction
et de charpente, 58 r. — Plantes propres aux manufactures et aux arts,
582. — Plantes d’agrement; plantes pour la nourriture des bestiaux, 584.
Productions animates : Ma m mi feres , 585. — Obeaux, 586. —
Pobsons; crustace$; testaces, mollusques et polypes, 587. — Quadra-
pedes ovipares et reptiles; insectes, 588.
S* V. De rhomme considers comme individu 5 89.
Diversite des races, 589. — Qualites physiques, 590. — Dur 4 e de
la vie; age de puberte; duree de la lactation; fecondite, 592.
Maladies : Fievres, 592. • — Maladies cutanees, 595. — Syphilis;
catarrhes; maladies desenfans; dysenterie, 596.
Remarques et reflexions sur la dysenterie contractee a. Timor, 598. —
Insuffisance des avis donnes; precautions prises; examen topographique;
plan de ce memoire, J99. — Debut de la maladie ; symptomes; nombre
de malades; situation dans le canal d’Ombai, 600. — Situation apres.
notre depart de Dille; situation apres farrivee a Rawak, 601. — Trai-
tement employe, 602. — Situation avant d’arriver aux Mariannes;
terminaison de la maladie , 603. — Observation d’une dysenterie
suivie d’enterite, &c., 604. — Dysenterie chronique compliquee, &c.,
60 j. — Non-contagion de la dysenterie, 606. — Causes de la dysen-
terie; marche a suivre dans son traitement, 607. — Refutation du sys*
teme de Peron, 61 1.
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; 2 TABLE ANALYTIQUE.
S. vi. De fhomme vivant enfamille. * * . , . . 6 13.
Nourriture, 61 ). — Mani^re de servir les mets; nombre des repas,
614. — Vetemens des indigenes, 6 1 5. — Vetemens des Chinois,
617. — Vetemens des metis europeens, 618. — Habitations : Ha-
bitations des Timoriens, 619. — Maisons des Chinois; maisons des co-
lons europeens , 620. — Meubles ,621. — Ustensiles de menage : Usten-
siles propres a la cuisson des mets; ustensiles ou Ton sert les alimens;
vases destines 4 conserver I’eau; ustensiles pour Peclairage, 622. —
Ustensiles divers, 623. — Occupations domestiques , 624. — Usages
particulars /Meridienne; proprete; longueur des ongles; dents (Tor,
625. — Temoignages d’amitie; betel, 626. — Cigares, 627.
S. Vll. De Vhomme reuni en societe 627.
Villes et villages, 627. — Population : Nombre d’individus, 628. —
Classification des habitans, 630. — Diversite des Iangues, 631. —
Caractbe et mceurs des habitans : Qualites morales des Timoriens, 632.
— Qualites morales des Malais; qualites morales des Chinois, 633. —
Education, 634. — Religion des Timoriens: Croyance, 635. — Culte;
temples, 637. — Ceremonies aux grandes 6poques de la vie, 638. —
Sepultures, 640. — Religion des Malais , 641. — Religion des Chinois ,
642. — Secte des lettres, 643. — Secte des sorciers , 648. — Secte
de Fo , 651. — Description du temple chinois de Coupang, 653. —
Ceremonies religieuses, 655. — Mariages chinois; sepultures, 658. —
epitaphes, 659. — Religion chretienne, 660.
Amusemens : Reunions de societe, 662. — Danse, 663. — Musique,
664. — Jeux, 665.
S. viii. Industrie agricole et manufacturiere 670.
Agriculture, 670. — Outils; engrais; travaux de culture, 671. —
Recoltes, 673. — Education des bestiaux; chasse; peche, 674.
Arts chimiques : Vin de palmier; arack de Batavia, 676. — Biere ,
677. — Sucre; huile de coco, 678. — Huiles essentielles; teintures; sel,
679. — Viandes et poissons secs , 680.
Arts mecaniques : charpentage; forges, 680. — Orfevres; tissage des
etoffes, 681. — Fabrication de cordages ,‘682. — Filets de peche;
poteries. Construction navale : Nature des navires construits, 683. —
Details de construction, 684. — VoiIure,68j. — Ancres; calfatage;
approvisionnemens ; details divers, 686.
S. IX. Industrie commerciale 687.
Marchandises d* exportation : Substances minerales ; substances ve-
getales , 687. — Substances animales , 689. — Substances manu-
factures, 692. — Tableau des marchandises propres aetre exporTes
de Timor, 693.
Marchandises d'importation : Etoffes de coton, 694* — Etoffes de
Iaine; objets divers, 696. — Tableau des marchandises qui pourroient
etre importees avec avantage sur cette ile, 697. — Transport des mar-
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TABLE ANALYTIQUE.
chandises. Co'mmergans et commerce : Commerce des Poriugais, 698. —
Commerce des Hollandais; commerce des Chinois, 699.
Mesures et monnoies : Mesurds de longueur; mesures de surface; me-
sures de capacite, 700. — Poids, 701. — Monnoies, 703. — Tableau
des mesures, poids et monnoies employes sur Tile Timor, 704.
S. X. Gouvemcment
Chtfs, hierarchie : Nature du gouvernement timorien ; succession au
trone, 705. — Noblesse* Legislation : Lois et administration de la
justice; delits et chatimens, 706. — Esclavage; successions civiles,
708. — Finances; etat militaire, 709. — Etat politique, 71 1.
Administration portugaise: Formes administratives, 712. — Influence
des Portugais sur les indigenes; administration de la justice; finances,
713. — Etat militaire, 714. — Fortifications, 715. — Costume des
soldats ,716.
Administration hollandaise : Formes administrates , 716. — Admi-
nistration de la justice; finances, 717. — Etat militaire, 718. — Uni-
forme des soldats; appointemens des militaires ; fortifications, 719.
FIN DE LA TABLE DES MATIERES DU TOME PREMIER.
734
ERRATA.
Dans le texte. Page 352, lig. 3, en remontant, au lieu de 2 6" 23' 31" : lise%
26° 30' 31".
Dans I’atlas. Planche jp, sur ies £chelles au bas de la carte, au lieu de 12 s 12' •
lise% 1 3 0 1 2'.
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